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| Doc. 14327
| 29 mai 2017
Observation du référendum sur les amendements à la Constitution en Turquie (16 avril 2017)
1. Introduction
1. Le 27 janvier 2017, le Bureau
de l’Assemblée a décidé d’observer le référendum sur les amendements constitutionnels
en Turquie, à la condition d’y être invité, et a constitué une commission
ad hoc à cette fin, composée de 30 membres (PPE/DC: 11; SOC: 10,
CE: 4, ADLE: 4, GUE: 1, conformément à la méthode D’Hondt) et des
corapporteurs sur le dialogue postsuivi. Le Bureau a autorisé le
Président de l’Assemblée à approuver la liste des membres et à désigner
le président.
2. À ses réunions des 9 et 10 mars 2017, le Bureau a pris note
de l’invitation à observer le référendum prévu le 16 avril, envoyée
le 23 février par le vice-président de la Grande Assemblée nationale
de Turquie. Il a également approuvé la liste des membres de la commission
ad hoc pour l’observation de ce référendum et nommé M. Cezar Florin
Preda (Roumanie, PPE/DC) à sa présidence.
3. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée
parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise), le 4 octobre 2004, un représentant
de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission
ad hoc en qualité de conseiller juridique. Cette invitation a été
rejetée par la Commission de Venise le 20 mars 2017 dans les termes
suivants: «La Commission de Venise ayant adopté un avis critique
sur le contenu du texte soumis au référendum, ainsi que sur la procédure
qui a mené au référendum, il ne semble pas approprié qu’elle participe
à une telle mission.»
4. Pour l’observation du référendum, la commission ad hoc (dont
la composition figure à l’annexe 1) est intervenue dans le cadre
d’une Mission internationale d’observation du référendum (MIOR),
conjointement à la Mission limitée d’observation du référendum (MLOR)
du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme
de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
5. La commission ad hoc s’est réunie en Turquie du 14 au 17 avril
afin d’observer le référendum du 16 avril. Le programme de ses réunions
figure à l’annexe 2.
6. Le jour du référendum, la commission ad hoc s’est scindée
en 11 équipes qui ont observé le scrutin à Ankara et ses environs
ainsi que dans les régions et les municipalités d’Istanbul, d’Antalya,
d’Izmir et de Diyarbakir.
7. Le lendemain, la MIOR a tenu une conférence de presse conjointe
et publié une «déclaration sur les constatations et les conclusions
préliminaires» ainsi qu’un communiqué de presse (annexe 3).
2. Contexte politique
8. En vertu de la Constitution
de 1982, la Turquie est une république parlementaire dont le pouvoir
exécutif est assuré par le Conseil des ministres sous la direction
du Premier ministre. Le pouvoir législatif est exercé par la Grande
assemblée nationale de Turquie (le Parlement), qui compte 550 sièges.
Depuis les élections de novembre 2015, elle est constituée de quatre
partis politiques: le parti Justice et développement (AKP), qui détient
une majorité de 317 sièges, le Parti républicain du peuple (CHP,
134 sièges), le Parti démocratique du peuple (HDP, 59 sièges) et
le Parti du mouvement nationaliste (MHP, 40 sièges). Dans le cadre
actuel, le Président de la République est le chef de l’État et détient
des pouvoirs limités.
9. La réforme constitutionnelle a eu une incidence sur les priorités
en matière de politique intérieure au cours des dix dernières années.
Les référendums constitutionnels les plus récents ont eu lieu en
2007 et 2010. Les différents partis n’ayant pas pu conclure d’accord
multipartite entre 2012 et 2015, le parti au pouvoir (AKP) a lancé
en décembre 2016 une procédure parlementaire en vue de modifier
la Constitution, avec le soutien du MHP. Les projets d’amendement
ont été adoptés au parlement, mais beaucoup ont considéré que le
débat préalable à leur adoption avait été limité et manquait de
transparence, d’autant que plusieurs députés du HDP étaient en prison
et qu’aucune consultation publique n’avait eu lieu à un stade précoce
de la procédure. Tous ces facteurs ont entamé la confiance dans
le processus de réforme constitutionnelle.
10. Le 11 février, la Commission électorale suprême (CES) a annoncé
que le référendum se tiendrait le 16 avril.
11. La réforme constitutionnelle prévoyait un ensemble de 18 amendements
qui, entre autres, proposaient de modifier le système parlementaire
actuel, d’abolir la fonction de Premier ministre, de transférer
certaines des principales fonctions de contrôle du parlement à une
présidence exécutive, de porter à 600 le nombre de sièges au parlement
et de donner au Président le pouvoir de désigner des fonctionnaires
de haut niveau dans le domaine judiciaire. La Commission de Venise
a indiqué que les modifications proposées aboutiraient à un système
dans lequel la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice
ne seraient pas garanties et créeraient de fait un «régime présidentiel
dépourvu des freins et contrepoids nécessaires à la prévention d’une dérive
autoritaire».
12. Le 15 juillet 2016, une tentative de coup d’État avortée a
fait au moins 241 morts et 2 194 blessés. En réaction à cette tentative
et à une vague d’attentats terroristes qui a ébranlé le pays en
2016, le gouvernement a décrété l’état d’urgence le 21 juillet 2016
et l’a prolongé à trois reprises depuis (la prolongation la plus
récente est de trois mois à compter du 19 avril 2017). Dans le cadre
des décrets d’urgence promulgués, plus de 100 000 personnes ont
été arrêtées et poursuivies, plus de 40 000 personnes ont été mises
en détention prolongée et plus de 150 000 fonctionnaires ont été
révoqués. Par la suite, certaines personnes ont été libérées et
réintégrées dans leurs fonctions antérieures et des organisations
ont été autorisées à rouvrir. L’état d’urgence qui a restreint les
libertés fondamentales, ainsi que les opérations de sécurité qui
sont en cours dans le sud-est de la Turquie et ont poussé plusieurs
centaines de milliers personnes à s’enfuir de chez elles, ont conduit
à se demander si les conditions étaient en place pour la tenue d’un
référendum démocratique. Dans son avis sur les amendements à la
Constitution, la Commission de Venise a noté que «l’état d’urgence
actuel ne réunit pas les conditions de démocratie qu’exige un référendum
constitutionnel».
