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Résolution 2059 (2015)
La criminalisation des migrants en situation irrégulière: un crime sans victime
1. Des politiques migratoires de plus
en plus restrictives, une exclusion sociale accrue et un accès limité des
migrants aux droits humains et sociaux, telle est la réalité que
dénonce l’Assemblée parlementaire depuis des années.
2. Le terme de « migrant » contient encore une forme de stigmatisation
à l’égard du groupe ou de la personne auquel il s’applique, surtout
lorsqu’il est associé à l’illégalité.
3. L’Assemblée constate en outre que la politique de contrôle
des frontières externes de l’Union européenne s’articule à partir
de dénominations associant migration et attributs criminogènes,
faisant de la migration une affaire de sécurité intérieure, associant
ainsi migration, et menace à l’ordre public et à l’ordre social.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne l’importance d’une
utilisation correcte des termes, à savoir les migrants «en situation
irrégulière», et non pas «illégaux» ou «clandestins». Une utilisation
incorrecte de la terminologie relative à la migration contribue
à renforcer les sentiments xénophobes et racistes, et à accroître la
peur envers les migrants, peur qui est déjà alimentée par la crise
économique et l’instabilité politique, notamment dans les pays du
sud de la Méditerranée.
5. Constatant que certains Etats membres de l’Union européenne,
en violation de la Directive 2002/90/CE définissant l'aide à l'entrée,
au transit et au séjour irréguliers (dite Directive Accueil), sanctionnent
l’aide humanitaire, instituant ainsi un «délit de solidarité», l’Assemblée
rappelle la nécessité de mettre fin à la menace de poursuites pour
complicité à la migration irrégulière, engagées à l’encontre des
personnes qui portent secours.
6. L’Assemblée dénonce toute pratique des tribunaux visant à
juger avec plus de sévérité les cas d’arrestation, d’incarcération
et de condamnation de migrants en tant qu’auteurs d’infractions
pénales.
7. Elle propose également de n’utiliser la rétention qu’en dernier
ressort, en particulier pour les demandeurs d’asile dont la rétention
devrait être aussi brève que possible, et d’avoir recours dans la
mesure du possible à d’autres solutions que la rétention.
8. L’Assemblée rappelle que les demandeurs d’asile ont le droit
de bénéficier de la protection internationale et de jouir de la
liberté de mouvement.
9. Face à cette tendance et contrairement à l’esprit de la Déclaration
universelle des droits de l’homme et de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), les
migrants en situation irrégulière se voient refuser le minimum de
droits sociaux, ils vivent dans des conditions très éloignées des
principes de protection et de dignité de l’être humain, et ont,
pour survivre, parfois recours à des activités illégales afin de
subvenir à leurs besoins fondamentaux.
10. L’Assemblée souligne la nécessité d’adopter une approche plus
objective et fondée sur la considération de l’être humain, ce qui
découragerait toute pratique discriminatoire et dégradante envers
les migrants, y compris les migrants en situation irrégulière en
Europe.
11. En conséquence, l’Assemblée demande aux Etats membres:
11.1. de promouvoir et de respecter
les normes des droits fondamentaux pour les migrants, y compris les
migrants en situation irrégulière;
11.2. de promouvoir l’utilisation d’un langage neutre et de
remplacer, dans les discours et les documents officiels, l’expression
«migrants illégaux» par «migrants en situation irrégulière»;
11.3. de lutter contre la désinformation et les stéréotypes
négatifs concernant les migrants; de condamner sans réserve l’instrumentalisation
des migrants à des fins politiques dans des discours populistes;
11.4. d’appliquer stricto sensu aux
migrants les normes relatives à l’entrée, au transit et au séjour
sur le territoire des pays de l’Union européenne;
11.5. de garantir aux demandeurs d’asile l’accès à une procédure
équitable;
11.6. de donner un accès aux droits essentiels pour la dignité
humaine (soins médicaux, éducation) aux migrants en situation irrégulière;
11.7. d’établir des guides de bonnes pratiques pour l’arrestation
et la détention des migrants en situation irrégulière;
11.8. de mettre en place, dans la mesure du possible, d’autres
mesures que la rétention;
11.9. d’appliquer les principes régissant la rétention administrative
dans les centres de rétention des migrants;
11.10. de prendre des mesures afin de renforcer la lutte contre
la traite et le trafic illicite de migrants;
11.11. de poursuivre, le cas échéant, la réflexion quant à la
définition des frontières maritimes et de faire en sorte que les
personnes secourues soient autorisées à débarquer.