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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14327 | 29 mai 2017

Observation du référendum sur les amendements à la Constitution en Turquie (16 avril 2017)

Bureau de l'Assemblée

Rapporteur : M. Cezar Florin PREDA, Roumanie, PPE/DC

1. Introduction

1. Le 27 janvier 2017, le Bureau de l’Assemblée a décidé d’observer le référendum sur les amendements constitutionnels en Turquie, à la condition d’y être invité, et a constitué une commission ad hoc à cette fin, composée de 30 membres (PPE/DC: 11; SOC: 10, CE: 4, ADLE: 4, GUE: 1, conformément à la méthode D’Hondt) et des corapporteurs sur le dialogue postsuivi. Le Bureau a autorisé le Président de l’Assemblée à approuver la liste des membres et à désigner le président.
2. À ses réunions des 9 et 10 mars 2017, le Bureau a pris note de l’invitation à observer le référendum prévu le 16 avril, envoyée le 23 février par le vice-président de la Grande Assemblée nationale de Turquie. Il a également approuvé la liste des membres de la commission ad hoc pour l’observation de ce référendum et nommé M. Cezar Florin Preda (Roumanie, PPE/DC) à sa présidence.
3. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le 4 octobre 2004, un représentant de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseiller juridique. Cette invitation a été rejetée par la Commission de Venise le 20 mars 2017 dans les termes suivants: «La Commission de Venise ayant adopté un avis critique sur le contenu du texte soumis au référendum, ainsi que sur la procédure qui a mené au référendum, il ne semble pas approprié qu’elle participe à une telle mission.»
4. Pour l’observation du référendum, la commission ad hoc (dont la composition figure à l’annexe 1) est intervenue dans le cadre d’une Mission internationale d’observation du référendum (MIOR), conjointement à la Mission limitée d’observation du référendum (MLOR) du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
5. La commission ad hoc s’est réunie en Turquie du 14 au 17 avril afin d’observer le référendum du 16 avril. Le programme de ses réunions figure à l’annexe 2.
6. Le jour du référendum, la commission ad hoc s’est scindée en 11 équipes qui ont observé le scrutin à Ankara et ses environs ainsi que dans les régions et les municipalités d’Istanbul, d’Antalya, d’Izmir et de Diyarbakir.
7. Le lendemain, la MIOR a tenu une conférence de presse conjointe et publié une «déclaration sur les constatations et les conclusions préliminaires» ainsi qu’un communiqué de presse (annexe 3).

2. Contexte politique

8. En vertu de la Constitution de 1982, la Turquie est une république parlementaire dont le pouvoir exécutif est assuré par le Conseil des ministres sous la direction du Premier ministre. Le pouvoir législatif est exercé par la Grande assemblée nationale de Turquie (le Parlement), qui compte 550 sièges. Depuis les élections de novembre 2015, elle est constituée de quatre partis politiques: le parti Justice et développement (AKP), qui détient une majorité de 317 sièges, le Parti républicain du peuple (CHP, 134 sièges), le Parti démocratique du peuple (HDP, 59 sièges) et le Parti du mouvement nationaliste (MHP, 40 sièges). Dans le cadre actuel, le Président de la République est le chef de l’État et détient des pouvoirs limités.
9. La réforme constitutionnelle a eu une incidence sur les priorités en matière de politique intérieure au cours des dix dernières années. Les référendums constitutionnels les plus récents ont eu lieu en 2007 et 2010. Les différents partis n’ayant pas pu conclure d’accord multipartite entre 2012 et 2015, le parti au pouvoir (AKP) a lancé en décembre 2016 une procédure parlementaire en vue de modifier la Constitution, avec le soutien du MHP. Les projets d’amendement ont été adoptés au parlement, mais beaucoup ont considéré que le débat préalable à leur adoption avait été limité et manquait de transparence, d’autant que plusieurs députés du HDP étaient en prison et qu’aucune consultation publique n’avait eu lieu à un stade précoce de la procédure. Tous ces facteurs ont entamé la confiance dans le processus de réforme constitutionnelle.
10. Le 11 février, la Commission électorale suprême (CES) a annoncé que le référendum se tiendrait le 16 avril.
11. La réforme constitutionnelle prévoyait un ensemble de 18 amendements qui, entre autres, proposaient de modifier le système parlementaire actuel, d’abolir la fonction de Premier ministre, de transférer certaines des principales fonctions de contrôle du parlement à une présidence exécutive, de porter à 600 le nombre de sièges au parlement et de donner au Président le pouvoir de désigner des fonctionnaires de haut niveau dans le domaine judiciaire. La Commission de Venise a indiqué que les modifications proposées aboutiraient à un système dans lequel la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice ne seraient pas garanties et créeraient de fait un «régime présidentiel dépourvu des freins et contrepoids nécessaires à la prévention d’une dérive autoritaire».
12. Le 15 juillet 2016, une tentative de coup d’État avortée a fait au moins 241 morts et 2 194 blessés. En réaction à cette tentative et à une vague d’attentats terroristes qui a ébranlé le pays en 2016, le gouvernement a décrété l’état d’urgence le 21 juillet 2016 et l’a prolongé à trois reprises depuis (la prolongation la plus récente est de trois mois à compter du 19 avril 2017). Dans le cadre des décrets d’urgence promulgués, plus de 100 000 personnes ont été arrêtées et poursuivies, plus de 40 000 personnes ont été mises en détention prolongée et plus de 150 000 fonctionnaires ont été révoqués. Par la suite, certaines personnes ont été libérées et réintégrées dans leurs fonctions antérieures et des organisations ont été autorisées à rouvrir. L’état d’urgence qui a restreint les libertés fondamentales, ainsi que les opérations de sécurité qui sont en cours dans le sud-est de la Turquie et ont poussé plusieurs centaines de milliers personnes à s’enfuir de chez elles, ont conduit à se demander si les conditions étaient en place pour la tenue d’un référendum démocratique. Dans son avis sur les amendements à la Constitution, la Commission de Venise a noté que «l’état d’urgence actuel ne réunit pas les conditions de démocratie qu’exige un référendum constitutionnel».

