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Résolution 2059 (2015)

La criminalisation des migrants en situation irrégulière: un crime sans victime

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 22 mai 2015 (voir Doc. 13788, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Ionuţ-Marian Stroe).

1. Des politiques migratoires de plus en plus restrictives, une exclusion sociale accrue et un accès limité des migrants aux droits humains et sociaux, telle est la réalité que dénonce l’Assemblée parlementaire depuis des années.
2. Le terme de « migrant » contient encore une forme de stigmatisation à l’égard du groupe ou de la personne auquel il s’applique, surtout lorsqu’il est associé à l’illégalité.
3. L’Assemblée constate en outre que la politique de contrôle des frontières externes de l’Union européenne s’articule à partir de dénominations associant migration et attributs criminogènes, faisant de la migration une affaire de sécurité intérieure, associant ainsi migration, et menace à l’ordre public et à l’ordre social.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne l’importance d’une utilisation correcte des termes, à savoir les migrants «en situation irrégulière», et non pas «illégaux» ou «clandestins». Une utilisation incorrecte de la terminologie relative à la migration contribue à renforcer les sentiments xénophobes et racistes, et à accroître la peur envers les migrants, peur qui est déjà alimentée par la crise économique et l’instabilité politique, notamment dans les pays du sud de la Méditerranée.
5. Constatant que certains Etats membres de l’Union européenne, en violation de la Directive 2002/90/CE définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers (dite Directive Accueil), sanctionnent l’aide humanitaire, instituant ainsi un «délit de solidarité», l’Assemblée rappelle la nécessité de mettre fin à la menace de poursuites pour complicité à la migration irrégulière, engagées à l’encontre des personnes qui portent secours.
6. L’Assemblée dénonce toute pratique des tribunaux visant à juger avec plus de sévérité les cas d’arrestation, d’incarcération et de condamnation de migrants en tant qu’auteurs d’infractions pénales.
7. Elle propose également de n’utiliser la rétention qu’en dernier ressort, en particulier pour les demandeurs d’asile dont la rétention devrait être aussi brève que possible, et d’avoir recours dans la mesure du possible à d’autres solutions que la rétention.
8. L’Assemblée rappelle que les demandeurs d’asile ont le droit de bénéficier de la protection internationale et de jouir de la liberté de mouvement.
9. Face à cette tendance et contrairement à l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), les migrants en situation irrégulière se voient refuser le minimum de droits sociaux, ils vivent dans des conditions très éloignées des principes de protection et de dignité de l’être humain, et ont, pour survivre, parfois recours à des activités illégales afin de subvenir à leurs besoins fondamentaux.
10. L’Assemblée souligne la nécessité d’adopter une approche plus objective et fondée sur la considération de l’être humain, ce qui découragerait toute pratique discriminatoire et dégradante envers les migrants, y compris les migrants en situation irrégulière en Europe.
11. En conséquence, l’Assemblée demande aux Etats membres:
11.1. de promouvoir et de respecter les normes des droits fondamentaux pour les migrants, y compris les migrants en situation irrégulière;
11.2. de promouvoir l’utilisation d’un langage neutre et de remplacer, dans les discours et les documents officiels, l’expression «migrants illégaux» par «migrants en situation irrégulière»;
11.3. de lutter contre la désinformation et les stéréotypes négatifs concernant les migrants; de condamner sans réserve l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques dans des discours populistes;
11.4. d’appliquer stricto sensu aux migrants les normes relatives à l’entrée, au transit et au séjour sur le territoire des pays de l’Union européenne;
11.5. de garantir aux demandeurs d’asile l’accès à une procédure équitable;
11.6. de donner un accès aux droits essentiels pour la dignité humaine (soins médicaux, éducation) aux migrants en situation irrégulière;
11.7. d’établir des guides de bonnes pratiques pour l’arrestation et la détention des migrants en situation irrégulière;
11.8. de mettre en place, dans la mesure du possible, d’autres mesures que la rétention;
11.9. d’appliquer les principes régissant la rétention administrative dans les centres de rétention des migrants;
11.10. de prendre des mesures afin de renforcer la lutte contre la traite et le trafic illicite de migrants;
11.11. de poursuivre, le cas échéant, la réflexion quant à la définition des frontières maritimes et de faire en sorte que les personnes secourues soient autorisées à débarquer.