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Résolution 2140 (2016)

L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - .Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 25 novembre 2016 (voir Doc. 14196, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Geraint Davies).

1. Les hydrocarbures non conventionnels, tels que le gaz et le pétrole de schiste, ont ébranlé le marché mondial de l’énergie. L’exploration et l’exploitation de ces ressources font principalement référence à la fracturation hydraulique («fracturation»), une technique d’exploitation du gaz naturel souterrain par injection d’eau et de produits chimiques à haute pression pour briser les roches, afin de libérer le gaz et le pétrole emprisonnés. Cette procédure controversée soulève des inquiétudes en matière de santé publique et de protection de l’environnement.
2. La faible viabilité économique de la fracturation hydraulique en Europe, conjuguée aux problèmes d’acceptation par le grand public, devrait décourager l’exploitation des combustibles fossiles non conventionnels. Cependant, la fracturation hydraulique étant autorisée dans certains pays européens, une évaluation approfondie de sa faisabilité et de ses implications reste une tâche urgente.
3. La lutte contre le changement climatique et la rareté des ressources en eau est vitale pour la survie de l’humanité. En signant l’Accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique, les Etats se sont engagés à maintenir la hausse de la température mondiale en deçà de 2 °C par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle, avec l’objectif d’une limitation à 1,5 °C. De ce fait, les Etats ne devraient pas adopter de politiques énergétiques susceptibles de faire obstacle à l’atteinte de cet objectif. L’Assemblée parlementaire soutient fermement les efforts déployés par les Etats pour respecter leurs obligations internationales dans ce domaine. La production d’hydrocarbures non conventionnels est plus néfaste que le charbon du point de vue du changement climatique et nécessitera une plus forte réduction de la production de combustibles fossiles ailleurs. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient se concentrer sur le développement de solutions durables.
4. Les producteurs de pétrole ont augmenté leur production en réaction à l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, ce qui a entraîné une baisse des cours de pétrole et des retours sur investissement dans les énergies renouvelables. Cependant, sachant que 75 % des combustibles fossiles identifiés ne sont pas exploitables sans conséquences catastrophiques pour le changement climatique, les Etats membres devraient privilégier les investissements à long terme dans les énergies renouvelables, indépendamment du prix du pétrole à court terme.
5. Rappelant sa Résolution 1977 (2014) sur la diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable, l’Assemblée recommande aux Etats membres de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de favoriser l’utilisation de ressources énergétiques plus propres et plus sûres en mettant l’accent sur les énergies renouvelables, dont l’énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, marémotrice et la biomasse. Dans leurs initiatives budgétaires et la législation relative à l’aménagement du territoire, les Etats membres devraient privilégier les énergies renouvelables et établir en priorité des politiques visant à promouvoir l’utilisation efficace des ressources et la réduction de la consommation énergétique. Les Etats membres ont l’opportunité de prendre le leadership mondial dans le secteur des technologies des énergies renouvelables et de la coopération pour aider le monde en développement à accéder à la croissance de manière durable en bénéficiant de sa juste part d’énergie. Les Etats membres devraient encourager le transfert des technologies liées aux énergies renouvelables aux pays en développement afin d’éviter les effets liés au changement climatique. Cela pourrait s’appliquer à l’extension des réseaux de forêts solaires en Europe du Sud et en Afrique du Nord, ou concerner des technologies pionnières de captage du carbone.
6. L’Assemblée est profondément préoccupée par les menaces que font peser l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste sur l’environnement et la santé publique, notamment concernant la contamination de l’eau, la dégradation de la qualité de l’air et les risques environnementaux locaux. A la lumière des considérations ci-dessus, l’Assemblée invite instamment les Etats membres à clarifier et renforcer leur législation en la matière, y compris en interdisant la fracturation au profit de solutions énergétiques plus propres.
7. Dans l’attente d’une éventuelle interdiction de la fracturation, l’Assemblée recommande de limiter et de contrôler l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en adoptant des réglementations environnementales strictes:
7.1. qui imposent, pour tout projet de fracturation, l’obligation de réaliser une évaluation des effets sur l’environnement, notamment l’impact sur la qualité de l’air et de l’eau, et sur le changement climatique;
7.2. qui garantissent le respect, par les sociétés industrielles concernées, de toutes les réglementations en matière de qualité de l’air et de l’eau, et obligent ces entreprises à révéler la nature et la quantité de produits chimiques utilisés durant le processus de fracturation;
7.3. qui limitent à moins de 1 % les émissions fugitives globales en amont, et à moins de 0,1 % de la production de gaz naturel celles sur le site de fracturation; qui rendent obligatoires la méthode de «green completion», c’est-à-dire le coiffage de tous les puits et la capture du méthane sans mise à l’évent ni combustion (torchage); qui mettent en place un suivi complet de l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste par des agences environnementales, en tenant compte de la nécessité de mesures descendantes plus précises des émissions de méthane;
7.4. qui garantissent des poursuites pénales effectives à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas l’ensemble des réglementations susmentionnées, y compris une indemnisation des dommages causés à l’environnement;
7.5. qui encouragent l’industrie gazière et pétrolière à respecter les pratiques de forage les plus adéquates et les plus modernes et à adopter des techniques plus sûres et plus écologiques; qui assurent le financement d’études indépendantes de haute qualité sur les risques associés à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, destinées à orienter la réglementation;
7.6. qui assurent la transparence, en fournissant aux citoyens une information complète sur les projets de fracturation et en veillant à leur participation aux processus décisionnels lorsqu’il est question de projets énergétiques menés au plan local; et qui protègent les zones de grande valeur environnementale et culturelle des opérations de forage susceptibles d’avoir un impact visuel ou autre sur le paysage.
8. L’Assemblée recommande aux Etats membres:
8.1. de promouvoir la recherche et les investissements dans l’efficacité énergétique et le développement de sources d’énergie plus vertes et plus sûres, telles que les énergies renouvelables, offrant une sécurité énergétique et limitant les risques environnementaux et sanitaires;
8.2. de redoubler d’efforts sur un plan paneuropéen, afin d’atténuer les fluctuations d’approvisionnement en énergie qui résultent de l’utilisation au plan régional de sources d’énergies renouvelables isolées comme l’énergie solaire ou éolienne.
9. L’Assemblée recommande que les accords de libre-échange impliquant des Etats membres, notamment le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) et l’Accord économique et commercial global (CETA), soient rédigés de façon à permettre aux pays de remplir leurs obligations au titre de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) et de préserver librement et équitablement leur environnement.