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Résolution 2159 (2017)
Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence fondée sur le genre
1. Au cours des deux dernières années,
plus d’un million de demandeurs d’asile sont venus dans les États membres
du Conseil de l’Europe dans l’espoir d’y trouver une protection
et de voir leurs enfants grandir en paix. Ils ont quitté des pays
déchirés par la guerre après avoir souffert de la violence et assisté
à des atrocités. Ils ont pris d’énormes risques pour venir en Europe,
où leur présence a parfois été bien accueillie mais souvent critiquée,
faisant d’eux la cible de discours de haine et les boucs émissaires
de tous les problèmes.
2. Dans leurs pays d’origine, pendant leur voyage, dans les pays
de transit et de destination, de nombreuses femmes et filles demandeuses
d’asile ont été exposées à une violence fondée sur le genre qui s’exerce
sous de multiples formes – contrainte, prostitution forcée, harcèlement,
sexe comme moyen de survie, esclavage sexuel ou autres formes d’extorsion.
Pour autant, leur protection contre la violence n’a pas été jugée
prioritaire dans la gestion de la crise des réfugiés. Si l’Assemblée
parlementaire félicite les pays qui, à ce jour, ont accueilli un
grand nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile, elle regrette
que la dimension de genre de la crise des réfugiés ait été largement
négligée et que les lacunes qui subsistent de ce fait dans la protection
exposent bon nombre de femmes à des risques accrus.
3. L’Assemblée est convaincue qu’assurer une protection contre
la violence fondée sur le genre à toutes les femmes, quel que soit
leur statut, doit être une priorité, conformément aux dispositions
de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210, Convention d’Istanbul).
La responsabilité d’aider et de protéger les demandeuses d’asile
et les réfugiées ne se limite pas aux cas de violence perpétrée
dans les pays de destination. Ces femmes devraient recevoir une
assistance adéquate pour surmonter le traumatisme qu’elles ont subi
dans leurs pays d’origine ou dans les pays de transit. Dans cette
perspective, l’Assemblée rappelle sa Résolution 1765 (2010) et sa Recommandation 1940 (2010) sur
les demandes d’asile liées au genre, qui préconisent des procédures
d’asile sensibles au genre.
4. L’Assemblée souligne aussi que l’arrivée de demandeurs d’asile
en Europe représente une chance de promouvoir et de défendre la
tolérance, la diversité et l’ouverture, ainsi que d’adopter une
position ferme contre les multiples formes de discrimination. Outre
le fait d’assurer une protection contre la violence et une assistance
aux victimes, les États devraient investir dans des programmes d’intégration
afin d’offrir des perspectives aux femmes réfugiées pour les années
à venir et de les aider à se faire une place dans nos sociétés.
5. À la lumière de ces considérations, afin de combler les lacunes
en matière de protection et de réduire les risques, l’Assemblée
appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe
à prendre les mesures concrètes suivantes:
5.1. signer et ratifier sans plus attendre, pour les États
qui ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique, et assurer sa pleine mise en œuvre, ce
qui suppose de reconnaître la violence fondée sur le genre comme
une forme de persécution au sens de la Convention des Nations Unies
de 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197) et la Convention du Conseil
de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201);
5.2. en ce qui concerne la sécurité des femmes dans les centres
de transit et d’accueil:
5.2.1. assurer dans ces centres
la présence de femmes parmi les travailleurs sociaux, les interprètes,
les policiers et les gardiens;
5.2.2. prévoir des dortoirs séparés pour les femmes seules avec
ou sans enfants, ainsi que des installations sanitaires bien éclairées
réservées aux femmes;
5.2.3. créer des espaces sûrs dans tous les centres de transit
et d’accueil;
5.2.4. si nécessaire, assurer l’accès des réfugiées et des demandeuses
d’asile à des structures d’accueil pour femmes victimes de violence
fondée sur le genre;
5.2.5. organiser des programmes de formation sur l’identification
et le soutien des victimes de violence fondée sur le genre à l’intention
des travailleurs sociaux, des policiers et des gardiens travaillant
dans les centres;
5.2.6. fournir du matériel d’information dans les langues des
pays d’origine sur les services d’aide aux victimes de violence
fondée sur le genre, notamment sur les dispositifs de signalement et
de plainte;
5.2.7. conformément au Cadre de protection globale sur l’accès
à la justice pour les victimes et survivants de violences sexuelles
