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Avis 289 (2015)

Projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 avril 2015 (16e séance) (voir Doc. 13763, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: Lord John E. Tomlinson). Texte adopté par l’Assemblée le 23 avril 2015 (16e séance).

1. L’Assemblée parlementaire s’inquiète des effets du terrorisme sur la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme. Elle a toujours attaché la plus haute importance au respect des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme, comme elle l’a réaffirmé dans la Résolution 1840 (2011) sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Les Etats doivent être capables de prendre les mesures appropriées pour lutter contre le terrorisme, mais «[i]l n’est pas nécessaire d’instaurer un compromis entre les droits de l’homme et les actions efficaces de la lutte contre le terrorisme» (voir le paragraphe 2 de la résolution). Des garanties suffisantes existent en droit international des droits de l’homme, y compris dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et dans ses protocoles, pour réagir avec souplesse dans les situations d’urgence qui menacent l’existence même des sociétés et, de manière plus générale, pour protéger l’ordre public, la sécurité nationale ou d’autres intérêts légitimes.
2. Le projet de protocole additionnel 
			(1) 
			Doc. 13753. à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196) fait écho à la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme. Il oblige les Etats à ériger en infraction pénale certains comportements pouvant avoir un lien avec la commission d’infractions terroristes et vise en particulier à prévenir et à limiter le flux de «combattants terroristes étrangers».
3. L’Assemblée note à ce sujet que le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme a été rédigé très rapidement, peu après les attentats terroristes commis à Paris les 7, 8 et 9 janvier 2015. Certaines organisations internationales non gouvernementales (OING) de premier plan, dont Amnesty International, la Commission internationale de juristes et Open Society Justice Initiative, ont critiqué cette précipitation et exprimé leur préoccupation au sujet des éventuels effets négatifs de ce texte sur les droits de l’homme, comme la liberté de circulation, la présomption d’innocence ou la sécurité juridique, et de la limite peu claire entre son application en temps de paix et en temps de guerre, et l’applicabilité du droit international humanitaire. Des doutes portent aussi sur l’incrimination d’actes préparatoires pour lesquels il ne semble pas que soit exigée une intention directe de commettre l’infraction principale (un acte de terrorisme) et qui sont très éloignés de la principale infraction (terroriste) pouvant être commise.
4. L’Assemblée est pleinement consciente des préoccupations mentionnées ci-dessus et considère qu’elles n’apparaissent pas suffisamment dans le projet de rapport explicatif du projet de protocole additionnel. En particulier, l’introduction de l’infraction de «se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme» pourrait poser problème du point de vue de la liberté de circulation et du droit à une nationalité. L’Assemblée rappelle qu’il n’existe pas de définition unanimement reconnue du terrorisme, que les terroristes sont des criminels, non des soldats, et que les infractions qu’ils commettent n’équivalent pas à des actes de guerre. Comme le souligne la Résolution 1840 (2011), «le terrorisme doit être traité en priorité par le système de justice pénale, dont les garanties de procès équitable, intégrées et bien établies, permettent de protéger la présomption d’innocence et le droit à la liberté de tous» (paragraphe 6) et «[l]es mesures limitant les droits de l’homme doivent être formulées clairement et interprétées de façon stricte, notamment lorsque la responsabilité pénale est engagée, et doivent s’accompagner d’un contrôle judiciaire et politique adéquat» (paragraphe 5.3).
5. L’Assemblée ne juge pas particulièrement utile d’élargir le cadre juridique actuellement applicable à la lutte contre le terrorisme. Compte tenu toutefois du projet de rapport explicatif, elle considère que la Convention pour la prévention du terrorisme comporte des garanties suffisantes qui s’appliqueront aux Etats parties si le projet de protocole additionnel est adopté et entre en vigueur. En particulier, la convention dispose clairement qu’elle ne s’applique pas aux situations de conflit armé. L’Assemblée n’en reconnaît pas moins la nécessité de renforcer encore les garanties de respect des droits de l’homme dans le texte du projet de protocole additionnel proprement dit, comme elle le recommande ci‑dessous. De plus, l’application du protocole additionnel dépendrait de sa transposition, au besoin, dans le droit pénal des Etats parties.
6. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’apporter les amendements ci-après au projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme:
6.1. dans le préambule, ajouter un nouveau paragraphe 8 libellé comme suit: «Considérant l’Avis 289 (2015), adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 23 avril 2015»;
6.2. à la fin de l’article premier, ajouter: «, et de leurs obligations en vertu du droit international des droits de l’homme»;
6.3. au paragraphe 1 de l’article 8, après l’adverbe «notamment», ajouter «le droit à un procès équitable, le principe de sécurité juridique,»; après les mots «la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales», ajouter «et dans ses protocoles additionnels»; et après les mots «le Pacte international relatif aux droits civils et politiques», ajouter «, dans la Convention relative aux droits de l’enfant»;
6.4. la deuxième phrase de l’article 9 devrait être libellée comme suit: «Pour les Parties, toutes les dispositions du présent Protocole sont considérées comme des articles additionnels à la Convention et s’appliquent en conséquence, à l’exception de l’article 9 de la Convention.»