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Rapport | Doc. 14434 | 31 octobre 2017

Enfants migrants non accompagnés: pour une détermination de l’âge adaptée à l'enfant

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Doris FIALA, Suisse, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14175, Renvoi 4257 du 23 janvier 2017. 2017 - Commission permanente de novembre

Résumé

La multiplicité des méthodes de détermination de l’âge utilisées en Europe pour les jeunes migrants reflète l’absence d’approche harmonisée et de méthode consensuelle.

Le présent rapport montre comment de bonnes pratiques en matière de détermination de l’âge, fondées sur une approche globale et centrées sur l’enfant, peuvent aider les organismes de protection de l’enfance à répondre plus rapidement aux besoins des enfants migrants et à atténuer les effets négatifs des périodes d’attente.

Le rapport met également en évidence comment une approche globale de détermination de l’âge peut, en développant des partenariats opérationnels et stratégiques, rendre la coopération professionnelle plus efficiente et faciliter l’élaboration de politiques et de procédures soucieuses et respectueuses des principes universels ayant trait aux droits de l'enfant.

Les États membres du Conseil de l’Europe sont invités à promouvoir l’élaboration d’un modèle de détermination de l’âge adapté aux enfants pour les jeunes migrants en Europe, conformément aux normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme, afin de remplacer les examens médicaux imprécis et potentiellement traumatisants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 20 septembre
2017.

(open)
1. Un nombre croissant d’enfants non accompagnés entreprend le voyage vers l’Europe, fuyant les conflits et recherchant une protection ou une vie meilleure. Nombre d’entre eux entendent rejoindre leur famille en Europe. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) établit à 170 000 le nombre de mineurs non accompagnés arrivés en Europe en 2015-2016. Ces enfants sont souvent dépourvus de papiers d’identité, ce qui pose un véritable défi aux autorités chargées de les identifier, de les protéger et de leur apporter une assistance. Pour leur offrir la protection et l’assistance auxquelles ils ont droit, il convient de déterminer l’âge de tout jeune migrant potentiellement mineur qui ne possède pas de papiers.
2. La détermination de l’âge est un processus par lequel les autorités cherchent à déterminer l’âge chronologique (ou la tranche d’âge) d’une personne, ou si une personne est adulte ou mineure. Il n’existe actuellement pas de procédure d’évaluation, qu’elle soit médicale ou autre, permettant de déterminer, sans marge d’erreur, l’âge exact d’une personne. En outre, les méthodes et la qualité des processus de détermination de l’âge varient fortement d’un État européen à l’autre.
3. L’Assemblée parlementaire s’est intéressée à la question de la détermination de l’âge des enfants non accompagnés dans plusieurs de ses résolutions, notamment la Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe», la Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe, la Résolution 1996 (2014) «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?» et la Résolution 2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants. Elle y pose un certain nombre de garanties en matière de détermination de l’âge et souligne que les procédures y relatives devraient être uniquement entreprises en cas de doutes raisonnables sur l’âge d’une personne, et toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
4. L’Assemblée se félicite de la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, qu’elle soutient, et en particulier de son action visant à promouvoir des procédures de détermination de l’âge adaptées aux enfants pour les enfants migrants.
5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par le caractère potentiellement effrayant et traumatisant pour les enfants de certaines méthodes de détermination de l’âge et par le fait qu’elles peuvent constituer des traitements inhumains et dégradants. En outre, le processus de détermination de l’âge peut profondément bouleverser la vie de l’enfant – en cas de contestation de l’âge ou si l’enfant est déclaré adulte, il court beaucoup plus de risques d’être placé en centre de rétention et d’être expulsé. Le placement en rétention d’un enfant a des conséquences physiques et psychologiques profondes et durables sur sa santé et son développement.
6. La multiplicité des méthodes de détermination de l’âge utilisées en Europe reflète l’absence d’approche harmonisée et de méthode consensuelle. Pour l’Assemblée, la mise au point d'un modèle de détermination de l’âge adapté à l’enfant et axé sur une approche globale permettrait aux États européens de répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés. Elle appelle par conséquent les États membres:
6.1. à engager une procédure de détermination de l’âge individualisée et fiable pour les enfants migrants non accompagnés uniquement en cas de doutes sérieux sur leur âge et en dernier ressort, dans l’intérêt supérieur de l’enfant;
6.2. à fournir aux enfants migrants non accompagnés des informations fiables et dans leur langue sur les procédures de détermination de l’âge, de manière à ce qu’ils puissent pleinement comprendre les différentes étapes du processus auquel ils vont être soumis et les conséquences de celui-ci;
6.3. à désigner un tuteur chargé d’assister individuellement chaque enfant migrant non accompagné au cours de la procédure de détermination de l’âge;
6.4. à veiller à ce que tout enfant migrant non accompagné ou son représentant soit en mesure de contester la décision du processus de détermination de l’âge par des voies de recours administratives ou judiciaires appropriées;
6.5. à procéder seulement en dernier ressort à des examens radiographiques de la dentition ou du poignet et à toute autre procédure médicale intrusive aux fins de déterminer l’âge des enfants migrants non accompagnés ou séparés;
6.6. à veiller à ce que tous les examens médicaux soient différenciés selon l’ethnie de l’enfant;
6.7. à interdire, dans tous les cas, l’utilisation d’examens physiques de maturité sexuelle aux fins de déterminer l’âge d’enfants migrants non accompagnés et séparés;
6.8. à interdire le placement en rétention d’enfants non accompagnés ou séparés qui sont dans l’attente d’une procédure de détermination de leur âge ou soumis à une telle procédure, et interdire le placement en rétention de jeunes migrants lorsqu’il a été déterminé que leur âge est supérieur à 18 ans mais avec une marge d'erreur de deux à trois ans;
6.9. à identifier et offrir des solutions alternatives d’hébergement pour les enfants qui sont dans l’attente d’une procédure de détermination de leur âge ou soumis à une telle procédure, afin d’éviter le placement en rétention d’enfants dont l’âge est contesté, notamment en les plaçant temporairement dans des centres réservés aux enfants, où les garanties appropriées devraient être en place pour les protéger, ainsi que les autres enfants hébergés dans ces centres;
6.10. à appuyer et promouvoir l’élaboration d’un modèle global unique de détermination de l’âge en Europe fondé sur la présomption de minorité;
6.11. à veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que les procédures de détermination de l'âge soient pratiquées par des professionnels qui sont familiarisés avec les caractéristiques ethniques, culturelles et de développement des enfants concernés.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 20 septembre 2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2017) sur la détermination de l’âge adaptée aux enfants pour les enfants migrants non accompagnés.
2. L’Assemblée se félicite des travaux d’élaboration par le Comité ad hoc pour les droits de l’enfant (CAHENF), avec le soutien du Groupe de rédaction d’experts sur les droits de l’enfant et des garanties dans le contexte de la migration (CAHENF-Garanties), des lignes directrices sur la tutelle légale et la détermination de l’âge afin d’offrir des garanties appropriées aux enfants dans le contexte de la migration.
3. L’Assemblée invite le Comité des Ministres:
3.1. à adopter les lignes directrices relatives à la tutelle légale et aux procédures de détermination de l’âge adaptées aux enfants qu’élaborera le CAHENF, en tenant compte des recommandations pertinentes de l’Assemblée;
3.2. à assurer, par l’intermédiaire de l’organe intergouvernemental compétent, le suivi de la mise en œuvre de ces normes dans les États membres.