3. Cadre juridique

13. Les amendements à la Constitution doivent être adoptés soit directement par le parlement à une majorité des deux tiers soit par les trois cinquièmes des députés et soumis à un référendum proposé par le Président. Le changement constitutionnel prend effet lorsqu’une majorité d’électeurs participant au référendum se prononce en faveur des amendements. Les électeurs ont eu à voter un ensemble de 18 projets d’amendements visant 72 articles de la constitution, formule qui ne leur a pas permis de se prononcer sur chacun des points figurant dans les amendements. Aucune question ne figurait sur le bulletin de vote; les électeurs étaient simplement invités à voter «oui» ou «non».
14. Le cadre juridique référendaire n’est pas adapté à la tenue d’un référendum démocratique. Il porte essentiellement sur les modalités du scrutin et ne tient pas suffisamment compte des spécificités d’un référendum. En particulier, il donne des droits aux partis politiques, mais n’accorde pas de droits et d’égalité des chances aux partisans et aux adversaires de la proposition. Certains aspects ont fait l’objet de règlements et de consignes, mais la Commission électorale suprême (CES) n’a pas exercé pleinement sa compétence pour réglementer la procédure afin qu'elle s’inscrive dans un cadre juridique clair. En outre, elle a refusé d'interpréter les règles relatives à la campagne et à la relocalisation des bureaux de vote lorsque ces informations lui ont été officiellement demandées par les parties prenantes. Les recommandations sur le cadre juridique formulées auparavant par l’Assemblée parlementaire n'ont pas été prises en compte, notamment celles qui concernent le droit de vote, le financement de la campagne, l’absence de contrôle juridictionnel et les droits des observateurs.
15. L’adoption de deux décrets d’urgence, qui ont modifié de matière définitive les lois électorales, allait bien au-delà des exigences propres à une situation d’urgence. Contrairement aux dispositions constitutionnelles applicables, la CES a décidé que les modifications apportées à la loi entreraient en vigueur immédiatement. En outre, face aux recours déposés par des députés du CHP, la Cour constitutionnelle a jugé qu’elle n’était pas compétente pour examiner les recours introduits contre les décrets d’urgence et a, de ce fait, empêché toute contestation efficace des décrets liés au référendum. Enfin, le parlement n’a pas examiné les décrets avant le référendum ou dans le délai légal de 30 jours; leur statut juridique demeurant de ce fait incertain, les possibilités de recours en ont encore été davantage limitées.
16. Les libertés fondamentales d’expression, de réunion et d’association, qui sont déjà limitées par la Constitution et la législation applicable en la matière, ont été restreintes encore plus largement par l’utilisation des pouvoirs extraordinaires découlant de l’état d’urgence, ce qui a entravé la tenue d’un référendum démocratique. Les gouverneurs de province ont ainsi exercé les pouvoirs conférés par l’état d’urgence pour limiter la liberté de mouvement, d’association, de réunion et d’expression.
17. Le cadre juridique ne garantit pas totalement une voie de recours effective en cas de litiges relatifs à un référendum. Les décisions prises par des commissions électorales d’un niveau inférieur peuvent être contestées devant des commissions de niveau supérieur et ce, jusqu’à la CES. Cependant, les décisions de cette dernière ne sont pas soumises à un contrôle juridictionnel. La procédure et les résultats dépendent donc en dernier ressort de l’autorité d’un organe administratif, ce qui est contraire au principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution.
18. La CES a été saisie d’environ 45 plaintes qui ont été examinées dans un délai raisonnable, mais la procédure de règlement des litiges a manqué de transparence, car les audiences se sont tenues à huis clos et les décisions n’ont pas été publiées. La CES a admis les recours déposés par les partis de l’opposition contre les décisions des commissions électorales de district de relocaliser les bureaux de vote dans le sud-est pour des raisons de sécurité. De nombreux cas d’interférence dans la campagne et d’utilisation abusive des ressources administratives ont été relevés par la MIOR, mais peu de plaintes ont été déposées en définitive, en raison de la défiance affichée à l’égard de la procédure de règlement des litiges. La CES et les tribunaux n’ont pas été une voie de recours effective en l’espèce, notamment pour ceux qui n’étaient pas membres d’un parti.
19. Le pouvoir judiciaire est le principal responsable de l’administration d’un référendum et du règlement des litiges. Il apparaît donc évident que la récente révocation de 3 979 juges et procureurs (soit près du tiers de la magistrature), y compris cinq magistrats membres de l’organe de contrôle judiciaire et de nombreux juges de la Haute Cour, a eu des effets négatifs sur l’indépendance de la justice pendant la période du référendum. En avril 2017, 45 autres magistrats ont été révoqués, et trois juges et un procureur ont été suspendus et mis en examen parce qu'ils avaient pris la décision de libérer 21 journalistes emprisonnés à la suite de la tentative de coup d’État.

