Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13618 | 30 septembre 2014

Les menaces contre l’humanité posées par le groupe terroriste connu sous le nom d’«EI»: la violence à l’encontre des chrétiens et d'autres communautés religieuses ou ethniques

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Theodora BAKOYANNIS, Grèce, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Débat selon la procédure d’urgence, Renvoi 4059 du 29 septembre 2014. 2014 - Quatrième partie de session

Résumé

Le monde est choqué par les menaces que représente le groupe terroriste connu sous le signe «EI» («Daesh «en arabe), qui n'a de cesse de semer la mort et la destruction à travers l'Irak et la Syrie. Son avancée rapide et dévastatrice au Proche et au Moyen-Orient a transformé la persécution sans cesse croissante des communautés religieuses ou ethniques en une offensive meurtrière à grande échelle.

Les pays du Moyen-Orient, ainsi que l'Europe et la communauté internationale en général, devraient condamner fermement tous les actes de violence et coopérer pour mettre fin aux massacres en cours et ramener la paix dans la région.

Les livraisons d'aide humanitaire devraient être intensifiées urgemment. L'Assemblée parlementaire devrait continuer à suivre de près la situation dans la région ainsi que les conséquences humanitaires tragiques de la crise actuelle et la question des combattants terroristes étrangers.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l'unanimité par la commission le 30 septembre
2014.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire est profondément choquée par les menaces que représente le groupe terroriste connu sous le signe «EI» («Daesh» en arabe), qui n'a de cesse de semer la mort et la destruction dans le nord de l'Irak et à l'est de la Syrie.
2. Elle appelle une nouvelle fois l'attention sur la situation des Chrétiens et d'autres communautés religieuses et ethniques au Moyen-Orient, en général, et en Irak et en Syrie, en particulier. Au vu des derniers développements intervenus dans la région, en particulier l'attitude de l'«EI», la situation de ces communautés n'est plus à qualifier dorénavant d'inquiétante, mais de désespérée. En certains endroits à présent sous le contrôle de l'«EI», ces communautés ont d'ores et déjà disparu.
3. Dans ce contexte, l'Assemblée rappelle ses Recommandations 1957 (2011) sur la violence à l'encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient et 1962 (2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel; ainsi que ses Résolutions 1878 (2012) sur la situation en Syrie, 1902 (2012) sur la réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie, 1928 (2013) «Sauvegarder les droits de l'homme en relation avec la religion et la conviction et protéger les communautés religieuses de la violence» et 1940 (2013) sur la situation au Moyen-Orient.
4. L'Assemblée réitère sa vigoureuse condamnation de tous les actes de violence. Elle est fermement convaincue que la priorité première doit être de mettre fin aux massacres perpétrés actuellement et que les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent mettre tout en œuvre pour concourir à l'instauration de la paix dans la région.
5. Tous les Etats du Moyen-Orient et de la communauté internationale au sens large doivent condamner d'une même voix et avec la même fermeté les actions violentes, ainsi que le nettoyage religieux et ethnique commis par l’«EI» et unir leurs forces pour faire face à la crise actuelle et en prévenir d'autres, analogues, à l'avenir. Ils doivent enquêter sur toutes les violations des droits de l'homme et veiller à ce que leurs responsables soient traduits en justice, et ne bénéficient d'aucune impunité.
6. L'Assemblée a parfaitement conscience que l'«EI» et autres groupes terroristes similaires qui mènent leurs actions au Moyen-Orient n'agissent pas au nom de l'Islam ni ne représentent une majorité de musulmans. En effet, un grand nombre des victimes sont musulmanes. Aussi salue-t-elle la mobilisation de la communauté musulmane contre les agissements de l'«EI», notamment dans le cadre de la campagne «Not In My Name» (Pas en mon nom).
7. L'Assemblée se déclare profondément préoccupée par le fait que quelque 3 000 jeunes Européens combattent aux côtés de l'«EI» en Irak et en Syrie et exhorte les Etats membres du Conseil de l'Europe à accroître les efforts qu'ils déploient pour les identifier ainsi que pour identifier et démanteler les filières de recrutement, en poursuivre les responsables et échanger des informations ainsi que coordonner leurs réactions face aux djihadistes qui reviennent dans leur pays. Par ailleurs, les sources de financement de l'«EI» doivent être identifiées et, chaque fois que possible, neutralisées et sanctionnées.
8. L'Assemblée se félicite sans réserve de l'adoption, le 24 septembre 2014, à l'unanimité, par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la Résolution 2178 (2014) sur «Les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme» qui demande instamment aux Etats membres d'empêcher leurs ressortissants de rejoindre les rangs de l'«EI» en Irak et en Syrie, y compris en adaptant leur législation.
9. L'Assemblée reconnaît, pour le déplorer, que les missions humanitaires actuelles sont insuffisantes étant donné la crise humanitaire sans précédent à laquelle nous sommes dorénavant confrontés. Elle demande par conséquent aux Etats membres du Conseil de l'Europe, aux Etats observateurs et aux Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaires pour la démocratie auprès de l'Assemblée d'accroître les livraisons d’aide humanitaire aux camps de réfugiés en place en Irak, en Syrie, en Jordanie, au Liban et en Turquie et d'étendre leurs programmes d'assistance.
10. Il faut encourager l'inclusion à tous les niveaux, tant en Irak qu'en Syrie. Il incombe au Gouvernement iraquien et aux forces de sécurité du pays de faire en sorte que les cas d'usage excessif de la force et de discrimination à l'encontre des minorités religieuses et ethniques rapportés sous le gouvernement précédent ne se répètent pas.
11. L'Assemblée demande instamment aux Etats membres du Conseil de l'Europe et à la communauté internationale en général de soutenir le Gouvernement iraquien dans ses tentatives de proposer une alternative crédible pour éviter qu'ils ne cèdent aux sirènes de l'«EI».
12. L'Assemblée recommande en outre aux gouvernements de ses Etats membres de faire usage de leurs relations bilatérales avec les Etats concernés par l'«EI» pour les encourager à poursuivre le développement des droits de l'homme et des libertés civiles.
13. L’Assemblée demande instamment à la communauté internationale:
13.1. d'encourager le maintien d'un statut juste et équitable pour tous les citoyens, quelle que soit leur origine religieuse ou ethnique. Ils doivent tous être égaux devant la loi, sans qu'une loi religieuse ne prévale sur les juridictions civiles;
13.2. d'encourager fermement les sources médiatiques de la région à se mobiliser pour le maintien de normes de «bonne pratique» et à s'abstenir par conséquent de toute incitation à la haine religieuse ou ethnique, tout en respectant la liberté et l'indépendance des médias;
13.3. de s'assurer que les conditions appropriées soient remplies pour un retour en toute sécurité des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays;
13.4. d'encourager, et d'assister chaque fois que possible, les communautés chrétiennes et d’autres communautés religieuses et ethniques, en particulier les Yazidis et les Kurdes, à prendre une part active aux discussions en cours sur l'avenir de l'Irak comme de la Syrie;
13.5. d'élaborer un programme de reconstruction des zones touchées, organisé au plan mondial et financé de manière adéquate, supervisé par les Nations Unies;
13.6. de soutenir les peuples d'Irak et de Syrie et de défendre leurs droits fondamentaux. Dans ce contexte, toutes les actions de la communauté internationale devraient être conformes au droit international et à la Charte des Nations Unies.
14. L'Assemblée encourage par ailleurs les pays du Moyen-Orient:
14.1. à reconnaître que la démocratie seule ne suffit pas et à faire en sorte que soit garanti dans la constitution le respect des droits de l'homme et du pluralisme, qui sont des composantes de leur propre civilisation;
14.2. à condamner sans équivoque non seulement les attaques meurtrières contre des populations innocentes, notamment des enfants et des femmes, mais aussi le recours à la violence en général, ainsi que toutes les formes de discrimination et d'intolérance fondées sur la religion et les croyances;
14.3. à coopérer pour déférer en justice, sans impunité, les auteurs de violations de droits de l'homme;
14.4. à intensifier la coopération régionale parmi tous les pays du Moyen-Orient dans un souci de diversité pour mieux comprendre les minorités et renforcer leur position.
15. L'Assemblée décide de continuer à suivre de près, en priorité, la situation dans la région, ainsi que les conséquences humanitaires tragiques de la crise actuelle et la question des combattants terroristes étrangers.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l'unanimité par la commission le 30 septembre
2014.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution ... (2014) «Les menaces contre l'humanité posées par le groupe terroriste connu sous le sigle “EI”: la violence à l'encontre des chrétiens et d’autres communautés religieuses ou ethniques», dans laquelle elle se déclare gravement préoccupée par les menaces que constitue ce groupe terroriste et appelle une nouvelle fois l'attention sur la situation des Chrétiens et d'autres communautés religieuses et ethniques au Moyen-Orient, en général, et en Irak et en Syrie en particulier.
2. Par conséquent, l'Assemblée demande au Comité des Ministres:
2.1. de développer le volet politique des «Echanges sur la dimension religieuse du dialogue interculturel», qu'il organise annuellement et d'envisager un examen des différentes perspectives religieuses de la dignité humaine;
2.2. de prévoir d'éventuels moyens de suivre la situation concernant les restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les Etats membres et voisins du Conseil de l'Europe et de faire rapport périodiquement à l'Assemblée;
2.3. de porter à l'attention des gouvernements des Etats membres les recommandations spécifiques figurant dans la Résolution ... (2014), en particulier en ce qui concerne la nécessité d'accroître l'offre d'aide humanitaire aux camps de réfugiés en place en Irak, en Syrie, en Jordanie, au Liban et en Turquie, et de développer les programmes d'aide.