3. Cadre
juridique
13. Les amendements à la Constitution
doivent être adoptés soit directement par le parlement à une majorité
des deux tiers soit par les trois cinquièmes des députés et soumis
à un référendum proposé par le Président. Le changement constitutionnel
prend effet lorsqu’une majorité d’électeurs participant au référendum se
prononce en faveur des amendements. Les électeurs ont eu à voter
un ensemble de 18 projets d’amendements visant 72 articles de la
constitution, formule qui ne leur a pas permis de se prononcer sur chacun
des points figurant dans les amendements. Aucune question ne figurait
sur le bulletin de vote; les électeurs étaient simplement invités
à voter «oui» ou «non».
14. Le cadre juridique référendaire n’est pas adapté à la tenue
d’un référendum démocratique. Il porte essentiellement sur les modalités
du scrutin et ne tient pas suffisamment compte des spécificités
d’un référendum. En particulier, il donne des droits aux partis
politiques, mais n’accorde pas de droits et d’égalité des chances
aux partisans et aux adversaires de la proposition. Certains aspects
ont fait l’objet de règlements et de consignes, mais la Commission
électorale suprême (CES) n’a pas exercé pleinement sa compétence pour
réglementer la procédure afin qu'elle s’inscrive dans un cadre juridique
clair. En outre, elle a refusé d'interpréter les règles relatives
à la campagne et à la relocalisation des bureaux de vote lorsque
ces informations lui ont été officiellement demandées par les parties
prenantes. Les recommandations sur le cadre juridique formulées
auparavant par l’Assemblée parlementaire n'ont pas été prises en
compte, notamment celles qui concernent le droit de vote, le financement
de la campagne, l’absence de contrôle juridictionnel et les droits
des observateurs.
15. L’adoption de deux décrets d’urgence, qui ont modifié de matière
définitive les lois électorales, allait bien au-delà des exigences
propres à une situation d’urgence. Contrairement aux dispositions
constitutionnelles applicables, la CES a décidé que les modifications
apportées à la loi entreraient en vigueur immédiatement. En outre,
face aux recours déposés par des députés du CHP, la Cour constitutionnelle
a jugé qu’elle n’était pas compétente pour examiner les recours
introduits contre les décrets d’urgence et a, de ce fait, empêché toute
contestation efficace des décrets liés au référendum. Enfin, le
parlement n’a pas examiné les décrets avant le référendum ou dans
le délai légal de 30 jours; leur statut juridique demeurant de ce
fait incertain, les possibilités de recours en ont encore été davantage
limitées.
16. Les libertés fondamentales d’expression, de réunion et d’association,
qui sont déjà limitées par la Constitution et la législation applicable
en la matière, ont été restreintes encore plus largement par l’utilisation des
pouvoirs extraordinaires découlant de l’état d’urgence, ce qui a
entravé la tenue d’un référendum démocratique. Les gouverneurs de
province ont ainsi exercé les pouvoirs conférés par l’état d’urgence
pour limiter la liberté de mouvement, d’association, de réunion
et d’expression.
17. Le cadre juridique ne garantit pas totalement une voie de
recours effective en cas de litiges relatifs à un référendum. Les
décisions prises par des commissions électorales d’un niveau inférieur
peuvent être contestées devant des commissions de niveau supérieur
et ce, jusqu’à la CES. Cependant, les décisions de cette dernière
ne sont pas soumises à un contrôle juridictionnel. La procédure
et les résultats dépendent donc en dernier ressort de l’autorité
d’un organe administratif, ce qui est contraire au principe de séparation
des pouvoirs garanti par la Constitution.
18. La CES a été saisie d’environ 45 plaintes qui ont été examinées
dans un délai raisonnable, mais la procédure de règlement des litiges
a manqué de transparence, car les audiences se sont tenues à huis
clos et les décisions n’ont pas été publiées. La CES a admis les
recours déposés par les partis de l’opposition contre les décisions
des commissions électorales de district de relocaliser les bureaux
de vote dans le sud-est pour des raisons de sécurité. De nombreux
cas d’interférence dans la campagne et d’utilisation abusive des ressources
administratives ont été relevés par la MIOR, mais peu de plaintes
ont été déposées en définitive, en raison de la défiance affichée
à l’égard de la procédure de règlement des litiges. La CES et les
tribunaux n’ont pas été une voie de recours effective en l’espèce,
notamment pour ceux qui n’étaient pas membres d’un parti.
19. Le pouvoir judiciaire est le principal responsable de l’administration
d’un référendum et du règlement des litiges. Il apparaît donc évident
que la récente révocation de 3 979 juges et procureurs (soit près
du tiers de la magistrature), y compris cinq magistrats membres
de l’organe de contrôle judiciaire et de nombreux juges de la Haute
Cour, a eu des effets négatifs sur l’indépendance de la justice
pendant la période du référendum. En avril 2017, 45 autres magistrats
ont été révoqués, et trois juges et un procureur ont été suspendus
et mis en examen parce qu'ils avaient pris la décision de libérer
21 journalistes emprisonnés à la suite de la tentative de coup d’État.
4. Administration
du référendum et listes électorales
20. Le référendum a été généralement
bien administré par les quatre niveaux d’organes électoraux: la
CES, 81 commissions électorales provinciales (CEP), 1 080 commissions
électorales de district (CED) et quelque 175 000 commissions de
bureau de vote (CBV). Tous les délais légaux ont été respectés.
21. La CES est un organe permanent composé de 11 membres élus
en leur sein par des juges de la Cour de cassation et du Conseil
d’État. Les quatre partis parlementaires ont exercé leur droit de
nommer des membres sans droit de vote à cette commission. Sur les
218 décisions rendues par la CES, 180 n’ont pas été publiées, notamment
celle concernant le nombre de bulletins imprimés. Les réunions de
la CES et des commissions électorales de niveau inférieur n’étaient
ouvertes qu’aux membres des partis politiques qui ne votaient pas,
ce qui a limité la transparence.
