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Résolution 2028 (2015) Version finale
La situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens
1. L’Assemblée parlementaire est fortement
préoccupée par l’instabilité actuelle dans certaines parties des régions
ukrainiennes de Donetsk et Louhansk, et la violation continue du
cessez-le-feu signé à Minsk le 5 septembre 2014. Le fait que la
Fédération de Russie prenne directement part à l’émergence et à
la détérioration de la situation dans ces parties de l’Ukraine est
particulièrement dérangeant. La situation de toutes les personnes
affectées par le conflit, notamment les personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays (PDI) et les réfugiés, ainsi que celles vivant
dans les régions contrôlées par des groupes armés pro-russes illégaux,
est particulièrement préoccupante.
2. Les nombreux rapports faisant état de graves violations des
droits de l’homme qui auraient été commises au cours des hostilités
armées et illustrées par le nombre élevé de victimes civiles, de
disparitions et de fosses communes doivent faire l’objet d’enquêtes
objectives et leurs auteurs doivent être traduits en justice. L’Assemblée
souligne l’importance de ne pas tolérer l’impunité, comme l’une
des conditions préalables à l’instauration de la sécurité dans la
région.
3. Par ailleurs, l’Assemblée déplore la dégradation de la situation
des droits de l’homme en Crimée, dont a rendu compte le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à l’issue de sa visite
en septembre 2014, marquée en particulier par des actes d’intimidation,
de harcèlement et de discrimination à l’égard des personnes d’origine
ukrainienne et des Tatars de Crimée.
4. Du fait de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie
et du conflit armé dans le Donbass ukrainien, plus de 921 000 personnes
(au 23 janvier 2015) ont été enregistrées comme PDI en Ukraine et
plus de 524 000 ont demandé l’asile ou un autre statut juridique
en Fédération de Russie. Plusieurs milliers de personnes ont cherché
protection dans d’autres pays européens, surtout en Pologne et au
Bélarus. Plus de deux millions de personnes sont restées dans les
régions contrôlées par les forces séparatistes, exposées à l’insécurité,
à de graves violations des droits de l’homme et à des conditions
de vie inadéquates.
5. Les Accords de Minsk des 5 et 19 septembre 2014, et l’amélioration
relative de la sécurité ont donné lieu au retour de près de 50 000
personnes dans les zones contrôlées par le Gouvernement ukrainien. Toutefois,
la situation sécuritaire instable, ainsi que les infrastructures
et les biens publics et privés détruits ou endommagés restent sources
de sérieuses préoccupations dans la région.
6. A cet égard, l’Assemblée salue de manière générale les mesures
prises par le Gouvernement ukrainien pour répondre aux besoins des
personnes qui ont été contraintes de quitter leur foyer. L’Assemblée
félicite le Parlement ukrainien de l’adoption, le 20 octobre 2014,
de la loi relative aux droits et libertés des personnes déplacées
à l’intérieur de leur pays et de la législation connexe en matière
de fiscalité et d’aide humanitaire, élaborées en coopération avec
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise). Elle salue également la générosité et la solidarité
remarquables dont la population et la société civile du pays ont
fait preuve pour faire face à la crise humanitaire.
7. L’Assemblée note avec satisfaction plusieurs mesures positives
prises par les autorités russes en réponse à l’afflux croissant
de réfugiés ukrainiens après le début des hostilités armées dans
le sud-est de l’Ukraine, en particulier les résolutions établissant
une procédure simplifiée d’octroi d’un asile temporaire pour les
citoyens de l’Ukraine et autorisant la délivrance d’un permis de
travail aux citoyens de l’Ukraine qui arrivent dans des «circonstances
urgentes et en masse».
8. L’assistance humanitaire de la communauté internationale est
importante pour alléger la situation humanitaire des PDI, des réfugiés
et des personnes restées dans les zones de conflit. Elle a cependant comporté
plusieurs «convois humanitaires» russes, qui sont malheureusement
entrés illégalement sur le territoire ukrainien, sans autorisation,
sans contrôle aux frontières ni coordination avec le Comité international de
la Croix-Rouge (CICR).
9. L’Assemblée remercie le Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR) pour sa réaction louable et l’assistance
fournie en vue de répondre aux besoins immédiats des personnes déplacées, et
l’invite à poursuivre ses efforts, à la lumière notamment des besoins
accrus pendant les mois d’hiver.
10. L’Assemblée souscrit pleinement aux initiatives prises par
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en vue
d’assurer le respect effectif des droits de l’homme en Crimée et
dans les zones touchées par le conflit situées dans les régions
ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk. Elle invite le Commissaire
à continuer à suivre la situation des droits de l’homme dans l’ensemble
de l’Ukraine, y compris en Crimée, en utilisant tous les moyens
dont il dispose.
