1. Introduction
1. Le droit de voter et d’être
élu constitue un droit humain fondamental. Cependant, de nos jours,
en Europe, toutes les personnes handicapées ne peuvent pas exercer
ce droit de manière pleine et entière et sur un pied d’égalité avec
les autres citoyens. Des restrictions et des difficultés pour participer
à la vie politique existent dans la majorité des États membres du
Conseil de l’Europe. En outre, les personnes handicapées sont à
peine visibles sur la scène politique ou prises en considération
dans les processus électoraux.
2. Dans l’Union européenne, quelque 23 % de la population adulte
déclare une forme ou une autre de handicap
. Chacun d’entre nous est ou peut devenir
handicapé et/ou avoir une personne handicapée dans sa famille. La
participation politique des personnes handicapées n’est pas une
question intéressant uniquement un groupe spécifique; elle nous
concerne tous.
3. L’exercice par les personnes handicapées du droit de voter,
d’être élues et de participer à la vie politique en général n’est
pas encore considéré comme une priorité. Pouvons-nous vraiment nous
vanter d’avoir des systèmes démocratiques efficaces et véritablement
inclusifs si une frange de la population est privée de la pleine
jouissance des droits politiques ou si, pour les exercer, elle se
heurte à des obstacles importants?
4. En des temps de restrictions budgétaires et d’austérité, investir
dans l’accessibilité et les campagnes de sensibilisation est parfois
perçu comme secondaire. Les coûts élevés sont présentés comme une
excuse pour ne pas changer la situation, pour ne pas rendre les
bureaux de vote accessibles, pour ne pas mettre à disposition des
personnes aveugles des appareils tactiles de vote et rendre accessible
le matériel de campagne.
5. À mon avis, la participation des personnes handicapées à la
vie politique mérite un investissement et un engagement de longue
durée, car cela peut contribuer à briser les stéréotypes, à changer
les mentalités et à combattre la discrimination. Elle est à encourager
et à soutenir à tous les niveaux de la vie politique (locale, nationale,
européenne) et dans les partis politiques afin de garantir le caractère
inclusif de nos systèmes politiques. Le présent rapport entend faire
la lumière sur ce déficit démocratique et sur les mesures à prendre afin
d’y remédier.
2. Objectifs du rapport et méthodologie
6. La proposition à l’origine
de ce rapport souligne que les personnes handicapées ne devraient
plus être considérées comme des citoyens de seconde zone, et que
leur droit de participer à la vie politique et publique devrait
être mieux protégé. Elle appelle l’Assemblée parlementaire à examiner
comment les États membres du Conseil de l'Europe garantissent les
droits politiques des personnes handicapées et à recommander des moyens
de mieux se conformer aux normes internationales en vigueur.
7. Afin de recueillir des informations sur la situation des États
membres du Conseil de l'Europe, j’ai adressé un questionnaire aux
parlements nationaux des États membres et observateurs du Conseil
de l'Europe par le biais du Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP), comprenant des questions sur le nombre de
députés handicapés, sur la législation existante et sur les bonnes
pratiques propres à promouvoir la participation politique des personnes
handicapées. J’ai reçu un total de 42 réponses
au questionnaire et je tiens à exprimer ma reconnaissance aux parlements
qui ont répondu.
8. Le 11 octobre 2016, la sous-commission sur le handicap et
l’inclusion a tenu une audition sur le thème «Droit de vote pour
tous et capacité juridique», en présence de M. Alfredo Ferrante,
Président du Comité ad hoc sur les droits des personnes handicapées
(CAHDPH), et de M. Milan Šveřepa, Directeur de l’organisation non
gouvernementale (ONG) «Inclusion Europe». La commission a également
tenu un échange de vues, le 21 juin 2016, avec Mme Liri
Kopaci-Di Michele, chef de la Division «Egalité» à la Direction
générale de la démocratie du Conseil de l'Europe. De surcroît, j’ai
effectué une visite d’information les 24 et 25 octobre 2016 en Autriche
où j’ai rencontré des députés et anciens députés handicapés, les
porte-paroles sur la question du handicap de plusieurs groupes parlementaires,
des chercheurs de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne,
le Médiateur pour les personnes handicapées, des universitaires
et des ONG. Le 31 octobre 2016, j’ai participé à la Conférence «Notre
droit de participation – Promouvoir la participation des personnes
handicapées à la vie politique et publique» organisée par le Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), le ministère
finlandais des Affaires étrangères et le Centre finlandais des droits
humains, à Helsinki.
9. Mon intention n’est pas de condamner certains pays ni de leur
faire honte, mais de montrer que des changements sont possibles
et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter,
protéger et promouvoir les droits politiques des personnes handicapées.
Ce rapport est une occasion de présenter, d’examiner et de faire
connaître les bonnes pratiques de manière à garantir la représentation
et la participation pleine et entière des personnes handicapées
à la vie politique, ce qui est dans l’intérêt de tous. Je présenterai les
principaux obstacles à la participation politique des personnes
handicapées, ainsi que des mesures concrètes à envisager pour faciliter
l’accès au vote et la participation aux élections. De plus, j’insisterai
sur le rôle clé des partis politiques, je plaiderai en faveur d’une
éducation inclusive comme moyen de promouvoir la participation politique
et, enfin, je présenterai les principales normes internationales.
3. Obstacles
à la participation politique des personnes handicapées
10. Accessibilité, diversité des
handicaps nécessitant une diversité de mesures, lien entre capacité
juridique et droit de vote, réticence des partis politiques, qui
continuent de barrer l’accès à la participation politique et à des
fonctions électives – voilà autant d’obstacles auxquels les personnes
handicapées doivent faire face.