C. Exposé des motifs, par Mme Bakoyannis, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le groupe terroriste connu sous le sigle «EI» («Daesh» an arabe) 
			(3) 
			Selon
les diverses traductions, le même groupe a porté entre autres les
noms «Etat islamique en Iraq et au Levant» (EIIL) et «Etat islamique
en Iraq et en Syrie» (EIIS). Récemment, le groupe a lui-même pris
officiellement le nom d'«Etat islamique» (EI). Aux fins du présent
document et par souci d'uniformité, mais sans pour autant lui reconnaître
en quoi que soit le statut d'Etat, nous ferons ici référence au
groupe en employant le sigle «EI». a pris de l'importance en 2014 en semant la mort et la destruction parmi ceux qui se mettent en travers de son chemin dans le nord de l'Irak et l'est de la Syrie. Son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, a proclamé un califat islamique 
			(4) 
			Un califat
est un Etat islamique dirigé par un chef suprême islamique, présenté
comme un successeur de Mahomet. et nourrit l'envie d'une expansion ambitieuse au Proche et au Moyen-Orient ainsi qu'au sud de la Méditerranée. Et ce dans une région déjà en proie au conflit syrien: l'une des crises humanitaires les plus graves des temps modernes. L'ascension menaçante de l'«EI» aggrave encore la catastrophe humanitaire qui touche la région, affectant déjà près de 10,8 millions de personnes dans la seule Syrie, dont de nombreux chrétiens et d’autres communautés religieuses ou ethniques dans ce pays et en Irak.
2. L'«EI» a enregistré sa plus forte progression cette année, avec comme conquête la plus notable la prise de la deuxième ville d'Irak, Mossoul. Son avancée rapide et dévastatrice au Proche et au Moyen-Orient a transformé la persécution sans cesse croissante des communautés religieuses en une offensive meurtrière à grande échelle. Si les milliers de personnes visées ne prennent pas la fuite avant l'arrivée des militants djihadistes, elles n'ont d'autre choix que de se convertir, payer des taxes ou être assassinées.
3. Les communautés religieuses, mais aussi les communautés ethniques, sont confrontées à une situation terrifiante et ont absolument besoin d'un soutien accru – tant sur le plan humanitaire que de la sécurité – de la part des Gouvernements iraquien et syrien, des puissances locales de la région, et de la communauté internationale en général.
4. La communauté internationale dans son ensemble s'est efforcée de répondre de façon adéquate à la catastrophe humanitaire, et la réponse à apporter à la violence elle-même se révèle un défi encore plus complexe. Les dirigeants des pays occidentaux étaient réticents à l'idée d'engager leurs nations dans une nouvelle guerre sanglante au Moyen-Orient si peu de temps après le conflit de 2003 en Irak. Toutefois, l'avancée de l'«EI» a poussé les Etats-Unis à prendre la tête d'une coalition réunissant plus de 40 pays afin d'engager des actions destinées à empêcher le groupe de réaliser de nouvelles conquêtes et de déstabiliser totalement l'Irak et la Syrie. L'implication des Kurdes semi-autonomes et du gouvernement de Bashar al-Assad ne fait que compliquer davantage une situation déjà bien délicate.
5. Au jour d'aujourd'hui, la communauté internationale agit mais doit faire plus pour alléger les souffrances de toutes les personnes touchées dans la région, en particulier les membres des communautés religieuses et ethniques ainsi que les femmes et les enfants. Entre l'insurrection de l'«EI» et la guerre civile qui sévit actuellement en Syrie, des milliers de personnes ont été tuées et des millions déplacées dans les zones de conflit. Il convient de déployer une aide humanitaire immédiate sur le terrain, dans le cadre d'une approche stratégique à plus long terme, afin de promouvoir la pluralité et les droits de l'homme, tout en ayant conscience du fait que la dissipation de cette crise hautement conflictuelle est loin d'être imminente.
6. La suite de ce document présente un aperçu d'une situation en évolution rapide, articulé autour de cinq grandes sections. La première détaille les récents efforts déployés par l'Assemblée parlementaire pour sensibiliser l'opinion à la situation désespérée des communautés religieuses dans la région, avant même que l'«EI» ne soit au cœur de l'actualité européenne. La deuxième section fournit quelques informations succinctes sur le groupe terroriste connu sous le sigle «EI». La troisième partie propose une évaluation de la situation politique et humanitaire dans la région affectée par l'«EI», en particulier l'Irak et la Syrie. La quatrième décrit en détail la réponse apportée par la communauté internationale à l'émergence de l'«EI» depuis l'été 2014, tandis que la cinquième et dernière section propose quelques recommandations d'action dans ce domaine.

