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Résolution 2047 (2015)

Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 21 avril 2015 (13e séance) (voir Doc. 13741, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Jean-Marie Bockel). Texte adopté par l’Assemblée le 21 avril 2015 (13e séance).

1. Un an après l’adoption de la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l’aide internationale?», l’Assemblée parlementaire est consternée de voir que la situation en Syrie s’est considérablement aggravée, engendrant une crise humanitaire sans précédent.
2. Pour la seule année 2014, le conflit a atteint un sinistre record de 76 000 morts, dont 3 500 enfants, et ce sans compter les milliers de personnes portées disparues, que ce soit dans les prisons ou sur les terres contrôlées par les djihadistes.
3. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’on compte environ 11,5 millions de personnes concernées, dont 4 millions de réfugiés ayant fui la Syrie et environ 7,5 millions de personnes déplacées internes. L’une des conséquences de ce conflit est que les Syriens sont devenus le plus grand groupe de réfugiés sous mandat du HCR.
4. L’Assemblée est profondément préoccupée par la montée en puissance du groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique» («EI»), qui continue à multiplier les crimes de guerre, les nettoyages ethniques, les crimes à motivation religieuse et les crimes contre l’humanité, entraînant une aggravation du conflit et, par voie de conséquence, un afflux massif de réfugiés dans les pays avoisinants.
5. Avec les activités de Daech, le soit-disant «Etat islamique», en Irak et en Syrie, les frontières entre ces deux pays se sont estompées, transformant les deux pays en un seul champ de bataille. Par conséquent, en plus des centaines de milliers de Syriens, de nombreux Irakiens ont aussi été affectés par les atrocités commises par l’organisation terroriste. Les Nations Unies ont récemment annoncé que près de 3 millions de personnes sont réfugiées ou déplacées à l’intérieur de l’Irak, dont la plupart ont été réinstallées dans les camps de la région kurde. La Turquie, en tant que voisine immédiate des zones affectées par le conflit, a accueilli plus de 200 000 Irakiens, dont 20 000 yézidis et chrétiens, et a construit trois camps pour 37 500 personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak.
6. L’arrivée massive de réfugiés syriens n’est pas sans incidence sur la vie socio-économique et politique des pays avoisinants, entraînant de plus en plus de tensions entre les nationaux des pays d’accueil et les réfugiés syriens.
7. L’Assemblée souhaite de nouveau rendre hommage à la générosité de la Turquie, du Liban, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Egypte, qui ont accueilli à eux seuls près de 92 % des réfugiés, ce qui n’a pas été sans conséquence sur la vie socio-économique de ces pays.
8. Elle salue également les efforts de l’Allemagne, qui a déjà accueilli 33 000 personnes originaires de Syrie dans le cadre de programmes humanitaires, soit plus d’un tiers des réfugiés syriens ayant trouvé refuge en dehors de la région frappée par la crise; le programme spécial du Land fédéral de Bade-Wurtemberg visant à accueillir jusqu’à 1 000 femmes et mineurs victimes de violences sexuelles; ainsi que la décision des autorités suédoises d’accorder le statut de résident permanent aux demandeurs d’asile syriens.
9. Le conflit syrien a entraîné la séparation de nombreux enfants de leur famille, et une augmentation des mineurs non accompagnés, si bien que la nouvelle génération de Syriens se trouve confrontée au risque d’apatridie. Les mineurs non accompagnés, ainsi que les femmes et les jeunes filles représentent un pourcentage très élevé des réfugiés et se retrouvent dans une situation plus que précaire et souvent dangereuse, devenant ainsi des victimes toute désignées de toutes formes d’exploitation ou de violence.
10. En Jordanie et en Turquie, par exemple, 85 % des réfugiés syriens vivent à l’extérieur des camps; souvent sans ressources, ils doivent recourir à la mendicité – les adultes comme les enfants – ou ils se font exploiter.
11. La situation des personnes déplacées internes en Syrie est également de plus en plus préoccupante, notamment au nord de la Syrie où les attaques d’«EI» empêchent la délivrance de toute aide à cette population, qui se retrouve dans un dénuement total, victime d’un désastre médical et humanitaire à la suite de la pénurie de médecins et de médicaments, et de la réapparition de maladies telles que la polio, la tuberculose, la gale ou la typhoïde.
12. L’Assemblée constate et condamne la recrudescence du nombre de victimes des trafiquants, notamment pour les migrants arrivant par la mer Méditerranée, et souligne la nécessité de mettre en place des mesures efficaces pour lutter contre ce trafic.