11. Malgré un vif intérêt pour la politique et le désir de jouer
un rôle actif sur la scène politique, les personnes handicapées
ne peuvent toujours pas participer à égalité avec l’ensemble des
citoyens. Comme l’a souligné M. Alfredo Ferrante, le respect de
la diversité ne peut se réaliser sans la participation politique
des personnes handicapées.
12. Faciliter la participation politique des personnes handicapées
sur la base de l’égalité avec les autres signifie mettre en œuvre
une politique de non‑discrimination, comme le recommande l’article 29
de la Convention onusienne relative aux droits des personnes handicapées
(CDPH). Il ne s’agit pas de créer de nouveaux droits mais de garantir
à tout un chacun le respect et l’exercice des droits existants.
3.1. Accessibilité
13. Il n’est pas possible de parler
de participation et d’inclusion des personnes handicapées dans la
vie politique sans aborder la question de l’accessibilité. L’article 9
de
la CDPH, consacré à l’accessibilité, impose d’assurer l’accessibilité
des bâtiments ouverts au public, de l’information et des communications.
Or, l’accessibilité des bureaux de vote et des bâtiments administratifs
prévus pour l’inscription sur les listes électorales n’est toujours
pas garantie.
14. Je suis convaincue que réaliser une pleine accessibilité exige
de mobiliser non seulement des investissements financiers, qui ne
sont pas nécessairement très lourds, mais aussi une forte volonté
politique et peut contribuer à accroître la participation et le
sentiment d’inclusion dans la société. Selon Mme Martha Stickings,
administratrice chargée de recherche auprès de l’Agence des droits
fondamentaux, les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial
rencontrent des obstacles spécifiques à la participation politique
qui peuvent être différents de ceux auxquels se heurtent les personnes
ayant un handicap physique. Aussi ne faut-il pas considérer l’accessibilité
seulement dans sa dimension physique. Nous devons envisager l’accessibilité
selon une approche globale pour s’assurer qu’elle couvre toutes
les dimensions et tous les types de handicap.
3.2. Diversité
15. La diversité des handicaps
exige une diversité de mesures. Les personnes ayant un handicap
physique, sensoriel, mental ou intellectuel ont des besoins différents
qui, tous, sont à prendre en compte. Il faut garantir l’accessibilité
à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap.
16. L’on sait que la participation au processus électoral des
personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel est très
faible comparativement à celle des personnes ayant d’autres formes
de handicap. Il convient de mener des actions spécifiques pour encourager
et faciliter une plus grande participation des personnes présentant
toutes sortes de handicap.
17. J’aimerais aussi ajouter que la participation politique active
peut se révéler encore plus difficile pour les femmes handicapées
qui, lorsqu’elles se présentent à des élections, peuvent faire face
à une discrimination et à des stéréotypes multiples.
3.3. Capacité
juridique et droit de vote
18. Dans la majorité des États
membres du Conseil de l’Europe, le droit de vote est lié à la capacité
juridique,
et une personne sous tutelle ne peut pas voter ou se présenter à
des élections. Ainsi des centaines de milliers de citoyens
se trouvent-ils empêchés d’exercer leurs
droits politiques, ce qui est contraire aux exigences de la Convention
relative aux droits des personnes handicapées, que presque tous
les États membres ont ratifiée.
19. D’après M. Šveřepa, le lien entre capacité juridique et droit
de vote constitue l’obstacle majeur à la participation politique
des personnes handicapées. Comme le souligne le Comité des droits
des personnes handicapées des Nations Unies dans son Observation
générale no 1 sur la reconnaissance de
la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, le droit
de vote ne devrait pas être lié à la capacité juridique: «[Les personnes
handicapées] souffrant de handicaps cognitifs ou psycho-sociaux
(…) ont été, et sont encore, les plus touchées, et de manière disproportionnée,
par les régimes de prise de décisions substitutive et le déni de leur
capacité juridique.» La participation des personnes ayant des handicaps
psycho-sociaux est encore trop souvent taboue. Cela constitue un
obstacle juridique à la participation politique.
20. Le ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales
a lancé une étude sur le lien entre la tutelle juridique et le droit
de vote. Selon cette enquête, 81 220 personnes sous tutelle juridique
sont exclues du droit de vote en Allemagne. Elle souligne aussi
des différences significatives entre les États fédérés. Cette étude
présente en conclusion plusieurs recommandations à l’attention du Bundestag allemand appelant à mettre
en œuvre une loi inclusive. Cette année, les États fédérés de Rhénanie
du Nord-Westphalie et de Schleswig-Holstein ont déjà mis en œuvre
des lois inclusives qui permettent aux personnes sous tutelle de voter
au niveau local et national. En outre, le Gouvernement fédéral de
la Ville-État de Berlin nouvellement élu va élaborer une loi électorale
inclusive.
21. Priver une personne de sa capacité juridique revient aussi
trop souvent à priver cette personne du droit d’agir en citoyen,
de décider et de participer. Nous ne pouvons pas plaider pour la
pleine inclusion et l’entière participation des personnes handicapées
à la société, sans en même temps garantir que ces personnes seront autorisées
par la loi à participer à la vie publique et politique.
22. En Autriche, le droit de vote n’est plus lié à la capacité
juridique depuis plus de 30 ans – ce qui est considéré comme un
bon exemple en la matière. À ce qu’on m’a dit, la mise en œuvre
de cette politique n’a posé aucun problème particulier. M. Erwin
Buchinger, Médiateur pour les personnes handicapées, a confirmé que
la population autrichienne ne contestait aucunement cette dissociation.
La Belgique a introduit un changement législatif en 2014, avec la
présomption de capacité. Une personne handicapée jouit pleinement des
droits politiques à moins d’être déclarée incapable d’exercer le
droit de vote par un juge de paix.