2. Précédents travaux de l'Assemblée

7. Dès 2011, l'Assemblée a reconnu la situation précaire des communautés religieuses – en particulier des chrétiens – au Proche et Moyen-Orient ainsi qu'au sud de la Méditerranée. S'appuyant sur les rapports de M. Luca Volontè (PPE/DC), l'Assemblée a adopté la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l'encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient et, deux ans plus tard, la Résolution 1928 (2013) «Sauvegarder les droits de l'homme en relation avec la religion et la conviction, et protéger les communautés religieuses de la violence», qui ont mis en lumière l'augmentation des attentats ainsi que la hausse du nombre de procès et de condamnations à mort pour blasphème, à l'encontre de communautés chrétiennes et d'autres groupes. Ces actions ont entraîné une diminution générale de la population chrétienne dans des pays comme l'Irak, berceau de communautés chrétiennes depuis 2 000 ans. Selon le rapport de 2011, près de la moitié des 800 000 chrétiens qui vivaient en Irak en 2003 ont dû quitter le pays. A titre d'exemple, 58 chrétiens ont été tués en Irak en octobre 2010 lors d'une attaque contre la cathédrale catholique syriaque de Bagdad, et 21 autres ont trouvé la mort dans un attentat-suicide à la bombe dans une église copte d'Alexandrie, Egypte, perpétré en janvier 2011. D'après le rapport de 2013, il s'agit désormais d'une violence physique autant que psychologique, les autorités publiques s'impliquant rarement pour tenter de désamorcer les tensions avec l'un ou l'autre groupe. Les événements survenus en Irak au cours du mandat de Nuri al-Maliki – documentés ultérieurement dans le présent rapport – en sont un exemple.
8. L'avancée de l'«EI» depuis l'année dernière n'a fait que pousser davantage de personnes à fuir leur patrie; une évolution dangereuse pour la région dans la mesure où «la disparition des communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient serait également catastrophique pour l'islam, car elle signifierait la victoire du fondamentalisme» 
			(5) 
			Doc. 13157.. En réponse au rapport de 2011 susmentionné et à la Recommandation 1957 (2011), le Comité des Ministres 
			(6) 
			Doc. 12724. n'a pas jugé utile de créer une «capacité permanente» pour suivre la situation: une réponse qualifiée ultérieurement d’«insatisfaisante» par M. Volontè. Les derniers développements témoignent malheureusement du caractère bien fondé de ses premières inquiétudes quant aux droits des groupes vulnérables.
9. Bien qu'elle s'attache plus particulièrement au sort des communautés vulnérables, l'Assemblée a également prêté attention au conflit en Syrie. Dans une proposition de résolution que j'ai déposée avec d'autres membres de l'Assemblée en juillet 2013, nous avons évoqué les agressions visant les chrétiens en Syrie qui «ont dépassé les pires craintes: meurtres, déplacements internes, agressions sexuelles, destruction d'églises, assassinats et enlèvements de prêtres». La proposition de résolution mentionne «parmi ces événements intolérables ... l'enlèvement, par des activistes syriens armés, de deux évêques orthodoxes d'Alep, Boulos Yaziji, chef de l'Eglise orthodoxe grecque et Yohanna Ibrahim, chef de l'Eglise orthodoxe syrienne, le 22 avril 2013».
10. En août 2013, M. Björn von Sydow et M. Pietro Marcenaro, anciens présidents de la commission, ont fait part de leur vive préoccupation concernant la disparition du père Paolo Dall'Oglio, influent prêtre jésuite italien qui avait travaillé en Syrie et également participé à la réunion de la commission des questions politiques et de la démocratie organisée en décembre 2012 à Turin 
			(7) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=4602&lang=1&cat='>Communiqué
de presse de l'Assemblée parlementaire (1er août 2013)</a>.. Il aurait été enlevé par des membres de l'«EI» et n'a toujours pas été retrouvé.
11. En octobre 2013, dans son rapport consacré à la Syrie, M. Björn von Sydow (Suède, SOC) 
			(8) 
			Doc. 13320. a conclu que «les violences se sont aggravées ... et ... ont dégénéré en une véritable guerre civile et une tragédie humanitaire: plus de 100 000 personnes sont mortes depuis le début du conflit, deux millions ont cherché refuge à l'étranger et 4,25 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays, soit un total de 6,8 millions de personnes ayant besoin d'une assistance humanitaire». Le rapport décrit par ailleurs en détail l'accent mis par l'Assemblée parlementaire sur le conflit en Syrie, et notamment l'adoption des Résolutions 1878 (2012), 1902 (2012) et 1940 (2013), qui respectivement condamnent fermement les violations systématiques des droits de l'homme, évoquent la réponse européenne face à la crise humanitaire et critiquent les actes d'hostilité du régime de Bashar al-Assad contre des pays voisins. Dans le passé, les communautés religieuses étaient protégées par l'ordre existant. Cet ordre étant aujourd'hui déstabilisé, ces groupes sont sérieusement menacés dans la mesure où aucune des parties belligérantes n'assure une protection sûre et crédible de leurs droits.
12. Plus récemment, j'ai une nouvelle fois mis en avant la question des communautés religieuses vulnérables à l'occasion d'une conférence sur «Liberté de religion ou de croyance au Proche-Orient et dans le Sud de la Méditerranée: la situation et la sécurité des communautés chrétiennes», tenue à Athènes en mai 2014. J'ai rappelé aux participants – juste avant que l'«EI» ne fasse régulièrement la une des médias traditionnels – que la situation des chrétiens au Proche-Orient et dans le Sud de la Méditerranée «s'est aggravée dans des proportions dramatiques», «un chrétien [subissant] de graves violences physiques toutes les 5 secondes». La conférence a convenu de la nécessité «d'un respect effectif de la diversité», et a par ailleurs reconnu que le développement économique et l'éducation pourront dans une certaine mesure saper l'influence du fanatisme religieux, en offrant des alternatives à ceux qui seraient tentés de rejoindre le combat.
13. En juin 2014, le Bureau de l'Assemblée parlementaire a reconnu la progression de l'«EI». Se fondant sur un projet de texte que j'avais proposé, il s'est dit particulièrement préoccupé par les signalements de violations massives des droits de l'homme par des membres de l'«EI», déclarant que «ces agissements sont en opposition totale avec les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe et ne peuvent être tolérés». L'Europe s'est également vu rappeler sa part de responsabilité dans la situation en Irak: «L'Europe ne peut pas rester inactive tandis qu'éclate cette crise majeure 
			(9) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=5118&lang=1&cat=13'>Déclaration
sur la situation en Irak adopté par le Bureau de l'Assemblée parlementaire
(27 juin 2014)</a>..» Par ailleurs, dans un communiqué de presse publié le 19 août 2014, j'ai condamné les violences et appelé instamment la communauté internationale à faire davantage pour soutenir les minorités persécutées 
			(10) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=5158&lang=1&cat=137'>Communiqué
de presse de l'Assemblée parlementaire (19 août 2014)</a>..
14. Le 4 septembre 2014, la commission a appuyé ma proposition de demander au Bureau de l'Assemblée que mon rapport sur la violence à l'encontre des chrétiens et d’autres communautés religieuses soit débattu dans le cadre de la procédure d'urgence au cours de la 4e partie de session 2014 de l'Assemblée, sous un titre modifié reflétant l'actualité et l'urgence du débat, à savoir «Les menaces posées par l'“Etat islamique” (EI) et la violence à l'encontre des chrétiens et d’autres communautés religieuses». Le 29 septembre 2014, l'Assemblée est tombée d'accord sur la proposition du Bureau de tenir un débat d'urgence intitulé «Les menaces posées par l'“Etat islamique” (EI) et la violence contre l'humanité». Réunie le même jour, la commission des questions politiques et de la démocratie a décidé de remodifier le titre du rapport afin qu'il reflète les observations exprimées par plusieurs de ses membres et par moi-même, et de l'intituler «Les menaces contre l'humanité posées par le groupe terroriste connu sous le sigle “EI”: la violence à l'encontre des chrétiens et d’autres communautés religieuses ou ethniques».
15. Au cours de cette même réunion, la commission des questions politiques et de la démocratie a organisé une audition à laquelle ont participé M. Gert Westerveen, représentant l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) auprès des institutions européennes à Strasbourg, et M. Salih Muslim Muhammad, Président du Parti de l'Union démocratique de Syrie. M. Westerveen a fait le point sur la situation humanitaire et communiqué les derniers chiffres disponibles concernant les personnes déplacées. M. Muhammad a pour sa part rendu compte de la situation dans le nord de la Syrie, et plus particulièrement à Kobanê.

