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Résolution 2116 (2016)
Empêcher de toute urgence les violations des droits de l’homme lors des manifestations pacifiques
1. L’Assemblée
parlementaire souligne l’intérêt des manifestations pacifiques en
tant qu’expression de l’espace civique et que moyen pour les simples
citoyens de faire entendre leur voix. Les gigantesques rassemblements
pacifiques qui ont eu lieu à Paris et ailleurs après les attentats
terroristes de janvier 2015 montrent à quel point les manifestations
pacifiques permettent à la population de s’unir face à l’adversité.
Les citoyens ont souvent recours en dernier ressort aux mouvements
de protestation pour se faire entendre; la restriction de ce droit
et l’usage de la violence contre des manifestants pacifiques nuisent
l’un comme l’autre à la démocratie.
2. L’Assemblée réaffirme que «la liberté de réunion et d’association,
y compris lors de manifestations non organisées et non autorisées,
est un droit essentiel dans une démocratie, garanti par l’article
11 de la (STE no 5), et évoqué de manière
constante par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence»
(Résolution 1947 (2013) sur les manifestations et menaces pour la liberté de
réunion, la liberté des médias et la liberté d’expression).
3. En vertu de la Convention européenne des droits de l’homme
(la Convention), toute restriction imposée au droit à la liberté
de réunion pacifique doit être prévue par la loi et nécessaire,
dans une société démocratique, à la poursuite des buts légitimes
énoncés à l’article 11.2.
4. L’Assemblée encourage les Etats membres à faire usage des
instruments internationaux existants établis pour protéger et promouvoir
la liberté de réunion, ainsi qu’à réglementer le recours à la force
des services de maintien de l’ordre, notamment au moyen des Lignes
directrices sur la liberté de réunion pacifique, élaborées conjointement
par la Commission européenne pour la démocratie par le droit («Commission
de Venise») et le Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (BIDDH/OSCE), qui se sont inspirés d’exemples concrets
de la législation nationale et de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme pour illustrer les diverses options législatives
disponibles.
5. L’Assemblée observe qu’il existe, dans certains Etats membres
du Conseil de l’Europe, de graves entraves au plein exercice de
la liberté de réunion. Elle s’inquiète en particulier du fréquent
recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques,
et notamment de l’utilisation systématique et impropre de gaz lacrymogène
et d’autres armes «moins létales».
6. L’Assemblée constate également avec préoccupation les récentes
restrictions légales imposées au droit à la liberté de réunion dans
différents Etats membres: en Turquie, avec l’adoption en mars 2015
d’une loi sécuritaire qui étend les pouvoirs de la police et lui
permet de faire usage d’armes à feu; en Espagne, avec l’adoption
en mars 2015 d’une loi relative à la sécurité des citoyens, qui
prévoit de lourdes amendes pour les organisateurs de manifestations
spontanées; et, en Fédération de Russie, avec la modification de
la loi relative aux rassemblements publics qui autorise le placement
en détention de toute personne participant à une réunion publique
non autorisée. L’Assemblée s’inquiète également de l’absence de
législation relative à la liberté de réunion dans certains pays
(par exemple en Ukraine, où il n’existe aucune législation relative
à la procédure applicable à la tenue de manifestations).
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à sauvegarder le droit à la
liberté de réunion pacifique consacré à l’article 11 de la Convention européenne
des droits de l’homme, ainsi que d’autres droits de l’homme, notamment
dans le cadre des manifestations «spontanées» qui n’ont pas été
préalablement notifiées;
7.2. à revoir la législation en vigueur, en vue de la mettre
en conformité avec les instruments internationaux en matière de
droits de l’homme qui concernent le droit à la liberté de réunion
pacifique, en faisant appel à la compétence de la Commission de
Venise, si besoin est;
7.3. à réglementer l’utilisation de gaz lacrymogène et d’autres
armes «moins létales» de façon plus rigoureuse, afin d’intégrer
des garanties plus adaptées et plus efficaces pour minimiser les
risques de décès et de blessures découlant de leur utilisation normale
et abusive, et d’accidents qui peuvent être évités;
7.4. à exécuter pleinement les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme relatifs à la liberté de réunion;
7.5. à adopter et à mettre en œuvre une conception du maintien
de l’ordre au cours des manifestations qui soit respectueuse des
droits de l’homme, notamment en organisant une formation aux droits
de l’homme à l’intention des membres des forces de l’ordre;
7.6. à s’abstenir d’interdire les manifestations, sauf pour
les motifs légitimes énumérés à l’article 11.2 de la Convention;
7.7. à s’abstenir de placer des personnes en détention administrative
pour les empêcher de participer à des manifestations pacifiques;
7.8. à améliorer le système d’identification des agents des
forces de l’ordre, surtout de la police antiémeute, afin de les
rendre comptables de leurs actes;
7.9. à mener des enquêtes effectives et à infliger des sanctions
adéquates dans tous les cas de mauvais traitements commis par les
agents des forces de l’ordre, afin de lutter contre leur impunité
et d’y mettre un terme, y compris pour ce qui est de la responsabilité
des agents chargés du commandement, du contrôle et de la supervision
de l’opération policière concernée;
7.10. à veiller à ce que les informations relatives à la législation
et à la réglementation qui régissent l’action de la police à l’égard
de manifestations pacifiques soient accessibles au public;
7.11. à respecter pleinement le droit à la liberté d’expression
des journalistes qui assurent la couverture des manifestations et
à protéger le personnel médical qui dispense une assistance aux manifestants.