23. En Finlande et au Royaume-Uni, le droit de vote n’est pas
lié à la capacité juridique, ce qui n’est pas le cas du droit d’être
élu. En Norvège, une personne sous tutelle jouit du droit de vote.
J’ai été informée que, en Suède et au Canada, toutes les personnes
handicapées, y compris celles ayant des handicaps psycho-sociaux,
jouissent du droit de vote et du droit d’être élues. Je déplore
qu’il y ait encore trop peu d’États qui choisissent de dissocier
le droit de vote de la capacité juridique et de la tutelle complète.
24. Selon l’ONG «Inclusion Europe», le handicap ne doit pas être
une raison pour restreindre la capacité juridique. Il me semble
que nous devons plaider en faveur de la prise de décision accompagnée
et appeler à mettre fin à la capacité juridique restrictive. L’accompagnement
de la prise de décision et la mise à disposition systématique des
informations sous une forme accessible peuvent contribuer à faire
des personnes handicapées des citoyens à part entière.
25. La question de la capacité juridique est également liée à
la possibilité de faire appel. Toute personne privée de capacité
juridique doit pouvoir déposer plainte indépendamment de son tuteur.
À cet égard, je me réjouis que plusieurs États membres du Conseil
de l’Europe aient mis en place des mécanismes de recours en ce qui
concerne la participation électorale. En République slovaque, par
exemple, les violations et les restrictions du droit de vote des
personnes handicapées peuvent être signalées au Commissaire aux personnes
handicapées.
3.4. Le
barrage des partis politiques
26. La question de la capacité
juridique n’est pas le seul obstacle à la participation; encore
aujourd’hui, les partis politiques demeurent les principales barrières
à la participation politique des personnes handicapées. En effet,
ils décident qui inscrire sur les listes électorales et s’ils vont
présenter des candidats à des positions éligibles. Il leur est également
possible de promouvoir la carrière politique d’un membre et d’assurer
que leurs réunions et conventions sont accessibles. Ils peuvent
contribuer à remédier à la méconnaissance des droits et encourager
toutes les personnes à rejoindre leurs structures en fournissant
des supports d’information accessibles.
27. Malheureusement, trop souvent, les partis politiques ne garantissent
pas plus qu’ils n’assurent l’accessibilité. Ils hésitent à mettre
en avant des candidats handicapés, à moins qu’ils ne décident de
les présenter à des positions inéligibles. De forts stéréotypes
négatifs à l’encontre des personnes handicapées persistent. Selon
Mme Judith E. Heumann, conseillère spéciale
pour les droits internationaux des personnes handicapées au Département
d’État américain, l’un des plus grands obstacles à la participation
politique des personnes handicapées est le faible niveau d’attente
des autres membres de la société; on pense encore trop souvent que
les personnes handicapées n’ont rien à offrir et que celles ayant
des handicaps psycho-sociaux ne peuvent pas exprimer leur avis
. Quant à Mme Catalina
Devandas, rapporteure spéciale sur les droits des personnes handicapées
des Nations Unies, elle a déploré l’attitude paternaliste manifestée
à l’égard des personnes handicapées, dont les avis sont rarement
pris en compte
.
4. Mesures
facilitant l’accès au vote et à la participation électorale
4.1. Accessibilité
des bureaux de vote
28. Le présent rapport offre la
possibilité de présenter des mesures concrètes pouvant faciliter
la participation. Assurer l’accessibilité des bureaux de vote est
une condition préalable à la participation politique effective des
personnes handicapées. La législation nationale contient des dispositions
spécifiques concernant l’accessibilité des bureaux de vote dans
plusieurs États membres (Autriche, Belgique et France).
29. En Norvège, la désignation des bureaux de vote dépend de l’accessibilité
des lieux; en Suède, les locaux non accessibles ne peuvent plus
servir de bureau de vote
. La loi électorale
des Pays-Bas déclare qu’au moins 25 % des bureaux de vote doivent
être situés dans des bâtiments accessibles. Lors de ma visite d’information
en Autriche, j’ai découvert qu’il y avait encore des différences
importantes en ce qui concerne l’accessibilité entre les zones rurales
et urbaines. Lorsque l’accessibilité directe de tous les bureaux
de vote ne peut être garantie, je recommande de fournir aux électeurs
une liste des bureaux de vote accessibles avant les élections.
30. De plus, la législation peut définir des conditions d’accessibilité
à remplir à l’intérieur du bureau de vote. Selon le Code électoral
français, chaque bureau de vote doit disposer d’au moins un isoloir
accessible en fauteuil roulant. En outre, le président du bureau
de vote est autorisé à déplacer l’urne afin de la rendre accessible.
Au Danemark, en Grèce, en République slovaque et en Slovénie, il
est possible de voter à proximité immédiate du bureau de vote s’il
n’est pas accessible. Toutefois, cette pratique n’offre pas la possibilité
de voter sur un pied d’égalité avec les autres. Des appareils tactiles
de vote devraient être mis à disposition des personnes aveugles
dans les bureaux de vote.
31. La participation électorale des personnes handicapées peut
être encouragée en offrant des services de transport pour se rendre
aux bureaux de vote. En Italie, les communes sont tenues d’organiser
des services de transport public pour les électeurs à mobilité réduite.
J’estime qu’il conviendrait également de prévoir des places de stationnement
à proximité de l’entrée des bureaux de vote.
32. L’ouverture de bureaux de vote dans les établissements de
soins de longue durée pour personnes handicapées est également un
moyen d’améliorer l’accès au vote. Selon l’Agence des droits fondamentaux, cette
solution est appliquée en Autriche, en Bulgarie, en Finlande, en
France, en Allemagne et en Pologne
. J’ai
reçu des informations indiquant que cette possibilité existe aussi
en Irlande et en Norvège
. Il convient d’encourager
encore davantage les initiatives de ce type.