22. Les CEP comptent trois membres et sont présidées par le juge
ayant la plus grande ancienneté dans la province. Les CED sont présidées
par un juge et comprennent deux fonctionnaires et quatre représentants
de partis politiques. Les CBV sont constituées pour chaque scrutin
et se composent d’un président et de six membres: deux fonctionnaires
et cinq représentants de partis politiques. La loi n’impose pas
la parité hommes–femmes dans les instances d’administration des
élections; 20 % des commissions électorales de niveau inférieur
étaient présidées par des femmes (41 % au niveau des districts)
et la CES ne compte qu’un seul membre féminin. Depuis la dernière
élection législative, huit membres de la CES ont été remplacés (par
des membres choisis en leur sein par des juges nouvellement nommés):
cinq en raison de l’expiration de leur mandat et trois parce qu’ils
ont été arrêtés. Une série de décrets d’urgence a déclenché une
vague de remplacements à tous les niveaux de l’administration du
référendum: 9 présidents de CEP ont été limogés et deux autres ont
été arrêtés, 143 présidents de CED ont été révoqués et 67 autres
placés en détention. Plus de 500 membres du personnel électoral
à tous les niveaux ont également été arrêtés.
23. La loi ne prévoit pas de représentation équilibrée des partisans
et adversaires des projets d’amendements au sein de l’administration
électorale. En effet, 52 % des membres des CBV étaient présentés par
des partis soutenant la campagne en faveur du «oui» et 48 % l’étaient
par des partis favorables au «non». Pour la première fois, la CES
a décidé de donner des consignes aux CED sur la façon d’appliquer
l’obligation de «bonne réputation» pour choisir les membres des
CBV. Au moins 170 présidents de CBV désignés par le HDP ont été
exclus en raison de leur prétendue «mauvaise réputation».
24. Tout citoyen âgé de 18 ans révolus le jour du référendum a
le droit de voter. Les appelés du contingent, les élèves d’écoles
militaires, les citoyens déclarés juridiquement incapables ou exclus
de la fonction publique par un tribunal et ceux qui purgent des
peines de prison pour des infractions intentionnelles ne peuvent
pas voter. L’interdiction qui frappe les appelés du contingent et
les élèves d’écoles militaires ainsi que les restrictions générales
des droits de vote qui s’appliquent aux trois dernières catégories
sont disproportionnées. Le 15 février, la CES a adopté une décision
qui tient partiellement compte des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme relatifs aux droits de vote et a précisé que les
personnes condamnées qui ne sont pas emprisonnées au moment du scrutin
sont autorisées à voter, même si leur peine n’est pas entièrement
purgée. Au moins 570 000 citoyens n’ont pas eu le droit de voter.
25. La Turquie a un système passif d’enregistrement des électeurs.
Le registre électoral est géré par la CES et se fonde sur des données
à caractère personnel provenant des registres d’état civil, tenus
et mis à jour quotidiennement par le ministère de l’Intérieur. Les
électeurs pouvaient vérifier l’exactitude des informations les concernant,
soit personnellement, soit en consultant le site web de la CES.
Il a été procédé à 467 984 modifications. Cependant, aucune modification
des listes électorales n’a été autorisée après le 10 mars, contrairement
aux bonnes pratiques.
26. Les zones spéciales de sécurité mises en place dans certaines
parties des six provinces du sud-est ont concerné quelque 670 000
électeurs. Les autorités locales de cette région ont confirmé que
des policiers postés près des bureaux de vote étaient chargés de
contrôler les pièces d’identité des électeurs afin de repérer les
personnes recherchées. Un certain nombre d’interlocuteurs de la
MIOR ont dit craindre que ces mesures ne dissuadent certains électeurs
de voter. Des préoccupations ont également été soulevées concernant l’inscription
électorale de ceux qui avaient dû fuir leur domicile, dont le nombre
était estimé entre 355 000 et 500 000 personnes selon diverses sources
citées par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Le jour du référendum, les observateurs de la MIOR ont été informés
que certains de ces électeurs n’avaient pas pu voter.
5. Campagne
référendaire, environnement médiatique et aspects financiers
27. La loi ne prévoit pas la participation
de l’ensemble des parties prenantes à la procédure de référendum, seuls
les partis politiques éligibles ayant le droit de participer pleinement
à la campagne, de nommer des observateurs, de consulter le registre
électoral et d’exercer d’autres droits. Pour participer, un parti
politique doit être inscrit auprès du Bureau du procureur général
de la Cour suprême, présenter une structure organisationnelle dans
au moins la moitié des provinces et un tiers des circonscriptions
de ces provinces et avoir tenu un congrès de parti dans les six
mois précédant le référendum. Ces critères d’éligibilité constituent une
limite abusive au pluralisme politique.
28. Suite à une enquête du Bureau du procureur général de la Cour
suprême, 19 partis politiques qui avaient pu se présenter aux élections
de novembre 2015 n’ont pas été admis à participer au référendum.
La CES a approuvé la participation de 10 partis politiques sur 92
inscrits. Le Parti de libération du peuple et le Parti des démocrates
libéraux ont respectivement déposé des recours auprès de la CES
et du Bureau du procureur général de la Cour suprême, faisant valoir
qu’ils remplissaient les critères d’éligibilité, mais ces deux recours ont
été rejetés. Une organisation de la société civile militant en faveur
du «non» a essayé de s’inscrire comme parti politique pour obtenir
l’intégralité des droits correspondants dans le cadre de ce processus.
Alors qu’elle avait déposé son dossier le 6 février, cette organisation
n’avait toujours pas été enregistrée le jour du scrutin.
29. La loi sur les dispositions fondamentales ne réglemente pas
suffisamment les campagnes référendaires et les règles plus strictes
visant à assurer des conditions de campagne plus équitables ne s’appliquent
qu’au cours des sept derniers jours. En outre, la loi ne protège
que les droits des partis politiques éligibles auxquels elle donne
le droit de faire campagne. Bien que le cadre juridique général
favorisant la liberté de réunion et d’expression soit plus large
et s’applique à d’autres parties prenantes telles que les particuliers
et la société civile, la CES a décidé que seuls les partis politiques
éligibles avaient le droit de tenir des réunions de campagne et
a refusé de préciser si d’autres pouvaient faire campagne par d’autres
moyens. Invoquant l’état d’urgence ou des craintes pour la sécurité
publique, les gouverneurs de certaines provinces ont soit interdit
les activités de campagne organisées par des acteurs autres que
les 10 partis politiques éligibles, soit exigé qu’elles soient soumises
à une autorisation préalable.
