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Avis 289 (2015)
Projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme
1. L’Assemblée parlementaire s’inquiète
des effets du terrorisme sur la démocratie, l’Etat de droit et les droits
de l’homme. Elle a toujours attaché la plus haute importance au
respect des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme,
comme elle l’a réaffirmé dans la Résolution 1840 (2011) sur les droits
de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Les Etats doivent être
capables de prendre les mesures appropriées pour lutter contre le
terrorisme, mais «[i]l n’est pas nécessaire d’instaurer un compromis
entre les droits de l’homme et les actions efficaces de la lutte
contre le terrorisme» (voir le paragraphe 2 de la résolution). Des
garanties suffisantes existent en droit international des droits
de l’homme, y compris dans la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5) et dans ses protocoles,
pour réagir avec souplesse dans les situations d’urgence qui menacent
l’existence même des sociétés et, de manière plus générale, pour
protéger l’ordre public, la sécurité nationale ou d’autres intérêts
légitimes.
2. Le projet de protocole additionnel à
la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme
(STCE no 196) fait écho à la Résolution 2178 (2014)
du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les menaces contre
la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme.
Il oblige les Etats à ériger en infraction pénale certains comportements
pouvant avoir un lien avec la commission d’infractions terroristes
et vise en particulier à prévenir et à limiter le flux de «combattants
terroristes étrangers».
3. L’Assemblée note à ce sujet que le projet de protocole additionnel
à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme
a été rédigé très rapidement, peu après les attentats terroristes commis
à Paris les 7, 8 et 9 janvier 2015. Certaines organisations internationales
non gouvernementales (OING) de premier plan, dont Amnesty International,
la Commission internationale de juristes et Open Society Justice
Initiative, ont critiqué cette précipitation et exprimé leur préoccupation
au sujet des éventuels effets négatifs de ce texte sur les droits
de l’homme, comme la liberté de circulation, la présomption d’innocence
ou la sécurité juridique, et de la limite peu claire entre son application
en temps de paix et en temps de guerre, et l’applicabilité du droit
international humanitaire. Des doutes portent aussi sur l’incrimination
d’actes préparatoires pour lesquels il ne semble pas que soit exigée
une intention directe de commettre l’infraction principale (un acte
de terrorisme) et qui sont très éloignés de la principale infraction
(terroriste) pouvant être commise.
4. L’Assemblée est pleinement consciente des préoccupations mentionnées
ci-dessus et considère qu’elles n’apparaissent pas suffisamment
dans le projet de rapport explicatif du projet de protocole additionnel. En
particulier, l’introduction de l’infraction de «se rendre à l’étranger
à des fins de terrorisme» pourrait poser problème du point de vue
de la liberté de circulation et du droit à une nationalité. L’Assemblée
rappelle qu’il n’existe pas de définition unanimement reconnue du
terrorisme, que les terroristes sont des criminels, non des soldats,
et que les infractions qu’ils commettent n’équivalent pas à des
actes de guerre. Comme le souligne la Résolution 1840 (2011), «le terrorisme
doit être traité en priorité par le système de justice pénale, dont
les garanties de procès équitable, intégrées et bien établies, permettent
de protéger la présomption d’innocence et le droit à la liberté
de tous» (paragraphe 6) et «[l]es mesures limitant les droits de
l’homme doivent être formulées clairement et interprétées de façon
stricte, notamment lorsque la responsabilité pénale est engagée, et
doivent s’accompagner d’un contrôle judiciaire et politique adéquat»
(paragraphe 5.3).
5. L’Assemblée ne juge pas particulièrement utile d’élargir le
cadre juridique actuellement applicable à la lutte contre le terrorisme.
Compte tenu toutefois du projet de rapport explicatif, elle considère
que la Convention pour la prévention du terrorisme comporte des
garanties suffisantes qui s’appliqueront aux Etats parties si le
projet de protocole additionnel est adopté et entre en vigueur.
En particulier, la convention dispose clairement qu’elle ne s’applique
pas aux situations de conflit armé. L’Assemblée n’en reconnaît pas
moins la nécessité de renforcer encore les garanties de respect
des droits de l’homme dans le texte du projet de protocole additionnel
proprement dit, comme elle le recommande ci‑dessous. De plus, l’application
du protocole additionnel dépendrait de sa transposition, au besoin,
dans le droit pénal des Etats parties.
6. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’apporter
les amendements ci-après au projet de protocole additionnel à la
Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme:
6.1. dans le préambule, ajouter un
nouveau paragraphe 8 libellé comme suit: «Considérant l’Avis 289 (2015),
adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 23
avril 2015»;
6.2. à la fin de l’article premier, ajouter: «, et de leurs
obligations en vertu du droit international des droits de l’homme»;
6.3. au paragraphe 1 de l’article 8, après l’adverbe «notamment»,
ajouter «le droit à un procès équitable, le principe de sécurité
juridique,»; après les mots «la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales», ajouter «et dans ses protocoles
additionnels»; et après les mots «le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques», ajouter «, dans la Convention
relative aux droits de l’enfant»;
6.4. la deuxième phrase de l’article 9 devrait être libellée
comme suit: «Pour les Parties, toutes les dispositions du présent
Protocole sont considérées comme des articles additionnels à la
Convention et s’appliquent en conséquence, à l’exception de l’article
9 de la Convention.»