4. Administration du référendum et listes électorales

20. Le référendum a été généralement bien administré par les quatre niveaux d’organes électoraux: la CES, 81 commissions électorales provinciales (CEP), 1 080 commissions électorales de district (CED) et quelque 175 000 commissions de bureau de vote (CBV). Tous les délais légaux ont été respectés.
21. La CES est un organe permanent composé de 11 membres élus en leur sein par des juges de la Cour de cassation et du Conseil d’État. Les quatre partis parlementaires ont exercé leur droit de nommer des membres sans droit de vote à cette commission. Sur les 218 décisions rendues par la CES, 180 n’ont pas été publiées, notamment celle concernant le nombre de bulletins imprimés. Les réunions de la CES et des commissions électorales de niveau inférieur n’étaient ouvertes qu’aux membres des partis politiques qui ne votaient pas, ce qui a limité la transparence.
22. Les CEP comptent trois membres et sont présidées par le juge ayant la plus grande ancienneté dans la province. Les CED sont présidées par un juge et comprennent deux fonctionnaires et quatre représentants de partis politiques. Les CBV sont constituées pour chaque scrutin et se composent d’un président et de six membres: deux fonctionnaires et cinq représentants de partis politiques. La loi n’impose pas la parité hommes–femmes dans les instances d’administration des élections; 20 % des commissions électorales de niveau inférieur étaient présidées par des femmes (41 % au niveau des districts) et la CES ne compte qu’un seul membre féminin. Depuis la dernière élection législative, huit membres de la CES ont été remplacés (par des membres choisis en leur sein par des juges nouvellement nommés): cinq en raison de l’expiration de leur mandat et trois parce qu’ils ont été arrêtés. Une série de décrets d’urgence a déclenché une vague de remplacements à tous les niveaux de l’administration du référendum: 9 présidents de CEP ont été limogés et deux autres ont été arrêtés, 143 présidents de CED ont été révoqués et 67 autres placés en détention. Plus de 500 membres du personnel électoral à tous les niveaux ont également été arrêtés.
23. La loi ne prévoit pas de représentation équilibrée des partisans et adversaires des projets d’amendements au sein de l’administration électorale. En effet, 52 % des membres des CBV étaient présentés par des partis soutenant la campagne en faveur du «oui» et 48 % l’étaient par des partis favorables au «non». Pour la première fois, la CES a décidé de donner des consignes aux CED sur la façon d’appliquer l’obligation de «bonne réputation» pour choisir les membres des CBV. Au moins 170 présidents de CBV désignés par le HDP ont été exclus en raison de leur prétendue «mauvaise réputation».
24. Tout citoyen âgé de 18 ans révolus le jour du référendum a le droit de voter. Les appelés du contingent, les élèves d’écoles militaires, les citoyens déclarés juridiquement incapables ou exclus de la fonction publique par un tribunal et ceux qui purgent des peines de prison pour des infractions intentionnelles ne peuvent pas voter. L’interdiction qui frappe les appelés du contingent et les élèves d’écoles militaires ainsi que les restrictions générales des droits de vote qui s’appliquent aux trois dernières catégories sont disproportionnées. Le 15 février, la CES a adopté une décision qui tient partiellement compte des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs aux droits de vote et a précisé que les personnes condamnées qui ne sont pas emprisonnées au moment du scrutin sont autorisées à voter, même si leur peine n’est pas entièrement purgée. Au moins 570 000 citoyens n’ont pas eu le droit de voter.
25. La Turquie a un système passif d’enregistrement des électeurs. Le registre électoral est géré par la CES et se fonde sur des données à caractère personnel provenant des registres d’état civil, tenus et mis à jour quotidiennement par le ministère de l’Intérieur. Les électeurs pouvaient vérifier l’exactitude des informations les concernant, soit personnellement, soit en consultant le site web de la CES. Il a été procédé à 467 984 modifications. Cependant, aucune modification des listes électorales n’a été autorisée après le 10 mars, contrairement aux bonnes pratiques.
26. Les zones spéciales de sécurité mises en place dans certaines parties des six provinces du sud-est ont concerné quelque 670 000 électeurs. Les autorités locales de cette région ont confirmé que des policiers postés près des bureaux de vote étaient chargés de contrôler les pièces d’identité des électeurs afin de repérer les personnes recherchées. Un certain nombre d’interlocuteurs de la MIOR ont dit craindre que ces mesures ne dissuadent certains électeurs de voter. Des préoccupations ont également été soulevées concernant l’inscription électorale de ceux qui avaient dû fuir leur domicile, dont le nombre était estimé entre 355 000 et 500 000 personnes selon diverses sources citées par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Le jour du référendum, les observateurs de la MIOR ont été informés que certains de ces électeurs n’avaient pas pu voter.

