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Résolution 2185 (2017)
Présidence azerbaïdjanaise du Conseil de l’Europe: quelles sont les suites à donner en matière de respect des droits de l’homme?
1. L’Assemblée parlementaire a déjà
adopté plusieurs résolutions sur la situation en Azerbaïdjan depuis
la présidence azerbaïdjanaise du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe, qui s’est déroulée entre mai et novembre 2014, notamment
sa Résolution 2062 (2015) sur
le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan,
dans laquelle elle a fait état du fonctionnement de ces institutions
et exprimé des inquiétudes quant au manque d’indépendance du pouvoir
judiciaire, aux violations du droit à la liberté d’expression et d’association,
et aux mesures de représailles visant des médias indépendants, des
défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et d’autres personnes
exprimant des critiques envers les autorités. Elle rappelle que les
développements dans ce pays sont constamment examinés par sa commission
pour le respect des obligations et des engagements des États membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi).
2. L’Assemblée rappelle également ses Résolution 2096 (2016) «Comment
prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?»
et Résolution 2095 (2016) «Renforcer
la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans
les États membres du Conseil de l’Europe».
3. L’Assemblée regrette que la présidence azerbaïdjanaise de
2014 ait coïncidé avec des atteintes aux droits de l'homme sans
précédent en Azerbaïdjan, où des dizaines de personnes, y compris
des défenseurs des droits de l’homme et d’autres militants qui avaient
coopéré avec le Conseil de l’Europe et l’Assemblée, ont été arrêtées
et ensuite condamnées à des peines d’emprisonnement. L’Assemblée
salue le fait que durant l’année 2016 la plupart d’entre elles ont
été libérées; cependant, certaines de ces libérations restent conditionnelles.
L’Assemblée demeure préoccupée par les poursuites et la détention,
qui lui ont été rapportées, de responsables d’organisations non
gouvernementales (ONG), de défenseurs des droits de l’homme, d’activistes
politiques, de journalistes, de blogueurs et de juristes, qui seraient
des mesures de représailles contre leurs activités.
4. L’Assemblée note que le nombre de personnes actuellement détenues,
prétendument pour avoir émis des critiques envers les autorités,
varie considérablement selon les sources. Elle encourage les autorités compétentes
à réexaminer les cas individuels, et à libérer les défenseurs des
droits de l'homme, les journalistes, les militants politiques et
ceux de la société civile qui ont été emprisonnés pour des motifs politiques.
Les autorités devraient aussi envisager, le cas échéant, le recours
à des peines non privatives de liberté ou à des mesures alternatives
à la détention provisoire.
5. L’Assemblée est préoccupée par le nombre croissant de signalements
concernant les violations de droits de l’homme et de libertés fondamentales,
tels que garantis par la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5, «la Convention») en Azerbaïdjan.
Elle s’inquiète notamment des cas constatés par la Cour européenne
des droits de l’homme («la Cour») de torture et des traitements
inhumains ou dégradants lors de l’arrestation ou de la garde à vue
dans les commissariats de police et dans les établissements pénitentiaires, et
de l’absence d’enquêtes effectives à cet égard (violations de l’article
3 sous le volet matériel et procédural); de violations du droit
à un procès équitable (violations de l’article 6), en particulier
dans des affaires pénales; et de violations du droit à la liberté
d’expression, d’association et de réunion (violations des articles
10 et 11).
6. L’Assemblée rappelle que l’interdiction de la torture et des
traitements inhumains ou dégradants garantie par l’article 3 de
la Convention est un droit non dérogeable et elle condamne fermement
toute violation de celui-ci. Elle appelle les autorités:
6.1. à mener des enquêtes rapides,
effectives et impartiales sur toutes les allégations concernant
le recours à la torture et à des traitements inhumains ou dégradants,
à veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice et à ce
que l’impunité ne prévale pas;
6.2. à prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir
de nouvelles violations de ce genre;
6.3. à intensifier sa coopération avec le Comité européen pour
la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants et à demander la publication des rapports de ses visites.
7. L’Assemblée insiste sur le fait que le système judiciaire
en Azerbaïdjan doit être indépendant et impartial, comme dans les
autres États membres du Conseil de l’Europe. Elle rappelle qu’un
système judiciaire indépendant est une condition préalable d’une
justice pénale conforme aux normes européennes. L’Assemblée s’inquiète
des allégations systématiques concernant l’absence d’indépendance
du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif, et de l’application
arbitraire de la loi pénale. Elle s’inquiète des allégations de
recours excessif à la détention provisoire par les juges à la demande
des procureurs, sans un examen approfondi des motifs pouvant la
justifier, ainsi que des problèmes pour assurer correctement les droits
de la défense. Elle note que les autorités azerbaïdjanaises ont
annoncé l’engagement de réformes de leur système judiciaire à la
suite des recommandations pertinentes du Conseil de l’Europe, notamment
celles du Groupe d’États contre la corruption et de la Commission
européenne pour l’efficacité de la justice. Elle constate, toutefois,
que les inquiétudes concernant le fonctionnement de la justice exprimées
dans sa Résolution 2062
(2015) demeurent d’actualité. En outre, les amendements
constitutionnels approuvés à la suite du référendum du 26 septembre
2016 impliquent le risque d’accroissement du pouvoir exécutif par rapport
aux pouvoirs législatif et judiciaire.
