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Résolution 2032 (2015) Version finale

L'égalité et la crise

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 janvier 2015 (6e séance) (voir Doc. 13661, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Nikolaj Villumsen; et Doc. 13683, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Igor Kolman). Texte adopté par l’Assemblée le 28 janvier 2015 (6e séance).

1. La majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe ont été touchés par la crise économique, dont les effets à long terme sur la population dépassent le cadre économique. Chômage en hausse, cohésion sociale en péril, plus grande pauvreté, inégalités et écarts de revenus grandissants, montée de la discrimination et de l’intolérance, tensions sociales et soutien accru aux partis politiques et mouvements populistes sont autant de répercussions de la crise.
2. Les mesures d’austérité ont été l’une des principales réactions à la crise. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par les répercussions négatives de la crise économique et des mesures d’austérité sur la jouissance des droits humains et sur l’égalité, lesquelles portent atteinte à l’égalité des chances et réduisent les financements dédiés aux programmes sociaux et aux organismes chargés de l’égalité. Les catégories de personnes vulnérables, parmi lesquelles les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les migrants, sont touchées de façon disproportionnée.
3. De plus, la crise économique a réduit le niveau de confiance dans le système politique et affaibli l’esprit de solidarité au sein de la société. Dans l’accomplissement de leur mission de contrôle démocratique, il importe que les parlements examinent l’impact sur les droits humains des mesures proposées par les gouvernements.
4. Pour faire face à la crise économique, il serait raisonnable de tenir compte de l’impact potentiel de celle-ci sur la population dans une perspective à long terme plutôt que de prendre uniquement des mesures à court terme. Les restrictions budgétaires ne devraient pas ignorer les droits humains et l’égalité. A ce titre, il est essentiel d’examiner les répercussions sur l’égalité et les droits humains pour assurer une prise de décision éclairée et atténuer, dans la mesure du possible, l’impact des mesures d’austérité sur les catégories de personnes vulnérables.
5. Le maintien d’un niveau élevé de protection sociale et la lutte contre les inégalités peuvent contribuer à stimuler la croissance et à réduire la pauvreté à long terme. Les mesures positives pour la protection des catégories de personnes vulnérables et de leur participation à la société devraient être préservées autant que faire se peut, de manière à garantir des seuils de protection sociale et la cohésion sociale, et éviter une régression des droits sociaux. L’Assemblée est convaincue que la justice sociale peut être bénéfique économiquement et socialement à long terme. En garantissant la responsabilisation des décideurs, en investissant dans l’égalité et en œuvrant pour l’inclusion et pour une approche participative, chacun peut contribuer à promouvoir une vision de la société fondée sur la solidarité et le respect des droits humains.
6. Les normes dans le domaine des droits humains comportent une obligation positive pour les Etats d’identifier les groupes à risque et de tenir compte de la vulnérabilité de ces derniers dans l’élaboration des politiques. A cet égard, la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) est un instrument essentiel pour la protection des droits sociaux, y compris en temps de crise économique. L’Assemblée se félicite de la ratification de la Charte sociale européenne (révisée) par 33 Etats membres et espère que ces ratifications seront suivies par d’autres dans les meilleurs délais.
7. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à investir dans l’égalité comme moyen de faire face à la crise économique et à prendre des mesures pour atténuer son impact sur les catégories de personnes les plus vulnérables;
7.2. à mener des évaluations d’impact sur les droits humains et l’égalité, en coopération avec les institutions nationales des droits de l’homme, en tenant compte d’une perspective à long terme dans l’élaboration de réponses stratégiques à la crise en matière économique et sociale;
7.3. à encourager une coopération accrue avec les partenaires sociaux et à organiser des consultations régulières avec des représentants d’institutions nationales des droits de l’homme, des partenaires sociaux et de la société civile en vue d’échanger sur une approche coordonnée de la crise économique et de moduler les politiques en fonction des besoins;
7.4. à mettre en place, s’il y a lieu, des structures basées sur le modèle islandais de «Welfare Watch» pour assurer le dialogue et faire face à l’impact disproportionné et aux effets cumulés de la crise et des mesures d’austérité sur les catégories de personnes vulnérables;
7.5. à promouvoir et à encourager la participation de catégories de personnes vulnérables, notamment les jeunes, aux plans de reprise de l’activité économique;
7.6. à intensifier les efforts pour lutter contre la discrimination fondée sur le genre, y compris celle liée à la maternité, sur le marché du travail;
7.7. à assurer un financement adéquat des programmes visant à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes, ainsi que des services d’aide et de protection des victimes de violence domestique ou sexuelle;
7.8. à accorder une plus grande attention à l’action contre le chômage et l’exclusion sociale des jeunes, à investir dans ce sens, et à favoriser la mise en œuvre des propositions énoncées dans la Résolution 1885 (2012) «La jeune génération sacrifiée: répercussions sociales, économiques et politiques de la crise financière»;
7.9. à adopter des politiques à même de garantir les droits des personnes handicapées, et d’assurer l’indépendance et la pleine inclusion de ces dernières dans la société;
7.10. à permettre aux personnes âgées de vivre dans la dignité en leur garantissant un revenu minimal suffisant, en favorisant l’inclusion sociale et en luttant contre les abus et la discrimination;
7.11. à intensifier les efforts pour lutter contre la montée du racisme et de la xénophobie, et à condamner le discours de haine, quel que soit le contexte économique;
7.12. à assurer aux institutions nationales des droits de l’homme un financement adéquat leur permettant d’exercer leur mandat.
8. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres:
8.1. à continuer de promouvoir la ratification et la mise en œuvre pleines et entières de la Charte sociale européenne (révisée), ainsi que du Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158) et du Protocole portant amendement à la Charte sociale européenne (STE no 142, «Protocole de Turin») prévoyant l’élection des membres du Comité européen des Droits sociaux par l’Assemblée;
8.2. à exercer un contrôle parlementaire sur les réponses apportées par les gouvernements pour faire face à la crise économique, en demandant à ce que des évaluations d’impact sur les droits humains et l’égalité soient menées, si tel n’est pas déjà le cas;
8.3. à organiser des débats parlementaires concernant l’impact de la crise économique sur les catégories de personnes les plus vulnérables;
8.4. à veiller à ce que des suites législatives soient données aux décisions du Comité européen des Droits sociaux;
8.5. à accroître la coopération avec les institutions nationales des droits de l’homme et les partenaires sociaux, et à les associer à l’élaboration des mesures de lutte contre la crise économique, et à intensifier le dialogue avec les organisations non gouvernementales sur la réponse à apporter à la crise économique.
9. L’Assemblée encourage les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine à poursuivre leur action en faveur du dialogue social ainsi que leurs activités de sensibilisation concernant la promotion et la protection des droits humains, notamment des droits économiques et sociaux, et l’impact de la crise économique sur les catégories de personnes les plus vulnérables.