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Résolution 2140 (2016)
L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en Europe
1. Les hydrocarbures non conventionnels,
tels que le gaz et le pétrole de schiste, ont ébranlé le marché mondial
de l’énergie. L’exploration et l’exploitation de ces ressources
font principalement référence à la fracturation hydraulique («fracturation»),
une technique d’exploitation du gaz naturel souterrain par injection d’eau
et de produits chimiques à haute pression pour briser les roches,
afin de libérer le gaz et le pétrole emprisonnés. Cette procédure
controversée soulève des inquiétudes en matière de santé publique
et de protection de l’environnement.
2. La faible viabilité économique de la fracturation hydraulique
en Europe, conjuguée aux problèmes d’acceptation par le grand public,
devrait décourager l’exploitation des combustibles fossiles non conventionnels.
Cependant, la fracturation hydraulique étant autorisée dans certains
pays européens, une évaluation approfondie de sa faisabilité et
de ses implications reste une tâche urgente.
3. La lutte contre le changement climatique et la rareté des
ressources en eau est vitale pour la survie de l’humanité. En signant
l’Accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique,
les Etats se sont engagés à maintenir la hausse de la température
mondiale en deçà de 2 °C par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle,
avec l’objectif d’une limitation à 1,5 °C. De ce fait, les Etats
ne devraient pas adopter de politiques énergétiques susceptibles
de faire obstacle à l’atteinte de cet objectif. L’Assemblée parlementaire soutient
fermement les efforts déployés par les Etats pour respecter leurs
obligations internationales dans ce domaine. La production d’hydrocarbures
non conventionnels est plus néfaste que le charbon du point de vue du
changement climatique et nécessitera une plus forte réduction de
la production de combustibles fossiles ailleurs. Les Etats membres
du Conseil de l’Europe devraient se concentrer sur le développement
de solutions durables.
4. Les producteurs de pétrole ont augmenté leur production en
réaction à l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, ce qui
a entraîné une baisse des cours de pétrole et des retours sur investissement
dans les énergies renouvelables. Cependant, sachant que 75 % des
combustibles fossiles identifiés ne sont pas exploitables sans conséquences
catastrophiques pour le changement climatique, les Etats membres
devraient privilégier les investissements à long terme dans les
énergies renouvelables, indépendamment du prix du pétrole à court
terme.
5. Rappelant sa Résolution
1977 (2014) sur la diversification de l’énergie en tant
que contribution fondamentale au développement durable, l’Assemblée
recommande aux Etats membres de diversifier leurs approvisionnements
énergétiques et de favoriser l’utilisation de ressources énergétiques
plus propres et plus sûres en mettant l’accent sur les énergies
renouvelables, dont l’énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique,
marémotrice et la biomasse. Dans leurs initiatives budgétaires et
la législation relative à l’aménagement du territoire, les Etats
membres devraient privilégier les énergies renouvelables et établir
en priorité des politiques visant à promouvoir l’utilisation efficace
des ressources et la réduction de la consommation énergétique. Les
Etats membres ont l’opportunité de prendre le leadership mondial
dans le secteur des technologies des énergies renouvelables et de
la coopération pour aider le monde en développement à accéder à
la croissance de manière durable en bénéficiant de sa juste part
d’énergie. Les Etats membres devraient encourager le transfert des
technologies liées aux énergies renouvelables aux pays en développement
afin d’éviter les effets liés au changement climatique. Cela pourrait
s’appliquer à l’extension des réseaux de forêts solaires en Europe
du Sud et en Afrique du Nord, ou concerner des technologies pionnières
de captage du carbone.
6. L’Assemblée est profondément préoccupée par les menaces que
font peser l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole
de schiste sur l’environnement et la santé publique, notamment concernant
la contamination de l’eau, la dégradation de la qualité de l’air
et les risques environnementaux locaux. A la lumière des considérations
ci-dessus, l’Assemblée invite instamment les Etats membres à clarifier
et renforcer leur législation en la matière, y compris en interdisant
la fracturation au profit de solutions énergétiques plus propres.
7. Dans l’attente d’une éventuelle interdiction de la fracturation,
l’Assemblée recommande de limiter et de contrôler l’exploration
et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en adoptant
des réglementations environnementales strictes:
7.1. qui imposent, pour tout projet
de fracturation, l’obligation de réaliser une évaluation des effets
sur l’environnement, notamment l’impact sur la qualité de l’air
et de l’eau, et sur le changement climatique;
7.2. qui garantissent le respect, par les sociétés industrielles
concernées, de toutes les réglementations en matière de qualité
de l’air et de l’eau, et obligent ces entreprises à révéler la nature et
la quantité de produits chimiques utilisés durant le processus de
fracturation;
7.3. qui limitent à moins de 1 % les émissions fugitives globales
en amont, et à moins de 0,1 % de la production de gaz naturel celles
sur le site de fracturation; qui rendent obligatoires la méthode
de «green completion», c’est-à-dire le coiffage de tous les puits
et la capture du méthane sans mise à l’évent ni combustion (torchage);
qui mettent en place un suivi complet de l’exploitation du gaz et
du pétrole de schiste par des agences environnementales, en tenant
compte de la nécessité de mesures descendantes plus précises des
émissions de méthane;
7.4. qui garantissent des poursuites pénales effectives à l’encontre
des entreprises qui ne respectent pas l’ensemble des réglementations
susmentionnées, y compris une indemnisation des dommages causés
à l’environnement;
7.5. qui encouragent l’industrie gazière et pétrolière à respecter
les pratiques de forage les plus adéquates et les plus modernes
et à adopter des techniques plus sûres et plus écologiques; qui
assurent le financement d’études indépendantes de haute qualité
sur les risques associés à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures
non conventionnels, destinées à orienter la réglementation;
7.6. qui assurent la transparence, en fournissant aux citoyens
une information complète sur les projets de fracturation et en veillant
à leur participation aux processus décisionnels lorsqu’il est question de
projets énergétiques menés au plan local; et qui protègent les zones
de grande valeur environnementale et culturelle des opérations de
forage susceptibles d’avoir un impact visuel ou autre sur le paysage.
8. L’Assemblée recommande aux Etats membres:
8.1. de promouvoir la recherche et
les investissements dans l’efficacité énergétique et le développement
de sources d’énergie plus vertes et plus sûres, telles que les énergies
renouvelables, offrant une sécurité énergétique et limitant les
risques environnementaux et sanitaires;
8.2. de redoubler d’efforts sur un plan paneuropéen, afin d’atténuer
les fluctuations d’approvisionnement en énergie qui résultent de
l’utilisation au plan régional de sources d’énergies renouvelables
isolées comme l’énergie solaire ou éolienne.
9. L’Assemblée recommande que les accords de libre-échange impliquant
des Etats membres, notamment le Partenariat transatlantique de commerce
et d’investissement (TTIP) et l’Accord économique et commercial global
(CETA), soient rédigés de façon à permettre aux pays de remplir
leurs obligations au titre de la Conférence des Nations Unies sur
les changements climatiques (COP21) et de préserver librement et équitablement
leur environnement.