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Résolution 2177 (2017)

Mettre fin aux violences sexuelles et au harcèlement des femmes dans l’espace public

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 juin 2017 (25e séance) (voir Doc. 14337, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Françoise Hetto-Gaasch; et Doc. 14361, avis de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, rapporteur: M. Stefan Schennach). Texte adopté par l’Assemblée le 29 juin 2017 (25e séance).

1. L’Assemblée parlementaire condamne sans réserve toutes les formes de violence faites aux femmes. Elle rappelle que ces violences sont une manifestation de rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes, et qu’on ne peut y mettre fin sans un changement fondamental des mentalités.
2. Dans sa Résolution 2093 (2016) «Attaques récentes contre des femmes: nécessité d’une communication objective et d’une réponse globale», l’Assemblée a reconnu que la violence exercée au sein d’une foule représente une autre dimension des violences faites aux femmes. À cet égard, l’Assemblée note avec inquiétude l’ampleur du phénomène des violences sexuelles et du harcèlement des femmes dans l’espace public. Ce phénomène est universel et peut toucher toutes les femmes, tandis que les auteurs de ces violences sont issus de toutes les catégories sociales et de toutes les cultures, et ont tous les âges.
3. Alors que ces violences ont lieu dans l’espace public, parfois devant des dizaines de personnes, les femmes se trouvent souvent seules face à leurs agresseurs, sans réaction des témoins. Cette indifférence généralisée ne fait qu’aggraver le sentiment d’insécurité et d’impuissance des victimes. En effet, la plupart n’osent pas porter plainte par peur de ne pas être comprises ou de se heurter à une banalisation des faits. L’Assemblée déplore cette approbation silencieuse des violences sexuelles et du harcèlement des femmes dans l’espace public, qui contribue à perpétuer l’impunité des agresseurs.
4. Le sentiment de crainte et d’insécurité dans l’espace public, notamment dans les transports en commun, a un impact psychologique sur les victimes et affecte le quotidien des femmes. Elles finissent par adapter leur comportement, y compris en adoptant des stratégies d’évitement voire en se retirant de l’espace public. Par ailleurs, l’aménagement de cet espace public favorise les hommes, soit parce qu’il privilégie des structures et des équipements qui sont réservés à leur usage, soit parce qu’il n’est pas suffisamment sûr pour les femmes.
5. L’Assemblée se réjouit des différentes campagnes de sensibilisation qui visent à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles et le harcèlement des femmes dans l’espace public. Elles jouent un rôle essentiel pour sensibiliser l’opinion publique et pourraient mettre fin à la passivité des témoins de ces violences. Les médias ont également une responsabilité importante pour couvrir objectivement les faits, en se focalisant sur les violences et leur impact sur les victimes, et non pas sur les comportements des femmes qui subissent ces violences ou sur les origines réelles ou supposées de leurs agresseurs. Les médias peuvent aussi être des relais efficaces des campagnes de sensibilisation.
6. L’Assemblée est convaincue que les hommes ont un rôle positif à jouer dans la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et le harcèlement des femmes dans l’espace public. En tant que pères, amis, décideurs, journalistes, agents publics, et dirigeants politiques et religieux, ils peuvent condamner publiquement la violence d’autres hommes, remettre en question les valeurs et les normes sociales qui perpétuent les discriminations, et peuvent promouvoir les idées qui favorisent la non-violence et l’égalité de genre.
7. L’Assemblée s’inquiète à l’idée que la recrudescence de la xénophobie, du racisme et de l’intolérance en Europe entraîne la détérioration de la situation déjà fragile, en termes de sécurité, des femmes qui sont victimes de violences dans l’espace public en raison de leur origine, de leur religion, de leur handicap et/ou de leur orientation sexuelle. Dans ce contexte, il est vital que les États membres mettent tout particulièrement l’accent sur la gestion des besoins sécuritaires des femmes qui risquent d’être plus particulièrement prises pour cibles par les auteurs d’actes xénophobes, racistes et d’intolérance.
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
8.1. à signer et à ratifier sans plus attendre, pour les États qui ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), et à assurer sa pleine mise en œuvre, ce qui suppose l’inscription dans les codes pénaux nationaux des violences sexuelles et du harcèlement dans l’espace public;
8.2. à mettre fin à l’impunité en poursuivant les auteurs des violences sexuelles et de harcèlement dans l’espace public;