C. Exposé des motifs, par Mme Doris Fiala, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Alors que la «crise» des réfugiés et des migrations perdure en Europe, un nombre croissant d’enfants non accompagnés entreprend le dangereux voyage vers le continent. Du fait de l’intensification globale des flux migratoires et des difficultés liées au périple, il est plus que jamais probable que des familles soient séparées et que des jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes.
2. L’accroissement du nombre d’enfants non accompagnés ou séparés qui arrivent en Europe pose de véritables défis aux autorités chargées de les identifier, de les protéger et de leur apporter une assistance. Dans le contexte des récents développements de la crise, notamment la fermeture partielle ou totale de voies de migration à travers l’Europe, des organisations non gouvernementales (ONG) telles que Amnesty International ont déclaré que le traitement des enfants à certains points de passage frontaliers constitue un problème majeur au plan des droits de l'homme.
3. Des comportements douteux à l’endroit de ces enfants et l’absence d’un processus approprié et sûr d’identification et d’accueil peuvent amener les enfants à fuir d’un pays européen vers un autre, en quête de protection.
4. Il est donc crucial que les enfants bénéficient d’une protection adéquate, ainsi que des services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit, tels qu’un hébergement décent et le placement dans une école. À cette fin, il est nécessaire de déterminer l’âge de tout demandeur d'asile susceptible d’être un enfant.
5. Dans ce contexte, il importe encore plus que l’enfant soit considéré d’abord comme un enfant avant d’être considéré comme un migrant, conformément à l’article 2 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CDE) 
			(3) 
			CDE, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>article 2</a>.. Le Conseil de l’Europe a exprimé ses vives inquiétudes au sujet du traitement que certains États européens réservent aux réfugiés 
			(4) 
			Observations du Conseil
de l’Europe, <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/thematic-work/migration'>activités
thématiques sur les migrations</a>, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe,
M. Nils Muižnieks (2012-2016), à propos des questions des migrations
et des réfugiés: «Partout en Europe s'observent des tendances inquiétantes
concernant le traitement réservé aux demandeurs d'asile et aux réfugiés,
ainsi qu'aux migrants en situation irrégulière. (...) les enfants
migrants représentent actuellement l'un des groupes les plus vulnérables
d'Europe: beaucoup sont privés de tout accès aux soins de santé
de base et à l'éducation et courent le risque d'être exploités par
des passeurs ou des trafiquants.».
6. Il n’existe actuellement pas de procédure d’évaluation, qu’elle soit médicale ou autre, qui permette de déterminer, sans marge d’erreur, l’âge exact d’un enfant. En conséquence, les méthodes et la qualité des processus de détermination de l’âge varient fortement d’un État européen à l’autre.
7. Ces disparités peuvent se traduire par une série d’incidences négatives pour les enfants, telles que le fait de faire l’objet d'une erreur d'identification en tant qu’adultes ou le fait d’être placés en rétention avant et pendant le processus de détermination de l’âge. Les enfants qui ne sont pas crus risquent d’être laissés en marge du dispositif de prise en charge des enfants de l’État européen où ils se trouvent et de disparaître.
8. Outre le risque qu’ils n’accordent pas à un enfant, en sa qualité d’enfant, la gamme des droits qui sont les siens, certains processus de détermination de l’âge peuvent même, dans leur conception et mise en œuvre, traumatiser un enfant.
9. Le présent rapport s’appuie sur les constatations faites à partir de contributions d’États européens, du travail sur le terrain et de témoignages d’enfants. Il reflète comment les bonnes pratiques, découlant d’une approche globale et axée sur l’enfant en matière de détermination de l’âge, peuvent accélérer la réponse des organismes d’assistance à l'enfance aux besoins des enfants et atténuer l’éventail des incidences négatives.
10. Par ailleurs, je mets en évidence comment une approche globale de détermination de l’âge peut, en termes de partenariats opérationnels et stratégiques, rendre la coopération plus efficiente et faciliter l’élaboration de politiques et de procédures tenant compte des principes de base ayant trait aux droits de l'enfant.
11. L’Assemblée parlementaire a adopté plusieurs résolutions qui abordent le problème de la détermination de l’âge des enfants migrants, notamment la récente Résolution 2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants. Le rapport du rapporteur Manlio Di Stefano sur la question «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe» 
			(5) 
			Doc 14142. souligne un certain nombre de problèmes qui requièrent des mesures, notamment la transposition inégale des normes internationales dans les législations nationales et la nécessité résultante d’harmoniser les procédures qui s’appliquent aux enfants migrants non accompagnés. Le rapport «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?» 
			(6) 
			Doc 13505. a formulé des recommandations sur des questions telles que la détermination erronée de l’âge 
			(7) 
			Ibid.,
paragraphe 24., l’utilisation de l’apparence physique comme la seule méthode de détermination de l’âge 
			(8) 
			Ibid.,
section 2.2 – La stratégie envisagée. et l’application du principe du bénéfice du doute 
			(9) 
			Ibid.,
paragraphe 25..
12. L’Assemblée a souligné plusieurs garanties relativement à la détermination de l'âge: celle-ci devrait être uniquement entreprise en cas de doutes raisonnables; par une autorité indépendante; avec le consentement éclairé de l'enfant ou de son tuteur; et doit reposer sur une approche pluridisciplinaire utilisant, en conformité avec les normes d'éthique médicale, les méthodes les moins intrusives possible. La conclusion de cette procédure devrait être susceptible de recours, et le bénéfice du doute devrait être en faveur de l'enfant (présomption de minorité). Dans sa Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe, l’Assemblée a défini un ensemble de 15 principes communs que les États membres ont été invités à observer. Elle conclut que «les enfants non accompagnés doivent être traités avant tout comme des enfants et non comme des migrants».
13. Je saisis l’occasion de ce rapport pour saluer la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, menée depuis deux ans par l’Assemblée parlementaire et particulièrement axée sur les problèmes liés à la détermination de l’âge des enfants migrants non accompagnés. Dans le cadre de cette campagne, deux tables rondes ont été organisées sur ce thème et une étude d’inventaire des politiques et des procédures de détermination de l’âge appliquées dans les États membres du Conseil de l’Europe a été réalisée, qui recense les pratiques respectueuses des droits de l’enfant.
14. Le présent rapport s’appuie sur les travaux substantiels menés par l’Assemblée dans le domaine de la protection, de la détermination de l’âge et du traitement des enfants non accompagnés ou séparés au regard de leurs droits en tant qu’enfant. À travers une approche d’harmonisation, ce rapport entend conférer une valeur ajoutée à ces travaux et promouvoir de meilleures pratiques en matière de détermination de l’âge. Il propose des mesures qui pourraient informer les dispositifs applicables aux enfants non accompagnés ou séparés et améliorer la coopération interinstitutions.
15. Je tiens à remercier M. Philip Ishola, Président du Groupe de surveillance de l'évaluation stratégique de l’âge (Royaume-Uni), pour sa précieuse contribution à ce rapport.

2. Chiffres relatifs aux enfants non accompagnés

16. Dans l’ensemble de l'Union européenne, 63 290 
			(10) 
			Demandeurs
d'asile considérés comme mineurs non accompagnés, <a href='http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=fr&pcode=tps00194'>Eurostat</a>, données annuelles 2016.  enfants non accompagnés ont été enregistrés en tant que demandeurs d'asile en 2016, contre près de 96 465 en 2015 
			(11) 
			Demandeurs d'asile
considérés comme mineurs non accompagnés, <a href='http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=fr&pcode=tps00194'>Eurostat</a>, données annuelles 2015. . L’actuelle crise des migrants et des réfugiés pose de véritables défis aux organisations chargées d’identifier les enfants pour s’assurer que leurs besoins sont satisfaits en ce qui concerne leur bien-être physique et mental immédiat et leurs droits tels que consacrés par la législation sur la protection et les droits des enfants.
17. On ne dispose pas de statistiques complètes sur le nombre d’arrivées d’enfants pourvus ou dépourvus de papiers en Europe incluant les arrivées par voie aérienne et terrestre et les arrivées par un circuit irrégulier impliquant souvent le passage clandestin et la traite d'êtres humains, phénomène difficile à identifier et à dépister. Le nombre de demandes d'asile déposées par des enfants non accompagnés constitue une indication du chiffre total réel des arrivées d’enfants non accompagnés en Europe. Toutefois, il ne donne pas nécessairement une image fidèle de la situation, dans la mesure où certains enfants qui poursuivent leur voyage irrégulier ne déposent pas du tout de demande d’asile ou sont enregistrés en tant qu’adultes alors qu’ils sont des enfants. En plus, en raison de différences d’un État à un autre en termes de définitions, de procédures et de pratiques, la collecte de données précises sur les enfants non accompagnés ou séparés est particulièrement difficile (par exemple, les enfants séparés sont enregistrés soit comme accompagnés soit comme non accompagnés).