5. Campagne référendaire, environnement médiatique et aspects financiers

27. La loi ne prévoit pas la participation de l’ensemble des parties prenantes à la procédure de référendum, seuls les partis politiques éligibles ayant le droit de participer pleinement à la campagne, de nommer des observateurs, de consulter le registre électoral et d’exercer d’autres droits. Pour participer, un parti politique doit être inscrit auprès du Bureau du procureur général de la Cour suprême, présenter une structure organisationnelle dans au moins la moitié des provinces et un tiers des circonscriptions de ces provinces et avoir tenu un congrès de parti dans les six mois précédant le référendum. Ces critères d’éligibilité constituent une limite abusive au pluralisme politique.
28. Suite à une enquête du Bureau du procureur général de la Cour suprême, 19 partis politiques qui avaient pu se présenter aux élections de novembre 2015 n’ont pas été admis à participer au référendum. La CES a approuvé la participation de 10 partis politiques sur 92 inscrits. Le Parti de libération du peuple et le Parti des démocrates libéraux ont respectivement déposé des recours auprès de la CES et du Bureau du procureur général de la Cour suprême, faisant valoir qu’ils remplissaient les critères d’éligibilité, mais ces deux recours ont été rejetés. Une organisation de la société civile militant en faveur du «non» a essayé de s’inscrire comme parti politique pour obtenir l’intégralité des droits correspondants dans le cadre de ce processus. Alors qu’elle avait déposé son dossier le 6 février, cette organisation n’avait toujours pas été enregistrée le jour du scrutin.
29. La loi sur les dispositions fondamentales ne réglemente pas suffisamment les campagnes référendaires et les règles plus strictes visant à assurer des conditions de campagne plus équitables ne s’appliquent qu’au cours des sept derniers jours. En outre, la loi ne protège que les droits des partis politiques éligibles auxquels elle donne le droit de faire campagne. Bien que le cadre juridique général favorisant la liberté de réunion et d’expression soit plus large et s’applique à d’autres parties prenantes telles que les particuliers et la société civile, la CES a décidé que seuls les partis politiques éligibles avaient le droit de tenir des réunions de campagne et a refusé de préciser si d’autres pouvaient faire campagne par d’autres moyens. Invoquant l’état d’urgence ou des craintes pour la sécurité publique, les gouverneurs de certaines provinces ont soit interdit les activités de campagne organisées par des acteurs autres que les 10 partis politiques éligibles, soit exigé qu’elles soient soumises à une autorisation préalable.
30. La campagne a été particulièrement visible dans les grandes agglomérations en raison des moyens utilisés: affiches, banderoles, panneaux et véhicules présentant différents slogans. Certaines parties prenantes, notamment les organisations de la société civile, ont fait campagne en utilisant le porte à porte. Bien que des rassemblements à grande échelle et des réunions de taille plus modeste aient été observés, la plupart des militants se sont appuyés sur internet et en particulier sur les réseaux sociaux. Les électeurs n’ont pas officiellement reçu d’informations de la CES ou d’autres autorités de l’État sur les amendements et leur incidence potentielle. Ce sont donc les partis politiques éligibles qui ont comblé cette lacune, ce qui a empêché les électeurs de se forger leur opinion en toute connaissance de cause.
31. La campagne a été caractérisée par l’absence de règles du jeu équitables. La campagne en faveur du «oui», dirigée par l’AKP, le parti au pouvoir et, dans une certaine mesure, le MHP, a été d’autant plus visible qu’elle était soutenue par plusieurs hauts responsables nationaux, notamment le Premier ministre et le Président, qui est pourtant tenu par la Constitution de rester impartial et d’exercer ses fonctions sans parti pris, ainsi que par de nombreux fonctionnaires de rang inférieur,
32. Des cas de mauvaise utilisation des ressources administratives ont été observés dans tout le pays par la MLOR de l’OSCE/BIDDH et largement relayés dans les médias. Des cérémonies publiques, telles que l’inauguration d’équipements publics, ont été instrumentalisées aux fins de la campagne et, d’après certains interlocuteurs, des employés du secteur public et des étudiants auraient été contraints d’y assister. La gratuité des transports publics était généralement assurée le jour de la manifestation dans les villes concernées. En outre, le Président et d’autres responsables ont clairement fait comprendre qu’il existait un lien entre le résultat du référendum et l’appui du gouvernement aux régions accueillant ces manifestations.
33. La campagne en faveur du «non» a été essentiellement menée par les principaux partis d’opposition que sont le CHP et le HDP; or, ce dernier était très handicapé par le fait que des centaines de ses membres soient en prison, notamment ses coprésidents et 83 maires HDP. La campagne en faveur du «non» était également soutenue par un certain nombre de groupes de la société civile, des petits partis et d’anciens députés du MHP.
34. Les partisans du «non» ont dû faire face à un certain nombre de restrictions injustifiées de leur liberté de faire campagne. De nombreux militants ont été agressés. Un grand nombre d’entre eux ont été arrêtés, le plus souvent pour avoir organisé des manifestations publiques illicites ou insulté le Président. Certains de ces militants ont eu des difficultés à louer des locaux pour des manifestations ou celles-ci étaient annulées par les autorités ou les propriétaires du lieu, souvent au dernier moment. L’affiche de la campagne du HDP et une chanson en kurde ont été interdites par les autorités au motif qu’elles violaient les principes de l’intégrité de l’État et du turc comme langue officielle.
35. Le financement des campagnes est insuffisamment réglementé par la loi, qui limite le montant et la nature des dons, mais pas les dépenses liées au parti et à la campagne. Les partis politiques doivent déclarer leurs dépenses de campagne dans le cadre des rapports financiers annuels qu’ils présentent à la Cour constitutionnelle, chargée du contrôle. Contrairement aux engagements internationaux et aux bonnes pratiques, ces rapports ne sont pas rendus publics et seule une version résumée des rapports d’audit est publiée en ligne.
36. La Constitution prévoit le droit à la liberté d’expression, mais elle comprend des restrictions injustifiées et autorise des restrictions supplémentaires dans la loi antiterroriste, le Code pénal, la loi sur la presse et d’autres lois. L’imprécision de ces dispositions est souvent utilisée pour poursuivre et emprisonner des journalistes. De plus, le Code pénal contient des dispositions qui donnent une définition large de la diffamation, notamment en ce qui concerne la nation et l’État turcs. Il assure également une protection spéciale aux personnalités publiques, notamment au Président. Toutes ces dispositions limitent la liberté d’expression, qui a été réduite encore davantage par la fermeture de nombreux médias, l’arrestation de journalistes après la tentative de coup d’État avortée et le cadre juridique de l’état d’urgence.
37. Le paysage médiatique est dominé par des organes qui appartiennent souvent à des groupes commerciaux dépendant des marchés publics. Au total, depuis les événements de juillet, 158 médias ont été fermés, dont 60 chaînes de radio et de télévision, 19 journaux, 29 maisons d’édition et cinq agences de presse; cette répression a été qualifiée de «liquidation massive des médias» par la Commission de Venise. La majorité des 150 journalistes actuellement en détention ont été arrêtés après la tentative de coup d’État, et les arrestations ont continué pendant la période du référendum. Cette vague de fermetures, d’arrestations et de poursuites a entraîné une autocensure généralisée.
38. Le cadre juridique ne prévoyait pas un accès équitable aux partisans du «oui» et du «non» et ne garantissait pas aux partis politiques éligibles un accès égal aux médias publics ainsi qu’une couverture médiatique impartiale. La loi prévoit la publicité payante pendant la campagne mais l’absence de limite aux frais de campagne n’a pas permis aux différents partis de s’adresser aux électeurs de façon équitable. La loi accorde à chaque parti représenté au parlement un temps d’antenne de 20 minutes sur la chaîne publique et réserve 10 minutes supplémentaires pour le parti au pouvoir. Le Président a également le droit de faire deux interventions de dix minutes sur la chaîne publique et peut utiliser le dernier créneau pour un appel public, auquel il a officiellement renoncé.
39. Le Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTSC) transmettait chaque semaine des rapports de suivi des médias à la CES. Les rapports du RTSC ont fait état de violations pendant le suivi mais aucune mesure n’a été prise car un décret d’urgence a privé la CES de la possibilité de sanctionner les médias privés qui n’auraient pas assuré une couverture impartiale. Ce décret ne garantit pas aux partis politiques un accès égal aux médias et limite la capacité des électeurs de faire un choix éclairé. Plusieurs partis politiques se sont plaints à la CES et au RTSC de leurs conditions d’accès aux médias publics et privés.
40. Les résultats du suivi des médias effectué par la MLOR de l’OSCE/BIDDH montrent que la campagne était présente dans tous les médias nationaux. Trois des cinq chaînes de télévision contrôlées, notamment la chaîne publique TRT1, ont favorisé la campagne du «oui». Celle-ci a occupé une place considérable dans les médias publics et privés, soit 76 % du temps d’antenne total à la télévision et 77,5 % de l’espace dans la presse. Les commentaires à son égard étaient en grande partie positifs. La campagne du «non», quant à elle, n’a obtenu au total que 23,5 % de temps d’antenne et d’espace dans la presse écrite. Les commentaires à son égard étaient essentiellement neutres. L’AKP a également bénéficié d’un traitement préférentiel avec, au total, 33,5 % de temps d’antenne/d’espace, tandis que le CHP, le MHP et le HDP ont eu clairement une couverture médiatique moins importante avec respectivement 19 %, 2,3 % et 0,6 % de temps d’antenne/d’espace. L’AKP a bénéficié d’une couverture positive sur TRT1 et Haber A et en grande partie positive sur Show TV. La tonalité de la couverture du CHP a été négative sur A Haber, partiellement négative sur TRT1 et en partie positive sur Show TV, CNN Türk et Fox TV. Le Président et le Premier ministre ont bénéficié d’une couverture télévisée considérable, soit 26% et 18 % respectivement, tandis que les dirigeants de l’opposition ont été nettement moins visibles. L’AKP s’est accaparé 63 % des messages publicitaires payés sur les médias ayant fait l’objet d’un suivi. Le radiodiffuseur public s’est acquitté de son obligation d’offrir du temps d’antenne gratuit. La couverture de la société civile a été extrêmement limitée à la télévision. Dans la presse, les organisations de la société civile qui ont soutenu la campagne du «non» ont bénéficié d’une couverture plus large (3,5 %) que celles qui ont soutenu la campagne du «oui» (1,6%).
41. Contrairement aux recommandations de l’Assemblée et au Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise, la législation ne prévoit pas d'observation nationale non partisane et d'observation internationale des élections. Seuls les partis politiques éligibles ont le droit de désigner des observateurs. Leurs efforts ont été très inégaux: l’AKP et le CHP ont procédé à de larges observations, tandis que le HDP a signalé des difficultés de recrutement d’observateurs en raison d’un climat général marqué par la crainte de représailles.
42. Suite à la tentative de coup d’État avortée, 1 583 organisations de la société civile ont été dissoutes; au moins trois d’entre elles avaient contribué aux activités d’observation lors des dernières élections. Certaines organisations de la société civile qui avaient participé à l’observation des dernières élections se sont abstenues ou ont considérablement limité leurs efforts en raison de la situation politique générale et du contexte sécuritaire. La CES a rejeté les demandes d’accréditation de deux organisations de la société civile.

