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Addendum au rapport | Doc. 14403 Add. | 10 octobre 2017
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan
Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)
1. Introduction
1. Lors de sa réunion du 7 septembre
2017, la commission de suivi a approuvé un rapport et adopté un projet
de résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan en vue de sa présentation à la partie de session
d’octobre 2017. Au cours de la réunion, nous avons annoncé que nous effectuerions
une visite d’information dans le pays du 13 au 17 septembre 2017
et que nous entendions faire part des derniers événements survenus
dans le pays dans un addendum à notre rapport.
2. Les discussions qui ont eu lieu durant la visite d’information
se fondaient sur le projet de résolution adopté par la commission
de suivi et portaient sur des questions liées à l’indépendance du
pouvoir judiciaire, au système de justice pénale, aux conditions
de détention, à la liberté d’association et en particulier à la législation
relative aux organisations non gouvernementales (ONG). Les entretiens
ont également porté sur la liberté des médias et la mise en œuvre
pleine et entière des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Des réunions ont été organisées avec le Président de la République,
le chef de son administration, le vice-ministre de la Justice, le
Président du Parlement et la délégation azerbaïdjanaise auprès de l’Assemblée
parlementaire, ainsi qu’avec des représentants de la société civile,
des journalistes, des juristes et les familles de personnes placées
en détention. Des rencontres ont également eu lieu avec des personnes qualifiées
de «prisonniers politiques». Le présent addendum veut tenir compte
des évolutions les plus récentes dans les domaines d’importance
pour notre rapport.
2. Événements récents
2.1. Liberté des médias
3. Depuis la rédaction de notre
rapport, des événements préoccupants pour la liberté des médias
se sont produits, comme l’a signalé la Plate-forme du Conseil de
l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité
des journalistes . Nous avons discuté de ces questions
au cours de notre visite et avons considéré comme important de les
intégrer dans notre rapport.
4. Avant notre visite, l’administration fiscale azerbaïdjanaise
a ouvert une enquête pénale à l’encontre de l’agence de presse Turan
pour sous-déclaration présumée de bénéfices et des agents du fisc
ont perquisitionné ses locaux. L’agence Turan a démenti ces accusations
et saisi le tribunal administratif. Entre-temps, Mehman Aliyev,
son directeur, a été arrêté, accusé de fraude fiscale et placé en
détention provisoire pendant trois mois. L’agence Turan a annoncé
qu’elle suspendait ses activités en raison du gel de ses comptes en
banque et de l’arrestation de son directeur. Avant notre visite,
Mehman Aliyev a été remis en liberté et placé sous surveillance
policière pendant la durée de l’enquête. Il a eu interdiction de
quitter Bakou, où nous avons pu le rencontrer dans ses bureaux.
Depuis, nous avons reçu des informations contradictoires selon lesquelles l’accusation
de fraude fiscale portée contre Turan aurait été abandonnée et/ou
rétablie et ses avoirs gelés et/ou débloqués. Toutes les charges
pénales retenues contre Mehman Aliyev doivent être abandonnées et
toutes les mesures de restriction prises à l’encontre de l’agence
de presse Turan doivent être levées. Il est en effet essentiel que
l’agence Turan puisse se remettre au travail et contribuer ainsi
au pluralisme des médias dans le pays.
5. Nous nous félicitons de la libération de Faiq Amirli, directeur
financier du journal d’opposition Azadliq, qui
a eu lieu durant notre visite. Il avait été accusé de propager la
haine nationale et religieuse, de «soutenir des sectes religieuses»
et de «perturber l’ordre public en exerçant des activités religieuses»,
après la prétendue découverte par la police dans sa voiture de documents
portant sur Fethullah Gülen. Il a été condamné à trois ans et trois
mois d’emprisonnement et à 39 000 manats (€ 20 000) d’amende. Le 15 septembre
2017, la Cour d’appel de Bakou a décidé de le libérer et de le condamner
à trois ans avec sursis.
6. Après notre visite, le 18 septembre 2017, le tribunal des
infractions graves de Sheki a condamné Elchin Ismayilli, fondateur
et rédacteur en chef de Kend.info,
un site d’information en ligne connu pour ses reportages sur la
corruption et les violations des droits de l’homme dans la région
d’Ismayilli en Azerbaïdjan, à neuf années d’emprisonnement. Comme
mentionné dans notre rapport, il a été inculpé d’extorsion de fonds
obtenus par la menace, l’abus de pouvoir et la corruption.