3. L'ascension et la menace du groupe terroriste connu sous le sigle «EI»

16. Le groupe terroriste connu sous le sigle «EI» («Daesh» an arabe) 
			(11) 
			Voir
aussi supra, note de bas de page n° 4., héritier de la branche d'Al-Qaïda en Irak (AQI), existe sous sa forme actuelle depuis avril 2013. Il a depuis lors été rejeté par Al-Qaïda. Le groupe est dirigé par un chef relativement peu connu, Abou Bakr al-Baghdadi – dont les origines remonteraient à Quraiche, la tribu de Mahomet – et qui revendique l'établissement d'un califat.
17. L'«EI» a rapidement gagné en notoriété de par ses actes de barbarie ostentatoire et les assassinats apparemment aveugles de ceux qui ne défendent pas sa cause. Le groupe adhère à une doctrine de guerre totale, sans limites ni contraintes, d'où les difficultés pour les chefs libéraux occidentaux de traiter avec lui et l'exaltation qu'il suscite chez ceux qui partagent ses idéaux. En effet, Amnesty International accuse le groupe d'engager «une vague de nettoyage ethnique», tandis que les Nations Unies ont déclaré vouloir enquêter «sur des actes inhumains à une échelle inimaginable» 
			(12) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-middle-east-29026491'>BBC
News, «Islamic State accused of ethnic cleansing»</a>..
18. La question de savoir d'où l'«EI» tire son soutien suscite bien des interrogations. Par le passé, les dons généreux de particuliers des Etats du Golfe étaient monnaie courante. Mais il est apparu récemment que les fonds et les armes fournis par l'Arabie saoudite et le Qatar, avec le concours d'une police des frontières turque douteuse, et destinés à l'origine à des groupes à forte connotation islamiste dans la région, se sont en réalité retrouvés par mégarde et indirectement entre les mains de l'«EI», qui incorporait au fur et à mesure de sa progression les groupes initiaux plus petits.
19. L'«EI» contrôle aujourd'hui des gisements pétroliers en Syrie et exporterait environ 9 000 barils de pétrole par jour dont une partie serait revendue au gouvernement 
			(13) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-middle-east-29004253'>BBC
News, «Islamic State: Where does jihadist group get its support?»</a>.. Par ailleurs, certains affirment que le groupe procède à la vente d'antiquités provenant de sites historiques de la région, et notamment des objets chrétiens. Selon les derniers rapports, l'«EI» a déjà mis en place les prémisses de structures quasi étatiques – des ministères, des tribunaux et un régime fiscal rudimentaire, prouvant ainsi que le groupe peut plus efficacement subvenir à ses propres besoins. L'«EI» disposerait d'avoirs financiers et d'autres actifs dont le montant s'élèverait de 900 millions à 2 milliards de dollars 
			(14) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-middle-east-24179084'>Estimation
du Professeur Neumann, King's College de Londres</a>..
20. Plus préoccupant encore, le groupe affirme avoir à sa disposition des jeunes combattants dynamiques venus du Royaume-Uni, de France, d'Allemagne et d'autres pays européens, ainsi que des Etats-Unis, du monde arabe et du Caucase. Ainsi, l'auteur de l'assassinat du journaliste américain James Foley commis le 20 août 2014 est soupçonné d'être britannique. Selon Aaron Stein du 'think tank' britannique RUSI, la position idéologique extrémiste de l'«EI» semble avoir exercé un certain attrait en Turquie, dont 1 000 ressortissants ont rejoint les rangs de l'organisation: «des centres de recrutement ont à l'évidence été installés à Ankara et ailleurs en Turquie, mais le gouvernement fait mine de ne pas s'en soucier», en raison de son opposition à Assad. La CIA a désormais triplé son estimation de l'effectif de l'«EI» qu'elle évalue entre 20 000 et 31 500 combattants 
			(15) 
			<a href='http://www.nytimes.com/2014/09/16/world/europe/turkey-is-a-steady-source-of-isis-recruits.html?_r=0'>New
York Times, «ISIS Draws a Steady Stream of Recruits From Turkey»</a>..
21. L'«EI» a enregistré des avancées rapides, s'emparant de la ville syrienne de Raqqa, capitale provinciale. En juin 2014, le groupe a pris le contrôle de la deuxième ville d'Irak, Mossoul. Cet événement a marqué l'attention mondiale dans la mesure où il s'agissait de la ville la plus importante à tomber entre les mains des activistes. Elle constitue également un point d'échanges commerciaux clé proche de la frontière syrienne et abrite le barrage de Mossoul, passé brièvement sous le contrôle de l'«EI» avant d'être repris le 19 août. Le barrage est essentiel pour le pays dont il constitue la principale source d'approvisionnement en eau et en électricité. L'«EI» a par ailleurs pris au piège en août, dans les monts Sinjar, des milliers de personnes qui fuyaient les violences face à la progression du groupe. Début septembre, des troupes formées de milices iraquiennes et de forces kurdes – appuyées par des frappes aériennes américaines et la fourniture d'armes par l'Iran – ont brisé le siège d'Amerli en place depuis deux mois, où près de 15 000 Turkmènes chiites étaient pris au piège sans eau, nourriture ou médicaments. Le 7 septembre, les frappes aériennes américaines ont permis d'éloigner les activistes de l'«EI» d'un autre barrage important situé à Haditha.

4. La région touchée

4.1. Irak

22. L'Irak est le pays le plus sévèrement touché par le militantisme de l'«EI», qui a su profiter des faiblesses de cet Etat déchiré par la guerre et de la mauvaise gestion politique de l'ex-Premier ministre Nuri al-Maliki. Le pays compte 32 millions d'habitants à 97 %-99 % musulmans, dont 60 % à 65 % de chiites 
			(16) 
			<a href='https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/iz.html'>Le
CIA World Factbook (juillet 2014)</a>.. La chute du régime de Saddam Hussein a causé la destruction d'une grande partie du pays et donné naissance à un conflit sectaire entre cette principale branche de l'islam, le chiisme, et l'autre branche, le sunnisme.
23. Ce contexte marqué par le conflit et l'intervention militaire étrangère a provoqué l'exode massif de chrétiens d'Irak, principalement vers les pays voisins comme la Syrie, la Jordanie et le Liban. Depuis 2003, la population a diminué de près de moitié pour atteindre aujourd'hui selon les estimations 400 000 personnes. Au cours des dernières années, les partisans islamiques de la ligne dure ont exercé de plus en plus de pressions afin «d'islamiser» le pays et son système juridique – une tendance cristallisée dans la constitution de 2005 – mettant en danger les communautés religieuses minoritaires. Durant la dernière décennie, les islamistes ont mené plusieurs attaques à l'encontre de communautés chrétiennes et de leurs dirigeants. A titre d'exemple en octobre 2010, des fidèles ont été la cible de coups de feu tirés au hasard et de grenades dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, faisant 58 morts. En fait, depuis 2002, 73 églises au moins ont été attaquées et des centaines de chrétiens tués 
			(17) 
			Newton J.
et Pontifex J. (2013), «Persecuted and Forgotten? A Report on Christians
oppressed for their Faith 2011-2013», Aid for the Church In Need,
Sutton, p. 85-87., sans compter les récents massacres perpétrés par l'«EI».