6. Jour du référendum

43. Le référendum s’est déroulé de façon ordonnée et efficace dans le petit nombre de bureaux de vote visités par les observateurs internationaux. Il a été noté que la majorité de ces bureaux ne disposaient pas d’effectifs complets. À l’ouverture des bureaux de vote et pendant le scrutin, certains observateurs de la MIOR n’ont pas pu s’acquitter pleinement de leur tâche car leur accès aux locaux était soit restreint, soit interdit, décision souvent prise par des personnes qui ne faisaient pas partie de la CBV. Pour le reste, les observateurs de la MIOR ont relevé que les membres des CBV suivaient les procédures.
44. Quelques incidents de sécurité concernant un membre de la CBV et plusieurs électeurs ont été largement signalés et sont en cours d’investigation. Dans la période précédant le référendum, les autorités locales ont confirmé que des policiers postés près des bureaux de vote seraient chargés de contrôler les pièces d’identité des électeurs afin de repérer les personnes recherchées. Les organisations de la société civile ont signalé trois cas dans lesquels des électeurs ont été contrôlés avant d’accéder aux urnes. De leur côté, les observateurs de la MIOR en ont été témoins d’un cas. Une présence de la police à l’extérieur et à l’intérieur des bureaux de vote a été notée dans la plupart des observations de la MIOR.
45. Quelques erreurs de procédure ont été relevées, mais le dépouillement et la publication des résultats ont été généralement évalués positivement par les observateurs de la MIOR. Pendant la journée du référendum, la CES a donné deux consignes pour que les bulletins de vote mal tamponnés ou non tamponnés par la CBV soient considérés comme valides. La dernière consigne a été donnée après le début du dépouillement des bulletins dans certaines commissions électorales. Ces consignes, qui portaient atteinte à une garantie importante, sont contraires à la loi, qui énonce explicitement que ces bulletins de vote auraient dû être considérés comme non valables. La CES n’a pas pu indiquer le nombre de bulletins concernés et a déclaré que la question était close puisque les membres des CBV nommés par les partis avaient signé les protocoles. Il n’existe aucune possibilité de contester leur décision. Le HDP a déclaré publiquement qu’il avait détecté des incohérences dans 668 protocoles.
46. Une équipe de l’Assemblée à Ankara a estimé que beaucoup d’électeurs ne connaissaient pas la teneur de ce qu’ils allaient voter. Une des équipes à Istanbul n’a pas été bien accueillie par un observateur de l’AKP, qui ne voulait pas qu’elle soit là. Une équipe de l’Assemblée qui a visité un bureau de vote dans une prison d’Izmir a vu des prisonniers qui étaient obligés de voter. L’équipe présente dans la région de Diyarbakir a indiqué qu’il y avait une présence policière massive, ainsi que des hommes armés en civil, et que plusieurs personnes avaient été détenues dans les jours précédant le référendum, non pas dans des prisons, mais dans d’autres locaux, par exemple des salles de sport. Ces personnes, détenues sans aucun motif officiel, n’ont pas pu voter. En outre, cette équipe a constaté que la plupart des personnes déplacées n’avaient reçu aucune information sur le référendum et n’avaient pas de réelle possibilité de voter. Elle a également été informée que des pressions avaient été exercées sur les présidents des CBV et sur des fonctionnaires et a noté que, dans des petites communautés rurales, une personne avait voté pour tout le monde et que beaucoup de personnes étaient en détention provisoire et ne pouvaient pas voter. L’équipe a observé que les personnes handicapées n’avaient aucune véritable possibilité de voter. À Diyarbakir, trois personnes ont été tuées dans un bureau de vote et la police a empêché à deux reprises l’équipe de l’Assemblée d’effectuer une observation.
47. À 23h25, la CES a annoncé que les résultats préliminaires étaient en faveur du «oui» sans fournir aucun chiffre. Les médias ont annoncé que le taux de participation était de 83,7 %.
48. Les résultats définitifs ont été annoncés par la CES le 27 avril 2017: 51,41 % des électeurs s’étaient prononcés en faveur du «oui» et 48,59 % en faveur du «non», avec un taux de participation de 85,43 %.