8.3. à mener des enquêtes sur le harcèlement et les violences sexuelles à l’égard des femmes dans l’espace public afin de mieux comprendre l’ampleur du phénomène, et à lancer des actions pouvant contribuer à lever les tabous sur cette question;
8.4. à lancer et à soutenir des campagnes de sensibilisation sur la nécessité de prévenir et de combattre les violences sexuelles et le harcèlement dans l’espace public, y compris des campagnes appelant les témoins de violences à réagir et à intervenir, et des campagnes s’adressant spécifiquement aux hommes;
8.5. à prévoir des activités de sensibilisation sur le respect de la dignité humaine et le règlement non violent des conflits, et plus précisément sur l’égalité des sexes, les stéréotypes sexuels et le rôle des femmes dans nos sociétés, dans les programmes de l’enseignement général, afin de traiter cette question de différents points de vue, et à développer des modules d’apprentissage ciblés sur, par exemple, les conséquences des violences sexuelles et du harcèlement sur les victimes, ou sur le comportement à adopter lorsqu’on est confronté directement ou indirectement à une telle agression; l’accent doit être mis particulièrement sur des programmes visant à éduquer ou rééduquer les parents pour améliorer leur approche ou leur compréhension de ce qu’est la violence à l’égard des femmes et pourquoi elle doit être éliminée;
8.6. à développer des méthodes d’apprentissage et des activités scolaires qui contribuent à aborder les causes de la violence, en évitant de reproduire des relations de pouvoir déséquilibrées et des stéréotypes fondés sur le genre, et qui offrent aux élèves des opportunités pour contrôler leurs tensions physiques et psychologiques de manière non violente;
8.7. à fournir aux enseignants et au personnel scolaire une formation obligatoire pour qu’ils puissent: a. apprendre à repérer les victimes potentielles de violence (enfants victimes de mauvais traitements, témoins de disputes parentales, etc.); b. mieux comprendre les différentes formes de violence (physique, psychologique, verbale et comportementale); et c. apprendre à y faire face;
8.8. à veiller à la présence régulière dans les établissements scolaires de conseillers spécialisés, de médiateurs et/ou de psychologues, qui devraient être disponibles pour les élèves, leurs parents et leurs enseignants, et être formés pour aider ceux qui ont connu la violence, qu’ils soient victimes, auteurs ou témoins;
8.9. à mener des actions de prévention dans les structures accueillant des réfugiés et des demandeurs d’asile, permettant ainsi de discuter des valeurs d’égalité et des codes sociaux de leur nouvel environnement;
8.10. à engager un dialogue avec les médias sur leur responsabilité à communiquer objectivement sur les violences sexuelles et le harcèlement dans l’espace public, et à les inciter à donner de la visibilité aux campagnes de sensibilisation et aux associations œuvrant contre les violences faites aux femmes;
8.11. à engager un dialogue avec les fournisseurs de produits ou de services de nouveaux médias, comme les fournisseurs d’accès ou de services internet, les fournisseurs de médias de téléphonie mobile et les vendeurs de vidéos et de jeux vidéo, pour renforcer leur engagement dans la lutte contre les stéréotypes sexuels et la violence fondée sur le genre, à travers des mesures d’autorégulation appropriées ainsi que des mécanismes de contrôle et de plainte, et à encourager une coopération renforcée des fournisseurs de nouveaux médias avec les gouvernements dans la lutte et l’interdiction de la diffusion dans les médias de contenu violent fondé sur le genre, y compris par des échanges d’informations et des réactions opportuns et rapides lorsque des contenus sexuellement choquants sont mis en ligne;
8.12. à adopter et à mettre résolument en œuvre une politique de tolérance zéro à l’égard des violences contre les femmes dans l’espace public, en assurant, lors de grands événements, la présence, de manière visible et en nombre suffisant, de forces de police sensibilisées au problème et formées à l’assistance aux victimes de violence, ainsi qu’en réglementant et en contrôlant la consommation de stupéfiants et d’alcool lors des événements qui présentent un fort risque de débordements et de violences;
8.13. à concevoir des villes dites bienveillantes en prenant en compte la dimension de genre dans l’aménagement urbain et dans les transports en commun, de manière à assurer la sécurité et le bien-être de toutes et tous.
9. L’Assemblée exhorte les parlementaires, y compris ceux des parlements ayant le statut de partenaire pour la démocratie, à condamner toutes les formes de violence faites aux femmes, notamment les violences sexuelles et le harcèlement dans l’espace public, et à soutenir et à contribuer activement aux efforts de sensibilisation à cette question.