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Résolution 2180 (2017)

Le «Processus de Turin»: renforcer les droits sociaux en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 juin 2017 (27e séance) (voir Doc. 14343, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Sílvia Eloïsa Bonet; et Doc. 14370, avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Jordi Xuclà). Texte adopté par l’Assemblée le 30 juin 2017 (27e séance).Voir également la Recommandation 2112 (2017).

1. Les droits sociaux constituent des droits fondamentaux de l’être humain. Seules la jouissance des droits socio-économiques et l’inclusion sociale permettent aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques. En Europe, de nombreux citoyens bénéficient de garanties de droits sociaux à des niveaux décents et d’une protection par des instruments et des mécanismes juridiques solides, mais une partie de la population encore trop importante reste enfermée dans des cycles de l’inégalité et de la pauvreté. En outre, on observe actuellement une tendance générale à un recul des garanties de droits sociaux dans les États membres du Conseil de l’Europe, et l’inégalité entre les pauvres et les riches ne cesse de se creuser en termes de revenus et de richesse.
2. L’Assemblée parlementaire souligne qu’une démocratie saine est indissolublement liée aux politiques économiques, éducatives et sociales; ces dernières devraient répondre aux besoins des citoyens et viser à réduire les inégalités sociales, qui engendrent la désaffection politique, la méfiance et le ressentiment envers la classe dirigeante, et qui conduisent au populisme et parfois à des réactions violentes.
3. Face à la nécessité évidente d’agir, l’Assemblée se préoccupe de l’application actuelle des principales normes européennes relatives aux droits sociaux, telles que la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et ses protocoles. Elle considère que le potentiel de cet instrument établissant des droits sociaux et de ses mécanismes n’est pas pleinement exploité, notamment en raison des ratifications restant en attente de plusieurs États membres.
4. L’Assemblée s’inquiète également du manque de cohérence entre les systèmes juridiques et les jurisprudences associés à différentes organisations européennes, en particulier le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, qui peut nuire à l’efficacité des instruments respectifs. Ainsi, les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ne prennent pas toujours pleinement en compte les normes du Conseil de l’Europe. En outre, le mécanisme de réclamations collectives lié au système de traités de la Charte sociale européenne nécessite clairement d’être renforcé et d’obtenir plus largement l’appui des États membres du Conseil de l’Europe, y compris celui des États membres de l’Union européenne.
5. L’Assemblée a toujours promu la Charte sociale européenne (révisée) en tant que norme des droits sociaux la plus complète en Europe. Elle continuera à le faire en étroite coopération avec d’autres organes du Conseil de l’Europe, en particulier le Comité européen des Droits sociaux (CEDS). Elle s’engage également à intensifier le dialogue et la coopération avec le Parlement européen ainsi qu’avec d’autres organes européens, tels que la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union des parlements de l'Union européenne (COSAC). L’Assemblée a la ferme intention d’approfondir le dialogue entre les délégations et les parlements nationaux engagé dans le cadre du «Processus de Turin» pour la Charte sociale européenne, qui a été lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en octobre 2014 en tant que processus politique visant à renforcer le système normatif de la Charte sociale européenne et à améliorer la mise en œuvre des droits sociaux et économiques.
6. Au-delà du Processus de Turin au niveau du Conseil de l’Europe et du socle européen des droits sociaux en tant qu’affirmation d’une volonté politique au sein de l’Union européenne, les objectifs ambitieux d’une future stratégie européenne des droits sociaux complète et durable devraient être l’égalité des chances pour tous, la cohésion sociale et moins d’inégalité de revenus, y compris pour les groupes les plus vulnérables, en vue de préserver les démocraties européennes et la paix globale que l’Europe connaît depuis plusieurs décennies.
7. L’Assemblée appelle donc les États membres du Conseil de l’Europe à encourager, par l’intermédiaire de leur gouvernement et de leur parlement, les débats et la coopération lancés au titre du Processus de Turin en procédant comme suit:
7.1. contribuer à renforcer la Charte sociale européenne en tant que système normatif, c’est-à-dire:
7.1.1. réaffirmer les principes de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits humains dans le discours public ainsi que dans les textes législatifs et les documents d’orientation politique;
7.1.2. dans le cas des 13 États membres qui ne l’ont pas encore fait, ratifier la Charte sociale européenne (révisée) pour améliorer les niveaux de conformité à cette norme majeure des droits sociaux;
7.1.3. dans le cas des quatre pays qui ne l’ont pas encore fait (le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg et le Royaume-Uni), ratifier le Protocole portant amendement à la Charte sociale européenne (STE no 142, «Protocole de Turin») qui prévoit l’élection des membres du CEDS par l’Assemblée, comme cette dernière l’a déjà demandé dans sa Recommandation 1976 (2011) sur le rôle des parlements dans la consolidation et le développement des droits sociaux en Europe;
7.1.4. dans le cas des États membres qui ne l’ont pas encore fait, ratifier le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158) afin d’assurer un suivi plus efficace du respect des droits sociaux;
7.1.5. participer activement aux activités parlementaires visant à promouvoir le système des traités de la Charte sociale européenne et à améliorer sa mise en œuvre, qui sont régulièrement organisées par l’Assemblée en coopération avec d’autres organes du Conseil de l’Europe, notamment le CEDS, et, à cette fin, apporter des contributions volontaires;
7.2. renforcer le dialogue paneuropéen sur les droits sociaux et la coordination de l’action juridique et politique avec d’autres institutions européennes, en particulier l’Union européenne et ses organes:
7.2.1. en stimulant des échanges réguliers entre des comités spécifiques de l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen, et en y participant activement;
7.2.2. en promouvant l’introduction formelle des dispositions de la Charte sociale européenne (révisée) dans le socle européen des droits sociaux comme point de référence commun, et la prise en compte des droits garantis par la Charte dans le prochain processus de mise en œuvre par les États membres de l’Union européenne;
7.2.3. en promouvant et en encourageant un dialogue parlementaire paneuropéen sur les droits sociaux pour fédérer les organes parlementaires européens et les parlements nationaux autour de débats réguliers avec d’autres partenaires (y compris les gouvernements et la société civile), et en organisant éventuellement une conférence de haut niveau sur les droits sociaux en Europe;
7.2.4. sur la base des systèmes normatifs européens existants, tels que la Charte sociale européenne (révisée) et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en encourageant l’élaboration d’une stratégie européenne des droits sociaux et d’indicateurs connexes;
7.3. améliorer la conformité avec les normes les plus rigoureuses en matière de droits sociaux au niveau national:
7.3.1. en contrôlant régulièrement la conformité des politiques nationales avec les priorités identifiées par les processus politiques au niveau européen, y compris le Processus de Turin, le socle européen des droits sociaux et les résolutions pertinentes de l’Assemblée;
7.3.2. sur la base de diverses normes et recommandations européennes, en élaborant des stratégies nationales ciblées pour relever des défis socio-économiques spécifiques mais complexes, tels que l’égalité des chances pour tous (y compris en améliorant les taux d’emploi des jeunes et la participation des femmes au marché de l’emploi), la cohésion sociale et plus d’égalité de revenus (en vue de briser les cycles de l’inégalité et de réduire la pauvreté des enfants), y compris pour les groupes les plus vulnérables.