7. Conclusions

49. Le référendum constitutionnel du 16 avril en Turquie s’est déroulé dans des conditions inéquitables et les deux camps qui ont fait campagne n’étaient pas sur un pied d’égalité. Les électeurs n’ont pas été informés de manière impartiale sur des points cruciaux de la réforme et les organisations de la société civile n’ont pas été en mesure de participer. Dans le cadre de l’état d’urgence mis en place après la tentative de coup d’État avortée de juillet 2016, les libertés fondamentales essentielles à un processus véritablement démocratique ont été limitées. Le limogeage ou la détention de milliers de citoyens a eu un effet négatif sur l’environnement politique. La campagne pour le «oui» a dominé la couverture médiatique, ce qui compte tenu des restrictions imposées aux médias a réduit l’accès des électeurs à une pluralité d’opinions. Les aspects techniques du référendum ont été bien administrés et la journée du référendum s’est déroulée dans le calme. Cependant, les modifications tardives apportées aux procédures de dépouillement ont porté atteinte à une protection importante et ont été contestées par l’opposition.
50. Le cadre juridique est axé sur les élections et reste limité en ce qui concerne les spécificités du référendum. Bien que la CES ait adopté des règles et consignes sur certains aspects de la procédure, le cadre juridique est resté inadapté à la tenue d’un référendum véritablement démocratique. Les libertés et droits fondamentaux, qui sont déjà limités par la Constitution et la législation applicable, ont été restreints encore davantage par les pouvoirs extraordinaires découlant de l’état d’urgence, en particulier par les décisions des gouverneurs de province de limiter la liberté de réunion et d’expression. Les décrets d’urgence qui ont modifié la législation relative à la tenue d’un référendum ont eu des effets qui ont largement dépassé les exigences propres à l’état d’urgence et n’ont pas pu faire l’objet d’un recours.
51. L’ensemble des 18 projets d’amendement visant 72 articles de la Constitution a été voté en bloc, ce qui n’a pas permis aux électeurs de se prononcer sur chacun des points visés dans les amendements. Aucun des projets d’amendements ne figurait sur le bulletin de vote; les électeurs étaient simplement invités à voter «oui» ou «non». Les autorités n’ont pas fourni aux électeurs d’informations impartiales ou équilibrées sur les amendements et leurs effets potentiels, ce qui n’a pas permis à ces derniers de se déterminer en connaissance de cause. Le référendum a été généralement bien administré par les quatre niveaux d’instances électorales. Cependant, les travaux des commissions électorales ont manqué de transparence: leurs réunions n’étaient pas accessibles au public et aux observateurs et seules quelques décisions ont été publiées. Suite à la tentative de coup d’État de juillet 2016, trois membres de la CES, 221 présidents de commissions électorales de niveau inférieur et tous les juges ont été remplacés après avoir été révoqués. La représentation des partis politiques aux CBV n’était pas tout à fait équilibrée et a été pénalisée, 170 présidents désignés par les partis d’opposition ayant été récusés. La loi ne garantit pas de recours effectif contre les décisions des commissions électorales. La CES a examiné quelque 45 plaintes dans un délai raisonnable mais les audiences se sont déroulées à huis clos et les décisions n’ont pas été publiées. Les décisions de la CES n’ont pas été soumises à un contrôle juridictionnel. La multiplication des révocations et suspensions de juges et de procureurs pendant la période du référendum porte atteinte à l’indépendance de la justice.
52. Plus de 58 millions d’électeurs étaient inscrits sur les listes électorales, dont plus de 2,9 millions à l’étranger. Les électeurs ont pu vérifier les données qui les concernaient dans les listes électorales et les faire modifier au besoin.
53. Le cadre de la campagne a été restrictif et la campagne a été déséquilibrée car le Président et plusieurs responsables nationaux de premier plan, ainsi que de nombreux responsables locaux ont fait activement campagne en faveur du «oui». La MIOR a observé que les activités de plusieurs partis et organisations de la société civile en faveur du «non» avaient été entravées et que des ressources administratives avaient été utilisées de façon abusive. Le débat a été délétère, un certain nombre de hauts fonctionnaires accusant les partisans du «non» d’être pour les terroristes. Dans de nombreux cas, ces partisans ont été la cible d’interventions policières qui ont dégénéré en violents affrontements lors de leurs manifestations.
54. Le cadre juridique du référendum n’avait pas prévu une couverture suffisamment impartiale et n’a pas garanti aux partis politiques éligibles un accès égal aux médias publics. En outre, la loi a clairement privilégié le parti au pouvoir et le Président en ce qui concerne l’attribution d’un temps d’antenne gratuit, tandis que la compétence de la CES de prononcer des sanctions pour couverture médiatique biaisée a été abrogée. La liberté d’expression a été réduite encore davantage au nom de l’état d’urgence; l’arrestation d’un nombre sans précédent de journalistes et la vague de fermetures de médias a entraîné une autocensure généralisée. La campagne du «oui» a dominé la couverture médiatique.
55. Contrairement aux recommandations de l’Assemblée et au Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise, la législation ne prévoit pas d’observation nationale non partisane et d’observation internationale des élections. Les efforts déployés par les partis politiques pour observer la procédure ont été très inégaux et les organisations de la société civile ont considérablement réduit leurs activités d’observation par crainte de représailles. Suite à la tentative de coup d’État avortée, 1 583 organisations de la société civile ont été dissoutes, dont certaines qui avaient auparavant participé à ces activités. Au total, 73 observateurs internationaux avaient reçu une accréditation pour observer le référendum.
56. Le référendum s’est déroulé de façon ordonnée et efficace dans le petit nombre de bureaux de vote visités par les observateurs internationaux. Certains observateurs de la MIOR n’ont pas pu s’acquitter pleinement de leur tâche lors de l’ouverture des bureaux de vote ou pendant le scrutin car leur accès aux locaux avait été soit limité soit interdit. Une présence policière a souvent été signalée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des bureaux de vote et les policiers ont parfois contrôlé l’identité des électeurs avant de les laisser accéder aux urnes. En fin de journée, la CES a diffusé des consignes qui ont sensiblement modifié les critères de validité des bulletins, ce qui a porté atteinte à une garantie importante et était contraire à la loi.
57. Il est à déplorer que le Président et le ministre des Affaires étrangères de la Turquie aient remis publiquement en question l’intégrité et la crédibilité de la mission d’observation. Il convient de rappeler que la mission a été menée strictement sur la base des lignes directrices pour l’observation des élections par l’Assemblée parlementaire.
58. L’Assemblée parlementaire continuera de travailler avec les autorités turques dans le domaine des élections et, plus généralement, en ce qui concerne le renforcement des institutions démocratiques