3. Cadre législatif et position des institutions européennes sur la détermination de l’âge

3.1. Cadres réglementaires internationaux

18. Les dispositions de la CDE servent de guide de référence et influencent les politiques dans la plupart des États européens. Cependant, même lorsqu’elle sert de référence, la CDE n’est pas nécessairement transposée sous forme de lignes directrices concrètes ou de pratiques dans les systèmes légaux de protection des enfants liés au régime d’asile et d’immigration. Cette lacune est susceptible de perpétuer une situation de confusion et de conflit entre les législations nationales et la CDE – confusion et conflit qui sont manifestes lorsque le principe en vertu duquel un enfant doit être considéré d’abord comme un enfant avant d’être considéré comme un migrant, tel qu’il découle de l’article 2 de la CDE 
			(12) 
			CDE, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>article 2</a>.1., n’est pas respecté au regard de la manière dont et de l’instance par laquelle un enfant fait l’objet d'une évaluation, de l’intérêt supérieur de l’enfant, des services fournis à un enfant et de l’organisme à qui échoit en dernier ressort la responsabilité de s’occuper d’un enfant et de lui apporter une assistance.
19. L’«intérêt supérieur de l'enfant» 
			(13) 
			<a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>Convention
des Nations Unies relative aux droits de l'enfant</a>, article 3; <a href='http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf'>Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne</a>, article 24; <a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32013L0032'>directive
relative à la procédure d’asile (refonte)</a>, article 25, paragraphes 1 et 6; <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:337:0009:0026:fr:PDF'>directive concernant
les normes minimales relatives aux conditions à remplir (refonte)</a>, article 20, paragraphe 5; <a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12012M/TXT'>Traité
sur l'Union européenne</a>, article 3, paragraphe 3.<a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12012M/TXT'></a> est un des quatre principes généraux de la Convention relative aux droits de l'enfant. À ce titre, il doit être directement applicable devant les tribunaux nationaux. Il s’agit d’un principe de droit interprétatif et d’une règle de procédure dans tout processus de prise de décision des États membres ayant ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
20. L’article 8 de la CDE impose à toute autorité de respecter «le droit de l'enfant de préserver son identité», laquelle inclut son âge et sa date de naissance.
21. L’article 12 de la CDE stipule que: «Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.»
22. Aux termes de l’article 39 de la CDE, «Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices».
23. L’Observation générale no 6 (2005) du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies (CRC) reconnaît l’importance de la détermination non seulement du statut d’un enfant, mais aussi de son âge, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’Observation générale no 6 stipule par ailleurs que cette opération «ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique».
24. L’Observation générale no 6 couvre le bénéfice du doute et la présomption de minorité. S’il existe une possibilité que l’intéressé soit un enfant, il devrait alors être traité en tant que tel. Une décision de refus d’accorder une protection internationale ne devrait pas se fonder uniquement sur le refus d’un enfant de se soumettre à un examen médical.
25. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») dispose au paragraphe 11.2 que «Chaque Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, en cas d’incertitude sur l’âge de la victime et lorsqu’il existe des raisons de croire qu’elle est un enfant, les mesures de protection et d’assistance prévues pour les enfants lui soient accordées, dans l’attente que son âge soit vérifié et établi».
26. Les Principes directeurs no 8 du HCR sur la protection internationale intitulés «Les demandes d’asile d’enfants dans le cadre de l'article 1A(2) et de l’article 1(F) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés» 
			(14) 
			HCR, Principes directeurs
sur la protection internationale [no 8]:
Les demandes d’asile d’enfants dans le cadre de l'article 1A(2)
et de l’article 1(F) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole
de 1967 relatifs au statut des réfugiés, 22 décembre 2009, HCR/GIP/09/08,
paragraphe 75., soulignent qu’il est important de procéder à l’évaluation de l’âge dans une atmosphère sûre, adaptée aux enfants, attentive aux questions de genre et respectueuse de la dignité de l'enfant.

3.2. Union européenne

27. Le droit de l’Union européenne comporte deux sources de garanties procédurales: la directive relative à la procédure d’asile et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 
			(15) 
			<a href='http://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain?docid=50ed43ea2'>Directive
2004/83/CE du Conseil</a> du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives
aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers
ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou
les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection
internationale, et relatives au contenu de ces statuts, [2004] JOUE
L304/12.. L'objectif principal de la directive concernant les normes minimales relatives aux conditions à remplir est, «d'une part, d'assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l'identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d'autre part, d'assurer un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous les États membres». La directive relative à la procédure d’asile 
			(16) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32013L0032'>Directive 2013/32</a> du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de
la protection internationale (refonte), paragraphe 6. est la seule qui traite directement de la question de la détermination de l’âge des enfants non accompagnés. Les enfants ont droit à une protection, dont le caractère réglementaire importe peu et qui ne devrait pas dépendre de leur statut administratif ou de la procédure à laquelle ils sont soumis.
28. L’article 25 de la directive relative à la procédure d’asile autorise le recours à un examen médical afin de déterminer l’âge d’un mineur non accompagné dans les États membres de l’Union européenne. Il ne couvre cependant pas spécifiquement les différentes méthodes existantes, mais énonce les droits de l'enfant et les garanties y afférentes: présomption de minorité, désignation d’un représentant, entretien(s) personnel(s) réalisé(s) par un professionnel qualifié, accès à des informations juridiques et procédurales à titre gratuit, utilisation de la méthode la moins intrusive possible, consentement éclairé, fait qu’aucune décision déniant la minorité ne se peut fonder uniquement sur un refus de l’intéressé de se soumettre à un examen médical et, enfin, protection de l’intérêt supérieur de l'enfant.
29. En 2013, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) a publié un rapport intitulé «EASO Age assessment practice in Europe» 
			(17) 
			<a href='http://www.scepnetwork.org/images/21/262.pdf'>EASO Age
assessment practice in Europe</a>, 2013 (en anglais)., qui vise à apporter un appui pratique aux États membres de l’Union européenne en matière de détermination de l’âge. Le Bureau a souligné le point essentiel selon lequel l’intérêt supérieur de l'enfant devrait être une considération primordiale dans la procédure de détermination de l’âge.
30. S’agissant de l'exposition aux rayonnements ionisants, c’est la directive «Euratom» 
			(18) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1431702527566&uri=CELEX:32013L0059'>Directive
«Euratom» fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire
contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants</a>, 2013/59. qui, dans l’Union européenne, réglemente l'exposition aux rayonnements ionisants à des fins non médicales, plus précisément son article intitulé «Pratiques impliquant l'exposition délibérée de personnes à des fins d'imagerie non médicale». La directive stipule que «toutes les procédures d'exposition individuelle à des fins d'imagerie non médicale utilisant des équipements radiologiques médicaux [doivent être] préalablement justifiées, en tenant compte des objectifs spécifiques de la procédure et des caractéristiques de la personne concernée».

3.3. Activités en cours du Conseil de l’Europe concernant la détermination de l’âge et les questions connexes

31. En septembre 2016, le Comité ad hoc pour les droits de l’enfant (CAHENF) a établi le Groupe de rédaction d’experts sur les droits de l’enfant et des garanties dans le contexte de la migration (CAHENF-Garanties), afin que celui-ci lui prête une assistance dans la réalisation de son mandat en rapport avec l’élaboration de normes sur la tutelle légale et la détermination de l’âge pour fournir aux enfants des garantis appropriées dans le contexte des migrations.
32. Le groupe CAHENF-Garanties est chargé d’examiner et d’élaborer des lignes directrices sur la tutelle légale et la détermination de l’âge. Pour ce qui concerne la détermination de l’âge, préalablement et dans le cadre de la première réunion, les orientations et les pratiques pertinentes actuelles au sein du Conseil de l’Europe ont été examinées, ce qui a donné une vue d'ensemble complète des dispositifs et des options en vigueur en rapport avec la détermination de l’âge et les droits d’un enfant non accompagné.
33. Le Bureau du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe est un organe très actif sur la question de la détermination de l’âge. En 2011, l’ancien Commissaire, M. Thomas Hammarberg, a souligné la nécessité d’une approche pluridisciplinaire ainsi que d’une confiance et d’un respect à l’endroit des enfants en matière de détermination de l’âge. Il a déclaré que «les rayons X ne permettent en aucun cas de déterminer un âge avec certitude» 
			(19) 
			Le Carnet des droits
de l'homme du Commissaire aux droits de l'homme, Thomas Hammarberg,
«<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/methods-for-assessing-the-age-of-migrant-children-must-be-improv-1?inheritRedirect=tr'>Les
méthodes d'évaluation de l'âge des migrants mineurs doivent être
améliorées</a>», 2011. en raison de la marge d’erreur inhérente à cette technique. Il a fait valoir que le bénéfice du doute devrait être accordé aux enfants, et qu’aucune décision ne devrait être prise uniquement sur la base d’un examen osseux. Il a expliqué en détail les raisons pour lesquelles cette méthode n’est pas fiable 
			(20) 
			Ibid.. En 2013, l’actuel Commissaire aux droits de l'homme, M. Nils Muižnieks, a réitéré, dans le rapport faisant suite à sa visite au Danemark 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/16806db6ef'>Rapport</a> de Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme
du Conseil de l’Europe, suite à la visite qu'il a effectuée au Danemark
du 19 au 21 novembre, p. 11, paragraphe 36 (en anglais)., que la détermination de l’âge ne devrait pas se fonder uniquement sur un examen médical, qu’une procédure pluridisciplinaire devrait être mise en place et que les mineurs doivent se voir accorder le bénéfice du doute en cas d’incertitude quant à leur âge, conformément à l’Observation générale no 6 (2005) du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies 
			(22) 
			Comité des droits de
l'enfant, Observation générale no 6 (2005), op. cit., paragraphe 31(i).. Dans le dernier rapport thématique sur «Réaliser le droit au regroupement familial des réfugiés en Europe», le Commissaire fait trois recommandations sur la façon d’établir des limites claires sur les procédures de la détermination de l’âge 
			(23) 
			Réaliser
le droit au regroupement familial des réfugiés en Europe, document
thématique, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
juin 2017, p. 34., en insistant sur le fait «qu’une évaluation de l’âge devrait être uniquement entreprise en cas de doutes raisonnables sur le fait que la personne est mineure», suggérant «qu’elle devrait être conduite par une autorité indépendante qui procédera à une évaluation multidisciplinaire sur une période de temps» et dans le cas où une évaluation médicale est nécessaire, «elle ne devrait être réalisée qu’avec l’accord de l’enfant ou de son tuteur».

