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Résolution 2177 (2017)
Mettre fin aux violences sexuelles et au harcèlement des femmes dans l’espace public
1. L’Assemblée parlementaire condamne
sans réserve toutes les formes de violence faites aux femmes. Elle
rappelle que ces violences sont une manifestation de rapports de
force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes, et
qu’on ne peut y mettre fin sans un changement fondamental des mentalités.
2. Dans sa Résolution
2093 (2016) «Attaques récentes contre des femmes: nécessité
d’une communication objective et d’une réponse globale», l’Assemblée
a reconnu que la violence exercée au sein d’une foule représente
une autre dimension des violences faites aux femmes. À cet égard,
l’Assemblée note avec inquiétude l’ampleur du phénomène des violences
sexuelles et du harcèlement des femmes dans l’espace public. Ce
phénomène est universel et peut toucher toutes les femmes, tandis
que les auteurs de ces violences sont issus de toutes les catégories
sociales et de toutes les cultures, et ont tous les âges.
3. Alors que ces violences ont lieu dans l’espace public, parfois
devant des dizaines de personnes, les femmes se trouvent souvent
seules face à leurs agresseurs, sans réaction des témoins. Cette
indifférence généralisée ne fait qu’aggraver le sentiment d’insécurité
et d’impuissance des victimes. En effet, la plupart n’osent pas
porter plainte par peur de ne pas être comprises ou de se heurter
à une banalisation des faits. L’Assemblée déplore cette approbation
silencieuse des violences sexuelles et du harcèlement des femmes dans
l’espace public, qui contribue à perpétuer l’impunité des agresseurs.
4. Le sentiment de crainte et d’insécurité dans l’espace public,
notamment dans les transports en commun, a un impact psychologique
sur les victimes et affecte le quotidien des femmes. Elles finissent
par adapter leur comportement, y compris en adoptant des stratégies
d’évitement voire en se retirant de l’espace public. Par ailleurs,
l’aménagement de cet espace public favorise les hommes, soit parce
qu’il privilégie des structures et des équipements qui sont réservés
à leur usage, soit parce qu’il n’est pas suffisamment sûr pour les
femmes.
5. L’Assemblée se réjouit des différentes campagnes de sensibilisation
qui visent à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles
et le harcèlement des femmes dans l’espace public. Elles jouent
un rôle essentiel pour sensibiliser l’opinion publique et pourraient
mettre fin à la passivité des témoins de ces violences. Les médias
ont également une responsabilité importante pour couvrir objectivement
les faits, en se focalisant sur les violences et leur impact sur
les victimes, et non pas sur les comportements des femmes qui subissent
ces violences ou sur les origines réelles ou supposées de leurs
agresseurs. Les médias peuvent aussi être des relais efficaces des
campagnes de sensibilisation.
6. L’Assemblée est convaincue que les hommes ont un rôle positif
à jouer dans la prévention et la lutte contre les violences sexuelles
et le harcèlement des femmes dans l’espace public. En tant que pères,
amis, décideurs, journalistes, agents publics, et dirigeants politiques
et religieux, ils peuvent condamner publiquement la violence d’autres
hommes, remettre en question les valeurs et les normes sociales
qui perpétuent les discriminations, et peuvent promouvoir les idées
qui favorisent la non-violence et l’égalité de genre.
7. L’Assemblée s’inquiète à l’idée que la recrudescence de la
xénophobie, du racisme et de l’intolérance en Europe entraîne la
détérioration de la situation déjà fragile, en termes de sécurité,
des femmes qui sont victimes de violences dans l’espace public en
raison de leur origine, de leur religion, de leur handicap et/ou
de leur orientation sexuelle. Dans ce contexte, il est vital que
les États membres mettent tout particulièrement l’accent sur la
gestion des besoins sécuritaires des femmes qui risquent d’être
plus particulièrement prises pour cibles par les auteurs d’actes
xénophobes, racistes et d’intolérance.