33. Je voudrais également saluer le fait que, depuis le 1er janvier
2015, l’«accessibilité insuffisante» figure parmi les formes de
discrimination mentionnées dans la loi suédoise sur la discrimination.
L’infraction est définie comme le fait de ne pas prendre les mesures
requises pour assurer à une personne handicapée des conditions d’accès
comparables à celles d’une personne non handicapée
.
34. Outre l’accessibilité des bureaux de vote, il convient d’évaluer
l’accessibilité des bâtiments publics où s’inscrivent les électeurs
et celle des parlements. Bien souvent, les hémicycles des parlements
nationaux ne sont rendus accessibles qu’après l’élection d’un député
handicapé, afin de lui permettre de participer aux débats. En Autriche,
le Parlement alloue des fonds aux parlementaires handicapés pour
couvrir leurs besoins d’assistance pour l’exercice de leurs activités
parlementaires. L’accessibilité des parlements devrait également être
améliorée pour les groupes de visiteurs pour que les personnes handicapées
puissent pleinement participer aux visites. Plusieurs États membres
se sont fixés des objectifs ambitieux pour assurer l’accessibilité intégrale
de tous les bâtiments publics, mais le but est encore loin d’être
atteint.
4.2. Campagnes
électorales et accessibilité de l’information
35. L’accessibilité de l’information
est un élément central pour la participation des personnes handicapées. Programmes
électoraux, émissions télévisées, sites web et dépliants, autant
d’outils de communication pendant les campagnes électorales qui
ne sont pas encore systématiquement rendus accessibles à tous, ce qui
gêne la participation. Il me semble que le matériel électoral devrait
être publié en version facile à lire et à comprendre, en gros caractères
et en braille, ainsi qu’au format audio et électronique sur des
sites web. En outre, le matériel vidéo de campagne devrait être
complété de sous-titres et d’une interprétation en langue des signes
afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs possible. Je ne
peux que souscrire aux recommandations de l’Agence des droits fondamentaux:
l’État devrait financer la mise à disposition d’informations dans
des formats accessibles tout au long du processus électoral
.
36. L’ONG «Inclusion Europe» insiste sur l’importance de diffuser
une information accessible couvrant tous les aspects du processus
électoral, notamment les démarches d’inscription sur les listes
électorales, les programmes des partis politiques en lice, le fonctionnement
du système politique et les différents types d’élections
. Les parlements jouent
un rôle essentiel en tant que vecteurs d’informations. Ils devraient
publier les informations dans des formats accessibles sur leurs
sites internet ainsi que dans les médias traditionnels.
37. Je mentionnerai quelques initiatives afin d’illustrer ce qui
peut être fait pour rendre les campagnes électorales plus accessibles.
En Lettonie, la Commission électorale centrale fournit des informations
sur les élections en version facile à lire. En Suède, le site web
de l’Autorité électorale propose des vidéos présentant le système
électoral et les procédures de vote avec une interprétation en langue
des signes sur son site web. En Norvège, le site web d’information
sur les élections offre des versions faciles à lire et la possibilité
de se faire lire les textes à voix haute. Les vidéos utilisées pour
les élections sont dotées de sous-titres et d’un commentaire vocal.
En Suisse, des vidéos décrivant les procédures électorales en langue
des signes sont disponibles en ligne. La plateforme en ligne «Elections
fédérales 2015 pour tous» offrait des informations pratiques sur
les élections en version facile à lire et en langue des signes.
Au Portugal, la Commission électorale centrale et l’Institut national
pour la réhabilitation ont lancé l’initiative «Elections accessibles», afin de promouvoir le droit de
vote des personnes handicapées. Des informations générales sur les
élections ont été diffusées à l’aide de dépliants faciles à lire
et de vidéos complétées de sous-titres et d’une interprétation en
langue des signes. En Autriche, le Plan d’action national pour les
personnes handicapées (2012-2020) énonce que les informations relatives
aux élections, et les élections elles-mêmes, doivent être rendues accessibles.
Autrement dit, la procédure de vote doit être accessible, facile
à comprendre et facile à exécuter. Quant au Royaume-Uni, il a mis
en place un fonds spécifique pour apporter une aide financière aux
personnes handicapées se présentant à une élection pour couvrir
leurs frais supplémentaires de campagne.
38. L’engagement des médias est primordial car ils sont les principaux
vecteurs des campagnes électorales et peuvent être un partenaire
essentiel pour défendre les droits politiques des personnes handicapées
Trop souvent, la situation ne change qu’à l’occasion de l’élection
d’un député handicapé. En Autriche, Mme Helene Jarmer,
députée sourde, a milité pour un service d’interprétation des débats
parlementaires en langue des signes – ces débats sont désormais
diffusés sur la chaîne de télévision nationale (ORF). En Serbie,
la Commission électorale exige que les émissions télévisées consacrées
aux campagnes électorales offrent une interprétation en langue des
signes. Les parlements français, grec et hongrois, entre autres,
diffusent leurs débats en langue des signes.
4.3. Assistance
au vote et formation du personnel électoral
39. Une assistance au vote est
prévue dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. En Autriche,
une personne ayant un handicap physique ou psycho-social peut se
faire assister par la personne de son choix pour voter. En Belgique,
les électeurs handicapés peuvent, avec l’autorisation du président
du bureau de vote, se faire accompagner par la personne de leur
choix. En Norvège, la loi sur les élections dispose que les électeurs
peuvent demander à la commission électorale de bénéficier d’une
assistance dans le processus de vote. En France, lorsqu’un électeur
a besoin d’aide pour voter, il peut demander l’assistance d’un autre
électeur de son choix.