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

(open)

Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Président: Cezar Florin Preda (Roumanie, PPE/DC)

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Nicole DURANTON, France
  • Vusal HUSEYNOV, Azerbaïdjan
  • Duarte MARQUES, Portugal
  • Cezar Florin PREDA, Roumanie

Groupe socialiste (SOC)

  • Josette DURRIEU, France
  • Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse
  • Predrag SEKULIĆ, Monténégro
  • Florian KRONBICHLER, Italie
  • Stefan SCHENNACH, Autriche
  • Mechthild RAWERT, Allemagne
  • Alev KORUN, Autriche

Groupe des conservateurs européens (CE)

  • Nigel EVANS, Royaume-Uni
  • Jaak MADISON, Estonie
  • Arkadiusz MULARCZYK, Pologne

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • Anne KALMARI, Finlande
  • Andrea RIGONI, Italie

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

  • Nikolaj VILLUMSEN, Danemark
  • Andrej HUNKO, Allemagne

Corapporteurs de la commission de suivi (ex officio)

  • Marianne MIKKO, Estonie
  • Ingebjørg GODSKESEN, Norvège

Secrétariat

  • Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Anne GODFREY, Assistante, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Nathalie BARGELLINI, Attachée de presse, Assemblée parlementaire
  • Arman DARBINYAN, Adjoint au Chef de service de la sécurité et la sûreté/chef de la coordination de la sécurité sur le terrain du Conseil de l’Europe

Annexe 2 – Programme

(open)

Vendredi 14 avril 2017

09h30-10h30 Réunion de la commission ad hoc de l’APCE:

  • ouverture par M. Cezar Florin Preda, chef de la délégation
  • briefing par Mmes Marianne Mikko et Ingebjørg Godskesen, corapporteurs de la commission de suivi
  • briefing par le Secrétariat
  • briefing par M. Arman Darbinyan, chef adjoint du département de la Sûreté et de la Sécurité / chef de la coordination de la sécurité sur le terrain du Conseil de l’Europe

10h30-13h30 Briefing par la mission limitée d’observation du référendum de l’OSCE/BIDDH:

Introductions par:

  • M. Cezar Florin Preda, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
  • Mme Tana de Zulueta, chef de la mission limitée d’observation du référendum de l’OSCE/BIDDH

Introduction des membres de l’équipe et modération: Mme Meaghan Fitzgerald, chef-adjointe de la mission

  • Contexte politique et campagne: M. Stefan Szwed, analyste politique
  • Cadre juridique et plaintes: Mme Marla Morry, analyste juridique
  • Média: M. Alain Chabod, analyste des média
  • Administration du référendum: M. Ivan Tsikota, analyste électoral
  • Procédures le jour du référendum: M. Ivan Tsikota, analyste électoral
  • Briefing sur les aspects de sécurité: M. Wayne Pilgrim, expert sécurité

14h30–15h30 Réunion avec les chefs et représentants des partis politiques en faveur du “Oui”

14h30-15h00 M. Vedat Bilgin, parlementaire d’Ankara et chef de la délégation de la Turquie auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE

15h30–17h00 Réunion avec les chefs et représentants des partis politiques en faveur du “Non”

15h30-16h00 M. Erdal Aksünger, Président adjoint, CHP

16h00-16h30 Mme Fatma Kurtulan, co-présidente adjointe; M. Evren Çevik, membre de la commission des Affaires étrangères; Mme Ceren Bayar, membre de la commission de la presse, HDP