4. Détermination de l’âge des enfants non accompagnés et des enfants séparés

4.1. Méthodologie de détermination de l’âge

34. La détermination de l’âge est un processus visant à établir l’âge des enfants et des jeunes non accompagnés ou séparés qui sont dépourvus de papiers dans les pays où ils sollicitent une protection.
35. Dans les pays européens, une procédure de détermination de l’âge est engagée lorsque des jeunes en provenance d’un pays tiers ne possèdent pas de papiers d’identité et que les autorités ont des doutes sur leur âge. Cette procédure est importante car elle peut faciliter la reconnaissance du statut de mineur et offrir ainsi à l’intéressé toutes les garanties associées (protection d’un tuteur, droit à un hébergement et à des soins adaptés aux enfants, droit de solliciter une protection internationale et une assistance appropriées, droit à l’éducation, etc.). Ces garanties contribuent également à protéger les enfants contre la violence et l’exploitation, le travail forcé et la traite.
36. Un grand nombre de méthodes sont employées à cet effet à travers l'Europe, notamment l’évaluation de l’apparence physique et divers tests médicaux, tels qu’un examen dentaire et une radiographie des dents et de certains os, des tests de maturité sexuelle et des évaluations globales comportant le cas échéant un volet psychosocial, suivant plusieurs combinaisons possibles. Toutefois, aucune de ces méthodes ne peut produire un résultat exact 
			(24) 
			Bureau européen d'appui
en matière d'asile, EASO Age assessment
practice in Europe, 2013, <a href='http://www.refworld.org/pdfid/532191894.pdf'>www.refworld.org/pdfid/532191894.pdf</a>.. La publication EASO Age assessment practice in Europe 
			(25) 
			Ibid.,
chapitres 3, 3.1 à 3.2.5, p. 23-31 et 41. (2013) présente une description et une analyse détaillées de toutes les procédures de détermination de l’âge existantes.
37. La responsabilité de la détermination de l’âge d’un jeune migrant non accompagné ou séparé échoit à l’autorité compétente de l'État dans la plupart des pays européens. Les entretiens de détermination de l’âge sont le plus souvent réalisés par des fonctionnaires de l'immigration, conformément au cadre législatif propre à chaque État européen. Un éventail de tests médicaux peuvent alors être utilisés en cas de contestation de l’âge. Dans un petit nombre d’États, des travailleurs sociaux interviennent dans la détermination de l’âge.
38. Ces différences en termes de pratiques pourraient traduire un défaut d’orientations, de formation et d’appui aux instances chargées de procéder à la détermination de l’âge, qui a pour conséquence une dépendance excessive vis-à-vis de l’apparence physique, en tant qu’indicateur de l’âge, et l’application d’outils scientifiques (examens médicaux et radiographie), en tant que méthodes pour déterminer l’âge de façon rapide. Outre les incidences qu’elles peuvent avoir sur l’état mental d’un enfant, ces pratiques peuvent également exposer les États y recourant à une action judiciaire.

4.2. Qui devrait mettre en œuvre la procédure de détermination de l’âge?

39. Il y a un débat animé sur la finalité des procédures de détermination de l'âge et la question de savoir qui devrait être en charge de leur mise en œuvre. Les arguments avancés incluent le point de vue selon lequel la détermination de l’âge est un mécanisme permettant d’identifier des adultes prétendant être des enfants et de les empêcher ainsi d’avoir accès à un système d’assistance prévu pour les enfants.
40. Les instances mettant en œuvre les procédures de détermination de l'âge sont confrontées à plusieurs problèmes qui compliquent leur démarche au stade de l’entretien ou de l’évaluation. La plupart des enfants en question ont enduré des souffrances et souvent même subi un traumatisme dans leur pays d’origine et pendant le voyage les ayant conduits dans pays où ils sont enregistrés par les autorités. Un des principaux problèmes réside dans le risque que les personnes chargées de déterminer l’âge provoquent ou réveillent un traumatisme chez un enfant parce qu’ils agissent en méconnaissant les facteurs psychosociaux.
41. La question de savoir qui est mieux placé pour remplir cette fonction soulève à son tour d’autres questions. Quels professionnels pourraient procéder à une évaluation de l’enfant d’une façon adaptée à son âge et propre à identifier un risque? Quel est le rôle des fonctionnaires de police et des services de contrôle aux frontières, ainsi que des professionnels médicaux dans la détermination de l’âge?
42. Au reste, ces questions mettent en évidence un conflit entre les procédures de détermination de l'âge axées sur l’enfant visant à fournir une assistance adaptée à l’âge et les procédures pensées pour déterminer l’âge à d’autres fins, telles que la procédure administrative de demande d'asile, ou pour s’assurer que des adultes ne se font pas passer pour des enfants. Les deux types de procédures sont importants en termes de conclusions; toutefois, la finalité administrative ne devrait pas être le principal moteur de la détermination de l’âge. Dans une approche globale de détermination de l’âge, les travailleurs sociaux seraient les professionnels en première ligne car ils mettent les besoins de l'enfant au premier plan; ils sont donc les mieux placés pour prévenir ou atténuer le risque de provoquer ou de réveiller un traumatisme chez un enfant. Le rôle des autres professionnels serait de contribuer à l’approche globale de détermination de l’âge d’un enfant non accompagné et de tenir compte des conclusions.
43. Les principales conclusions d’une procédure de détermination de l’âge axée sur l’enfant doivent être une assistance adaptée à l’âge, l’amorce d’une démarche visant à accorder à l’enfant non accompagné l’éventail des droits qui lui échoient et la régularisation de son statut d’enfant.
44. Une approche globale axée sur l’enfant tenant compte de la dimension sociale de la vie d’un enfant (situation familiale, antécédents scolaires, considérations ethniques et culturelles, niveau de compréhension de son monde et expériences) offrirait un mécanisme propre à résoudre toute contestation de l’âge.
45. Une approche globale peut aussi être sensible et adaptée aux besoins et à l’expérience de l'enfant, non conflictuelle et coopérative. Une telle approche est également pertinente, en termes de partenariats, pour tous les acteurs qui travaillent avec des enfants vulnérables. Il importe d’impliquer le réseau de professionnels qui apportent actuellement une assistance aux enfants. Les points de vue des professionnels (fonctionnaires des services de contrôle aux frontières et de l'immigration, enseignants, psychologues, tuteurs, représentants légaux, fonctionnaires de police, professionnels de la santé ou autres praticiens concernés), s’ils sont sollicités et pertinents, peuvent être utiles aux professionnels qui procèdent à la détermination de l’âge, tout en promouvant une coopération interinstitutions efficiente. Le fait de permettre à des organismes de coopérer suivant une approche axée sur l’enfant facilite l’élaboration d’orientations et de procédures propres à chaque organisme.
46. Pour ce qui est de savoir qui est le mieux placé pour évaluer un enfant d’une manière sensible et coopérative et dans une atmosphère sûre, tout en étant formé pour évaluer les besoins et identifier le risque, le travailleur social semblerait être le professionnel le mieux placé pour déterminer l’âge suivant une approche globale. Par ailleurs, on pourrait s’appuyer sur les relations que les travailleurs sociaux entretiennent avec les autres professionnels, aux fins du développement d’une approche pluri-institutions.