11. Par ailleurs, le nombre croissant de personnes portées disparues
par toutes les parties au conflit militaire en Ukraine constitue
une autre préoccupation majeure.
12. L’Assemblée insiste sur le fait que seule une solution politique
durable fondée sur le respect de l’indépendance, de la souveraineté
et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et sur le respect des
droits de tous les citoyens de l’Ukraine, peut conduire à une amélioration
de la situation humanitaire. Le dialogue est la condition préalable
indispensable pour l’avenir pacifique de l’Ukraine.
13. En conséquence, l’Assemblée exhorte toutes les parties au
conflit:
13.1. à respecter et à appliquer
intégralement les dispositions du cessez-le-feu prévu par les Accords de
Minsk des 5 et 19 septembre 2014, et à s’abstenir de tout recours
à la force et à la violence, en particulier à l’égard des personnes
et des infrastructures civiles;
13.2. à se conformer sans conditions aux normes des droits de
l’homme et du droit humanitaire international, et, notamment, à
la Convention de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs
protocoles additionnels, ainsi qu’à la Convention européenne des
droits de l’homme (STE n° 5);
13.3. à libérer et à échanger tous les prisonniers de guerre
et les personnes emprisonnées en raison du conflit, et à échanger
toutes les dépouilles mortelles;
13.4. à accorder aux acteurs humanitaires et aux enquêteurs,
y compris à la mission de surveillance de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’accès permanent,
immédiat et libre à toutes les régions du conflit;
13.5. à fournir aux autorités ukrainiennes compétentes et, s’il
y a lieu, aux organes d'investigation internationaux, tous les éléments
de preuve et toutes les informations disponibles facilitant la conduite d’enquêtes
sur les atrocités et les violations des droits de l’homme qui auraient
été commises sur le territoire de l’Ukraine;
13.6. à garantir à toutes les personnes déplacées par le présent
conflit le droit de retourner chez elles de leur plein gré, ainsi
qu’à veiller à ce qu’elles puissent le faire en toute sécurité et
dans le respect de leur dignité; et à permettre et faciliter le
processus de reconstruction;
13.7. à prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour
aider les familles des personnes disparues à trouver et, le cas
échéant, à identifier les restes de leurs proches, en étroite coopération avec
le CICR;
13.8. à prendre des mesures efficaces de protection des propriétés
abandonnées par les PDI afin que ces propriétés puissent leur être
restituées à l’avenir;
13.9. à veiller à ce que l’aide humanitaire ukrainienne et internationale
destinée aux personnes qui se trouvent sur le territoire ukrainien
non contrôlé par le gouvernement puisse être apportée sans entrave, et
à prendre toutes les mesures visant à prévenir le blocage de l’aide
humanitaire.
14. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les autorités ukrainiennes
compétentes :
14.1. à se conformer
intégralement aux normes internationales définies dans les Principes
directeurs de 1998 relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur
de leur propre pays;
14.2. à continuer à mettre en œuvre la loi sur les droits et
libertés des PDI, et à veiller à ce que le cadre législatif connexe
soit complet, cohérent et transparent, en tenant compte du point
de vue des organisations internationales compétentes et de la société
civile;
14.3. à veiller à ce que les PDI soient systématiquement informées
de leurs droits et consultées sur leur choix, et à respecter leur
droit de choisir librement si elles veulent rentrer dans leur foyer,
s’intégrer localement ou se réinstaller dans une autre partie du
pays, et à prendre des mesures pour les aider à réaliser leur choix;
14.4. à mettre fin à la discrimination envers les Roms qui n’ont
pas de documents d’identité et rencontreraient à ce titre des difficultés
pour s’enregistrer en tant que PDI;
14.5. à élaborer et à mettre en place des politiques, des structures
et des programmes pour les PDI qui seront en mesure de regagner
leurs foyers en toute sécurité, ou à trouver d’autres solutions
durables pour celles qui pourraient en être empêchées;
14.6. à éviter de prendre et/ou à révoquer des mesures relatives
à l’offre des services publics essentiels dans les zones contrôlées
par les séparatistes pouvant aggraver la situation extrêmement difficile
des personnes qui y vivent;
14.7. à veiller à la responsabilité et à la transparence des
bénéficiaires de l’aide, et à la distribution de l’aide, de l’assistance
et des financements internationaux pour les PDI;
14.8. à éliminer les obstacles bureaucratiques superflus s’opposant
aux activités d’assistance humanitaire des organisations internationales
et non gouvernementales;
14.9. à diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales
sur toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire,
et à engager des poursuites, et à coopérer pleinement aux enquêtes internationales,
le cas échéant;
14.10. à prendre les mesures nécessaires pour maintenir des relations
harmonieuses entre les PDI et les communautés qui les accueillent,
y compris par la prévention d’une éventuelle stigmatisation des
PDI ou d’une éventuelle discrimination à leur encontre, et plus
généralement pour promouvoir l’unité nationale et la réconciliation.
