Imprimer
Autres documents liés

Résolution 2064 (2015)

Situation en Hongrie à la suite de l’adoption de la Résolution 1941 (2013) de l’Assemblée

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance) (voir Doc. 13806, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Robert Walter; Doc. 13831, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Arcadio Díaz Tejera; et Doc. 13832, avis de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Gvozden Srećko Flego). Texte adopté par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance).

1. En juin 2013, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1941 (2013) sur une demande d’ouverture d’une procédure de suivi pour la Hongrie. Se déclarant profondément inquiète de «l’érosion de l’équilibre démocratique entre les différents pouvoirs qui résulte du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie», l’Assemblée a souligné que «[l]es analyses de la Constitution et de plusieurs lois cardinales effectuées par des experts de la Commission de Venise et du Conseil de l’Europe soulèvent un certain nombre de questions quant à la compatibilité de certaines dispositions avec les normes et standards européens, y compris avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme». Plus précisément, l’Assemblée:
1.1. a appelé les autorités hongroises à poursuivre leur dialogue ouvert et constructif avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et toutes les autres institutions européennes, et à prendre un ensemble de mesures particulières concernant la loi sur la liberté de religion et le statut des Eglises, la loi sur l’élection des membres du parlement, la loi sur la Cour constitutionnelle, les lois relatives au système judiciaire et la législation applicable aux médias;
1.2. a noté que le nouveau Parlement hongrois avait, pour la première fois dans l’histoire de la Hongrie libre et démocratique, amendé son ancienne Constitution – héritée du système de parti unique –, pour en faire une nouvelle loi fondamentale moderne, à l’issue d’une procédure démocratique et d’intenses débats au parlement, et avec des contributions de la société civile hongroise;
1.3. tout en soulignant que, pris séparément, chacun des sujets de préoccupation mentionnés était, en soi, grave, a mis en garde contre «l’accumulation de réformes visant à établir un contrôle politique sur la plupart des institutions essentielles tout en affaiblissant le système d’équilibre des pouvoirs»;
1.4. a décidé, en conclusion, de ne pas ouvrir de procédure de suivi à l’égard de la Hongrie, mais «de suivre de près l’évolution de la situation en Hongrie et de dresser le bilan des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente résolution».
2. Deux ans plus tard, l’Assemblée fait le point sur ces progrès et note en particulier ce qui suit:
2.1. s’agissant de la nouvelle loi hongroise sur les Eglises, il apparaît clairement que la liberté de religion est importante dans la société hongroise. Toutefois, concernant l’enregistrement des Eglises, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté, dans son arrêt du 8 avril 2014, une violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) interprété à la lumière de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), puisque cette loi bafouait les droits des groupes religieux en les privant de leur statut d’Eglise. Le 15 mai 2015, les autorités hongroises ont informé le Conseil de l’Europe que six Eglises étaient sur le point de signer un accord, et quatre autres un accord partiel, mais cela ne garantit pas la conformité avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme;
2.2. le droit de reconnaître à un groupe confessionnel le statut d’Eglise fait toujours partie des compétences du parlement, et non d’une autorité indépendante comme l’a demandé l’Assemblée. Il n’existe toujours pas de possibilité de faire appel d’une décision d’accepter ou de rejeter une demande de reconnaissance en tant qu’Eglise;
2.3. se référant au rapport sur la Hongrie publié par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 16 décembre 2014, l’Assemblée note avec préoccupation que celui-ci constate la présence d’un très grand nombre d’organisations et de mouvements racistes et extrémistes dans le pays, ainsi qu’un extrémisme rampant dans l’arène politique. Des conclusions comparables sont formulées dans le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du 19 mars 2015. L’Assemblée exhorte par conséquent la Hongrie à mettre en œuvre les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme et de l’ECRI;