4.3. Détermination de l’âge par des moyens médicaux

47. La validité, l’exactitude et le caractère éthique des examens médicaux utilisés pour déterminer l’âge sont sujets à controverse. Ces procédures imposent souvent aux enfants de se soumettre à des examens physiques, qui peuvent comprendre, comme en Allemagne et Suède, un examen des organes génitaux de l’enfant dans le cadre d’un examen physique de la maturité sexuelle. Cette pratique a été assimilée à un traitement inhumain et dégradant dans les Observations finales du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies concernant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’Allemagne de janvier 2014, soumis en un seul document.
48. Par ailleurs, il peut arriver que des enfants non accompagnés soient exposés à des rayonnements ionisants (rayons X) à travers des radiographies dentaires et du poignet. Ces techniques sont sujettes à des inexactitudes de par leur nature, notamment la radiographie pour laquelle on estime que la marge d'erreur est comprise entre deux et trois ans en ce qui concerne la dentition, et entre trois et quatre ans pour le poignet. Cette marge d'erreur pose particulièrement problème dans le cas des enfants non accompagnés déclarant être âgés de 15 ou 16 ans 
			(26) 
			Mme Gunilla
Klingberg, professeur d’odontologie pédiatrique à l’Université de
Malmö en Suède, <a href='https://qz.com/520832/child-refugees-are-subjected-to-genital-tests-to-prove-their-age-and-they-may-not-even-work/'>“Quartz</a>”: «while dental X-rays can estimate the age of children
from three to 13 as they have more teeth developing, the room for
mistakes increases significantly for young adults». «The margin
of error for dental X-rays is estimated to be someone’s age is between
2-3 years, while for wrist X-rays the margin is between 3-4 years.»
«This margin of error can be particularly problematic for asylum
seekers claiming to be 15 or 16, you would never judge the age of
someone by measuring their height, so why ignore the same biological
variations that exist for teeth?» [Si la radiographie dentaire peut
permettre d’estimer l’âge d’enfants âgés de trois à treize ans,
dans la mesure où ils comptent plus de dents en cours de développement,
la marge d’erreur croît sensiblement dans le cas des jeunes adultes.
On estime que la marge d'erreur est comprise entre deux et trois
ans pour la radiographie dentaire, et entre trois et quatre ans
pour la radiographie du poignet. Cette marge d'erreur peut être
particulièrement problématique dans le cas des demandeurs d'asile
déclarant être âgés de 15 ou 16 ans. On ne jugerait jamais de l’âge
de quelqu’un sur la base de sa taille. Alors, pourquoi ignorer l’existence
de variations biologiques analogues pour la dentition?].
49. En outre, on dispose aujourd’hui de nombreuses données indiquant qu’une approche globale de détermination de l’âge exclut le recours aux examens médicaux, comprenant l’application de rayonnements ionisants. Le Royal College of Paediatrics and Child Health (RCPCH) recommande l’évaluation globale de l’âge en tant qu’approche la plus pertinente 
			(27) 
			RCPCH “<a href='http://www.rcpch.ac.uk/improving-child-health/child-protection/refugee-and-unaccompanied-asylum-seeking-cyp/age-assessment'>Refugee
and unaccompanied asylum seeking children and young people: age
assessment and children in detention</a>”, février 2016.. Le RCPCH déclare par ailleurs que l’évaluation radiologique est très imprécise et ne peut donner qu’une estimation assortie d’une marge de plus ou moins deux ans, et que l’application de rayonnements ionisants à cette fin est contre-indiquée 
			(28) 
			Ibid..
50. La British Society for Paediatric Endocrinology and Diabetes a un point de vue similaire, soulignant clairement qu’il n’est pas possible de déterminer avec exactitude l’âge d’un enfant sur la base d’un examen physique ou d’un examen osseux 
			(29) 
			BSPED <a href='http://www.bsped.org.uk/clinical/docs/BSPEDStatementOnPaediatricAgeAssessment.pdf'>Statement
on Paediatric Age Assessment 2010.</a>. La position actuelle du RCPCH et son conseil aux pédiatres 
			(30) 
			RCPCH, <a href='http://www.rcpch.ac.uk/improving-child-health/child-protection/refugee-and-unaccompanied-asylum-seeking-cyp/age-assessment'>Refugee
and unaccompanied asylum seeking children and young people: age
assessment and children in detention:</a> «when contacted, explain that dental x-rays, bone age
and genital examination will currently not add any further information
to the assessment process however this may change in future with
new evidence.»  est que, lorsqu’ils sont sollicités, ils expliquent que la radiographie dentaire, l’examen osseux et l’examen des organes génitaux n’apporteront pas d’autres informations au processus de détermination de l’âge en l’état actuel de la science, cette situation étant susceptible d’évoluer dans le futur à la faveur de progrès.
51. Dans ce contexte, ces méthodes soulèvent des questions éthiques concernant l’impact potentiel non seulement sur la santé physique d’un enfant, eu égard à l’utilisation de la radiographie, mais aussi sur sa santé mentale, eu égard par exemple au fait de soumettre l’enfant à un examen physique de maturité sexuelle qui pourrait être assimilé, comme indiqué tantôt, à un mauvais traitement ou traitement dégradant et violerait l’article 37(a) de la CDE 
			(31) 
			CDE, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>article 37(a)</a>..
52. Selon une publication de l’EASO 
			(32) 
			<a href='http://www.scepnetwork.org/images/21/262.pdf'>EASO, Age
assessment practice in Europe</a>, 2013, p. 88., l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Norvège, la Pologne, le Portugal, la Suède et la Roumanie utilisent l’examen dentaire en association avec différents types d’actes radiographiques 
			(33) 
			Ibid. pour déterminer l’âge. Par ailleurs, l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie et la Roumanie indiquent qu’ils recourent également à l’examen de la maturité sexuelle 
			(34) 
			Ibid.,
p. 89. en association avec un examen dentaire et différents types d’actes radiographiques.