7. Le 9 septembre 2017, la cour d’appel de Bakou a confirmé la
prolongation de la détention provisoire d’Aziz Orujov, directeur
de la chaîne de télévision sur Internet «Kanal 13», que nous avons
rencontré dans le centre de détention provisoire no 1.
Il est reconnu comme prisonnier de conscience par Amnesty International.
8. Nous tenons à rappeler que les médias et les journalistes
doivent être en mesure de mener leurs activités en toute liberté,
sans être intimidés ou exposés à une ingérence indue.
2.2. État de la mise en œuvre du décret présidentiel du 10 février 2017
9. Dans notre rapport, nous avons
salué la réforme visant à «humaniser» le système de sanctions et
à éviter les peines et les détentions inutilement lourdes, instaurée
par le décret présidentiel du 10 février 2017. Il importe dorénavant
que ce décret soit dûment et promptement appliqué. C’est pourquoi
nous avons discuté avec les autorités des prochaines mesures à prendre
pour assurer sa mise en œuvre.
10. Nous avons été informés que des projets de loi relatifs à
l’humanisation des peines – qui représentent plus de 300 amendements
législatifs – ont été élaborés par la Cour suprême, le procureur
général et le ministère de la Justice, et soumis au Président. Des
projets d’amendements au Code pénal ont été transmis au parlement
en juin 2017. Ils comprennent des dispositions relatives à la dépénalisation
de 15 infractions et, dans trois articles, relèvent le seuil de
l’engagement de la responsabilité pénale. De nouvelles dispositions
sont également prévues pour lever la responsabilité pénale des personnes
ayant indemnisé l’État ou la victime, ainsi que des toxicomanes
suivant un traitement. Des peines de substitution à l’emprisonnement
sont en outre prévues pour 158 infractions et la durée d’emprisonnement
est réduite pour 36 infractions. Enfin, des modifications du Code
de procédure pénale et du Code de l’exécution des peines autorisant
notamment la surveillance électronique ont été préparées. Elles
devraient être soumises au parlement dans un avenir proche. Selon
le gouvernement, les projets de loi devraient être adoptés par le
parlement au cours de la session d’automne.
11. D’après les statistiques fournies par les autorités, le nombre
de personnes placées en détention provisoire a baissé de 25 % entre
les mois de janvier et de septembre 2017. Par rapport aux neuf premiers mois
de l’année 2016, le nombre de détenus a chuté de 24 % au cours des
neuf premiers mois de l’année 2017.
2.3. Exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
12. Depuis la rédaction de notre
rapport, le Comité des Ministres a pris de nouvelles mesures concernant l’état
d’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
par l’Azerbaïdjan.
13. Le 13 septembre 2017, le Secrétaire Général du Conseil de
l’Europe a recommandé au Comité des Ministres d’enclencher la procédure
de l’article 46.4 avec effet immédiat concernant l’arrêt Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan. Dans
leur décision du 21 septembre 2017, les Délégués ont chargé le Secrétariat
de préparer un projet de résolution intérimaire de mise en demeure
de l’Azerbaïdjan, conformément à l’article 46.4 de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et de faire part de l’intention du Comité de saisir la Cour pour
déterminer si l’Azerbaïdjan a ou non manqué à son obligation découlant
de l’article 46.1 pour examen lors de sa 1298e réunion
(25 octobre 2017), si aucun progrès tangible ne devait être accompli
pour assurer la libération du requérant.
14. En l’affaire Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan,
également examinée dans notre rapport, les Délégués ont exhorté
les autorités à verser sans délai le solde de la satisfaction équitable
et à explorer tous les moyens à disposition, dont la réouverture
de la procédure contestée, afin de supprimer les conséquences des
violations constatées.
2.4. Autres événements
15. Quelques jours avant notre
visite, 14 personnes condamnées pour des faits liés aux événements
dits de Nardaran ont bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle.
Nous continuerons de suivre cette affaire lors de nos prochaines
visites.