16h30-17h00 M. Kürşat Ergün, Représentant de l’opposition du MHP

Samedi 15 avril 2017

09h30-10h00 Questions à M. Wayne Pilgrim, expert en sécurité de la MIOR de l’OSCE/BIDDH

10h00-11h00 Discussion avec des représentants de la société civile:

  • Mme Başak Yavçan, professeure assistante, représentante à Ankara de Vote et au-delà
  • Mme Dilek Ertükel, directrice nationale, NDI
  • Mme Feray Salman, coordinatrice de la Plateforme des droits de l’Homme
  • M. Öztürk Türkdogan, président de l’Association des droits de l’Homme (IHD)

11h00-12h00 Discussion avec des représentants des médias:

  • Mme Duygu Güvenç, correspondante diplomatique, Cumhuriyet Daily
  • M. Fatih Şahingöz, chef adjoint du département de l’information, TRT
  • M. Turgut Dedeoğlu, Président adjoint, Association progressiste des journalistes
  • M. Hüseyin Likoğlu, éditeur à Ankara de Yeni Şafak Daily

12h00-12h30 Réunion avec les observateurs de longue durée de la MIOR de l’OSCE/BIDDH déployés à Ankara, Mme Tereza Lewis et M. Ingo Buettner

12h30-13h00 Réunion avec les interprètes et les chauffeurs

Dimanche 16 avril 2017

Observation du référendum

Lundi 17 avril 2017

08h00-10h30 Réunion de la délégation de l’APCE (débriefing et discussion générale)

10h40-12h00 Réunion de la délégation de l’APCE avec la MIOR de l’OSCE/BIDDH

15h00 Conférence de presse

Annexe 3 – Communiqué de presse de la Mission internationale d’observation du référendum

(open)

Les inégalités entre les deux camps, la partialité des médias et les restrictions des libertés fondamentales ont faussé les règles du jeu du référendum constitutionnel en Turquie, selon les observateurs internationaux

Strasbourg, 17.04.2017 – Le référendum constitutionnel du 16 avril en Turquie s’est déroulé dans des conditions inéquitables et les deux camps qui ont fait campagne n’étaient pas sur un pied d’égalité, ont conclu les observateurs internationaux dans une déclaration publiée aujourd’hui. Si les aspects techniques du processus ont été bien gérés, les électeurs n’ont pas été informés de manière impartiale sur des points cruciaux de la réforme et les restrictions des libertés fondamentales ont eu un effet négatif, selon la déclaration.

«Même s’il n’y a pas eu de problèmes majeurs le jour du scrutin, sauf dans certaines régions, nous ne pouvons que déplorer l’absence d’observateurs de la société civile dans les bureaux de vote», a déclaré Cezar Florin Preda, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. «D’une manière générale, le référendum n’a pas satisfait aux normes du Conseil de l'Europe. Le cadre juridique, inadéquat, n’a pas permis un processus véritablement démocratique.»

«Le référendum s’est tenu dans un contexte politique où les libertés fondamentales, indispensables à un processus véritablement démocratique, étaient limitées par l’état d’urgence. De plus, les deux camps n’ont pas eu les mêmes possibilités de faire valoir leurs arguments devant les électeurs», a déclaré Tana de Zulueta, Chef de la mission restreinte d’observation des élections du BIDDH. «Notre travail de suivi a montré que la campagne pour le “oui” avait dominé la couverture médiatique. Combiné aux restrictions touchant les médias, aux arrestations de journalistes et à la fermeture de médias, cela a réduit l’accès des électeurs à une pluralité d’opinions.»

Bien que la Commission électorale suprême (CES) ait adopté des règles et consignes sur certains aspects du processus, le cadre juridique relatif aux élections est resté inadapté à la tenue d’un référendum véritablement démocratique, ont déclaré les observateurs. Les gouverneurs des provinces ont utilisé les pouvoirs conférés par l’état d’urgence pour restreindre encore les libertés de réunion et d’expression.

«L’état d’urgence ne devrait jamais servir à saper l’État de droit», a déclaré M. Preda.

Le cadre juridique du référendum ne prévoyait pas suffisamment une couverture impartiale et ne garantissait pas aux partis politiques éligibles un accès égal aux médias publics. En outre, il privilégiait le parti au pouvoir et le Président dans l’attribution de temps d’antenne gratuit, tandis que la compétence de la CES de prononcer des sanctions pour couverture médiatique biaisée a été abrogée, indique la déclaration.

Toujours d’après la déclaration, la loi limite la pleine participation au référendum aux partis politiques éligibles et ne réglemente pas la participation d’autres acteurs. De plus, la CES a décidé que les organisations de la société civile et les associations professionnelles n’étaient pas autorisées à organiser des événements pendant la campagne.

«Le cadre de la campagne était restrictif et la campagne a été déséquilibrée car plusieurs responsables nationaux de premier plan et de nombreux responsables locaux ont participé activement à la campagne en faveur du “oui”», a déclaré Mme de Zulueta. «Nous avons constaté une utilisation abusive des ressources de l’État et une entrave aux activités de la campagne pour le “non”. Les discours de campagne ont été ternis par certains hauts responsables qui ont assimilé les partisans du “non” à des sympathisants terroristes. Ces partisans ont souvent été exposés à des interventions de la police et à de violentes échauffourées pendant leurs activités.»

Le référendum s’est déroulé de façon ordonnée et efficace dans le petit nombre de bureaux de vote visités par les observateurs internationaux. Par contre, dans certains cas, les observateurs du BIDDH se sont vu refuser ou restreindre l’accès aux bureaux de vote à l’ouverture ou pendant le vote. Une présence policière a souvent été signalée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des bureaux de vote et les policiers ont parfois contrôlé l’identité des électeurs avant de les laisser accéder aux urnes. En fin de journée, la CES a diffusé des consignes qui ont sensiblement modifié les critères de validité des bulletins, ce qui a porté atteinte à une garantie importante et était contraire à la loi.