4.4. Détermination de l’âge et contestation de l’âge

53. Pour les enfants non accompagnés ou séparés, les conséquences d’être déclarés «adulte» à tort et traités en conséquence sont potentiellement dévastatrices. Un enfant dont l'âge est contesté ne bénéficie d’aucune des procédures mises en place pour s’assurer que les expériences et la vulnérabilité de l’enfant sont prises en compte dans l'examen de sa demande d'asile. La demande d'asile peut être rejetée, et l'enfant placé dans un centre de détention d'immigrants et expulsé sans que son âge ait été évalué officiellement.
54. Un mécanisme imposant que tout enfant dont l’âge est contesté par les autorités soit immédiatement référé à l’instance compétente pour détermination de son âge et excluant une obligation pour tous les enfants non accompagnés ou séparés de se soumettre à une procédure de détermination de l’âge constituerait une protection utile contre une telle erreur.
55. Nombre d’enfants et de jeunes ne sont pas en mesure de fournir des preuves de leur âge, et il se peut même que certains ne connaissent pas leur âge chronologique. Il est possible qu’un enfant non accompagné ou séparé ait subi une maltraitance physique, mentale, sexuelle ou émotionnelle pendant son voyage vers l’Europe et souffre d’un syndrome de stress post-traumatique non diagnostiqué 
			(35) 
			Voir résumé d’étude
dans The British Journal of Psychiatry: <a href='http://bjp.rcpsych.org/content/191/1/3'>http://bjp.rcpsych.org/content/191/1/3</a>. Voir également Centre for the Study of Emotion and
Law: <a href='http://www.csel.org.uk/csel_publications.html'>http://www.csel.org.uk/csel_publications.html</a>.. De telles expériences peuvent affecter la capacité d’un enfant à participer de façon pleine et ouverte à une procédure de détermination de l’âge, l’enfant paraissant alors non coopératif ou trompeur à un professionnel non formé à cette situation. Or son attitude peut simplement traduire un manque de confiance dans les adultes en position d’autorité ou le fait d’être traumatisé ou apeuré.
56. Pour certaines organisations, la situation considérée soulève la question de la crédibilité d’un enfant, alors qu’elle pourrait simplement avoir un rapport avec ses expériences antérieures et non dénoter nécessairement une intention de tromperie. En conséquence, le fait de contester l’âge d’un enfant au lieu de lui accorder le bénéfice du doute peut avoir une incidence sur son implication, dans la mesure où l’enfant peut percevoir cette remise en cause de sa crédibilité et de son identité comme une autre forme de maltraitance mentale et/ou émotionnelle.
57. Une approche globale de détermination de l’âge mise en œuvre par des praticiens formés et compétents peut anticiper ce risque. Elle peut offrir un cadre dans lequel la situation de chaque enfant ou jeune peut être examiné de façon sensible et adaptée, atténuant ainsi tout risque de préjudice à l’enfant ou au jeune.
58. Pour ce qui est de savoir quand une procédure de détermination de l’âge devrait être mise en œuvre, les expressions «âge contesté» et «âge mis en doute» ont suscité un large débat entre les professionnels impliqués dans les procédures de détermination de l'âge, en particulier en cas d’utilisation d’indicateurs visuels de l’âge. Les raisons jugées valables pour contester l’âge peuvent différer sensiblement d’un professionnel à l’autre et être empreintes de subjectivité. Le Royaume-Uni a désormais stipulé, dans les directives officielles relatives à la prise en charge des enfants non accompagnés ou victimes de la traite (Statutory guidance «Care of Unaccompanied and Trafficked Children») 
			(36) 
			Department for Education,
Statutory guidance, <a href='https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/330787/Care_of_unaccompanied_and_trafficked_children.'>Care
of Unaccompanied and Trafficked Children, 2014.</a>, qu’une procédure de détermination de l'âge ne devrait pas être systématiquement appliquée à chaque enfant ou jeune sollicitant une assistance auprès de l’administration locale compétente, le Child Services Department. Une telle procédure devrait seulement être appliquée pour s’assurer que des services appropriés (notamment en matière d’éducation) sont fournis. Les orientations stipulent par ailleurs qu’un enfant ne devrait pas faire l’objet d’évaluations multiples à des fins administratives uniquement et qu’il doit y avoir un motif sérieux («significant reason») pour mettre en doute l’âge d'un enfant 
			(37) 
			Ibid.,
paragraphe 22, p. 7 et 8: «Age assessments should only be carried
out where there is significant reason to doubt that the claimant
is a child. Age assessments should not be a routine part of a local
authority’s assessment of unaccompanied or trafficked children.»
[Une procédure de détermination de l'âge ne devrait être mise en
œuvre que s’il existe un motif sérieux de douter que le demandeur
est un enfant. La procédure de détermination de l'âge ne devrait
pas être une mesure ordinaire du processus d’évaluation des enfants
non accompagnés ou victimes de la traite par une administration
locale.]; paragraphe 36, p. 10: «As for any looked after child,
a health plan and a personal education plan should be produced as
part of the overall care plan.» [Pour chaque enfant pris en charge,
un plan de santé et un plan d'éducation personnalisé devraient être
établis dans le cadre du plan de prise en charge global.]. Ces directives officielles ont été transposées dans des orientations pratiques à l’usage des travailleurs sociaux, à travers le guide 2015 sur la détermination de l'âge publié par l’association des directeurs des administrations d’assistance à l’enfance (Association of Directors of Children’s Services, Age Assessment Guidance, 2015).

4.5. Rétention d’un enfant

59. Tout comme l’article 37(a) de la CDE 
			(38) 
			CDE, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>article 37</a>(a). relatif aux traitements inhumains ou dégradants, l’article 37(b) 
			(39) 
			CDE, <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>article 37</a>(b).  relatif à la détention arbitraire est pertinent au regard du caractère légal de la détention: la détention «doit (...) n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible». Cette exigence s’explique par le fait qu’il peut arriver qu’un enfant soit placé dans un centre de détention ou dans un établissement équivalent en conséquence d’une détermination erronée de son âge ou dans l’intervalle d’une procédure de détermination de son âge. On pourrait considérer que ces deux pratiques sont contraires à l’article 37(b) du CDE 
			(40) 
			Ibid..
60. Les études montrent que le placement d’un enfant dont on a des doutes sur son âge dans un centre d’accueil ou de rétention pour adultes est beaucoup plus risqué que le placement d’un adulte dans un centre d’hébergement réservé aux enfants 
			(41) 
			Détermination de l’âge:
Politiques, procédures et pratiques des États membres du Conseil
de l’Europe respectueuses des droits de l’enfant dans le contexte
de la migration, rapport élaboré par Daja Wenke pour le CAHENF-Garanties,
septembre 2017.. Par conséquent, il est très important de proposer des solutions de substitution en matière d’hébergement aux enfants qui sont dans l’attente d’une procédure de détermination de l’âge ou soumis à une telle procédure, afin de mettre fin à la rétention d’enfants dont l’âge fait débat, notamment en les plaçant temporairement dans des centres où les garanties nécessaires devraient être en place pour les protéger, ainsi que les autres enfants qui y sont hébergés.

4.6. Exemples de pratiques de détermination de l’âge dans divers pays européens

4.6.1. Malte

61. Conformément à l’article 1er de la CDE, Malte reconnaît comme enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans.
62. À Malte, la détermination de l’âge est effectuée par l’Agence pour la protection sociale des demandeurs d’asile (Agency for the Welfare of Asylum Seekers – AWAS). Forte de cette prérogative, l’Agence peut donc développer toutes les compétences nécessaires pour mettre en œuvre une approche globale de détermination de l’âge. Le cadre en la matière prévoit notamment la possibilité de recourir aux techniques médicales, y compris aux rayonnements ionisants (rayons X) et en particulier aux tests de densité osseuse, afin de déterminer l’âge.
63. La procédure de détermination de l’âge développée et appliquée à Malte pour les enfants migrants a été revue fin 2014 et a été améliorée par la reconnaissance de la nécessité d’adopter une approche globale, en intégrant notamment de manière plus poussée le principe du bénéfice du doute dans la prise de décision. Il apparaît toutefois que l’intégration de ces améliorations a été lente entre la révision de 2014 et mars 2017. Conformément à la nouvelle politique, les migrants en situation irrégulière dont il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’enfants doivent immédiatement être traités comme tels, sans recours à une quelconque procédure de détermination de l’âge. Dans tous les autres cas, une telle procédure doit être engagée. Ce système permet d’appliquer le principe du bénéfice du doute.
64. Bien que les documents juridiques et politiques fassent parfois référence à cette procédure, celle-ci n’est pas réglementée par la loi. La seule référence aux procédures de détermination de l’âge dans la législation figure dans les Règles de procédure, à la règle 17, qui porte sur le recours aux procédures médicales pour déterminer l’âge dans le contexte d’une demande d’asile.

4.6.2. Serbie

65. Pour la Serbie, un mineur migrant non accompagné est «un étranger qui n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans et qui, au moment de son entrée en République de Serbie ou immédiatement après, n’est accompagné ni de ses parents ni d’un tuteur» 
			(42) 
			Article
2 de la loi sur l'asile. .
66. L’identification des mineurs non accompagnés et la détermination de leur âge sont effectuées par des fonctionnaires (des policiers généralement) dès le premier contact avec l’enfant non accompagné ou séparé de ses parents ou de son tuteur. Il n’existe aucune méthode ni procédure officielle permettant de déterminer avec certitude l’âge des demandeurs d’asile, ce qui signifie que leur parole, ou tout document en leur possession, ainsi que les observations personnelles des agents en charge, sont les seuls critères utilisés pour déterminer l’âge.