4.1.1. Le rôle du Gouvernement iraquien

24. Les actions du gouvernement, dirigé jusqu'à récemment par Nuri al-Maliki, doivent être remises en cause à la lumière de l'analyse de l'actuelle crise qui sévit au nord-ouest de l'Irak. Durant les trois dernières années, M. al-Maliki, chiite, a fait preuve d'un «état d'esprit sectaire» 
			(18) 
			<a href='http://www.economist.com/news/middle-east-and-africa/21613343-iraq-and-america-have-pushed-back-islamic-state-it-will-take-much-more'>The
Economist, «A war that crosses national boundaries»</a>., semblant réserver à la population sunnite un traitement inéquitable. Selon Human Rights Watch 
			(19) 
			<a href='http://www.hrw.org/middle-eastn-africa/iraq'>Human Rights
Watch (divers)</a>., les forces de sécurité iraquiennes sous le commandement de M. al-Maliki, souvent accompagnées de milices progouvernementales, ont commis des actes illégaux tels que des enlèvements et assassinats de prisonniers sunnites, et ont par ailleurs lancé sans discernement des frappes aériennes dans des zones peuplées en tentant de repousser les combattants de l'«EI». Les actions du gouvernement pro-chiite ont privé de leurs droits une bonne part de la communauté sunnite, exacerbant encore davantage les tensions au sein du pays au fur et à mesure de l'ascension de l'«EI» sunnite. Par ailleurs, devant l'incapacité d'al-Maliki de répondre aux demandes américaines de formation d'un gouvernement inclusif, l'aide supplémentaire pour son peuple a été freinée.
25. M. al-Maliki a démissionné du gouvernement après avoir perdu une partie de ses soutiens. Le 11 août 2014, Haider al-Abadi, également chiite, a été désigné pour lui succéder au poste de Premier ministre. Il pourrait adopter une approche modérée plus acceptable aux yeux des sunnites et de la communauté internationale dans son ensemble. Après avoir condamné la violence de l'«EI», l'Union européenne a bien accueilli la nomination d'Haider al-Abadi en tant que Premier ministre et décidé de renforcer l'aide humanitaire, portant la contribution globale envers l'Irak à 17 millions d'euros en 2014 
			(20) 
			<a href='http://eeas.europa.eu/top_stories/2014/180814_fac_fr.htm'>Communiqué
de presse du Service européen pour l'action extérieure</a>..

4.1.2. La situation humanitaire

26. Le conflit iraquien est aujourd'hui aggravé par la violence de l'«EI» qui a contraint des milliers de personnes à fuir, les plaçant en situation de besoin urgent d'aide humanitaire. Cette fuite s'est, selon Gert Westerveen (HCR), déroulée en trois vagues. La première a eu lieu au début de 2014, lorsque l'«EI» s'est emparé de Ramdi et Falluja. La deuxième a suivi l'assaut mené par l'«EI» sur Mossoul, et la troisième est intervenue en août, sous la forme d'un déplacement massif de population dans la région du Sinjar. Ces personnes nouvellement déplacées se composent pour une bonne moitié d'Arabes sunnites et pour plus d'un quart de Kurdes sunnites.
27. Sur la période allant de janvier à septembre 2014, l'Organisation internationale des Migrations (OIM) a dénombré 1 725 432 personnes déplacées éparpillées entre 1 715 localités différentes en Irak. Ces personnes déplacées sont en majorité des musulmans sunnites arabes; viennent ensuite des Yazidis kurdes et des Turkmènes chiites, puis des groupes plus petits de chrétiens issus des minorités assyrienne et chaldéenne. 
			(21) 
			Organisation
internationale des Migrations, Réponse à la crise soulevée par les
personnes déplacées en Iraq – Tableau matriciel des personnes déplacées,
septembre 2014. La crise humanitaire que connaît le pays exerce sur les autorités et les communautés d'accueil une énorme pression, en particulier pour ce qui concerne l'accès aux services essentiels. L'un des problèmes majeurs est de parvenir à offrir un abri aux personnes déplacées qui vivent en plein air et dans des écoles. 
			(22) 
			HCR,
Iraq, Mise à jour opérationnelle inter-institutions, 1-15 septembre
2014.
28. Un programme du HCR s'efforce d'acheminer 2 410 tonnes de matériel d'urgence pour venir en aide à 500 000 personnes déplacées au nord de l'Irak. Quelques 700 000 autres résident dans la région semi-autonome du Kurdistan, où les autorités ont grand besoin d'être encouragées et soutenues pour pouvoir fournir aux réfugiés un abri sûr 
			(23) 
			<a href='http://www.unhcr.fr/53fb51fbc.html'>Article
d'actualité du HCR, «Le HCR s'apprête à livrer 2 410 tonnes d'aide
aux déplacés iraquiens»</a>.. Pour l'heure, il est très difficile d'approvisionner en eau et en denrées alimentaires de base tous les camps de réfugiés. Selon le HCR, 12 nouveaux camps devraient ouvrir afin d'accueillir 140 000 personnes supplémentaires. Ce nombre demeure toutefois insuffisant compte tenu des estimations faisant état de 600 000 personnes déplacées rien qu'entre juin et août, à la suite des attaques à Mossoul et Sinjar respectivement 
			(24) 
			<a href='http://www.unhcr.fr/53f5ebafc.html'>Article d'actualité
du HCR, «Le HCR lance un grand projet d'aide humanitaire en Iraq
avec un transport aérien de 100 tonnes vers Erbil»</a>.. Les Nations Unies évaluent aujourd'hui à 1,8 millions le nombre d'Iraquiens déplacés dans le pays en 2014, l'Irak accueillant par ailleurs 215 000 réfugiés syriens 
			(25) 
			<a href='http://www.unhcr.fr/5409d005c.html'>Article d'actualité
du HCR: «Besoins en abris au nord de l'Iraq: le HCR intensifie son
opération d'aide»</a>..
29. Au début du mois d'août 2014, l'«EI» s'est emparé de Qaraqosh la «capitale chrétienne» iraquienne, forçant à fuir un quart semble-t-il de la communauté chrétienne d'Irak (soit environ 100 000 personnes). Les militants leur ont laissé le choix entre trois options s'ils restaient: se convertir, payer une taxe ou mourir. Selon des témoins à Qaraqosh, les activistes de l'«EI» ont décroché les crucifix dans les églises et brûlé des manuscrits religieux. Certains chrétiens, dont des Yazidis, ont été pris au piège et n'ont pas réussi à s'échapper à temps 
			(26) 
			<a href='http://www.amnesty.org/fr/node/48761'>Amnesty
International, «Mass exodus from Iraqi towns and cities as ISIS
advance prompts panic»</a>..

4.1.3. La situation désespérée des Yazidis et le rôle des Kurdes

30. La population yazidie d'Irak a souffert au même titre que les chrétiens, mais sans bénéficier de toute l'attention portée à ces derniers par l'Occident. Près de 600 000 Yazidis – pour l'essentiel des Kurdes – vivent dans le nord de l'Irak. Ils pratiquent une ancienne religion syncrétique qui peut les amener, selon une interprétation islamique stricte du Coran, à être persécutés voire qualifiés «d'adorateurs du diable». La communauté est petite et opposée à toute conversion de personnes venant de l'extérieur. De ce fait, les Yazidis ne bénéficient d'aucune alliance ou protection au plan régional, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l'«EI». Depuis le 3 août 2014, près de 130 000 résidents yazidis de Sinjar ont fui vers le Kurdistan iraquien après avoir été pris au piège dans les montagnes à la suite d'une attaque de l'«EI» qui a fait 500 morts.
31. Le flux de réfugiés dans la région kurde au nord de l’Irak – environ 860 000 personnes – combiné aux attaques perpétrées par l'«EI» à l'encontre des Kurdes dans les monts sacrés de Sinjar a suscité la mobilisation des peshmergas kurdes contre les activistes. Les combattants kurdes ont tenté de résister, mais en vain compte tenu de leur armement et de leur technologie limités. Le Gouvernement central iraquien n'a pas immédiatement soutenu les combattants kurdes, pas plus que la communauté internationale au sens large. Les relations entre le gouvernement central et la région du Kurdistan étaient tendues, ce qui était sans doute compréhensible en raison des velléités d'indépendance et de la prise opportuniste de certaines zones de l'Irak du Nord au lendemain de la crise. Cependant, avant de démissionner, le Premier ministre al-Maliki a proposé de manière pragmatique son soutien aux forces peshmergas pour les aider à repousser l'«EI» après que ce dernier se soit emparé de plusieurs villes et gisements pétroliers. Pour les Etats-Unis et leurs alliés, il est extrêmement délicat de soutenir ouvertement les Kurdes alors qu'ils ont tenté durant plusieurs années de construire et préserver un Etat iraquien unifié. Les Etats-Unis et les gouvernements européens ont toutefois décidé, en août 2014, d'envoyer de l'aide aux Kurdes 
			(27) 
			Des informations plus
détaillées sur le soutien international à l'Iraq seront fournies
dans une section ultérieure..