40. En Finlande, chaque bureau de vote dispose d’un assistant
électoral qui peut venir en aide aux électeurs à la demande. En
Allemagne, les électeurs qui ne peuvent pas remplir le bulletin
de vote ou le déposer dans l’urne peuvent se faire aider par une
autre personne et, aux Pays-Bas, les électeurs handicapés physiques peuvent
se faire aider par une personne de leur choix ou un membre du bureau
de vote.
41. Il peut arriver qu’une personne ayant un handicap psychosocial
se sente très intimidée par un bureau de vote et doive être accompagnée.
Toutefois, fournir une assistance ne doit pas affecter le processus décisionnel.
L’expression du libre choix doit être favorisée, non influencée,
et la confidentialité du vote doit être protégée autant que faire
se peut. Par conséquent, la formation du personnel électoral par
des organisations représentant les personnes handicapées et des
organisations de personnes handicapées est un élément essentiel
de l’ensemble de mesures à prendre pour faciliter la participation
politique. Grâce à ces formations, le personnel électoral aura une
meilleure connaissance des besoins pouvant apparaître le jour du
scrutin et saura mieux y répondre.
42. En Belgique et en Irlande, le personnel du bureau de vote
reçoit des directives sur l’accessibilité – notamment des conseils
pratiques sur la manière d’interagir avec les électeurs handicapés –
afin de créer un environnement favorable au vote de ces personnes.
J’estime que les formations sur le handicap et la non-discrimination
devraient être généralisées et dispensées à l’ensemble du personnel
des bureaux de vote et des bureaux d’inscription des électeurs.
Des directives sur l’aide à apporter aux électeurs handicapés doivent être
élaborées en coopération avec les organisations représentant les
personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées,
mais aussi largement diffusées. Cet aspect est également à prendre en
compte par les missions d’observation des élections.
4.4. Vote
à distance
43. Si la priorité doit être d’assurer
l’accessibilité des bureaux de vote, le vote à distance offre un
autre moyen d’accroître la participation. Il existe plusieurs formes
de vote à distance: le vote par correspondance, le vote à domicile
et le vote électronique. En Estonie, le vote électronique à distance
est utilisé depuis 2005 pour les élections municipales et depuis
2007 pour les élections nationales. En Bosnie-Herzégovine et en
Suède, des équipes composées d’au moins deux membres du personnel
électoral peuvent se rendre au domicile des électeurs dans l’incapacité
de se déplacer jusqu’au bureau de vote, afin de leur permettre de
déposer le bulletin dans une urne mobile. Dans plusieurs pays (entre
autres, Danemark, Finlande, Italie, Lituanie et Serbie), les électeurs
peuvent voter par anticipation depuis leur domicile. En France et
au Royaume-Uni, il existe une procédure de vote par procuration.
En Suisse, les électeurs sont nombreux à choisir le vote par correspondance
ou le vote électronique.
44. Il est important d’offrir une certaine flexibilité aux électeurs
afin de s’adapter à leurs besoins; toutefois, le fait de se rendre
dans un bureau de vote et de participer au scrutin le même jour
que les autres électeurs, et en leur présence, est un aspect important
de la participation politique et du sentiment d’appartenance à la société
. Comme le souligne Mme Heumann,
les personnes handicapées souhaitent voter avec les autres électeurs
de leur communauté
.
4.5. Rôle
décisif des partis politiques
45. La représentation de personnes
handicapées au niveau décisionnel des partis politiques et le nombre des
personnes handicapées élues dans les parlements nationaux restent
relativement faibles. Les parlements ayant fourni dans leurs réponses
au questionnaire des informations sur le nombre de personnes handicapées élues
sont peu nombreux, ce qui fait ressortir la nécessité d’une collecte
systématique des données sur cette question ainsi que sur la participation
en général.
46. Les partis politiques ont un rôle essentiel à jouer pour accroître
la participation politique des personnes handicapées. Ainsi peuvent-ils
inscrire, dans leur programme électoral ou dans une charte interne
pour l’égalité et la diversité, des mesures en faveur de la participation
de tous. Malheureusement, les mesures prises par les partis politiques
dans ce domaine restent encore très limitées. La commission des
personnes handicapées «Selbst Aktiv» au sein du parti social-démocrate
allemand (SPD) peut être considérée comme un exemple d’autonomisation
et de promotion de l’inclusion politique au sein d’un parti. Cette
commission a les mêmes droits statutaires que les autres commissions
au sein du parti.
47. Selon une étude réalisée par l’Agence des droits fondamentaux,
les programmes électoraux des partis politiques sont disponibles
sous un format accessible dans 14 États membres de l’Union européenne
. En France
et au Portugal, les spots vidéo diffusés par les partis politiques
lors des campagnes électorales sont sous-titrés et accompagnés d’une
interprétation en langue des signes.
48. Mme Helga Stevens, députée sourde
du Parlement européen, déplore que les partis politiques et les responsables
politiques ne tiennent généralement pas compte des personnes handicapées
.
Des efforts doivent être déployés pour faire prendre conscience,
au sein des partis politiques, de la nécessité de faciliter leur
participation politique. Il faudrait également encourager les personnes
handicapées à s’affilier aux partis et à y jouer un rôle actif.