16. Les conditions dans la prison de Gobustan sont inacceptables.
Nous rappelons que tous les prisonniers – y compris ceux purgeant
une peine de réclusion à perpétuité ou soumis à des conditions particulières
de haute sécurité –
doivent être traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur
inhérentes à la personne humaine. Il convient d’attacher une attention
toute particulière au bien-être des détenus purgeant des peines de
longue durée car le fait de priver une personne de sa liberté implique
l’obligation de la prendre en charge. Ces détenus doivent être en
mesure de passer une partie raisonnable de la journée hors de leur
cellule, occupés à des activités motivantes et variées. Nous demandons
au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) d’assurer un suivi
de nos observations lors de ses prochaines visites. Tout en reconnaissant
les effets de la crise économique mondiale, nous appelons les autorités
à accélérer la construction de la nouvelle prison à Umbaki et de
fermer celle de Gobustan. Nous nous sommes penchés sur la situation
particulière de cinq détenus et avons exprimé notre vive préoccupation
quant aux divers signalements de mauvais traitements et de torture
de prisonniers que nous avons reçus, concernant notamment Abbas
Huseynov. Au cours de la réunion avec les autorités pénitentiaires,
celles-ci ont confirmé que l’on avait eu recours à la force à son
encontre dans le cadre de mesures disciplinaires, ce qui corrobore
les allégations de mauvais traitements. Ces allégations doivent
faire l’objet d’une enquête approfondie et transparente des autorités
et ce sans plus attendre et il doit être bien clair que de tels
actes ne resteront pas impunis.
17. Nous notons avec une profonde préoccupation les rapports publiés
après notre visite sur une répression contre la communauté lesbienne,
gay, bisexuelle, transgenre et intersexe (LGBTI). Selon ces rapports,
une centaine de personnes homosexuelles et transgenres ont été arrêtées
par la police et beaucoup ont été maltraitées. Nous demandons aux
autorités d'enquêter sur les actions de la police et nous réitérons
la nécessité d'établir un système indépendant et efficace de traitement
des plaintes concernant la police. Il est inacceptable que des individus
soient ciblés sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur
identité de genre.
3. Conclusion
18. La plupart des événements mentionnés
dans le présent addendum n’exigent pas de modifications du projet
de résolution, lequel rend précisément compte de la situation présente.
Cependant, la commission de suivi, sur la base des informations
relatives à la liberté des médias et aux libérations récentes, décide
de déposer les amendements ci-après au projet de résolution sur
le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan:
Amendement A
Après le paragraphe 10, insérer le paragraphe suivant:
«L'Assemblée est également préoccupée par les arrestations massives rapportées de personnes homosexuelles et transgenres et les allégations de mauvais traitements par la police, et demande que des enquêtes indépendantes et efficaces soient menées sur les actions de la police; l’Assemblée prend note de la libération de ces personnes intervenue entre-temps.»
Amendement B
Au paragraphe 14, après les mots «prisonniers d’opinion», ajouter les mots suivants:
«y compris les récentes libérations de Mehman Aliyev et de Faiq Amirli»
Amendement C
À la fin du paragraphe 15.1, ajouter la phrase suivante:
«Dans ce contexte, l’Assemblée prend note que le Comité des Ministres a chargé le Secrétariat de préparer un projet de résolution intérimaire de mise en demeure de l’Azerbaïdjan, conformément à l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de faire part de l’intention du Comité de saisir la Cour pour déterminer si l’Azerbaïdjan a ou non manqué à son obligation découlant de l’article 46.1 pour examen lors de sa 1298e réunion (25 octobre 2017), si aucun progrès tangible ne devait être accompli pour assurer la libération du requérant.»
Amendement D
Au paragraphe 15.2, ajouter les mots «Fuad Gahramanli et Aziz Orujov» à la fin de la dernière phrase comme suit:
«En particulier, mais pas exclusivement, Ilgar Mammadov, Ilkin Rustamzade, Mehman Huseynov, Afgan Mukhtarli, Said Dadashbayli, Fuad Gahramanli et Aziz Orujov.»
Amendement E
À la fin du paragraphe 15.5.1, ajouter la phrase suivante:
«et notamment, à abandonner toutes les charges retenues contre Mehman Aliyev et les mesures qui ont aussi un impact sur le fonctionnement de l’agence de presse Turan»