15. L’Assemblée appelle les autorités russes :
15.1. à s’abstenir de déstabiliser
l’Ukraine et de financer et soutenir militairement les groupes armés illégaux,
et à user de leur influence pour amener ces derniers à respecter
et à appliquer intégralement les dispositions des Accords de Minsk;
15.2. à garantir la sécurité et le respect des droits de l’homme
de toutes les personnes qui vivent de facto sous
le contrôle illégal de la Fédération de Russie en Crimée, à assurer
le plein respect de toutes les obligations de l’Etat occupant conformément
au droit international humanitaire et à donner aux missions internationales
de surveillance des droits de l'homme un accès libre et immédiat
à la péninsule de Crimée;
15.3. à mener sans délai des enquêtes appropriées et efficaces
sur tous les cas de violations des droits de l’homme en Crimée,
y compris sur les cas de disparitions;
15.4. à mettre fin aux fouilles et aux contrôles disproportionnés
et excessifs, effectués par des membres des forces de sécurité armés
et masqués dans les institutions religieuses, les entreprises et les
habitations privées des Tatars de Crimée;
15.5. à continuer d’offrir une protection aux réfugiés ukrainiens
qui en font la demande et à porter assistance à ceux qui souhaitent
rentrer en Ukraine;
15.6. à simplifier la procédure de soumission de demandes d’asile
et à autoriser l’introduction de telles demandes aussi dans d’autres
villes de la Fédération de Russie que celles limitrophes de l’Ukraine,
et notamment à Moscou et à Saint-Pétersbourg;
15.7. à permettre aux réfugiés ukrainiens de s’installer également
à Moscou et à Saint-Pétersbourg dans les cas où, par exemple, ils
ont déjà des proches dans ces villes;
15.8. à s’abstenir d’imposer des quotas dans le cadre de l’installation
des demandeurs d’asile;
15.9. à s’assurer que ceux qui se voient accorder le droit d’asile
reçoivent systématiquement des documents d’identité leur permettant
d’accéder aux services sociaux;
15.10. à veiller à ce que les efforts visant à protéger les réfugiés
ukrainiens n’entraînent pas une affectation discriminatoire des
ressources destinées à la protection des demandeurs d’asile d’autres nationalités;
15.11. à libérer immédiatement tous les prisonniers de guerre,
y compris Nadia Savtchenko, membre du Parlement ukrainien et de
la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée parlementaire, et
les autres citoyens ukrainiens qui restent détenus illégalement
dans des prisons russes;
15.12. à veiller à ce que toutes les initiatives d’aide humanitaire
à l’Ukraine soient convenues avec le Gouvernement ukrainien et mises
en œuvre conformément à la législation ukrainienne, au droit international
et aux pratiques internationales établies.
16. L’Assemblée appelle la communauté internationale:
16.1. à continuer de fournir une aide
matérielle et organisationnelle aux PDI et aux réfugiés ukrainiens, notamment
pendant les mois d’hiver, et à aider les autorités ukrainiennes
à mettre en place des programmes d’assistance à long terme, y compris
une aide matérielle, organisationnelle et médicale, pour les PDI
qui seront en mesure de regagner leurs foyers en toute sécurité
ainsi que pour celles qui en seraient empêchées;
16.2. à soutenir immédiatement et sur le long terme les efforts
de reconstruction, les projets visant à rétablir l’approvisionnement
en eau et d’autres services essentiels;
16.3. à veiller à la responsabilité et à la transparence des
bénéficiaires de l’aide, qu’il s’agisse du gouvernement, d’autorités
locales, d’organisations internationales, d’organisations non gouvernementales
ou autres;
16.4. à continuer à suivre de près la situation en Crimée, en
particulier en ce qui concerne les Tatars de Crimée, afin de leur
garantir la pleine jouissance de tous leurs droits de l’homme et
libertés fondamentales;
16.5. à simplifier la procédure de demande du statut de réfugié
pour les ressortissants ukrainiens.
17. L’Assemblée invite la Banque de développement du Conseil de
l’Europe à envisager d’intervenir en vue d’aider la population ukrainienne
déplacée et de faciliter le processus de reconstruction dans les
zones dévastées.