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Résolution 2020 (2014) Version finale

Les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2014 (36e séance) (voir Doc. 13597, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Tinatin Bokuchava). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2014 (36e séance).Voir également la Recommandation 2056 (2014).

1. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée de constater que le placement en rétention d’enfants migrants est un phénomène croissant dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Malgré des améliorations dans la législation et la pratique de certains pays européens, des dizaines de milliers d’enfants migrants finissent encore chaque année en rétention. Cette pratique est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation manifeste de ses droits.
2. Des enfants migrants sont fréquemment placés en rétention dans des Etats membres pour la simple raison qu’ils ne sont pas en possession des bons documents d’immigration. Ils n’ont commis aucun crime. Pourtant, ils encourent des sanctions pénales, risquent de se retrouver dans des conditions de type carcéral, d’être privés du soutien et de la protection de leur famille et de se voir dénier plusieurs droits fondamentaux, comme l’accès à la santé et à l’éducation, et le droit de jouer.
3. L’Assemblée rappelle sa position exprimée dans sa Résolution 1810 (2011) «Problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe», selon laquelle les mineurs non accompagnés ne devraient jamais être placés en rétention. Le placement d’enfants en rétention en raison de leur situation ou de celle de leurs parents au regard des règles d’immigration est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation de ses droits tels que définis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
4. L’Assemblée s’alarme en particulier des conséquences graves que la rétention, même de très courte durée et dans des conditions relativement humaines, peut avoir à plus ou moins long terme sur la santé physique et mentale des enfants. Les enfants migrants placés en rétention sont particulièrement exposés aux effets négatifs du placement en rétention et peuvent être gravement traumatisés. Il existe également un risque élevé que les enfants placés en rétention fassent l’objet de différentes formes de violence.
5. En plus d’être privés de leur liberté, les enfants migrants en rétention sont fréquemment privés d’autres droits fondamentaux, comme le droit au regroupement familial, le droit d’accès à l’éducation et le droit à des soins de santé de qualité adéquate.
6. L’Assemblée se félicite des solutions alternatives au placement en rétention d’enfants migrants promues par certains pays européens. Lorsqu’elles sont correctement appliquées, ces solutions sont plus efficaces, coûtent moins cher et protègent mieux les droits et la dignité des enfants; elles privilégient la qualité des retombées en termes de santé et de bien-être pour les enfants migrants.
7. L’Assemblée constate avec satisfaction que plusieurs Etats membres, dont la Belgique, le Danemark, la France, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, ont pris des mesures pour mettre fin au placement d’enfants migrants en rétention. Dans ces pays, les enfants migrants ne sont pas placés en rétention ou, si cela se produit, des dispositions législatives, politiques ou pratiques prévoient leur remise en liberté.
8. Cependant, bien que la législation de la plupart des Etats membres prévoie la mise en place de solutions alternatives à la rétention, la majorité d’entre eux ne les appliquent pas dans les faits.
9. L’Assemblée considère qu’il est urgent de mettre fin au placement en rétention d’enfants migrants, ce qui nécessite des efforts concertés de la part des autorités nationales concernées. En conséquence, l’Assemblée appelle les Etats membres:
9.1. à reconnaître qu’il n’est jamais dans l’intérêt supérieur d’un enfant d’être placé en rétention en raison de son statut ou de celui de ses parents, au regard de la législation sur l’immigration;
9.2. à introduire dans la législation l’interdiction du placement en rétention d’enfants pour des raisons relatives à l’immigration, lorsque cela n’a pas encore été fait, et à veiller à la pleine application de la législation dans les faits;
9.3. à s’abstenir de placer en rétention administrative des mineurs non accompagnés ou séparés;
9.4. à veiller à ce que les enfants soient traités avant tout comme des enfants et que les personnes qui se déclarent mineures soient traitées comme telles jusqu’à preuve du contraire;
9.5. à développer des procédures d’évaluation de l’âge adaptées aux enfants migrants;
9.6. à poursuivre leurs efforts pour mettre leur législation sur les étrangers en conformité avec les meilleures pratiques internationales, tout en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant tel que consacré par l’article 3 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et en favorisant diverses formes d’alternatives à la rétention reconnues au niveau international;
9.7. à adopter des alternatives à la rétention qui répondent à l’intérêt supérieur de l’enfant et permettent aux enfants de rester avec leur famille et/ou tuteur dans un cadre non carcéral, au sein de la collectivité, en attendant que la question de leur statut au regard de la législation sur l’immigration soit résolue;
9.8. à fournir les ressources nécessaires pour développer des alternatives au placement en rétention d’enfants migrants;
9.9. à s’efforcer d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes alternatifs à la rétention des enfants et de leur famille non privatifs de liberté, au sein de la collectivité, en s’appuyant sur le «modèle d'évaluation de la communauté et de placement adapté à l'enfant» (Child-sensitive Community Assessment and Placement (CCAP) Model);
9.10. à sensibiliser tous les agents publics, notamment la police, les procureurs et les juges chargés des affaires d’immigration, aux normes internationales des droits de l’homme, en insistant sur les droits de l’enfant et les alternatives à la rétention;
9.11. à diffuser les meilleures pratiques sur les alternatives à la rétention d’enfants migrants dans tous les Etats membres;
9.12. à encourager la collaboration entre les gouvernements des Etats membres, le Conseil de l’Europe, les agences des Nations Unies, les organisations intergouvernementales et les organisations de la société civile pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants et mettre en œuvre des alternatives non privatives de liberté, au sein de la collectivité, à la rétention des enfants et de leur famille.