4.2. Syrie

32. L'autre pays de la région à subir les pires effets de l'avance de l'«EI» est la Syrie, déjà en proie à une violente guerre civile et à des rebelles tentant de chasser l’homme au pouvoir, Bashar al-Assad. Le pays compte environ 18 millions d'habitants, dont 87 % de musulmans. Comparativement à l'Irak, la communauté chrétienne est relativement nombreuse et forme la majorité du reste de la population.
33. Le printemps arabe a touché la Syrie en 2011, mais contrairement à la Tunisie et l'Egypte, les manifestations et la violence n'ont pas réussi à renverser le régime Assad. Bien au contraire, le conflit a perduré, dégénérant en une guerre civile qui a fait plus de 140 000 victimes à ce jour 
			(28) 
			Estimation
de l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Les Nations Unies
ont cessé d'avancer des chiffres du fait des difficultés à obtenir
des informations exactes et précises.. Récemment, des groupes militants tels que l'«EI» et le Front al-Nosra ont commencé à prendre le pas sur les rebelles anti-gouvernementaux, la révolte contre le régime Assad se mutant en une guerre djihadiste contre toutes les populations non sunnites. Avant le soulèvement de 2011, les groupes religieux – en particulier les chrétiens – bénéficiaient d'une égalité de traitement, de la sécurité et de la liberté, une situation peu courante au Proche et Moyen-Orient. Mais les choses ont bien changé, les chrétiens sont désormais considérés par les sunnites comme trop proches du régime Assad et par d'autres comme trop proches de l'Occident en raison des liens historiques. La faible concentration des chrétiens en Syrie ne fait qu'accentuer leur vulnérabilité, avec la menace de voir l'«EI» prendre de l'ampleur. Les chrétiens d'Irak ont fui vers la Syrie pour se mettre à l'abri de l'«EI», mais au milieu de l'année 2013, face à une situation de plus en plus dangereuse, ils ont été contraints de chercher refuge ailleurs, dans la région kurde de l'Irak ou en Europe par exemple. C'est à ce moment que l'usage d'armes chimiques sur des civils par le régime Assad a été confirmé, en particulier le 21 août 2013, avec le bombardement au gaz sarin de faubourgs de la ceinture agricole de Ghouta autour de Damas. Tout ceci n'a fait qu'aggraver, si tant est que cela soit possible, la situation déjà difficile des civils.
34. Avec l'apparition de l'«EI» dans ce tourbillon de la guerre, la Syrie est devenue aujourd'hui le théâtre de «la plus grande catastrophe humanitaire et sécuritaire au monde» 
			(29) 
			<a href='http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/syria_fr.pdf'>Fiche
info ECHO, «Crise syrienne» – Commission européenne</a>.. L'éventail de statistiques rapportées est choquant. Depuis le début des troubles en 2011, 2,5 millions de personnes ont fui le pays, 6,4 millions restent déplacées en Syrie, et 10,8 millions ont besoin d'une assistance humanitaire. En mars 2014, les rapports de l'UNICEF ont fait état de trois millions d'enfants déplacés et d'au moins 8 000 enfants orphelins arrivés à la frontière syrienne 
			(30) 
			<a href='http://www.unicef.org/publications/files/Under_Siege_March_2014.pdf'>Rapport
de l'UNICEF (mars 2014), «Under Siege»</a>.. En outre, la Turquie accueille déjà 1,3 million de réfugiés syriens environ21. Kobanê, qui a pourtant réussi jusqu'ici à tenir l'«EI» à l'écart, attire tout particulièrement l'attention de ce dernier en raison de sa position stratégique à la frontière de la Turquie.
35. Face à ces chiffres, il est de plus en plus manifeste que la communauté internationale doit renforcer son action. Selon les Nations Unies, les dons se sont élevés à plus de 4 milliards de dollars depuis 2012, mais deux milliards supplémentaires sont requis à l'approche de l'hiver 
			(31) 
			<a href='http://www.unhcr.fr/53ff7cbbc.html'>Communiqué
de presse du HCR, «Les réfugiés syriens sont désormais au nombre
de 3 millions, ils fuient l'insécurité croissante et la dégradation
des conditions»</a>.. Les Etats-Unis ont été le principal donateur dans cette crise, le Secrétaire d'Etat John Kerry ayant annoncé un complément d'aide pour parvenir à un total de 2,4 milliards de dollars, répartis à égalité entre les Syriens dans et en dehors du pays 
			(32) 
			<a href='http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2014/07/229963.htm'>Communiqué
de presse du Département d'Etat américain, «United States Announces
Additional Humanitarian Assistance for Syria Crisis»</a>.. L'Union européenne a également apporté une contribution significative, l'assistance fournie s'élevant pour la seule année 2014 à 100 millions d'euros.

4.3. Egypte

36. A ce jour, l'Egypte demeure hors de portée de la terreur de l'«EI». Cependant, les communautés vulnérables restent menacées au lendemain de la révolution du printemps arabe de 2011. L'Egypte compte environ 87 millions d'habitants, dont 90 % de musulmans. La population chrétienne représente les 10 % restant dans un pays qui a connu un islamisme violent.
37. Après la chute de Moubarak en 2011, les agressions violentes et les persécutions contre les communautés coptes se sont multipliées, et sous la présidence de Mohamed Morsi, des églises ont été attaquées, des prêtres assassinés et des coptes ont été poursuivis devant les tribunaux pour blasphème. L'un des incidents les plus graves a été le massacre de Maspero le 9 octobre 2011, au cours duquel 28 coptes manifestant contre l'incendie d'une église ont trouvé la mort suite à une répression d'une rare violence de la part des forces de sécurité égyptiennes.
38. En juin 2012, M. Jean-Charles Gardetto (Monaco, PPE/DC), a présenté à l'Assemblée un rapport 
			(33) 
			<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18899&Language=fr'>Doc.
12981</a>. soulevant de graves interrogations quant au rôle de la charia dans les futures dispositions constitutionnelles égyptiennes. Le recours à cette loi islamique menacerait l'égalité entre les hommes et les femmes, et entre les musulmans et les minorités non musulmanes, en particulier les chrétiens. Le rapport a fait état de quelques 100 000 chrétiens chassés d'Egypte en 2012.
39. Cependant, la situation pour la communauté chrétienne s'est encore aggravée sous le gouvernement Morsi, après son annonce controversée d'une constitution reposant largement sur la charia islamique. Il s'agissait d'une attaque politique manifeste contre les droits des minorités non musulmanes en Egypte. De plus, les actes de violence à l'encontre des chrétiens se sont poursuivis. Ainsi, le 7 avril 2013, une foule de manifestants musulmans a lancé une bombe incendiaire dans la cathédrale copte du Caire, la première attaque contre une cathédrale de toute l'histoire moderne. L'édifice a été détruit sous les yeux d'une police égyptienne totalement passive.
40. En juillet 2013, Morsi a été destitué par l'armée, sous le commandement du Général Abdel Fattah al-Sissi, et les agressions contre les communautés chrétiennes se sont multipliées, profitant du désordre qui régnait dans le pays. Des chrétiens ont été enlevés et assassinés, des églises ont été détruites. En 2013 des milliers de maisons et de commerces, ainsi que 47 églises, ont été attaqués 
			(34) 
			Doss L. (12 mai 2014),
«A civil Coptic movement struggles in a polarized Egypt», Mada Masr..
41. Au printemps 2014, al-Sissi a été élu nouveau Président de l'Egypte, mais il avait déjà fait montre de ses tendances à l'autoritarisme: arrestation de 40 000 sympathisants des Frères musulmans, exactions graves commises contre des personnes placées en garde à vue, répression de manifestations populaires, et accusations excessives de terrorisme à l'encontre de trois journalistes occidentaux.

