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Résolution 2047 (2015)
Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique»
1. Un an après l’adoption de la Résolution 1971 (2014) «Les
réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l’aide internationale?»,
l’Assemblée parlementaire est consternée de voir que la situation
en Syrie s’est considérablement aggravée, engendrant une crise humanitaire
sans précédent.
2. Pour la seule année 2014, le conflit a atteint un sinistre
record de 76 000 morts, dont 3 500 enfants, et ce sans compter les
milliers de personnes portées disparues, que ce soit dans les prisons
ou sur les terres contrôlées par les djihadistes.
3. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR), l’on compte environ 11,5 millions de personnes concernées,
dont 4 millions de réfugiés ayant fui la Syrie et environ 7,5 millions
de personnes déplacées internes. L’une des conséquences de ce conflit
est que les Syriens sont devenus le plus grand groupe de réfugiés
sous mandat du HCR.
4. L’Assemblée est profondément préoccupée par la montée en puissance
du groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique» («EI»),
qui continue à multiplier les crimes de guerre, les nettoyages ethniques,
les crimes à motivation religieuse et les crimes contre l’humanité,
entraînant une aggravation du conflit et, par voie de conséquence,
un afflux massif de réfugiés dans les pays avoisinants.
5. Avec les activités de Daech, le soit-disant «Etat islamique»,
en Irak et en Syrie, les frontières entre ces deux pays se sont
estompées, transformant les deux pays en un seul champ de bataille.
Par conséquent, en plus des centaines de milliers de Syriens, de
nombreux Irakiens ont aussi été affectés par les atrocités commises
par l’organisation terroriste. Les Nations Unies ont récemment annoncé
que près de 3 millions de personnes sont réfugiées ou déplacées
à l’intérieur de l’Irak, dont la plupart ont été réinstallées dans
les camps de la région kurde. La Turquie, en tant que voisine immédiate
des zones affectées par le conflit, a accueilli plus de 200 000
Irakiens, dont 20 000 yézidis et chrétiens, et a construit trois
camps pour 37 500 personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak.
6. L’arrivée massive de réfugiés syriens n’est pas sans incidence
sur la vie socio-économique et politique des pays avoisinants, entraînant
de plus en plus de tensions entre les nationaux des pays d’accueil
et les réfugiés syriens.
7. L’Assemblée souhaite de nouveau rendre hommage à la générosité
de la Turquie, du Liban, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Egypte,
qui ont accueilli à eux seuls près de 92 % des réfugiés, ce qui
n’a pas été sans conséquence sur la vie socio-économique de ces
pays.
8. Elle salue également les efforts de l’Allemagne, qui a déjà
accueilli 33 000 personnes originaires de Syrie dans le cadre de
programmes humanitaires, soit plus d’un tiers des réfugiés syriens
ayant trouvé refuge en dehors de la région frappée par la crise;
le programme spécial du Land fédéral de Bade-Wurtemberg visant à
accueillir jusqu’à 1 000 femmes et mineurs victimes de violences
sexuelles; ainsi que la décision des autorités suédoises d’accorder
le statut de résident permanent aux demandeurs d’asile syriens.
9. Le conflit syrien a entraîné la séparation de nombreux enfants
de leur famille, et une augmentation des mineurs non accompagnés,
si bien que la nouvelle génération de Syriens se trouve confrontée
au risque d’apatridie. Les mineurs non accompagnés, ainsi que les
femmes et les jeunes filles représentent un pourcentage très élevé
des réfugiés et se retrouvent dans une situation plus que précaire
et souvent dangereuse, devenant ainsi des victimes toute désignées
de toutes formes d’exploitation ou de violence.
10. En Jordanie et en Turquie, par exemple, 85 % des réfugiés
syriens vivent à l’extérieur des camps; souvent sans ressources,
ils doivent recourir à la mendicité – les adultes comme les enfants
– ou ils se font exploiter.
11. La situation des personnes déplacées internes en Syrie est
également de plus en plus préoccupante, notamment au nord de la
Syrie où les attaques d’«EI» empêchent la délivrance de toute aide
à cette population, qui se retrouve dans un dénuement total, victime
d’un désastre médical et humanitaire à la suite de la pénurie de
médecins et de médicaments, et de la réapparition de maladies telles
que la polio, la tuberculose, la gale ou la typhoïde.
12. L’Assemblée constate et condamne la recrudescence du nombre
de victimes des trafiquants, notamment pour les migrants arrivant
par la mer Méditerranée, et souligne la nécessité de mettre en place
des mesures efficaces pour lutter contre ce trafic.