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres
et observateurs du Conseil de l’Europe:
8.1. à signer et à ratifier sans plus attendre, pour les États
qui ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul»), et à assurer sa pleine mise en œuvre,
ce qui suppose l’inscription dans les codes pénaux nationaux des
violences sexuelles et du harcèlement dans l’espace public;
8.2. à mettre fin à l’impunité en poursuivant les auteurs des
violences sexuelles et de harcèlement dans l’espace public;
8.3. à mener des enquêtes sur le harcèlement et les violences
sexuelles à l’égard des femmes dans l’espace public afin de mieux
comprendre l’ampleur du phénomène, et à lancer des actions pouvant contribuer
à lever les tabous sur cette question;
8.4. à lancer et à soutenir des campagnes de sensibilisation
sur la nécessité de prévenir et de combattre les violences sexuelles
et le harcèlement dans l’espace public, y compris des campagnes appelant
les témoins de violences à réagir et à intervenir, et des campagnes
s’adressant spécifiquement aux hommes;
8.5. à prévoir des activités de sensibilisation sur le respect
de la dignité humaine et le règlement non violent des conflits,
et plus précisément sur l’égalité des sexes, les stéréotypes sexuels
et le rôle des femmes dans nos sociétés, dans les programmes de
l’enseignement général, afin de traiter cette question de différents
points de vue, et à développer des modules d’apprentissage ciblés
sur, par exemple, les conséquences des violences sexuelles et du
harcèlement sur les victimes, ou sur le comportement à adopter lorsqu’on
est confronté directement ou indirectement à une telle agression; l’accent
doit être mis particulièrement sur des programmes visant à éduquer
ou rééduquer les parents pour améliorer leur approche ou leur compréhension
de ce qu’est la violence à l’égard des femmes et pourquoi elle doit
être éliminée;
8.6. à développer des méthodes d’apprentissage et des activités
scolaires qui contribuent à aborder les causes de la violence, en
évitant de reproduire des relations de pouvoir déséquilibrées et
des stéréotypes fondés sur le genre, et qui offrent aux élèves des
opportunités pour contrôler leurs tensions physiques et psychologiques
de manière non violente;
8.7. à fournir aux enseignants et au personnel scolaire une
formation obligatoire pour qu’ils puissent: a.
apprendre à repérer les victimes potentielles de violence (enfants
victimes de mauvais traitements, témoins de disputes parentales,
etc.); b. mieux comprendre
les différentes formes de violence (physique, psychologique, verbale
et comportementale); et c.
apprendre à y faire face;
8.8. à veiller à la présence régulière dans les établissements
scolaires de conseillers spécialisés, de médiateurs et/ou de psychologues,
qui devraient être disponibles pour les élèves, leurs parents et
leurs enseignants, et être formés pour aider ceux qui ont connu
la violence, qu’ils soient victimes, auteurs ou témoins;
8.9. à mener des actions de prévention dans les structures
accueillant des réfugiés et des demandeurs d’asile, permettant ainsi
de discuter des valeurs d’égalité et des codes sociaux de leur nouvel
environnement;
8.10. à engager un dialogue avec les médias sur leur responsabilité
à communiquer objectivement sur les violences sexuelles et le harcèlement
dans l’espace public, et à les inciter à donner de la visibilité aux
campagnes de sensibilisation et aux associations œuvrant contre
les violences faites aux femmes;
8.11. à engager un dialogue avec les fournisseurs de produits
ou de services de nouveaux médias, comme les fournisseurs d’accès
ou de services internet, les fournisseurs de médias de téléphonie mobile
et les vendeurs de vidéos et de jeux vidéo, pour renforcer leur
engagement dans la lutte contre les stéréotypes sexuels et la violence
fondée sur le genre, à travers des mesures d’autorégulation appropriées
ainsi que des mécanismes de contrôle et de plainte, et à encourager
une coopération renforcée des fournisseurs de nouveaux médias avec
les gouvernements dans la lutte et l’interdiction de la diffusion
dans les médias de contenu violent fondé sur le genre, y compris
par des échanges d’informations et des réactions opportuns et rapides
lorsque des contenus sexuellement choquants sont mis en ligne;
8.12. à adopter et à mettre résolument en œuvre une politique
de tolérance zéro à l’égard des violences contre les femmes dans
l’espace public, en assurant, lors de grands événements, la présence, de
manière visible et en nombre suffisant, de forces de police sensibilisées
au problème et formées à l’assistance aux victimes de violence,
ainsi qu’en réglementant et en contrôlant la consommation de stupéfiants
et d’alcool lors des événements qui présentent un fort risque de
débordements et de violences;
8.13. à concevoir des villes dites bienveillantes en prenant
en compte la dimension de genre dans l’aménagement urbain et dans
les transports en commun, de manière à assurer la sécurité et le
bien-être de toutes et tous.
9. L’Assemblée exhorte les parlementaires, y compris ceux des
parlements ayant le statut de partenaire pour la démocratie, à condamner
toutes les formes de violence faites aux femmes, notamment les violences sexuelles
et le harcèlement dans l’espace public, et à soutenir et à contribuer
activement aux efforts de sensibilisation à cette question.