et fondées sur le genre du Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés, permettre aux tribunaux itinérants ou aux auxiliaires
de justice de visiter régulièrement ces structures, et consigner
les informations recueillies, afin de garantir que les agressions
sexuelles font l’objet d’enquêtes et de poursuites;
5.2.8. procurer aux victimes de violence fondée sur le genre
dans leurs pays d’origine et dans les pays de transit ou de destination
des services de conseil, une aide psychologique et des soins médicaux,
y compris des soins de santé sexuelle et reproductive, et des soins
spécifiques en cas de viol;
5.2.9. garantir à toutes les femmes et filles le même accès à
des services de santé abordables et adaptés qu’à l’ensemble de la
population, indépendamment des définitions utilisées (migrante, immigrante,
réfugiée ou demandeuse d’asile);
5.2.10. veiller à ce que les filles soient libres de décider elles-mêmes,
à ce que leur consentement soit toujours libre et éclairé, et à
ce qu’elles n’aient pas besoin d’une autorisation d’un conjoint,
parent/tuteur ou d’une administration hospitalière pour avoir accès
aux services de santé sexuelle et reproductive;
5.3. en ce qui concerne les procédures d’asile:
5.3.1. appliquer
des procédures d’asile sensibles au genre en garantissant la présence
de femmes parmi les agents responsables des demandes d’asile et
les interprètes, si celle-ci est effectivement demandée après avoir
été proposée; donner aux femmes et aux hommes d’une même famille
la possibilité d’avoir des entretiens séparés, et garantir la confidentialité
des entretiens; et viser à une protection pleine et entière, y compris
un statut de réfugié;
5.3.2. veiller à ce que les agents responsables des demandes
d’asile et les interprètes reçoivent une formation sur la détection
des cas de violence fondée sur le genre et l’utilisation d’informations
spécifiques au genre sur les pays d’origine, y compris le taux de
prévalence des mutilations génitales féminines et des mariages forcés;
5.4. en ce qui concerne la gestion globale des cas de violence
fondée sur le genre et les politiques en faveur des réfugiés:
5.4.1. participer à des programmes de réinstallation et de relocalisation,
qui représentent pour les demandeurs d’asile et les réfugiés la
manière la plus sûre de venir en Europe, et mettre en place de nouvelles
filières légales et sûres, pour renforcer la sécurité du transit
pour les femmes et les filles;
5.4.2. financer des programmes d’assistance et de réinstallation
humanitaires spécifiques en faveur des femmes victimes de violence
fondée sur le genre, sur le modèle du projet de quotas spéciaux
mis en place dans le Land du Bade-Wurtemberg, en Allemagne;
5.4.3. favoriser le regroupement familial;
5.4.4. mettre en place des mécanismes transfrontaliers de protection
des victimes de violence fondée sur le genre;
5.4.5. veiller à ce que les normes de protection des victimes
de violence soient respectées par les prestataires privés sollicités
pour fournir des services et des hébergements aux demandeurs d’asile,
et ce au moyen d’un mécanisme de contrôle prévoyant des inspections
régulières par les services de l’immigration;
5.5. investir dans des programmes d’intégration économique
et sociale spécialement destinés aux réfugiées, notamment en proposant
des cours de langue, en facilitant la reconnaissance des diplômes ainsi
que l’accès à l’emploi, et en faisant connaître aux femmes réfugiées
les règles de bonne conduite du pays d’accueil, notamment en matière
d’égalité entre les femmes et les hommes;
5.6. en ce qui concerne la lutte contre la discrimination à
l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris des femmes:
5.6.1. lancer des campagnes de sensibilisation sur la contribution
positive des réfugiés et des demandeurs d’asile à nos sociétés;
5.6.2. condamner et sanctionner fermement toute forme de discrimination
et de violence à l’encontre des réfugiés et des demandeurs d’asile,
y compris des femmes.
6. L’Assemblée appelle les parlementaires nationaux des États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les parlements
qui bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la
démocratie auprès de l’Assemblée, à s’élever contre la discrimination
et la stigmatisation des réfugiés et des demandeurs d’asile.
7. Enfin, l’Assemblée rend hommage à l'immense courage manifesté
par des réfugiées, des demandeuses d’asile et des personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays, telles que les avocates de la
cause yézidie Nadia Murad, à qui l’Assemblée a décerné le prix Václav
Havel, et Farida Abbas. Ces femmes ont échappé à la violence et
relaté leur histoire afin de sensibiliser le monde à la situation
des femmes victimes de violence fondée sur le genre et à la nécessité
d’assurer leur protection.