30. La campagne a été particulièrement visible dans les grandes
agglomérations en raison des moyens utilisés: affiches, banderoles,
panneaux et véhicules présentant différents slogans. Certaines parties prenantes,
notamment les organisations de la société civile, ont fait campagne
en utilisant le porte à porte. Bien que des rassemblements à grande
échelle et des réunions de taille plus modeste aient été observés,
la plupart des militants se sont appuyés sur internet et en particulier
sur les réseaux sociaux. Les électeurs n’ont pas officiellement
reçu d’informations de la CES ou d’autres autorités de l’État sur
les amendements et leur incidence potentielle. Ce sont donc les
partis politiques éligibles qui ont comblé cette lacune, ce qui
a empêché les électeurs de se forger leur opinion en toute connaissance
de cause.
31. La campagne a été caractérisée par l’absence de règles du
jeu équitables. La campagne en faveur du «oui», dirigée par l’AKP,
le parti au pouvoir et, dans une certaine mesure, le MHP, a été
d’autant plus visible qu’elle était soutenue par plusieurs hauts
responsables nationaux, notamment le Premier ministre et le Président,
qui est pourtant tenu par la Constitution de rester impartial et
d’exercer ses fonctions sans parti pris, ainsi que par de nombreux
fonctionnaires de rang inférieur,
32. Des cas de mauvaise utilisation des ressources administratives
ont été observés dans tout le pays par la MLOR de l’OSCE/BIDDH et
largement relayés dans les médias. Des cérémonies publiques, telles
que l’inauguration d’équipements publics, ont été instrumentalisées
aux fins de la campagne et, d’après certains interlocuteurs, des
employés du secteur public et des étudiants auraient été contraints
d’y assister. La gratuité des transports publics était généralement
assurée le jour de la manifestation dans les villes concernées.
En outre, le Président et d’autres responsables ont clairement fait
comprendre qu’il existait un lien entre le résultat du référendum
et l’appui du gouvernement aux régions accueillant ces manifestations.
33. La campagne en faveur du «non» a été essentiellement menée
par les principaux partis d’opposition que sont le CHP et le HDP;
or, ce dernier était très handicapé par le fait que des centaines
de ses membres soient en prison, notamment ses coprésidents et 83
maires HDP. La campagne en faveur du «non» était également soutenue
par un certain nombre de groupes de la société civile, des petits
partis et d’anciens députés du MHP.
34. Les partisans du «non» ont dû faire face à un certain nombre
de restrictions injustifiées de leur liberté de faire campagne.
De nombreux militants ont été agressés. Un grand nombre d’entre
eux ont été arrêtés, le plus souvent pour avoir organisé des manifestations
publiques illicites ou insulté le Président. Certains de ces militants
ont eu des difficultés à louer des locaux pour des manifestations
ou celles-ci étaient annulées par les autorités ou les propriétaires
du lieu, souvent au dernier moment. L’affiche de la campagne du
HDP et une chanson en kurde ont été interdites par les autorités
au motif qu’elles violaient les principes de l’intégrité de l’État
et du turc comme langue officielle.
35. Le financement des campagnes est insuffisamment réglementé
par la loi, qui limite le montant et la nature des dons, mais pas
les dépenses liées au parti et à la campagne. Les partis politiques
doivent déclarer leurs dépenses de campagne dans le cadre des rapports
financiers annuels qu’ils présentent à la Cour constitutionnelle,
chargée du contrôle. Contrairement aux engagements internationaux
et aux bonnes pratiques, ces rapports ne sont pas rendus publics
et seule une version résumée des rapports d’audit est publiée en
ligne.
36. La Constitution prévoit le droit à la liberté d’expression,
mais elle comprend des restrictions injustifiées et autorise des
restrictions supplémentaires dans la loi antiterroriste, le Code
pénal, la loi sur la presse et d’autres lois. L’imprécision de ces
dispositions est souvent utilisée pour poursuivre et emprisonner
des journalistes. De plus, le Code pénal contient des dispositions
qui donnent une définition large de la diffamation, notamment en
ce qui concerne la nation et l’État turcs. Il assure également une
protection spéciale aux personnalités publiques, notamment au Président.
Toutes ces dispositions limitent la liberté d’expression, qui a
été réduite encore davantage par la fermeture de nombreux médias,
l’arrestation de journalistes après la tentative de coup d’État
avortée et le cadre juridique de l’état d’urgence.
37. Le paysage médiatique est dominé par des organes qui appartiennent
souvent à des groupes commerciaux dépendant des marchés publics.
Au total, depuis les événements de juillet, 158 médias ont été fermés,
dont 60 chaînes de radio et de télévision, 19 journaux, 29 maisons
d’édition et cinq agences de presse; cette répression a été qualifiée
de «liquidation massive des médias» par la Commission de Venise.
La majorité des 150 journalistes actuellement en détention ont été
arrêtés après la tentative de coup d’État, et les arrestations ont
continué pendant la période du référendum. Cette vague de fermetures,
d’arrestations et de poursuites a entraîné une autocensure généralisée.
38. Le cadre juridique ne prévoyait pas un accès équitable aux
partisans du «oui» et du «non» et ne garantissait pas aux partis
politiques éligibles un accès égal aux médias publics ainsi qu’une
couverture médiatique impartiale. La loi prévoit la publicité payante
pendant la campagne mais l’absence de limite aux frais de campagne
n’a pas permis aux différents partis de s’adresser aux électeurs
de façon équitable. La loi accorde à chaque parti représenté au
parlement un temps d’antenne de 20 minutes sur la chaîne publique
et réserve 10 minutes supplémentaires pour le parti au pouvoir.
Le Président a également le droit de faire deux interventions de
dix minutes sur la chaîne publique et peut utiliser le dernier créneau
pour un appel public, auquel il a officiellement renoncé.