Par exemple, les partis politiques devraient faire en sorte que
les événements et les congrès qu’ils organisent soient accessibles
à tous. En Norvège, en vertu de la loi sur l’accessibilité et sur
la lutte contre la discrimination, les bureaux des partis politiques
doivent être accessibles. Les partis politiques pourraient aussi
se doter de conseillers sur la participation des personnes handicapées,
ainsi qu’organiser à l’intention de leur personnel des formations
sur l’inclusion et la non-discrimination. Les groupes politiques pourraient
quant à eux, désigner des porte-paroles pour les personnes handicapées
au sein des parlements nationaux.
49. Au Royaume-Uni, la loi de 2010 sur l’égalité fait obligation
aux partis politiques de procéder à des aménagements raisonnables
pour les personnes handicapées. J’ai reçu des informations à propos
d’une initiative intéressante, le projet Every
vote counts (chaque vote compte) mené par l’organisation
United Response en Angleterre et au pays de Galles, qui comprenait
un volet de sensibilisation à l’accessibilité et qui encourageait
les responsables politiques à rendre les informations accessibles
et faciles à lire. United Response, qui publie le périodique d’information
facile à lire Easy News, a
consacré une édition spéciale aux points forts des programmes politiques
des partis en campagne pour les élections de 2015.
50. Je salue la déclaration faite par les dirigeants de plusieurs
groupes politiques du Parlement européen
en
juin 2013, lors d’une réunion avec le Forum européen des personnes
handicapées. Les groupes politiques se sont engagés à «tout faire
pour assurer l’accessibilité de leurs documents et informations,
en particulier sur leur site internet»
.
Ils ont également appelé à améliorer l’accessibilité des élections
au Parlement européen.
51. En publiant leurs informations dans des formats accessibles
et en associant les personnes handicapées à leurs activités, les
partis politiques peuvent démontrer l’attention qu’ils portent à
la participation de ces personnes et, par là même, contribuer à
sensibiliser le public à l’importance de l’inclusion et de la participation de
tous, sans discrimination, à la vie politique. Ils peuvent aussi
contribuer à déconstruire la conviction commune que le seul et unique
intérêt des personnes handicapées serait de travailler à des questions concernant
le handicap, et promouvoir des modèles auxquels s’identifier. Les
partis politiques peuvent plaider et lutter pour la pleine inclusion
des personnes handicapées dans la vie politique, ainsi qu’accroître
la visibilité de ces personnes sur la scène politique.
52. Lors de ma visite d’information en Autriche, j’ai découvert
que le Parti des verts faisait une partie importante de sa communication
sous une forme facile à lire. J’encourage tous les partis politiques
à privilégier l’utilisation de leurs sites web – ainsi que le recommande
M. Erwin Buchinger, Médiateur pour les personnes handicapées –,
car ces sites peuvent offrir des plateformes excellentes pour présenter
les programmes dans des versions faciles à lire et à comprendre.
53. Les actions menées par des partis politiques pour toucher
les personnes handicapées et les encourager à s’engager au sein
de leurs structures sont supervisées par des organisations représentant
les personnes handicapées. À Berlin, l’ONG Blue Camel supervise
les engagements et les actions des partis politiques en ce qui concerne
les personnes handicapées et organise une discussion inter-partis
sur les questions de handicap avec le soutien du commissaire aux
élections. S’agissant de l’observation des élections, je me réjouis
que les missions de l’Assemblée parlementaire rendent compte de
la participation des personnes handicapées. Il me tarde de prendre
connaissance du manuel publié par l’OSCE/BIDDH pour guider les observateurs
électoraux sur la participation des personnes handicapées en 2017,
publication qui témoigne de l’intérêt grandissant de la communauté
internationale pour cette question.
5. Participation
politique et éducation inclusive
54. La connaissance et l’exercice
des droits politiques sont étroitement liés à l’éducation. Au cours
de mes recherches et de mes réunions, j’ai toujours entendu évoquer
la méconnaissance des droits politiques des personnes handicapées
et dire que, pour remédier à ce manque, il fallait faire davantage
dans le domaine de l’éducation.
55. Dans son Observation générale no 4
sur le droit à l’éducation inclusive, le Comité sur les droits des personnes
handicapées des Nations Unies souligne que la pleine participation
à la vie politique et publique s’améliore avec la réalisation du
droit à une éducation inclusive et que, pour tous les étudiants,
le programme d’enseignement doit inclure le sujet de la citoyenneté
et porter sur les compétences d’autodéfense et d’autoreprésentation,
base fondamentale de la participation aux processus politiques et
sociétaux
.
56. Les enfants et les adolescents reçoivent à l’école les principaux
éléments d’éducation civique, ce qui les prépare en tant que futurs
électeurs. Une éducation inclusive apporte une préparation identique
aux enfants handicapés, qui jouissent des mêmes droits en tant que
futurs électeurs. Les parlements peuvent aussi jouer un rôle important
dans le domaine de l’éducation politique. Ils peuvent fournir des
informations sur le processus de prise de décision dans des formats
accessibles sur leurs sites web.
57. Je salue les programmes éducatifs politiques tels que «
My Opinion, My Vote» (mon opinion,
mon vote) qui, par le biais d’une citoyenneté active et d’une participation
à la vie politique et aux élections dans plusieurs États membres
de l’Union européenne, vise à autonomiser les personnes atteintes
de troubles de l’apprentissage
. Les élèves
sont amenés et aidés à examiner des processus et des questions politiques, ainsi
que leurs droits de citoyens. Les États membres du Conseil de l’Europe
devraient encourager et financer ce même type de programmes ciblés
d’éducation politique et, ainsi, fournir des informations sur les
procédures de vote dans des formats faciles à comprendre.
58. J’aimerais ajouter que l’éducation inclusive peut contribuer
à sensibiliser et à démonter les stéréotypes dès le plus jeune âge,
ce qui peut avoir un effet positif sur la participation des personnes
handicapées et sur la manière dont elles sont perçues en tant que
candidats politiques. Les personnes handicapées nourrissent un réel
intérêt pour les débats de la vie politique et pour l’information
en général, intérêt qui se traduit par leur participation, du moins
si des arrangements spécifiques s’y prêtent en termes d’accessibilité.