4.4. Israël/Palestine

42. La situation d'ensemble et le conflit israélo/palestinien perdurent depuis des décennies et sont trop complexes pour pouvoir être détaillés dans ce rapport. Cependant, la persécution des communautés chrétiennes reste source de sérieuses préoccupations.
43. Le nombre d'attaques violentes à l'encontre de Palestiniens chrétiens, d'églises et de monastères perpétrées par des colons israéliens a considérablement augmenté. A titre d'exemple, une bombe incendiaire a explosé dans un monastère palestinien en août 2013, et plusieurs actes de vandalisme ont été rapportés, notamment des graffitis offensants dans des églises ou des cimetières, en 2012 et 2013.
44. En Israël, l'Etat a tenté d'imposer aux Palestiniens chrétiens le service militaire ou civil. Mais la communauté a jugé cette décision difficilement acceptable en raison de la nature violente de l'action des forces armées israéliennes en Palestine. Le projet d'extension de la barrière de sécurité israélienne à travers des zones telles que les collines de Bethléem est un autre problème urgent. Des plans ont été élaborés pour prolonger le mur et couper ainsi l'accès des Palestiniens vivant à Battir aux terrasses de terres fertiles qu'ils cultivent dans les collines grâce aux systèmes d'irrigation mis en place par les Romains; un acte qui priverait les citoyens de leurs libertés et de leur capacité à subvenir à leurs besoins.

5. Action internationale et développements

45. La communauté internationale a été relativement lente à réagir aux avancées avides de l'«EI», et s'est montrée réticente à intervenir dans une région à l'origine de controverses récentes largement documentées. La présence de l'«EI» en Syrie complique encore les choses pour les acteurs internationaux potentiels, en raison de la volonté récente et délibérée de la plupart des gouvernements occidentaux – à laquelle s'oppose la Russie – de mettre fin au régime Assad. Pourtant aujourd'hui, ces mêmes gouvernements pourraient n'avoir d'autre choix que de soutenir Assad – même indirectement – dans sa lutte contre l'«EI». Cela étant, fin août et début septembre 2014, la communauté internationale a redoublé d'efforts pour contenir une situation en train d'échapper à tout contrôle.
46. En juillet 2014, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 2169, qui condamne la violence et encourage les Etats membres à soutenir les missions humanitaires dans la région 
			(35) 
			Certaines des principales
missions humanitaires ont été résumées dans les sections précédentes.. Le 15 août, le Conseil de sécurité a adopté une autre résolution (Résolution 2170) reconnaissant que certaines parties de l'Irak et de la Syrie sont désormais sous le contrôle de l'«EI».
47. Dans l'intervalle, les Etats de la communauté internationale se sont montrés réticents, pour diverses raisons, à s'immiscer une nouvelle fois dans l'écheveau complexe des conflits dans la région. Les Etats-Unis restaient opposés à une nouvelle intervention extérieure après les précédentes expériences traumatisantes en Afghanistan et en Irak 
			(36) 
			En
2013, le Sénat américain a bloqué toute action militaire en réponse
au conflit en Syrie.. La Russie maintenait sa position inébranlable en faveur du respect explicite de la souveraineté des Etats concernés. Cependant, l'Amérique et la Russie ont profité de leur position dans la région pour soutenir le Gouvernement iraquien. Les Etats-Unis ont fourni des informations recueillies lors des missions de surveillance de drones, aidant ainsi les forces iraquiennes à localiser les combattants de l'«EI», alors que la Russie a livré 12 avions de combat Sukhoi SU-15 aux forces iraquiennes.
48. Vers le milieu du mois d'août, les Etats-Unis et leurs alliés européens ont commencé à mener des frappes aériennes à l'aide d'avions de combat F/A-18 et à dépêcher un millier de conseillers militaires pour aider les forces iraquiennes à mener des opérations. Le 23 août 2014, les Etats-Unis ont effectué pas moins de 60 raids aériens contre l'«EI», alors que le Royaume-Uni et l'Australie envoyaient respectivement des hélicoptères Chinook et deux avions C130. C'est à peu près à cette date que certains pays, notamment le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, ont commencé à livrer aux peshmergas kurdes, qui réclamaient une assistance internationale, du matériel militaire allant de lunettes de haute technologie à des munitions. Cette étape importante a mis en lumière la véritable menace posée par l'«EI», car un soutien aussi visible aux forces kurdes est en contradiction avec les efforts déployés durant la dernière décennie pour mettre en place un gouvernement fort et un Etat iraquien unifié.
49. En réponse à ces interventions de plus en plus nombreuses, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a rappelé le 25 août 2014 que les Américains et certains Européens avaient commencé par soutenir l'«EI» dans sa lutte contre le Président syrien Bashar al-Assad. La Russie était prête à collaborer avec la communauté internationale et à coordonner ses actions avec les pays directement soumis à la menace terroriste, l'Irak et la Syrie, dans le respect de leur souveraineté.
50. Cependant, la décapitation des journalistes américains James Foley le 20 août et Steven Sotloff le 3 septembre 2014 a soulevé l'indignation du monde entier et entraîné un revirement de l'opinion publique américaine, désormais prête à voir les Etats-Unis jouer un rôle plus important dans le conflit. Les Etats-Unis ont intensifié leurs raids aériens, au nombre de 143 le 8 septembre, et élargi leur mandat d'intervention dont l'objectif initial était de protéger les communautés vulnérables telles que les Kurdes ou les Yazidis, pour défendre désormais les infrastructures iraquiennes et soutenir les forces de défense iraquiennes et kurdes 
			(37) 
			<a href='http://www.theguardian.com/world/2014/sep/08/us-bombing-campaign-iraq-obama-isis'>The
Guardian, «US to intensify bombing campaign against Isis in Iraq»</a>.. Le 11 septembre 2014, le Président Obama et le Secrétaire d'Etat John Kerry ont ouvertement menacé de renforcer l'intervention américaine contre l'«EI» et détaillé la stratégie qu'ils comptaient mettre en œuvre à cet effet. «Notre objectif est clair» a déclaré Obama, «nous affaiblirons et, à terme, détruirons “l'Etat islamique” par une stratégie antiterroriste complète et soutenue» 
			(38) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-middle-east-29152129'>BBC
News, «Islamic State crisis: Obama threatens action in Syria»</a>.. Cette stratégie s'articulera sur: des frappes aériennes contre l'«EI», même en Syrie; un soutien aux forces alliées sur le terrain, mais pas aux forces d'Assad; l'intervention de 475 membres non combattants des forces militaires américaines; des mesures de lutte contre le terrorisme pour faire obstacle au financement et au recrutement de l'«EI»; et un renforcement de l'assistance humanitaire. Cette vaste réponse à l'«EI» envisagée par les Etats-Unis a commencé à porter ses fruits le 15 septembre 2014. Le Secrétaire d'Etat John Kerry a recueilli le soutien de 10 pays de la région, ainsi que de nombreux pays européens dont la France, le Royaume-Uni, et dans une moindre mesure la Turquie, en raison des 49 otages turcs qui étaient alors détenus par les militants.
51. Le 24 septembre 2014, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l'unanimité une résolution qui fait date (S/RES/2178 (2014)) 
			(39) 
			<a href='http://www.un.org/en/sc/documents/resolutions/2014.shtml'> Résolutions
du Conseil de sécurité des Nations Unies</a>., «Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme», enjoignant les Etats à empêcher leurs citoyens de rejoindre les rangs des djihadistes. En particulier, les Etats signataires sont tenus de prévenir et empêcher le recrutement, l'organisation, les déplacements et l'équipement des combattants terroristes étrangers 
			(40) 
			<a href='http://usun.state.gov/briefing/statements/232071.htm'>USUN,
«FACT SHEET: UN Security Council Resolution 2178 on Foreign Terrorist
Fighters»</a>..
52. Au 25 septembre, la coalition contre l'«EI» menée par les Etats-Unis était pleinement opérationnelle, avec déjà trois nuits de frappes aériennes à son actif. Les avions américains, saoudiens et émiratis ont bombardé 12 raffineries de pétrole syriennes contrôlées par l'«EI», tuant 14 militants de «l'Etat islamique» et, malheureusement, cinq civils. Le but est de réduire les capacités de l'«EI» à subvenir à ses besoins grâce à la vente illicite, sur le marché noir, du pétrole provenant de ces raffineries. Selon les Etats-Unis, l'«EI» en tire 2 millions de dollars par jour de revenus. Plus de 40 pays font désormais partie de la coalition anti-«EI» conduite par les Etats-Unis, dont le Royaume-Uni, le Danemark et l'Australie. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a déclaré aux Nations Unies: «Nous sommes confrontés à un mal contre lequel le monde entier doit s'unir» 
			(41) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/uk-29357116'>BBC
News, «Islamic State fight: Cameron says UK will “play its part'”».</a>, mais il représente l'un de ces nombreux Etats occidentaux qui n'ont pas oublié la guerre de 2003 en Irak et restent opposés à l'envoi de troupes au sol.
53. En Europe, la communauté musulmane présente s'est mobilisée pour rejeter et dénoncer les actions de l'«EI», dont elle estime qu'elles ne représentent pas l'Islam dans son ensemble. Une organisation communautaire britannique, l'Active Change Foundation, a lancé une campagne baptisée «Not In My Name» (Pas en mon nom) qui a suscité l'attention des internautes et a été remarquée aux Nations Unies. Des manifestations suivies par des milliers de musulmans ont aussi eu lieu partout en France, en réaction à l'assassinat d'un ressortissant français, Hervé Gourdel, en Algérie. 
			(42) 
			<a href='http://online.wsj.com/articles/french-muslims-protest-against-islamic-state-1411755890'>Wall
Street Journal, «French Muslims Protest Against Islamic State».</a>