39. Le Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTSC)
transmettait chaque semaine des rapports de suivi des médias à la
CES. Les rapports du RTSC ont fait état de violations pendant le
suivi mais aucune mesure n’a été prise car un décret d’urgence a
privé la CES de la possibilité de sanctionner les médias privés qui
n’auraient pas assuré une couverture impartiale. Ce décret ne garantit
pas aux partis politiques un accès égal aux médias et limite la
capacité des électeurs de faire un choix éclairé. Plusieurs partis
politiques se sont plaints à la CES et au RTSC de leurs conditions
d’accès aux médias publics et privés.
40. Les résultats du suivi des médias effectué par la MLOR de
l’OSCE/BIDDH montrent que la campagne était présente dans tous les
médias nationaux. Trois des cinq chaînes de télévision contrôlées,
notamment la chaîne publique TRT1, ont favorisé la campagne du «oui».
Celle-ci a occupé une place considérable dans les médias publics
et privés, soit 76 % du temps d’antenne total à la télévision et
77,5 % de l’espace dans la presse. Les commentaires à son égard
étaient en grande partie positifs. La campagne du «non», quant à
elle, n’a obtenu au total que 23,5 % de temps d’antenne et d’espace
dans la presse écrite. Les commentaires à son égard étaient essentiellement
neutres. L’AKP a également bénéficié d’un traitement préférentiel
avec, au total, 33,5 % de temps d’antenne/d’espace, tandis que le
CHP, le MHP et le HDP ont eu clairement une couverture médiatique
moins importante avec respectivement 19 %, 2,3 % et 0,6 % de temps
d’antenne/d’espace. L’AKP a bénéficié d’une couverture positive
sur TRT1 et Haber A et en grande partie positive sur Show TV. La
tonalité de la couverture du CHP a été négative sur A Haber, partiellement
négative sur TRT1 et en partie positive sur Show TV, CNN Türk et
Fox TV. Le Président et le Premier ministre ont bénéficié d’une
couverture télévisée considérable, soit 26% et 18 % respectivement,
tandis que les dirigeants de l’opposition ont été nettement moins
visibles. L’AKP s’est accaparé 63 % des messages publicitaires payés
sur les médias ayant fait l’objet d’un suivi. Le radiodiffuseur
public s’est acquitté de son obligation d’offrir du temps d’antenne
gratuit. La couverture de la société civile a été extrêmement limitée
à la télévision. Dans la presse, les organisations de la société
civile qui ont soutenu la campagne du «non» ont bénéficié d’une
couverture plus large (3,5 %) que celles qui ont soutenu la campagne
du «oui» (1,6%).
41. Contrairement aux recommandations de l’Assemblée et au Code
de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise,
la législation ne prévoit pas d'observation nationale non partisane
et d'observation internationale des élections. Seuls les partis
politiques éligibles ont le droit de désigner des observateurs.
Leurs efforts ont été très inégaux: l’AKP et le CHP ont procédé
à de larges observations, tandis que le HDP a signalé des difficultés
de recrutement d’observateurs en raison d’un climat général marqué
par la crainte de représailles.
42. Suite à la tentative de coup d’État avortée, 1 583 organisations
de la société civile ont été dissoutes; au moins trois d’entre elles
avaient contribué aux activités d’observation lors des dernières
élections. Certaines organisations de la société civile qui avaient
participé à l’observation des dernières élections se sont abstenues ou
ont considérablement limité leurs efforts en raison de la situation
politique générale et du contexte sécuritaire. La CES a rejeté les
demandes d’accréditation de deux organisations de la société civile.
6. Jour
du référendum
43. Le référendum s’est déroulé
de façon ordonnée et efficace dans le petit nombre de bureaux de
vote visités par les observateurs internationaux. Il a été noté
que la majorité de ces bureaux ne disposaient pas d’effectifs complets.
À l’ouverture des bureaux de vote et pendant le scrutin, certains
observateurs de la MIOR n’ont pas pu s’acquitter pleinement de leur
tâche car leur accès aux locaux était soit restreint, soit interdit, décision
souvent prise par des personnes qui ne faisaient pas partie de la
CBV. Pour le reste, les observateurs de la MIOR ont relevé que les
membres des CBV suivaient les procédures.
44. Quelques incidents de sécurité concernant un membre de la
CBV et plusieurs électeurs ont été largement signalés et sont en
cours d’investigation. Dans la période précédant le référendum,
les autorités locales ont confirmé que des policiers postés près
des bureaux de vote seraient chargés de contrôler les pièces d’identité
des électeurs afin de repérer les personnes recherchées. Les organisations
de la société civile ont signalé trois cas dans lesquels des électeurs
ont été contrôlés avant d’accéder aux urnes. De leur côté, les observateurs
de la MIOR en ont été témoins d’un cas. Une présence de la police
à l’extérieur et à l’intérieur des bureaux de vote a été notée dans
la plupart des observations de la MIOR.
45. Quelques erreurs de procédure ont été relevées, mais le dépouillement
et la publication des résultats ont été généralement évalués positivement
par les observateurs de la MIOR. Pendant la journée du référendum,
la CES a donné deux consignes pour que les bulletins de vote mal
tamponnés ou non tamponnés par la CBV soient considérés comme valides.
La dernière consigne a été donnée après le début du dépouillement
des bulletins dans certaines commissions électorales. Ces consignes,
qui portaient atteinte à une garantie importante, sont contraires
à la loi, qui énonce explicitement que ces bulletins de vote auraient dû
être considérés comme non valables. La CES n’a pas pu indiquer le
nombre de bulletins concernés et a déclaré que la question était
close puisque les membres des CBV nommés par les partis avaient
signé les protocoles. Il n’existe aucune possibilité de contester
leur décision. Le HDP a déclaré publiquement qu’il avait détecté
des incohérences dans 668 protocoles.
