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Résolution 2162 (2017)

Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de l’Université d’Europe centrale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2017 (16e séance) (voir Doc. 14298, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Mogens Jensen). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2017 (16e séance).

1. Préoccupée par les récents développements en Hongrie, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» et réaffirme l’importance du rôle d’une société civile dynamique pour le bon fonctionnement de la démocratie.
2. La liberté d’association, la liberté d’expression ainsi que le droit au respect de la vie privée constituent des libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), essentiels au bon fonctionnement de la société civile. Le respect de ces droits et libertés devrait être effectivement garanti par tous les États parties à la Convention, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et aux Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association, adoptées en décembre 2014 par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
3. Ces dernières années, l’Assemblée a dénoncé à plusieurs reprises la profonde dégradation de la situation de la société civile dans certains États membres du Conseil de l’Europe, notamment à la suite de l’adoption de lois et de réglementations restrictives en matière d’enregistrement, de fonctionnement et de financement. Dans sa Résolution 2096 (2016), l’Assemblée critique expressément la «loi relative aux agents étrangers», qui modifie la législation russe applicable aux organisations à but non lucratif, ainsi que les modifications apportées à la législation relative aux organisations non gouvernementales (ONG) en Azerbaïdjan, qui imposent des restrictions inappropriées aux activités de ces organisations.
4. Cette tendance alarmante semble, malheureusement, se propager en Europe. L’Assemblée est ainsi aujourd’hui préoccupée par l’évolution de la situation en Hongrie et en particulier par le dépôt d’un projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers. Si l’Assemblée convient que les ONG doivent faire preuve de transparence en ce qui concerne leurs sources de financement, elle ne saurait accepter les allégations selon lesquelles les organisations de la société civile serviraient des intérêts étrangers, et non l’intérêt général, et représenteraient un risque pour la sécurité nationale et la souveraineté d’un pays, simplement du fait qu’elles reçoivent des fonds étrangers au-delà d’un certain seuil annuel.
5. L’Assemblée relève que le projet de loi hongrois s’inspire de la loi équivalente russe, sans toutefois reprendre certains des éléments de cette dernière qui ont suscité les critiques de la Commission de Venise, tels que le recours aux termes controversés d’«agent étranger» ou la référence expresse et donc discriminatoire aux ONG qui œuvrent en faveur des droits de l’homme. Elle observe en outre que le projet de loi prévoit un contrôle judiciaire plutôt qu’administratif.
6. Cela étant, l’Assemblée est préoccupée par un certain nombre de questions soulevées par le projet de loi hongrois en matière de liberté d’association et de liberté d’expression, et de droit au respect de la vie privée, notamment en ce qui concerne:
6.1. l’absence de consultation publique avant le dépôt du projet de loi au parlement;
6.2. l’obligation, pour les ONG recevant des fonds étrangers, de mentionner ce fait sur tous les supports qu’elles publient ou diffusent;
6.3. l’obligation, pour les ONG, de communiquer des informations personnelles détaillées sur les donateurs étrangers, y compris les particuliers;
6.4. la gravité des sanctions prévues par le projet de loi, notamment, en dernier ressort, la dissolution de l’association pour non-respect des obligations administratives;
6.5. le champ d’application du projet de loi, qui s’applique à certaines associations et en exclut d’autres, par exemple les organisations sportives et religieuses.
7. L’Assemblée déplore également que l’élaboration et l’examen du projet de loi s’inscrivent sur fond de discours globalement accusateurs et dénigrants des responsables publics hongrois, suscitant des doutes quant aux objectifs réels de la législation proposée.
8. L’Assemblée prend acte des nombreuses réactions de préoccupation que le projet de loi a suscitées au sein des sociétés civiles hongroise et internationale, et au sein des organisations intergouvernementales. Cela inclut la réaction de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe qui a, le 24 avril 2017, appelé les autorités hongroises à ne pas adopter le projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers, eu égard à son incompatibilité avec les normes européennes et internationales.
9. L’Assemblée est d’autant plus préoccupée par les événements en Hongrie que le Parlement hongrois vient d’adopter des amendements à la loi sur l’enseignement supérieur national, qui pourraient – selon l’Université d’Europe centrale, fondée par George Soros en 1991, et opérant à Budapest – entraîner la cessation de ses activités.
10. L’Assemblée note que la Commission européenne a décidé, le 26 avril 2017, d’intenter une action en justice contre la loi portant modification de la loi hongroise sur l’enseignement supérieur national, fondée sur sa conclusion selon laquelle «la loi n’est pas compatible avec les libertés fondamentales du marché intérieur, notamment la libre prestation des services et la liberté d’établissement, mais aussi le droit à la liberté d’enseignement, le droit à l’éducation et la liberté de mener une activité, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne».
11. En conclusion, l’Assemblée estime que l’évolution de la situation en Hongrie mérite sa pleine et entière attention ainsi que la mobilisation de la compétence du Conseil de l’Europe afin d’aider les autorités hongroises à se conformer aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe et des instances internationales dans le domaine de la liberté d’association et de la liberté d’expression. Par conséquent, l’Assemblée:
11.1. demande l’avis de la Commission de Venise sur la compatibilité du projet de loi hongrois sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers avec les normes du Conseil de l’Europe, ainsi que sur la compatibilité de la loi du 4 avril 2017 portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national;
11.2. invite les autorités hongroises à coopérer avec la Commission de Venise et à suspendre, dans l’attente de l’adoption de l’avis de cette dernière, la mise en œuvre de la loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national ainsi que l’examen parlementaire du projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers;
11.3. invite le Gouvernement hongrois à engager un dialogue ouvert sur ces deux textes de loi avec la société civile et les ONG internationales de défense des droits de l’homme, ainsi qu’avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations intergouvernementales, et à s’abstenir de prendre toute mesure qui pourrait porter préjudice au développement de la société civile en Europe.
12. L’Assemblée est déterminée à continuer à suivre de près les événements en Hongrie.