13. L’Assemblée constate également que bon nombre de pays n’accordent
pas l’accueil escompté ni de visas de transit aéroportuaire; elle
réitère son appel à la solidarité internationale et demande aux
Etats d’octroyer, autant que possible, le statut de réfugié. En
effet, les réfugiés syriens sont souvent refoulés ou finissent dans
des centres de rétention. Cependant, la Turquie a accueilli un grand
nombre de Syriens et l’Allemagne, la Suède et l’Arménie ont pris
des mesures pour en accueillir un nombre limité par le biais de mesures
de réinstallation.
14. L’Assemblée se félicite et soutient la proposition du HCR
de mettre en place une politique de réinstallation ainsi qu’un plan
d’admission humanitaire, et encourage les Etats à mettre en place
une telle politique pour permettre d’accueillir un plus grand nombre
de réfugiés syriens, notamment ceux faisant partie des groupes les
plus vulnérables.
15. L’Assemblée réitère son appel à tous les Etats pour qu’ils
fassent preuve de solidarité et de responsabilité face à cette crise
humanitaire sans précédent, pour qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires
pour empêcher leurs ressortissants de rejoindre les rangs d’«EI»
et pour qu’ils unissent leurs forces pour arriver à l’instauration
d’un processus de paix dans la région.
16. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil
de l’Europe, les Etats observateurs auprès du Conseil de l’Europe
et de son Assemblée parlementaire, et tous les Etats concernés par
la situation des réfugiés syriens:
16.1. à accroître les fonds alloués aux organisations humanitaires,
en particulier au HCR, et à soutenir activement leurs activités;
16.2. à soutenir et à prendre des engagements, dans la mesure
du possible, pour la mise en place d’un plan de réinstallation et
d’admission humanitaire;
16.3. à fournir une protection temporaire et/ou internationale
aux réfugiés syriens, conformément à la Convention des Nations Unies
relative au statut des réfugiés («Convention de Genève de 1951»)
et à leur permettre de travailler durant cette période, en suivant
l’exemple de la Turquie;
16.4. à activer les mécanismes de solidarité afin de partager
la responsabilité entre les Etats membres de l’Union européenne
(la directive de l’Union européenne sur l’octroi d’une protection
temporaire (2001/55/CE) est une option);
16.5. à offrir un soutien adéquat à des pays comme l’Italie
et la Grèce, qui subissent actuellement la pression d’un fort afflux
de réfugiés, afin qu’ils puissent convenablement accueillir les
demandeurs d’asile et traiter leurs demandes;
16.6. à activer immédiatement un projet de réinstallation d’urgence
des réfugiés syriens sauvés en mer en Grèce et en Italie dans différents
pays d’Europe, comme le recommande le Haut-Commissaire des Nations
Unies pour les réfugiés;
16.7. à mettre en place un dispositif légal et sûr pour autoriser
le passage des Syriens souhaitant se rendre dans les Etats membres
de l’Union européenne;
16.8. à octroyer des visas à des fins d’études ou d’emploi ou
pour des raisons humanitaires ou familiales, notamment aux groupes
les plus vulnérables;
16.9. à arrêter les expulsions collectives aux frontières terrestres
et maritimes, et à retirer l’exigence d’un visa de transit aéroportuaire
pour les ressortissants syriens;
16.10. à assurer de ne pas renvoyer les réfugiés dans des pays
n’ayant pas les capacités d’accueil et de protection adéquates;
16.11. à fournir une aide supplémentaire aux pays voisins de
la Syrie et à prendre des mesures pour fournir aux réfugiés syriens
toutes les ressources et les fournitures vitales nécessaires, que
ce soit de la nourriture, des médicaments, des vêtements ou des
soins médicaux;
16.12. à apporter une attention spéciale aux personnes déplacées
internes en Syrie, qui se trouvent dans une situation plus que désastreuse
et qui manquent du strict minimum vital;
16.13. à continuer à mettre en œuvre des programmes de protection
et d’aide aux groupes les plus vulnérables, et à prendre les mesures
adéquates pour veiller à la sécurité des femmes et des enfants à l’intérieur
des camps;
16.14. à lutter contre les passeurs dans le Bassin méditerranéen;
16.15. à lutter contre l’apatridie, en assurant autant que possible
l’avenir des jeunes Syriens;
16.16. à prendre des mesures pour faciliter l’intégration des
réfugiés syriens, en mettant en place des politiques d’intégration
globales;
16.17. à mettre en place des programmes de formation à l’intention
du personnel militaire et policier;
16.18. à traduire en justice les responsables de crimes de guerre
et de crimes contre l’humanité;
16.19. à soutenir la reconstruction de la ville de Kobané afin
de la préparer au retour des réfugiés.
17. L’Assemblée demande également aux Etats, et plus particulièrement
aux Etats parties au conflit, de prendre toutes les mesures nécessaires
pour impliquer les femmes dans le processus de paix et de respecter le
droit international en permettant aux équipes des Nations Unies
de faire leur travail.