46. Une équipe de l’Assemblée à Ankara a estimé que beaucoup d’électeurs
ne connaissaient pas la teneur de ce qu’ils allaient voter. Une
des équipes à Istanbul n’a pas été bien accueillie par un observateur
de l’AKP, qui ne voulait pas qu’elle soit là. Une équipe de l’Assemblée
qui a visité un bureau de vote dans une prison d’Izmir a vu des
prisonniers qui étaient obligés de voter. L’équipe présente dans
la région de Diyarbakir a indiqué qu’il y avait une présence policière
massive, ainsi que des hommes armés en civil, et que plusieurs personnes
avaient été détenues dans les jours précédant le référendum, non
pas dans des prisons, mais dans d’autres locaux, par exemple des
salles de sport. Ces personnes, détenues sans aucun motif officiel,
n’ont pas pu voter. En outre, cette équipe a constaté que la plupart
des personnes déplacées n’avaient reçu aucune information sur le
référendum et n’avaient pas de réelle possibilité de voter. Elle
a également été informée que des pressions avaient été exercées
sur les présidents des CBV et sur des fonctionnaires et a noté que,
dans des petites communautés rurales, une personne avait voté pour
tout le monde et que beaucoup de personnes étaient en détention
provisoire et ne pouvaient pas voter. L’équipe a observé que les
personnes handicapées n’avaient aucune véritable possibilité de
voter. À Diyarbakir, trois personnes ont été tuées dans un bureau
de vote et la police a empêché à deux reprises l’équipe de l’Assemblée
d’effectuer une observation.
47. À 23h25, la CES a annoncé que les résultats préliminaires
étaient en faveur du «oui» sans fournir aucun chiffre. Les médias
ont annoncé que le taux de participation était de 83,7 %.
48. Les résultats définitifs ont été annoncés par la CES le 27
avril 2017: 51,41 % des électeurs s’étaient prononcés en faveur
du «oui» et 48,59 % en faveur du «non», avec un taux de participation
de 85,43 %.
7. Conclusions
49. Le référendum constitutionnel
du 16 avril en Turquie s’est déroulé dans des conditions inéquitables
et les deux camps qui ont fait campagne n’étaient pas sur un pied
d’égalité. Les électeurs n’ont pas été informés de manière impartiale
sur des points cruciaux de la réforme et les organisations de la
société civile n’ont pas été en mesure de participer. Dans le cadre
de l’état d’urgence mis en place après la tentative de coup d’État avortée
de juillet 2016, les libertés fondamentales essentielles à un processus
véritablement démocratique ont été limitées. Le limogeage ou la
détention de milliers de citoyens a eu un effet négatif sur l’environnement politique.
La campagne pour le «oui» a dominé la couverture médiatique, ce
qui compte tenu des restrictions imposées aux médias a réduit l’accès
des électeurs à une pluralité d’opinions. Les aspects techniques
du référendum ont été bien administrés et la journée du référendum
s’est déroulée dans le calme. Cependant, les modifications tardives
apportées aux procédures de dépouillement ont porté atteinte à une
protection importante et ont été contestées par l’opposition.
50. Le cadre juridique est axé sur les élections et reste limité
en ce qui concerne les spécificités du référendum. Bien que la CES
ait adopté des règles et consignes sur certains aspects de la procédure,
le cadre juridique est resté inadapté à la tenue d’un référendum
véritablement démocratique. Les libertés et droits fondamentaux,
qui sont déjà limités par la Constitution et la législation applicable,
ont été restreints encore davantage par les pouvoirs extraordinaires
découlant de l’état d’urgence, en particulier par les décisions
des gouverneurs de province de limiter la liberté de réunion et
d’expression. Les décrets d’urgence qui ont modifié la législation
relative à la tenue d’un référendum ont eu des effets qui ont largement
dépassé les exigences propres à l’état d’urgence et n’ont pas pu
faire l’objet d’un recours.
51. L’ensemble des 18 projets d’amendement visant 72 articles
de la Constitution a été voté en bloc, ce qui n’a pas permis aux
électeurs de se prononcer sur chacun des points visés dans les amendements.
Aucun des projets d’amendements ne figurait sur le bulletin de vote;
les électeurs étaient simplement invités à voter «oui» ou «non».
Les autorités n’ont pas fourni aux électeurs d’informations impartiales
ou équilibrées sur les amendements et leurs effets potentiels, ce
qui n’a pas permis à ces derniers de se déterminer en connaissance de
cause. Le référendum a été généralement bien administré par les
quatre niveaux d’instances électorales. Cependant, les travaux des
commissions électorales ont manqué de transparence: leurs réunions
n’étaient pas accessibles au public et aux observateurs et seules
quelques décisions ont été publiées. Suite à la tentative de coup
d’État de juillet 2016, trois membres de la CES, 221 présidents
de commissions électorales de niveau inférieur et tous les juges
ont été remplacés après avoir été révoqués. La représentation des
partis politiques aux CBV n’était pas tout à fait équilibrée et
a été pénalisée, 170 présidents désignés par les partis d’opposition
ayant été récusés. La loi ne garantit pas de recours effectif contre
les décisions des commissions électorales. La CES a examiné quelque
45 plaintes dans un délai raisonnable mais les audiences se sont déroulées
à huis clos et les décisions n’ont pas été publiées. Les décisions
de la CES n’ont pas été soumises à un contrôle juridictionnel. La
multiplication des révocations et suspensions de juges et de procureurs
pendant la période du référendum porte atteinte à l’indépendance
de la justice.
52. Plus de 58 millions d’électeurs étaient inscrits sur les listes
électorales, dont plus de 2,9 millions à l’étranger. Les électeurs
ont pu vérifier les données qui les concernaient dans les listes
électorales et les faire modifier au besoin.
53. Le cadre de la campagne a été restrictif et la campagne a
été déséquilibrée car le Président et plusieurs responsables nationaux
de premier plan, ainsi que de nombreux responsables locaux ont fait
activement campagne en faveur du «oui». La MIOR a observé que les
activités de plusieurs partis et organisations de la société civile
en faveur du «non» avaient été entravées et que des ressources administratives
avaient été utilisées de façon abusive. Le débat a été délétère,
un certain nombre de hauts fonctionnaires accusant les partisans
du «non» d’être pour les terroristes. Dans de nombreux cas, ces
partisans ont été la cible d’interventions policières qui ont dégénéré
en violents affrontements lors de leurs manifestations.