4.6.3. Espagne

67. Conformément à l’article 1er de la CDE, l’Espagne reconnaît comme enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans.
68. En 2014, un protocole 
			(43) 
			<a href='https://www.boe.es/boe/dias/2014/10/16/pdfs/BOE-A-2014-10515.pdf'>Accord-cadre
du 13 octobre 2014 sur les mesures relatives aux mineurs étrangers
non accompagnés.</a> d’accord entre les ministères de la Santé et des Services sociaux, de l’Intérieur, de la Justice, de l’Emploi et des Affaires étrangères, ainsi que la Fiscalia General (Parquet Général), a été adopté en vue de coordonner les mesures prises par tous les services compétents du gouvernement espagnol en relation avec les enfants non accompagnés. Ce protocole établit un cadre pour l’identification des mineurs non accompagnés qui arrivent par voie maritime et définit la procédure à suivre pour déterminer l’âge en cas de doute sur l’âge d’un mineur. Il convient de noter que les questions relatives à l’enfance relèvent de la compétence des régions autonomes, qui se partagent la responsabilité de la gouvernance en Espagne.
69. Le protocole établit que les passeports et les documents de voyage des migrants mineurs délivrés par les autorités officielles doivent être considérés comme des preuves suffisantes de leur âge. Le protocole prévoit également un certain nombre d’exceptions dans lesquelles le mineur peut être considéré comme sans papiers et donc susceptible d’être soumis à une procédure de détermination de l’âge au moyen d’examens médicaux.
70. Dans la pratique toutefois, ces procédures médicales constituent la règle plutôt que l’exception et sont appliquées à la fois aux enfants munis de papiers et aux enfants sans papiers, même quand ils présentent des documents d’identité officiels ou semblent manifestement en-deçà de l’âge de la majorité. Dans la pratique, le bénéfice du doute n’est pas accordé à l’enfant.
71. Dans le système espagnol de détermination de l’âge, il n’existe pas d’organisation ou d’organisme ad hoc spécialisé(e) chargé(e) de procéder aux examens médicaux afin de déterminer l’âge de mineurs accompagnés ou non accompagnés.

4.6.4. Suède

72. Depuis le 1er mai 2017, l’Office suédois des migrations applique une procédure de détermination de l'âge pour tous les enfants migrants non accompagnés ou séparés, à un stade précoce du processus de demande d’asile 
			(44) 
			Conformément à la loi
modifiée sur les étrangers, voir communiqué de presse de mars 2017
des Services du Gouvernement suédois intitulé «Age assessment earlier
in asylum process».. La loi sur les étrangers a été modifiée afin d’empêcher que des demandeurs d'asile adultes se fassent identifier en tant qu’enfant et bénéficient des ressources destinées aux enfants.
73. Les membres de la Commission suédoise des migrations qui prennent part aux procédures de détermination de l’âge sont régulièrement formés aux divers aspects de ces procédures, y compris les techniques d’entretien et l’évaluation au regard des éléments de preuve. L’Office suédois des migrations dispense des formations sur la manière d’interroger les enfants et sur le développement de l’enfant, avec un accent particulier sur les aspects culturels et la dimension du genre 
			(45) 
			Détermination de l’âge:
Politiques, procédures et pratiques des États membres du Conseil
de l’Europe respectueuses des droits de l’enfant dans le contexte
de la migration, op. cit.,
paragraphe 167. .

4.6.5. Ukraine

74. En Ukraine, la procédure de détermination de l’âge est assurée par plusieurs services à la fois et est divisée en trois étapes. La commission locale est composée d’agents des unités des collectivités locales chargées de la santé, de l’éducation, de la protection sociale, des services à l’enfance, ainsi que de pédagogues sociaux et de psychologues. Les décisions sont prises à la majorité des voix 
			(46) 
			Ibid.,
paragraphe 124..

4.7. Une approche globale de détermination de l’âge

75. En 2015, le Royaume-Uni a adopté des orientations relatives à une détermination de l’âge basée sur une méthodologie globale, lesquelles orientations interdisent l’utilisation de techniques médicales intrusives, y compris l’application de rayonnements ionisants, et tout autre procédé médical pour déterminer l’âge en l’absence d’une nécessité médicale. En plus, les directives officielles relatives à la prise en charge des enfants non accompagnés et victimes de la traite (Statutory guidance «Care of Unaccompanied and Trafficked Children») fournissent des orientations utiles aux praticiens, notamment en reconnaissant qu’il est l’important d’accorder le bénéfice du doute aux enfants: lorsque l’âge de l’intéressé est mis en doute, il doit être traité comme un enfant tant qu’une procédure complète de détermination de l’âge n’aura pas montré qu’il est un adulte 
			(47) 
			Department for Education,
Statutory guidance, <a href='https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/330787/Care_of_unaccompanied_and_trafficked_children.'>Care
of Unaccompanied and Trafficked Children, 2014, paragraphe 7, p. 4.</a>.
76. Cette approche permet de répondre aux besoins et aux droits des autres enfants pris en charge, tout en garantissant qu’un enfant dont l’âge est contesté et qui est soumis à une procédure de détermination de l’âge bénéficie de la même assistance et des mêmes services que tout autre enfant. Si une personne déclare être un enfant non accompagné alors qu’elle se trouve dans un centre de détention pour immigrants ou autrement privée de liberté, cette information doit être portée à l’attention de l’administration locale compétente, le Child Services Department, à moins que l’intéressé ne soit manifestement un adulte. Lorsqu’un enfant non accompagné dont l'âge est contesté est signalé aux services de protection de l’enfance, il doit être libéré et confié à cette administration, devenant ainsi un «enfant pris en charge» 
			(48) 
			La définition de l’enfant
pris en charge («children in care») figure à l’article 22.2 de la
loi de 1989 sur l'enfance, relatif aux obligations des administrations
locales à l’endroit des enfants pris en charge par elles (<a href='http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents/enacted'>Children Act
1989</a>, <a href='http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/part/III/crossheading/duties-of-local-authorities-in-relation-to-children-looked-af'>22.2, Duties
of local authorities in relation to children looked after by them</a>). , en attendant la conclusion de la procédure de détermination de l’âge. Si l’intéressé est déclaré adulte, il est renvoyé vers le système d’assistance aux demandeurs d’asile adultes. Dans le cas inverse, si l’intéressé est déclaré être un enfant, il continue à bénéficier d’une prise en charge adaptée aux enfants.
77. Etant donné que les procédures globales de détermination de l'âge relèvent de la responsabilité de l’administration locale compétente (Child Services Department), elles sont couvertes par le volet «bien-être et protection de l'enfant» du cadre relatif à l’évaluation et à la prise en charge. Ce dispositif donne à l’enfant non accompagné un accès rapide à la gamme de services disponible à tout enfant dans le besoin au Royaume-Uni. Ces services incluent l’hébergement, accès à l’éducation ainsi que des services de santé physique et mentale. La tâche de détermination de l’âge est mise en œuvre par des travailleurs sociaux qualifiés qui explorent le milieu dont est issu l’enfant, ses antécédents familiaux, son parcours scolaire, les facteurs culturels et la situation émotionnelle de l'enfant reflétant la vision et la compréhension qu’a l’enfant de ses propres situation et expérience (évaluation émotionnelle).
78. La procédure de détermination de l'âge n’est mise en œuvre que lorsque l’âge d'un enfant est contesté par le ministère de l'Intérieur (Home Office) ou par l’administration locale compétente (Children's Services Department). D’autres services, tels que les établissements de santé ou d’enseignement, peuvent également soulever la question de l’âge d'un enfant et de la prise en compte de leur point de vue. Cependant, comme l’indiquent les directives officielles relatives à la prise en charge des enfants non accompagnés ou victimes de la traite (Statutory guidance «Care of Unaccompanied and Trafficked Children») 
			(49) 
			Department for Education,
Statutory guidance, <a href='https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/330787/Care_of_unaccompanied_and_trafficked_children.'>Care
of Unaccompanied and Trafficked Children, 2014.</a>, la conclusion de la détermination de l’âge s’impose à tous les organismes intéressés, qui, à l’instar de l'enfant, peuvent introduire un recours y afférent devant la justice.
79. Dans le contexte d'une évaluation globale, le lieu de l’entretien de détermination de l’âge est reconnu comme important et doit être propre à aider l'enfant ou le jeune à se sentir en sécurité, à l’aise et en mesure de participer au mieux de ses possibilités à l’entretien. C’est ce qui ressort du guide 2015 sur la détermination de l'âge publié par l’association des directeurs des administrations locales d’assistance à l’enfance (ADCS, Age Assessment Guidance, 2015), qui recommande par ailleurs d’inviter l’enfant non accompagné à indiquer le lieu où il préférerait que l’évaluation ait lieu. Les locaux tels que les postes de police sont jugés inadaptés pour la conduite d’une procédure de détermination de l'âge.
80. Au fil des ans, la procédure de détermination de l’âge a évolué pour inclure des informations sur le pays d'origine et, s’il y a lieu, des informations émanant des professionnels. Les travailleurs sociaux prennent en compte les points de vue de ces professionnels et apportent un soutien à des acteurs tels que les familles d'accueil, les enseignants et les avocats.
81. Pour résumer, les points de focalisation relatifs aux risques et à la santé, tels qu’ils ressortent du guide sur la détermination de l'âge suivant une approche globale (ADCS, Age Assessment Guidance, 2015), sont les suivants:
  • Se peut-il que l'enfant non accompagné ait été victime de la traite ou ait subi une maltraitance?
  • L'enfant non accompagné a-t-il d’autres besoins, outre ceux liés au fait d’être seul?
  • Se peut-il que cet enfant ait des problèmes de santé physique, mentale ou émotionnelle?
  • Se peut-il qu’il ait des difficultés d’apprentissage?
  • Se peut-il que les expériences vécues dans son pays d'origine ou pendant son voyage à destination du pays aient un impact sur sa capacité à répondre pleinement aux questions?
  • Quel est l’actuel statut de l'enfant ou du jeune au regard de la législation sur l'immigration, et a-t-il besoin d’une assistance en rapport avec ce statut avant et/ou après l’évaluation?
  • L'enfant ou le jeune bénéficie-t-il d’un hébergement décent avant et après l’évaluation?
82. La prise en compte de tous ces facteurs dans une évaluation peut réduire les risques associés à une détermination erronée de l’âge. Elle atténue le risque qu’un adulte soit identifié en tant qu’enfant et placé dans des structures de prise en charge d’enfants, tels que des écoles, des familles d'accueil et des centres d'accueil ou foyers pour enfants. Elle atténue en outre les risques auxquels est exposé un enfant non accompagné qui est identifié de façon erronée en tant qu’adulte et orienté vers le système de demande d’asile des adultes ou renvoyé vers son pays d'origine ou un pays tiers, sur la base des dispositions dites «Dublin lll» 
			(50) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=celex:32013R0604'>Dispositions
«Dublin lll» 2014.</a>. Ces deux risques sont réels et ne devraient pas être négligés. Cela étant, en termes de protection de l’enfant et de droits de l’enfant, ces situations mettent en exergue certains risques associés au travail avec des enfants vulnérables en général et l’importance de disposer de spécialistes de l’enfance formés et compétents pour traiter le cas de chaque enfant.
83. D’après une étude récente du Conseil de l’Europe 
			(51) 
			Détermination de l’âge:
Politiques, procédures et pratiques des États membres du Conseil
de l’Europe respectueuses des droits de l’enfant dans le contexte
de la migration, op. cit., 19 pays européens appliquent une approche globale en matière de détermination de l’âge. Six de ces pays appliquent une approche pluridisciplinaire qui se contente de combiner différents types d’examens médicaux. En Ukraine par exemple, la détermination de l’âge est effectuée par une commission locale composée d’agents des unités des collectivités locales chargées de la santé, de l’éducation, de la protection sociale, des services à l’enfance, ainsi que de pédagogues sociaux et de psychologues. La procédure est divisée en trois étapes et la décision est prise à la majorité des voix. En Italie, la législation nationale confère aux autorités chargées de la sécurité publique la responsabilité de déterminer l’âge du mineur, avec la participation de médiateurs culturels et en présence du tuteur de l’enfant ou d’un tuteur temporaire. La procédure de détermination de l’âge ne débute qu’après s’être assuré que l’enfant a reçu une assistance humanitaire immédiate.
84. D’autre part, le développement d’un modèle européen unique de détermination de l’âge, axé sur l'enfant, répondrait aux besoins de tous les organismes qui s'occupent d'enfants non accompagnés ou séparés et servirait de base pour régler les conflits interinstitutions sur la question de savoir quand, pourquoi et comment l’âge d’un enfant est contesté.
85. En conformité avec la CDE et les normes existantes du Conseil de l’Europe sur les droits de l'homme, une procédure globale de détermination de l’âge devrait être conçue en des termes assez souples pour être applicable dans différentes situations sur le terrain, qu’il s’agisse d’environnements nationaux stables ou de foyers de migration intense, en passant par les points de passage frontaliers, les centres de détention et les voies de migration.