2.4. comme l’exigeait la Cour constitutionnelle, les circonscriptions électorales ont été redécoupées dans un souci d’équité, un changement positif reconnu par la Commission de Venise et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH). Cependant, les partis d’opposition estiment que la situation n’est toujours pas juste. Bien que les recommandations de l’Assemblée – qui concordent avec celles de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH – concernant la nécessité qu’un organe indépendant soit chargé du découpage des circonscriptions électorales n’aient pas été suivies, le principal problème ne semble pas être la loi sur l’élection des membres du parlement mais la loi relative aux procédures électorales, qui n’a pas, à ce jour, été examinée par la Commission de Venise;
2.5. en ce qui concerne la Cour constitutionnelle:
2.5.1. aucun changement n’a été apporté dans la loi concernant la limitation de ses compétences en matière économique, ce que la Commission de Venise a clairement critiqué;
2.5.2. bien qu’aucun changement n’ait été apporté dans la loi à la suite de l’avis formulé par la Commission de Venise sur la possibilité pour la Cour constitutionnelle de se référer à sa jurisprudence antérieure, la Cour constitutionnelle hongroise, dans une décision adoptée en 2013, a déclaré qu’il était possible de se référer à la substance de sa jurisprudence créée sous l’ancienne Constitution et qu’elle l’avait effectivement fait dans un certain nombre de ses décisions récentes;
2.5.3. la nomination près la Cour constitutionnelle de personnes ayant déjà exercé la fonction de juge n’est pas une obligation légale. Comme l’a recommandé l’Assemblée dans sa Résolution 1941 (2013), une période de pause obligatoire devrait être introduite pour les membres du parlement à l’issue de leur mandat politique avant qu’ils soient éligibles en tant que juges à la Cour constitutionnelle;
2.6. s’agissant du système judiciaire, la question du transfert d’affaires entre juges a été réglée grâce à des amendements législatifs, dans le cadre du dialogue avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. De façon générale, des changements ont été apportés à la fonction de président de l’Office national de la justice, qui est une institution unique en Europe, et ses pouvoirs sont maintenant limités;
2.7. concernant les questions liées aux médias, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans son rapport sur la Hongrie publié en décembre 2014, a souligné que les médias en Hongrie restaient soumis à un cadre juridique inadapté et à des pressions politiques. Pour sa part, dans sa Résolution 2035 (2015) sur la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, l’Assemblée a exhorté le Parlement hongrois à engager de nouvelles réformes de sa législation en vue d’améliorer l’indépendance des instances de régulation des médias, de l’agence de presse officielle et des radiodiffuseurs de service public, d’accroître la transparence et le pluralisme des médias privés, et de lutter contre les discours racistes à l’égard des minorités ethniques. L’Assemblée appelle la Hongrie à mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission de Venise dans son Avis 798/2015 sur la législation hongroise relative aux médias. L’Assemblée restera saisie de la situation des médias en Hongrie dans le cadre de ses futurs rapports sur les attaques contre des journalistes et la liberté des médias en Europe, et sur les nouvelles méthodes de pression politique sur le journalisme indépendant. La situation du racisme et de l’intolérance appelle en outre une attention spéciale;
2.8. concernant le récent débat sur la réintroduction de la peine de mort en Hongrie, l’Assemblée souligne fermement encore une fois que l’interdiction de la peine de mort fait partie intégrante des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et se félicite du retrait de toute proposition à cet égard;
2.9. l’Assemblée rappelle que certains problèmes ayant trait à la Constitution et à la démocratie, comme le vaste champ d’application des «lois cardinales» et la nécessité d’obtenir la majorité qualifiée pour procéder à des modifications, qui ont été mis en évidence par la Commission de Venise, doivent encore être traités.
3. En conclusion, l’Assemblée se félicite des mesures prises par les autorités hongroises et de leur coopération constante avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et les encourage à maintenir le dialogue ouvert et constructif avec les différents interlocuteurs du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales. Elle décide par conséquent de demander aux autorités hongroises de s’employer à régler les problèmes en suspens, mais convient qu’il faudrait à présent mettre un terme à l’examen spécial de ces questions.