13. L’Assemblée constate également que bon nombre de pays n’accordent pas l’accueil escompté ni de visas de transit aéroportuaire; elle réitère son appel à la solidarité internationale et demande aux Etats d’octroyer, autant que possible, le statut de réfugié. En effet, les réfugiés syriens sont souvent refoulés ou finissent dans des centres de rétention. Cependant, la Turquie a accueilli un grand nombre de Syriens et l’Allemagne, la Suède et l’Arménie ont pris des mesures pour en accueillir un nombre limité par le biais de mesures de réinstallation.
14. L’Assemblée se félicite et soutient la proposition du HCR de mettre en place une politique de réinstallation ainsi qu’un plan d’admission humanitaire, et encourage les Etats à mettre en place une telle politique pour permettre d’accueillir un plus grand nombre de réfugiés syriens, notamment ceux faisant partie des groupes les plus vulnérables.
15. L’Assemblée réitère son appel à tous les Etats pour qu’ils fassent preuve de solidarité et de responsabilité face à cette crise humanitaire sans précédent, pour qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher leurs ressortissants de rejoindre les rangs d’«EI» et pour qu’ils unissent leurs forces pour arriver à l’instauration d’un processus de paix dans la région.
16. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe, les Etats observateurs auprès du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire, et tous les Etats concernés par la situation des réfugiés syriens:
16.1. à accroître les fonds alloués aux organisations humanitaires, en particulier au HCR, et à soutenir activement leurs activités;
16.2. à soutenir et à prendre des engagements, dans la mesure du possible, pour la mise en place d’un plan de réinstallation et d’admission humanitaire;
16.3. à fournir une protection temporaire et/ou internationale aux réfugiés syriens, conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés («Convention de Genève de 1951») et à leur permettre de travailler durant cette période, en suivant l’exemple de la Turquie;
16.4. à activer les mécanismes de solidarité afin de partager la responsabilité entre les Etats membres de l’Union européenne (la directive de l’Union européenne sur l’octroi d’une protection temporaire (2001/55/CE) est une option);
16.5. à offrir un soutien adéquat à des pays comme l’Italie et la Grèce, qui subissent actuellement la pression d’un fort afflux de réfugiés, afin qu’ils puissent convenablement accueillir les demandeurs d’asile et traiter leurs demandes;
16.6. à activer immédiatement un projet de réinstallation d’urgence des réfugiés syriens sauvés en mer en Grèce et en Italie dans différents pays d’Europe, comme le recommande le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;
16.7. à mettre en place un dispositif légal et sûr pour autoriser le passage des Syriens souhaitant se rendre dans les Etats membres de l’Union européenne;
16.8. à octroyer des visas à des fins d’études ou d’emploi ou pour des raisons humanitaires ou familiales, notamment aux groupes les plus vulnérables;
16.9. à arrêter les expulsions collectives aux frontières terrestres et maritimes, et à retirer l’exigence d’un visa de transit aéroportuaire pour les ressortissants syriens;
16.10. à assurer de ne pas renvoyer les réfugiés dans des pays n’ayant pas les capacités d’accueil et de protection adéquates;
16.11. à fournir une aide supplémentaire aux pays voisins de la Syrie et à prendre des mesures pour fournir aux réfugiés syriens toutes les ressources et les fournitures vitales nécessaires, que ce soit de la nourriture, des médicaments, des vêtements ou des soins médicaux;
16.12. à apporter une attention spéciale aux personnes déplacées internes en Syrie, qui se trouvent dans une situation plus que désastreuse et qui manquent du strict minimum vital;
16.13. à continuer à mettre en œuvre des programmes de protection et d’aide aux groupes les plus vulnérables, et à prendre les mesures adéquates pour veiller à la sécurité des femmes et des enfants à l’intérieur des camps;
16.14. à lutter contre les passeurs dans le Bassin méditerranéen;
16.15. à lutter contre l’apatridie, en assurant autant que possible l’avenir des jeunes Syriens;
16.16. à prendre des mesures pour faciliter l’intégration des réfugiés syriens, en mettant en place des politiques d’intégration globales;
16.17. à mettre en place des programmes de formation à l’intention du personnel militaire et policier;
16.18. à traduire en justice les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité;
16.19. à soutenir la reconstruction de la ville de Kobané afin de la préparer au retour des réfugiés.
17. L’Assemblée demande également aux Etats, et plus particulièrement aux Etats parties au conflit, de prendre toutes les mesures nécessaires pour impliquer les femmes dans le processus de paix et de respecter le droit international en permettant aux équipes des Nations Unies de faire leur travail.