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Avis de commission | Doc. 14297 | 25 avril 2017

Protéger les femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Petra De SUTTER, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13890, Renvoi 4161 du 27 novembre 2015. Commission chargée du rapport: Commission sur l’égalité et la non-discrimination. Voir Doc. 14284. Avis approuvé par la commission le 25 avril 2017. 2017 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées se félicite du rapport intitulé «Protéger les femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre», établi par Mme Gisela Wurm (Autriche, SOC) et approuvé par la commission sur l'égalité et la non-discrimination.
2. Tout en appuyant fortement les conclusions générales de ce rapport, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacée propose des amendements au projet de résolution, visant notamment à rappeler les normes en vigueur et les engagements pris par les États membres.

B. Propositions d’amendements au projet de résolution

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Amendement A (au projet de résolution)

Dans le titre, après le mot «femmes», ajouter les mots «et les filles».

Note explicative:

Les femmes réfugiées de moins de 18 ans sont souvent victimes de violences fondées sur le genre, notamment d’agressions sexuelles, de traite et de mariages d’enfants, tant dans leur pays d’origine qu’au cours de leur fuite. Elles requièrent une attention particulière en tant qu’enfants réfugiés et mineurs non accompagnés. Le titre devrait en faire état.

Amendement B (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 5.1, ajouter les mots suivants:

«et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201);»

Note explicative:

Dans la protection des femmes contre les violences sexuelles et fondées sur le genre, il ne faut pas oublier les filles. Il faudrait faire référence à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).

Amendement C (au projet de résolution)

Après le paragraphe 5.2.6, insérer le paragraphe suivant:

«conformément au Cadre de protection globale du HCR sur l’accès à la justice pour les victimes et survivants de violences sexuelles et fondées sur le genre, permettre aux tribunaux itinérants ou aux auxiliaires de justice de visiter régulièrement ces structures, et présenter des données à l’appui de ces visites, afin de garantir que les agressions sexuelles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites;»

Note explicative:

Dans son Cadre de protection globale sur l’accès à la justice pour les victimes et survivants de violences sexuelles et fondées sur le genre 
			(1) 
			<a href='http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/CEDAW/AccesstoJustice/UNHCR_Annex.pdf'>www.ohchr.org/Documents/HRBodies/CEDAW/AccesstoJustice/UNHCR_Annex.pdf.</a>, le HCR a recommandé la création de «tribunaux itinérants» qui puissent se rendre dans les centres d’accueil et de transit de réfugiés afin de garantir que les agressions sexuelles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, faute de quoi les réfugiés n’auraient pas suffisamment accès aux tribunaux.

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 5.2.7, ajouter le paragraphe suivant:

«garantir à toutes les femmes et filles le même accès à des services de santé abordables et adaptés, qu’à l’ensemble de la population, indépendamment des définitions utilisées (migrant, immigrant, réfugié ou demandeur d’asile);»

Note explicative:

Il ressort du dernier rapport du Réseau des bases factuelles en santé (HEN) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (2016) que la variété des définitions utilisées d’une région à l’autre pour les différentes catégories de migrants a des incidences sur l’accès aux soins de santé. Le statut juridique s’est avéré être l’un des principaux facteurs déterminants, pour ce qui est de la possibilité ou non pour les migrants d’accéder à des services de santé adaptés et abordables.

Amendement E (au projet de résolution)

Après le paragraphe 5.2.7, ajouter le paragraphe suivant:

«veiller à ce que les filles soient libres de décider elles-mêmes, à ce que le consentement obtenu par elles soit toujours libre et éclairé et à ce qu’elles n’aient pas besoin d’une autorisation du conjoint, parent/tuteur ou administration hospitalière pour avoir accès aux services de santé sexuelle et reproductive;»

Note explicative:

Les agences des droits de l’homme ont appelé les pays à supprimer les obstacles auxquels se heurtent les personnes pour accéder aux services de santé, tels que les tarifs élevés, l’exigence d’autorisation du conjoint, parent/tuteur ou des administrations hospitalières, l’éloignement des établissements de santé, et l’absence de transports publics commodes et d’un prix abordable.

[Recommandation générale no 24 (20e session): article 12 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) — femmes et santé. In: Rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, 54e session de l’assemblée générale, supplément no 38 (chapitre 1). New York (NY): Nations Unies; 1999 (A/54/38/Rev.1) 
			(2) 
			<a href='http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/reports/21report.pdf'>www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/reports/21report.pdf.</a>]

Amendement F (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 5.3.1, ajouter les mots suivants:

«et viser une protection pleine et entière, y compris un statut de réfugié;»

Note explicative:

L’Union européenne accorde le statut de réfugié aux femmes et aux filles craignant avec raison de subir des violences, mais les travaux de Nora Markard (2006) ont montré que certains États membres ne leur accordent qu’une année de protection subsidiaire.