54. Le cadre juridique du référendum n’avait pas prévu une couverture
suffisamment impartiale et n’a pas garanti aux partis politiques
éligibles un accès égal aux médias publics. En outre, la loi a clairement
privilégié le parti au pouvoir et le Président en ce qui concerne
l’attribution d’un temps d’antenne gratuit, tandis que la compétence
de la CES de prononcer des sanctions pour couverture médiatique
biaisée a été abrogée. La liberté d’expression a été réduite encore
davantage au nom de l’état d’urgence; l’arrestation d’un nombre
sans précédent de journalistes et la vague de fermetures de médias
a entraîné une autocensure généralisée. La campagne du «oui» a dominé
la couverture médiatique.
55. Contrairement aux recommandations de l’Assemblée et au Code
de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise,
la législation ne prévoit pas d’observation nationale non partisane
et d’observation internationale des élections. Les efforts déployés
par les partis politiques pour observer la procédure ont été très
inégaux et les organisations de la société civile ont considérablement
réduit leurs activités d’observation par crainte de représailles.
Suite à la tentative de coup d’État avortée, 1 583 organisations
de la société civile ont été dissoutes, dont certaines qui avaient
auparavant participé à ces activités. Au total, 73 observateurs
internationaux avaient reçu une accréditation pour observer le référendum.
56. Le référendum s’est déroulé de façon ordonnée et efficace
dans le petit nombre de bureaux de vote visités par les observateurs
internationaux. Certains observateurs de la MIOR n’ont pas pu s’acquitter pleinement
de leur tâche lors de l’ouverture des bureaux de vote ou pendant
le scrutin car leur accès aux locaux avait été soit limité soit
interdit. Une présence policière a souvent été signalée aussi bien
à l’intérieur qu’à l’extérieur des bureaux de vote et les policiers
ont parfois contrôlé l’identité des électeurs avant de les laisser
accéder aux urnes. En fin de journée, la CES a diffusé des consignes
qui ont sensiblement modifié les critères de validité des bulletins,
ce qui a porté atteinte à une garantie importante et était contraire
à la loi.
57. Il est à déplorer que le Président et le ministre des Affaires
étrangères de la Turquie aient remis publiquement en question l’intégrité
et la crédibilité de la mission d’observation. Il convient de rappeler
que la mission a été menée strictement sur la base des lignes directrices
pour l’observation des élections par l’Assemblée parlementaire.
58. L’Assemblée parlementaire continuera de travailler avec les
autorités turques dans le domaine des élections et, plus généralement,
en ce qui concerne le renforcement des institutions démocratiques
Annexe 1 – Composition
de la commission ad hoc
(open)
Sur la base des propositions des groupes
politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme
suit:
Président: Cezar Florin Preda (Roumanie, PPE/DC)
Groupe du Parti populaire
européen (PPE/DC)
- Nicole DURANTON, France
- Vusal HUSEYNOV, Azerbaïdjan
- Duarte MARQUES, Portugal
- Cezar Florin PREDA, Roumanie
Groupe socialiste
(SOC)
- Josette DURRIEU, France
- Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse
- Predrag SEKULIĆ, Monténégro
- Florian KRONBICHLER, Italie
- Stefan SCHENNACH, Autriche
- Mechthild RAWERT, Allemagne
- Alev KORUN, Autriche
Groupe des conservateurs
européens (CE)
- Nigel EVANS, Royaume-Uni
- Jaak MADISON, Estonie
- Arkadiusz MULARCZYK, Pologne
Alliance des démocrates
et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
- Anne KALMARI, Finlande
- Andrea RIGONI, Italie
Groupe pour la gauche
unitaire européenne (GUE)
- Nikolaj VILLUMSEN, Danemark
- Andrej HUNKO, Allemagne
Corapporteurs de la
commission de suivi (ex officio)
- Marianne MIKKO, Estonie
- Ingebjørg GODSKESEN, Norvège
Secrétariat
- Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur,
Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
- Anne GODFREY, Assistante, Division de l’observation des
élections et de la coopération interparlementaire
- Nathalie BARGELLINI, Attachée de presse, Assemblée parlementaire
- Arman DARBINYAN, Adjoint au Chef de service de la sécurité
et la sûreté/chef de la coordination de la sécurité sur le terrain
du Conseil de l’Europe
Annexe 2 – Programme
(open)
Vendredi 14 avril
2017
09h30-10h30 Réunion de la commission ad hoc de
l’APCE:
- ouverture par M. Cezar
Florin Preda, chef de la délégation
- briefing par Mmes Marianne
Mikko et Ingebjørg Godskesen, corapporteurs de la commission de
suivi
- briefing par le Secrétariat
- briefing par M. Arman Darbinyan, chef adjoint du département
de la Sûreté et de la Sécurité / chef de la coordination de la sécurité
sur le terrain du Conseil de l’Europe
10h30-13h30 Briefing par la mission limitée d’observation
du référendum de l’OSCE/BIDDH:
Introductions par:
- M.
