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Résolution 2122 (2016)
La détention administrative
1. L’Assemblée
parlementaire souligne l’importance du droit à la liberté et à la
sûreté, garanti par l’article 5 de la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»).
Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas énoncés
dans la liste exhaustive de l’article 5.1.
2. Rappelant sa Résolution
1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile
et des migrants en situation irrégulière en Europe, l’Assemblée
souligne que, en vertu de l’article 5.1.f de
la Convention, la rétention administrative liée à l’immigration
est uniquement autorisée dans un cadre juridique précis et accessible,
qui garantit que cette rétention poursuit un objectif d’application
rapide de la procédure et respecte les normes de protection, comme
la sécurité juridique (notamment la durée maximale) et le caractère nécessaire
(un moyen employé en dernier ressort pour procéder au contrôle de
l’entrée sur le territoire ou assurer une expulsion effective),
tout cela sous l’autorité d’un tribunal.
3. L’Assemblée s’inquiète du fait que certains Etats membres
ont recouru abusivement à la détention administrative pour réprimer
les opposants politiques, obtenir des aveux en l’absence d’un avocat
et/ou sous la contrainte, ou visiblement pour réprimer des manifestations
pacifiques.
4. S’agissant de la détention administrative envisagée comme
un instrument de prévention du terrorisme ou d’autres menaces qui
pèsent sur la sécurité nationale, l’Assemblée:
4.1. rappelle que la détention purement
préventive de personnes soupçonnées d’avoir l’intention de commettre
une infraction pénale n’est pas autorisée par l’article 5 de la
Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne
des droits de l’homme;
4.2. souligne que l’article 2 du Protocole no 4
à la Convention (STE no 46) autorise
la simple restriction (et non la privation) de liberté lorsque la
sécurité nationale ou la sûreté publique et la prévention des infractions
pénales l’exigent;
4.3. observe que la détention d’une personne soupçonnée de
représenter une menace pour la sécurité nationale est autorisée
sous la forme d’une détention provisoire lorsqu’il existe des motifs raisonnables
de croire que cette personne a déjà commis une infraction pénale,
notamment l’une des infractions spécifiques qui incriminent certains
actes préparatoires de crimes particulièrement graves ou des actes
qui visent à soutenir des activités terroristes, par exemple le
financement d’une organisation terroriste ou la propagande ou le
recrutement en sa faveur.
5. L’Assemblée appelle par conséquent l’ensemble des Etats membres
concernés à s’abstenir:
5.1. d’utiliser
la détention administrative comme un moyen de gestion des migrations,
au-delà des objectifs limités autorisés par l’article 5 de la Convention;
5.2. de placer les opposants politiques, les militants de défense
des droits de l’homme ou les journalistes en détention administrative,
dans le but de les contraindre ou de les persuader par d’autres moyens
d’avouer une infraction pénale;
5.3. de placer les participants à une manifestation pacifique
ou les personnes qui ont l’intention d’y participer en détention
administrative, dans le but de les empêcher de prendre part à une
manifestation spécifique ou de les dissuader de participer à l’avenir
à de telles manifestations.
6. L’Assemblée encourage tous les Etats membres à faire usage
des instruments respectueux des droits de l’homme dont ils disposent
pour protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique, ainsi
que pour prévenir les infractions pénales, notamment les actes de
terrorisme. L’Assemblée recommande en particulier:
6.1. de recourir aux restrictions
de liberté qui ne sont pas assimilables à une détention, comme le
fait d’interdire aux personnes soupçonnées de représenter un risque
pour la sécurité nationale de se rendre en certains lieux, voire
de les obliger à demeurer dans une zone donnée, afin de perturber
des activités potentiellement dangereuses; ces restrictions peuvent
être appliquées, si besoin est, au moyen de dispositifs de surveillance
électronique;
6.2. d’adopter, si besoin est, et de faire systématiquement
respecter une législation qui criminalise certains actes préparatoires
de crimes particulièrement graves ou les actes qui visent à soutenir
les activités terroristes, par exemple le financement d’une organisation
terroriste ou la propagande ou le recrutement en sa faveur, comme
le prévoient la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du
terrorisme et son Protocole additionnel (STCE nos 196
et 217).
7. L’Assemblée invite instamment tous les Etats membres, lorsqu’ils
appliquent les mesures de substitution à la détention administrative
spécifiées au paragraphe 6 ci-dessus, à faire preuve de la plus
grande retenue.
8. L’Assemblée souligne en particulier que toutes les restrictions
à la liberté doivent:
8.1. se fonder
sur une autorisation légale claire et prévisible qui garantisse
leur caractère nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite
d’un but légitime;
8.2. respecter le principe de non-discrimination, pour tous
les motifs précisés dans la Convention européenne des droits de
l’homme et ses protocoles;
8.3. être susceptibles de contestation en temps utile devant
un tribunal, comme le précise l’article 5 de la Convention;
9. Les dispositions de droit pénal qui visent à sanctionner les
actes préparatoires et les autres actes accessoires destinés à soutenir
le terrorisme doivent respecter les exigences de l’article 7 de
la Convention (pas de peine sans loi); elles doivent notamment être
claires et prévisibles. Toute détention provisoire ordonnée en application
de ces dispositions doit respecter les principes énoncés par l’Assemblée
dans sa Résolution 2077
(2015) sur l’abus de la détention provisoire dans les Etats
parties à la Convention européenne des droits de l’homme.