Amendement G (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 5.4.1, ajouter les mots suivants:

«et mettre en place de nouvelles filières légales et sûres, pour renforcer la sécurité du transit pour les femmes et les filles;»

Note explicative:

Des filières légales de migration à l’extérieur de l’Europe, non loin des centres de rétention, doivent être mises en place. Il faut qu’elles soient «plus sûres» que les dispositifs actuels d’accueil («hotspots»).

C. Exposé des motifs, de Mme Petra De Sutter, rapporteure pour avis

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1. Selon les statistiques d’Eurostat, en 2016 
			(3) 
			<a href='http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do'>http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do.</a>, plus de 300 000 femmes réfugiées ont déposé chaque mois une demande d’asile dans les États membres de l’Union européenne. Ces chiffres alarmants reflètent la situation désespérée de femmes et de filles qui, souvent, fuient des violences sexuelles et fondées sur le genre, mais sont aussi fréquemment victimes de telles violences durant leur fuite 
			(4) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/2017/feb/12/dunkirk-child-refugees-risk-sexual-violence'>https://www.theguardian.com/world/2017/feb/12/dunkirk-child-refugees-risk-sexual-violence.</a>.
2. Le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a décrit les violences sexuelles et fondées sur le genre infligées aux femmes et aux filles par l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et par des groupes terroristes qui lui sont affiliés 
			(5) 
			<a href='https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G15/066/10/PDF/G1506610.pdf?OpenElement'>https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G15/066/10/PDF/G1506610.pdf?OpenElement.</a>. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a constaté que les filles réfugiées syriennes sont de plus en plus souvent mariées de force en Jordanie 
			(6) 
			<a href='https://www.unicef.org/mena/UNICEFJordan_EarlyMarriageStudy2014(1).pdf'>https://www.unicef.org/mena/UNICEFJordan_EarlyMarriageStudy2014(1).pdf.</a>. Amnesty International a signalé que des réfugiées syriennes fuyant vers la Turquie avaient également été victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, notamment de la traite et de mariages d’enfants 
			(7) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2016/01/female-refugees-face-physical-assault-exploitation-and-sexual-harassment-on-their-journey-through-europe/'>https://www.amnesty.org/en/latest/news/2016/01/female-refugees-face-physical-assault-exploitation-and-sexual-harassment-on-their-journey-through-europe/</a> et 
			(7) 
			<a href='https://www.womensrefugeecommission.org/images/zdocs/EU-Turkey-Refugee-Agreement-Failing.pdf'>https://www.womensrefugeecommission.org/images/zdocs/EU-Turkey-Refugee-Agreement-Failing.pdf.</a>.
3. Face à de telles atrocités, l’Europe doit rester unie et déterminée à protéger les femmes et les filles réfugiées des violences fondées sur le genre. Le rapport de Mme Gisela Wurm pour le compte de la commission sur l'égalité et la non-discrimination constitue en conséquence une contribution majeure venant à point nommé.
4. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a traité de sujets apparentés dans les rapports ayant mené à la Résolution 2128 (2016) sur la violence envers les migrants et à la Résolution 1765 (2010) sur les demandes d'asile liées au genre. Face à la souffrance persistante des femmes et filles réfugiées, il nous faut nous préoccuper davantage de cette situation effroyable et rappeler aux États membres leurs obligations morales et légales.
5. La Recommandation Rec(2003)5 du Comité des Ministres sur les mesures de détention des demandeurs d’asile 
			(8) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805e02f9'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805e02f9.</a> dispose que les demandeurs d’asile traumatisés doivent être identifiés dès le début de leur détention et recevoir des soins médicaux et une assistance psychologique.
6. En 2003, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a émis des lignes directrices détaillées, à savoir les Principes directeurs pour la prévention et l'intervention contre les violences sexuelles et fondées sur le genre envers les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées 
			(9) 
			<a href='http://www.unhcr.org/3f696bcc4.pdf'>www.unhcr.org/3f696bcc4.pdf.</a>. L’article 6 de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes 
			(10) 
			<a href='http://www.ohchr.org/Documents/ProfessionalInterest/cedaw.pdf'>http://www.ohchr.org/Documents/ProfessionalInterest/cedaw.pdf.</a> fait obligation aux «États parties [de prendre] toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes». Cette obligation revêt une importance particulière pour combattre le phénomène très répandu des violences sexuelles et fondées sur le genre envers les femmes réfugiées, et de leur traite. Par ailleurs, la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité 
			(11) 
			<a href='https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/720/19/pdf/N0072019.pdf?OpenElement'>https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/720/19/pdf/N0072019.pdf?OpenElement.</a> demande des mesures particulières pour protéger les femmes et les filles des violences fondées sur le genre, en particulier du viol et des autres formes de sévices sexuels.
7. Les normes et les lignes directrices internationales existent. Il est donc nécessaire, non pas de définir de nouvelles normes, mais d’appliquer de manière effective celles qui existent. Pour ce faire, il importe de les rappeler et d’aider les États membres à les mettre en œuvre. Tel est le but des amendements proposés ici qui visent aussi à compléter l’excellent rapport de Mme Wurm.