59. Dernier point mais non le moindre, la famille peut jouer un
rôle crucial quant à la participation politique des personnes handicapées,
en assurant un environnement propice à la discussion politique et
en encourageant la participation.
6. Principales
normes internationales pour la protection et la promotion des droits
politiques des personnes handicapées
60. Les droits politiques sont
garantis à chaque citoyen par plusieurs instruments internationaux
clés. Outre les dispositions de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5)
, de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne
et de la Déclaration
universelle des droits de l’homme
, le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques vise à protéger le droit de tout
citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, le
droit de voter et d’être élu (article 25). Dans son Observation
générale no 25, le Comité des droits
de l’homme des Nations Unies affirmait déjà qu’il n’était pas raisonnable
de limiter le droit de vote pour des raisons de handicap physique,
soulignant que les États doivent prendre des mesures effectives
pour s’assurer que toutes les personnes habilitées à voter peuvent
exercer ce droit
.
61. Des mesures d’accompagnement doivent être prises pour garantir
trois objectifs principaux: la jouissance pour tous du droit de
voter, d’être élu et de participer à la vie politique. La Convention
des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
(CDPH) va donc plus loin en présentant de telles mesures.
62. L’article 12 de la CDPH réaffirme le droit à la reconnaissance
en tous lieux de leur personnalité juridique, et le fait que les
personnes handicapées devraient jouir de la capacité juridique dans
tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. Il
prévoit également d’apporter un soutien adéquat pour assurer l’exercice de
la capacité juridique, de manière à respecter les préférences, la
volonté et les droits de ces personnes.
63. À l’article 29, la CDPH impose aux États parties de «faire
en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et
pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur
la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou
par l’intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu’elles
aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues». Les
États Parties sont tenus de veiller à ce que les procédures, équipements
et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles
à comprendre et à utiliser. Ils doivent aussi protéger le droit
qu’ont les personnes handicapées de voter à bulletin secret, de
se présenter aux élections et d’exercer effectivement un mandat
électif. L’article mentionne également la nécessité d’autoriser
les personnes handicapées à se faire assister d’une personne de
leur choix pour voter, de manière à garantir la libre expression
de leur volonté. Bien que très complète s’agissant de la participation à
la vie politique, cette disposition ne s’applique pas encore à tous
les États membres du Conseil de l’Europe puisque, à ce jour, ils
sont seulement 44 à avoir ratifié la CRPD
.
64. Comme l’a expliqué Mme Quintanilla
dans son rapport sur l’égalité et l’insertion des personnes handicapées
, «la Convention ne
crée pas de droits nouveaux ou de droits spécifiques aux personnes handicapées
mais adapte les droits fondamentaux existants à la situation des
personnes handicapées afin d’en assurer la pleine jouissance».
65. La nouvelle stratégie du Conseil de l'Europe sur le handicap
2017-2023 a été adoptée le 30 novembre 2016. Elle vise à assurer
aux personnes handicapées l’égalité, la dignité et des chances égales aux
autres et comporte cinq domaines prioritaires: l’égalité et la non‑discrimination,
la sensibilisation, l’accessibilité, la reconnaissance de la personnalité
juridique et le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à
la violence et à la maltraitance. La participation est considérée
comme une question transversale. Elle a été élaborée sur la base
des réalisations et de l’évaluation du Plan d’action 2006‑2015 en
faveur des personnes handicapées
. La stratégie n’est
pas un document juridiquement contraignant mais un moyen d’action
souple et un cadre que chaque État membre peut adapter à sa situation.
Elle fournit une feuille de route pour mettre en œuvre des lois,
des politiques et des pratiques novatrices en matière de handicap,
y compris dans le domaine de la participation politique. La stratégie
met l’accent sur la nécessité de mener des campagnes politiques
accessibles pour promouvoir la pleine participation des personnes
handicapées à la vie politique et publique. Elle souligne qu’une
participation pleine et effective des personnes handicapées dans
tous les domaines de la vie et de la société dans son ensemble est
essentielle pour assurer la jouissance de tous les droits humains.
La stratégie sera officiellement lancée en mars 2017, à Nicosie.
Les États membres devraient affecter des ressources suffisantes
à sa mise en œuvre.
66. D’autre part, la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) a souligné que les personnes
handicapées devraient «pouvoir exercer leur droit de vote et participer
à la vie politique et publique en qualité d’élu(e)s sur un pied
d’égalité avec les autres citoyens»
,
et elle a présenté des mesures concrètes. La Commission de Venise
a expliqué que le principe d’égalité pouvait être mis en pratique
par des aménagements raisonnables, à savoir en adaptant les procédures
et matériels existants et en les rendant accessibles. Elle a également
mentionné la nécessité d’assister les électeurs handicapés, de respecter
le principe selon lequel le vote doit être individuel et de protéger
le vote à bulletin secret, en facilitant le recours à des technologies
d’assistance ou l’intervention d’une personne librement choisie
par la personne handicapée pour l’aider à voter. La Commission de
Venise a exhorté, en outre, à assurer l’égalité des chances pour
les partis et les candidats, insistant tout particulièrement sur
l’égalité pour les personnes handicapées qui se présentent à des
élections. Dans ses lignes directrices pour l’observation des élections,
elle a aussi ajouté le suivi de la participation des personnes handicapées.