6. Conclusions

54. En conclusion, je tiens tout d'abord à souligner une évidence: ni l'«EI» ni aucun autre groupe terroriste similaire actif au Moyen-Orient n'agit au nom de l'Islam ni ne représente une majorité de musulmans. Je salue par conséquent la mobilisation de la communauté musulmane en Europe contre les agissements de l'«EI». Il me semble à cet égard que les sociétés musulmanes devraient redécouvrir l'inestimable héritage légué par l'islam. Cet héritage qui a doté la ville de Bagdad au 10e siècle de 860 pharmacies agréées et d'un éclairage des rues alors même que Paris n'en disposait pas; l'héritage de la philosophie et de la promotion d'Aristote en Occident; l'héritage de compassion et de bienveillance si présentes dans le Coran; et par-dessus tout la tradition de coexistence pacifique et fructueuse avec les autres religions «du livre», les chrétiens et les juifs, mais aussi avec les croyants de toute autre confession. La tradition qui a aidé les grands patriarcats de Jérusalem, Antioche et Alexandrie à survivre jusqu’à ce jour; la tradition que Mahomet lui-même a inauguré en protégeant personnellement le monastère Sainte Catherine dans la péninsule du Sinaï.
55. Ceci étant dit, la première des priorités est, dans l'immédiat, de mettre fin aux massacres perpétrés actuellement et la communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser l'instauration de la paix dans la région.
56. Tous les Etats du Proche et Moyen-Orient et la communauté internationale au sens large doivent condamner d'une même voix les actions violentes et le nettoyage ethnique entrepris par l'«EI», et unir leurs forces pour faire face à la crise actuelle et prévenir toute répétition à l'avenir. La communauté internationale devrait faire en sorte que les responsables de violations graves des droits de l'homme soient déférés en justice, sans impunité, et les Etats de la région devraient pleinement coopérer à cette fin.
57. Les Etats membres du Conseil de l'Europe, les Etats observateurs et les Partenaires pour la démocratie doivent reconnaître que les missions humanitaires actuelles sont terriblement insuffisantes compte tenu de la crise humanitaire sans précédent à laquelle nous sommes désormais confrontés. C'est pourquoi ils devraient de concert renforcer la fourniture de l'aide humanitaire dans les camps existants en Irak, Syrie, Jordanie, Liban et Turquie et étendre davantage leurs programmes d'assistance. Rien n'apaise autant les tensions et ne lève les suspicions historiques qu'une main tendue aux heures les plus tragiques; nous en avons été témoins au lendemain des tremblements de terre en Grèce et en Turquie, lorsque les deux nations se sont empressées de s'entraider. Il nous faut ensuite un programme de reconstruction des zones touchées, organisé au plan mondial et financé de manière adéquate, supervisé par les Nations Unies.
58. Près de 3 000 jeunes européens combattraient aux côtés de l'«EI» en Irak et en Syrie. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient redoubler d'efforts pour identifier et démanteler les filières de recrutement et en poursuivre les responsables. Par ailleurs, les sources de financement de l'«EI» devraient également être recensées et, si possible, neutralisées.
59. Le gouvernement iraquien doit être soutenu dans ses tentatives visant à offrir une alternative crédible aux musulmans, loin des attraits de l'«EI». Contrairement à ce qui était le cas ces dernières années, il convient de promouvoir une inclusion universelle à tous les niveaux. Il appartient au Gouvernement iraquien et aux forces de sécurité du pays d'éviter toute répétition des incidents rapportés d'usage excessif de la force et de discrimination à l'égard des minorités religieuses et ethniques perpétrés sous Nuri al-Maliki.
60. Tout en respectant la liberté et l'indépendance des médias, la communauté internationale devrait encourager fermement les sources médiatiques de la région à adopter et respecter des normes de «bonne pratique», et à s'abstenir de toute incitation à la haine religieuse ou ethnique.
61. Les communautés chrétiennes et autres communautés religieuses ou ethniques, en particulier les Yazidis et les Kurdes, devraient être encouragées à participer activement aux discussions actuellement en cours sur l'avenir de l’Irak et de la Syrie.
62. La coopération régionale devrait être renforcée entre tous les pays du Proche et Moyen-Orient, en vue de créer une diversité dans la compréhension et d'autonomiser les minorités. Il est utile de rappeler, à cet égard, les travaux du Conseil de l'Europe sur le dialogue interculturel, y compris sa dimension religieuse.
63. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient user de leurs relations bilatérales avec les Etats affectés par l'«EI» afin de les encourager à poursuivre le développement des droits de l'homme et des libertés civiles.
64. La communauté internationale devrait encourager le maintien d'un statut équitable et juste pour tous les citoyens, quelle que soit leur origine religieuse ou ethnique. Tous doivent être égaux devant la loi, sans qu'une loi religieuse ne prévale sur les juridictions civiles.
65. Les pays de la région doivent être encouragés à reconnaître que la démocratie seule ne suffit pas et à faire en sorte de garantir dans la constitution le respect des droits de l'homme, qui sont des composantes de leur propre civilisation.
66. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe devrait, pour sa part, développer le volet politique des «Echanges sur la dimension religieuse du dialogue interculturel», qu'il organise annuellement et envisager un examen des différentes perspectives religieuses de la dignité humaine.
67. Enfin, comme déjà demandé dans la Recommandation 1957 (2011), le Conseil de l'Europe devrait prévoir d'éventuels moyens de suivre la situation concernant les restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les Etats membres et voisins du Conseil de l'Europe et de faire rapport périodiquement à l'Assemblée.