5. Conclusions et recommandations

86. Le présent rapport identifie les risques auxquels sont exposés les enfants dont l’âge est déterminé de façon erronée et les incidences négatives de certaines méthodes de détermination de l’âge. Il décrit également un modèle de détermination de l’âge permettant de répondre à ces incidences et de les réduire au minimum.
87. La principale conclusion du présent rapport est que la détermination de l’âge devrait uniquement être effectuée en cas de doute sérieux sur l’âge d’un enfant et en dernier ressort. Elle devrait uniquement être effectuée dans l’intérêt supérieur de l’enfant et au cas par cas.
88. Toute procédure de détermination de l’âge devrait en premier lieu se soucier des répercussions en cas d’inexactitude. Le placement dans un centre de rétention pour immigrants et la reconduite à la frontière sont des suites très courantes en cas de contestation de l’âge d’un enfant ou lorsqu’il est considéré comme étant un adulte. On ne saurait trop souligner les effets psychologiques de la détention, en particulier les effets négatifs sur la santé et le développement de l’enfant.
89. Il importe également de fournir aux enfants migrants non accompagnés des informations fiables et dans leur langue sur les procédures de détermination de l’âge, de manière à ce qu’ils puissent pleinement comprendre les différentes étapes du processus auquel ils vont être soumis et les conséquences de celui-ci.
90. La multiplicité des méthodes de détermination de l’âge utilisées en Europe reflète l’absence d’approche et de méthode harmonisées. La mise au point d'un modèle de détermination de l’âge adapté à l’enfant et axé sur une approche globale, ainsi que l’élaboration d’un programme de formation, permettraient aux États européens de répondre aux besoins des enfants migrants non accompagnés ou séparés et, ce faisant, de satisfaire aux obligations imposées aux États signataires par les articles pertinents de la CDE. Par ailleurs, il importe d’éviter de se fonder trop systématiquement sur l’apparence physique et d’atténuer les conséquences négatives associées à la mise en question de la crédibilité d’un enfant. En outre, un modèle harmonisé de détermination de l’âge permettrait de mettre fin aux tests de maturité sexuelle imprécis et potentiellement traumatisants et de ne plus exposer les enfants à des rayonnements ionisants (rayons X) à travers des radiographies de la dentition et du poignet, qui ne garantissent pas un résultat précis et sont contestables d’un point de vue éthique dans le cadre d’une procédure médicale de détermination de l'âge.
91. Tout enfant migrant non accompagné ou son représentant devrait avoir le droit de contester la décision du processus de détermination de l’âge par des voies de recours administratives ou judiciaires.
92. Sur la base des conclusions ci-dessus, l’Assemblée devrait réitérer son appel aux États membres du Conseil de l’Europe, tel que formulé dans sa Résolution 2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants, à mettre fin à la pratique de rétention des enfants non accompagnés et séparés, et les appeler:
  • à interdire le recours aux examens radiographiques, notamment de la dentition ou du poignet, et à toute autre procédure médicale intrusive aux fins de déterminer l’âge des enfants migrants non accompagnés ou séparés, sauf en cas de nécessité médicale avérée liée à l’état de santé ou si une telle nécessité médicale est diagnostiquée;
  • à interdire, dans tous les cas, le recours aux examens physiques de maturité sexuelle aux fins de déterminer l’âge d’enfants migrants non accompagnés ou séparés, et ce, dans l’intérêt supérieur de l'enfant;
  • à interdire le placement en rétention d’enfants migrants non accompagnés ou séparés qui sont dans l’attente d’une procédure de détermination de leur âge ou soumis à une telle procédure, et interdire le placement en rétention de jeunes lorsqu’il a été déterminé que leur âge est supérieur à 18 ans mais avec une marge d'erreur de deux à trois ans;
  • à identifier et offrir des solutions alternatives d’hébergement pour les enfants qui sont placés en rétention dans l’attente d’une procédure de détermination de leur âge ou pendant une telle procédure, afin d’éviter le placement en rétention d’enfants dont l’âge est ou peut être contesté. Il peut s’agir notamment d’un placement temporaire dans des centres réservés aux enfants qui offrent les garanties appropriées pour les protéger, ainsi que les autres enfants hébergés dans ces centres;
  • à mettre fin au placement en rétention d’enfants dont l’âge est contesté et dont il a été déterminé qu’il est supérieur à 18 ans mais avec une marge d’erreur de deux à trois ans.
93. Parallèlement, l’Assemblée devrait inviter instamment le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à promouvoir l’élaboration d’un modèle global unique de détermination de l’âge en Europe, en premier lieu en adoptant les lignes directrices relatives aux procédures de détermination de l’âge adaptées aux enfants élaborées par le comité CADEH-Garanties, et en deuxième lieu en assurant, par l’intermédiaire de l’organe intergouvernemental compétent, la mise en œuvre de ces normes dans les États membres.