67. La Recommandation CM/Rec(2011)14 du Comité des Ministres sur
la participation des personnes handicapées à la vie politique et
publique appelle les États membres à «veiller à ce que leur législation
dans son ensemble n’opère pas de discrimination à l’égard des personnes
handicapées dans la vie politique et publique». Elle précise aussi
que «[t]outes les personnes handicapées, que leurs déficiences soient physiques,
sensorielles ou intellectuelles, qu’elles aient des problèmes de
santé mentale ou de maladie chronique, ont le droit de voter au
même titre que les autres citoyens et ne devraient être privées
de ce droit par aucune loi restreignant l’exercice de leur capacité
juridique, par aucune décision judiciaire ou autre, ou par aucune
autre mesure fondée sur leur handicap, leur fonctionnement cognitif
ou la perception subjective de leur capacité».
68. Le cadre juridique international pour la protection et la
promotion des droits politiques des personnes handicapées est relativement
complet; dans l’ensemble, il indique clairement quelles mesures
sont à prendre pour assurer la jouissance des droits politiques.
Reste qu’il n’est pas systématiquement transposé dans la législation
nationale ni appliqué. Aussi des mesures s’imposent-elles au niveau
national pour s’attaquer aux multiples difficultés rencontrées par
les personnes handicapées lorsqu’elles veulent exercer leurs droits politiques.
7. Conclusions
69. Le droit des personnes handicapées
de voter, d’être élues et, plus généralement, de participer à la
vie politique, est une question importante, mais pas seulement parce
qu’elle concerne les droits des personnes handicapées. Il s’agit
d’une question importante pour la démocratie et l’égalité, qui montre
à quel point nos démocraties peuvent être inclusives ou exclusives.
70. Assurer la participation politique des personnes handicapées
n’est pas une utopie. Il est possible d’adapter les procédures de
vote, de rendre les informations accessibles et de lancer des campagnes
de sensibilisation. Rendre la vie politique plus inclusive est une
question de volonté politique. Il est possible de mener des actions
concrètes et de faire des investissements afin d’atteindre des résultats
tangibles. Il est de notre responsabilité, à nous, politiques, de
plaider en faveur d’une vie politique inclusive.
71. Il est possible de changer les mentalités au sujet de la capacité
des personnes handicapées à participer aux élections et à s’y présenter
en organisant des campagnes de sensibilisation avec le concours
des organisations représentant les personnes handicapées et les
organisations de personnes handicapées.
72. Dissocier le droit de vote de la capacité juridique et de
la tutelle complète est fondamental pour garantir la participation
des personnes handicapées à la vie politique. Aujourd’hui en Europe,
nous ne devrions plus accepter cette privation du droit de vote
et devrions abroger toutes les lois et règlements qui privent les personnes
handicapées de leur droit de vote. En outre, il ne faut pas oublier
non plus la situation particulière des personnes handicapées vivant
dans des établissements de soins de longue durée; leurs droits doivent
être protégés. Les personnes handicapées sont désireuses de participer
à la vie politique. Il convient, s’il y a lieu, d’assurer une assistance
au vote grâce à un mécanisme de prise de décision accompagnée respectant
le libre arbitre de l’électeur qui pourra se faire assister de la
personne de son choix. De même, le soutien à la prise de décision
ne devrait pas être utilisé comme une justification pour limiter
d’autres droits fondamentaux des personnes handicapées, notamment
le droit de vote.
73. La coopération entre parlements, partis politiques, organisations
représentant les personnes handicapées et organisations de personnes
handicapées devrait être encouragée davantage. Qu’il s’agisse de
changer une loi ou d’élaborer un projet de loi concernant les droits
des personnes handicapées, l’opération devra se faire en étroite
concertation avec les organisations représentant les personnes handicapées
et les organisations de personnes handicapées selon le principe
suivant: «Rien pour nous sans nous»
74. Les partis politiques devraient faire preuve de plus d’ouverture
et d’un engagement concret à rendre la vie politique plus diverse
et représentative de la population. Pour renforcer l’intégration,
ils pourraient mettre en place des commissions représentant les
personnes handicapées. Ils pourraient aussi mieux promouvoir la participation,
encourager les personnes handicapées à se présenter aux élections
et leur offrir, sans discrimination, des positions éligibles sur
les listes électorales. Les partis politiques devraient être conscients que
les personnes handicapées constituent une partie importante de l’électorat
et s’attacher à créer une culture de participation politique égalitaire.
75. À mon sens, nous devrions aussi préconiser une approche globale
de l’accessibilité qui couvre l’accès physique aux bâtiments publics
mais aussi l’accès à l’information sur les processus électoraux,
les procédures de vote et les programmes politiques en versions
faciles à lire et à comprendre, avec une interprétation en langue
des signes sur demande et des sous-titres pour les vidéos. Les procédures
doivent être adaptées aux personnes ayant un handicap intellectuel
ou psychosocial et les conditions d’inscription des électeurs ne devraient
empêcher personne de participer. Des crédits suffisants devraient
être débloqués pour garantir l’accessibilité en général, même en
période d’austérité.
76. Les droits politiques des personnes handicapées ne peuvent
plus rester sur une liste de souhaits. Ils doivent devenir une réalité
dans la pratique. À cette fin, nous devons continuer de promouvoir
une éducation inclusive et une éducation civique sous une forme
accessible à tous. L’éducation inclusive peut contribuer à démonter
les stéréotypes, à combattre la discrimination et à changer notre
perception des personnes handicapées dans la société.
77. Enfin, pour commencer à appliquer nos recommandations à nos
propres structures internes, je voudrais plaider pour que les résolutions
et recommandations sur les droits des personnes handicapées adoptées
par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe soient disponibles,
sur le site web de l’Assemblée, en versions faciles à comprendre
et avec à une interprétation en langue des signes.