Cezar Florin Preda, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe
- Mme Tana de Zulueta, chef de
la mission limitée d’observation du référendum de l’OSCE/BIDDH
Introduction des membres de l’équipe et modération:
Mme Meaghan Fitzgerald, chef-adjointe
de la mission
- Contexte politique
et campagne: M. Stefan Szwed, analyste politique
- Cadre juridique et plaintes: Mme Marla
Morry, analyste juridique
- Média: M. Alain Chabod, analyste des média
- Administration du référendum: M. Ivan Tsikota, analyste
électoral
- Procédures le jour du référendum: M. Ivan Tsikota, analyste
électoral
- Briefing sur les aspects de sécurité: M. Wayne Pilgrim, expert sécurité
14h30–15h30 Réunion avec les chefs et représentants des partis
politiques en faveur du “Oui”
14h30-15h00 M. Vedat Bilgin, parlementaire d’Ankara et chef
de la délégation de la Turquie auprès de l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE
15h30–17h00 Réunion avec les chefs et représentants des partis
politiques en faveur du “Non”
15h30-16h00 M. Erdal Aksünger, Président adjoint, CHP
16h00-16h30 Mme Fatma Kurtulan,
co-présidente adjointe; M. Evren Çevik, membre de la commission
des Affaires étrangères; Mme Ceren Bayar,
membre de la commission de la presse, HDP
16h30-17h00 M. Kürşat Ergün, Représentant de l’opposition
du MHP
Samedi 15 avril 2017
09h30-10h00 Questions à M. Wayne Pilgrim, expert
en sécurité de la MIOR de l’OSCE/BIDDH
10h00-11h00 Discussion avec des représentants de
la société civile:
- Mme Başak
Yavçan, professeure assistante, représentante à Ankara de Vote et
au-delà
- Mme Dilek Ertükel, directrice
nationale, NDI
- Mme Feray Salman, coordinatrice
de la Plateforme des droits de l’Homme
- M. Öztürk Türkdogan, président de l’Association des droits
de l’Homme (IHD)
11h00-12h00 Discussion avec des représentants des
médias:
- Mme Duygu
Güvenç, correspondante diplomatique, Cumhuriyet
Daily
- M. Fatih Şahingöz, chef adjoint du département de l’information,
TRT
- M. Turgut Dedeoğlu, Président adjoint, Association progressiste
des journalistes
- M. Hüseyin Likoğlu, éditeur à Ankara de Yeni Şafak Daily
12h00-12h30 Réunion avec les observateurs de longue
durée de la MIOR de l’OSCE/BIDDH déployés à Ankara, Mme Tereza
Lewis et M. Ingo Buettner
12h30-13h00 Réunion avec les interprètes et les
chauffeurs
Dimanche 16 avril
2017
Observation du référendum
Lundi 17 avril 2017
08h00-10h30 Réunion de la délégation de l’APCE
(débriefing et discussion générale)
10h40-12h00 Réunion de la délégation de l’APCE
avec la MIOR de l’OSCE/BIDDH
15h00 Conférence de presse
Annexe 3 – Communiqué
de presse de la Mission internationale d’observation du référendum
(open)
Les inégalités entre
les deux camps, la partialité des médias et les restrictions des
libertés fondamentales ont faussé les règles du jeu du référendum
constitutionnel en Turquie, selon les observateurs internationaux
Strasbourg, 17.04.2017 – Le référendum constitutionnel du
16 avril en Turquie s’est déroulé dans des conditions inéquitables
et les deux camps qui ont fait campagne n’étaient pas sur un pied
d’égalité, ont conclu les observateurs internationaux dans une déclaration
publiée aujourd’hui. Si les aspects techniques du processus ont
été bien gérés, les électeurs n’ont pas été informés de manière
impartiale sur des points cruciaux de la réforme et les restrictions
des libertés fondamentales ont eu un effet négatif, selon la déclaration.
«Même s’il n’y a pas eu de problèmes majeurs le jour du scrutin,
sauf dans certaines régions, nous ne pouvons que déplorer l’absence
d’observateurs de la société civile dans les bureaux de vote», a
déclaré Cezar Florin Preda, Chef de la délégation de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe. «D’une manière générale, le
référendum n’a pas satisfait aux normes du Conseil de l'Europe.
Le cadre juridique, inadéquat, n’a pas permis un processus véritablement
démocratique.»
«Le référendum s’est tenu dans un contexte politique où les
libertés fondamentales, indispensables à un processus véritablement
démocratique, étaient limitées par l’état d’urgence. De plus, les
deux camps n’ont pas eu les mêmes possibilités de faire valoir leurs
arguments devant les électeurs», a déclaré Tana de Zulueta, Chef
de la mission restreinte d’observation des élections du BIDDH. «Notre
travail de suivi a montré que la campagne pour le “oui” avait dominé
la couverture médiatique. Combiné aux restrictions touchant les
médias, aux arrestations de journalistes et à la fermeture de médias,
cela a réduit l’accès des électeurs à une pluralité d’opinions.»
Bien que la Commission électorale suprême (CES) ait adopté
des règles et consignes sur certains aspects du processus, le cadre
juridique relatif aux élections est resté inadapté à la tenue d’un
référendum véritablement démocratique, ont déclaré les observateurs.
Les gouverneurs des provinces ont utilisé les pouvoirs conférés par
l’état d’urgence pour restreindre encore les libertés de réunion
et d’expression.
«L’état d’urgence ne devrait jamais servir à saper l’État
de droit», a déclaré M. Preda.
Le cadre juridique du référendum ne prévoyait pas suffisamment
une couverture impartiale et ne garantissait pas aux partis politiques
éligibles un accès égal aux médias publics. En outre, il privilégiait
le parti au pouvoir et le Président dans l’attribution de temps
d’antenne gratuit, tandis que la compétence de la CES de prononcer des
sanctions pour couverture médiatique biaisée a été abrogée, indique
la déclaration.
Toujours d’après la déclaration, la loi limite la pleine participation
au référendum aux partis politiques éligibles et ne réglemente pas
la participation d’autres acteurs. De plus, la CES a décidé que
les organisations de la société civile et les associations professionnelles
n’étaient pas autorisées à organiser des événements pendant la campagne.
«Le cadre de la campagne était restrictif et la campagne a
été déséquilibrée car plusieurs responsables nationaux de premier
plan et de nombreux responsables locaux ont participé activement
à la campagne en faveur du “oui”», a déclaré Mme de
Zulueta. «Nous avons constaté une utilisation abusive des ressources
de l’État et une entrave aux activités de la campagne pour le “non”.
Les discours de campagne ont été ternis par certains hauts responsables
qui ont assimilé les partisans du “non” à des sympathisants terroristes.
Ces partisans ont souvent été exposés à des interventions de la
police et à de violentes échauffourées pendant leurs activités.»
Le référendum s’est déroulé de façon ordonnée et efficace
dans le petit nombre de bureaux de vote visités par les observateurs
internationaux. Par contre, dans certains cas, les observateurs
du BIDDH se sont vu refuser ou restreindre l’accès aux bureaux de
vote à l’ouverture ou pendant le vote. Une présence policière a
souvent été signalée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des
bureaux de vote et les policiers ont parfois contrôlé l’identité
des électeurs avant de les laisser accéder aux urnes. En fin de
journée, la CES a diffusé des consignes qui ont sensiblement modifié
les critères de validité des bulletins, ce qui a porté atteinte
à une garantie importante et était contraire à la loi.