8. L’Assemblée appelle les autorités azerbaïdjanaises à garantir
une pleine indépendance des juges vis-à-vis du pouvoir exécutif
et à entamer des réformes réelles et significatives visant à créer
un système judiciaire conforme aux exigences de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme et aux autres normes
du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée est gravement préoccupée par des rapports faisant
état d’un lien entre le Gouvernement azerbaïdjanais et un système
de blanchiment de capitaux à grande échelle, qui a fonctionné dans
les années 2012 à 2014 et a notamment servi à influencer l’action
de membres de l’Assemblée à l’égard de la situation des droits de
l’homme en Azerbaïdjan. L’Assemblée invite instamment les autorités
azerbaïdjanaises à ouvrir sans tarder une enquête indépendante et
impartiale sur ces allégations, et, en outre, à coopérer pleinement avec
les autorités et les organes internationaux compétents sur cette
question.
10. L’Assemblée salue le décret-loi présidentiel du 10 février
2017 sur l’amélioration du fonctionnement du système pénitentiaire,
l’humanisation des politiques pénales et l’extension de l’application
des peines de substitution et des mesures préventives non privatives
de liberté. Elle demande cependant que les autorités adoptent et
appliquent rapidement la législation nécessaire à sa mise en œuvre.
Elle encourage les autorités azerbaïdjanaises à l’appliquer conformément
aux normes du Conseil de l’Europe. Elle appelle également l’Azerbaïdjan
à créer un système de justice distinct pour les mineurs.
11. L’Assemblée souligne que l’exercice des libertés fondamentales
d’expression, de réunion et d’association, garanties par les articles
10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, est primordial
pour le bon fonctionnement d’une société démocratique. L’Assemblée
est extrêmement préoccupée par les nombreuses allégations concernant
à la fois un climat restrictif pour les activités extraparlementaires de
l’opposition et des limitations aux libertés d’expression, de réunion
et d’association, notamment à l’encontre des médias indépendants
et des défenseurs de la liberté d’expression. Ces restrictions et
limitations systématiques ne remplissent pas les critères de légalité,
de proportionnalité et de nécessité qui ont cours dans une société
démocratique. L’Assemblée est très préoccupée par les problèmes
qui lui sont rapportés d’utilisation de la législation pénale pour
limiter la liberté d’expression, comme l’a souligné le Comité des Ministres
dans le cadre de sa supervision de l’application des arrêts de la
Cour européenne des droits de l’homme. Le cadre législatif pour
les activités des ONG n’est pas conforme aux normes européennes,
comme l’ont indiqué les organes du Conseil de l’Europe. Aussi l’Assemblée
appelle-t-elle les autorités azerbaïdjanaises:
11.1. à veiller à ce que les militants,
les défenseurs des droits de l’homme et les autres personnes puissent
exercer pacifiquement leurs droits, sans crainte de représailles;
11.2. à mettre un terme aux entraves au travail des journalistes
et des défenseurs des droits de l’homme;
11.3. à créer un environnement propice au travail des médias
indépendants et aux activités des ONG;
11.4. à adapter la législation sur la diffamation et les ONG
aux exigences découlant des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme et des recommandations de la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise);
11.5. à veiller à ce que les garanties d’un procès équitable
et le droit à une procédure régulière soient respectés et appliqués
dans toutes les affaires;
11.6. à abroger toute autre mesure législative pouvant restreindre
l’exercice des libertés garanties par les articles 10 et 11 de la
Convention;
11.7. à appliquer la législation pertinente conformément aux
exigences découlant de la Convention et de la jurisprudence de la
Cour.
12. L’Assemblée appelle le gouvernement à supprimer les obstacles
aux activités des ONG et à renforcer le dialogue avec la société
civile de façon significative.
13. S’agissant d’une région soumise actuellement à de fortes tensions,
l’Assemblée se réjouit du caractère laïc de l’État et du climat
de tolérance religieuse en son sein, par exemple à l’égard de la
communauté juive qui vit, selon ses représentants, en harmonie avec
le reste de la population.
14. L'Assemblée est consciente que, comme la plupart des pays
du Conseil de l'Europe, l'Azerbaïdjan est confronté au problème
des combattants étrangers en Syrie et en Irak, et elle soutient
les efforts du gouvernement pour combattre ce phénomène, en l’exhortant
à le faire dans le respect des règles de l'État de droit. L’Assemblée
partage la détermination des autorités à lutter contre le financement
du terrorisme.
15. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2178 (2017) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme. Elle constate que plus de 120
arrêts de la Cour contre l’Azerbaïdjan n’ont pas encore été exécutés
ou seulement partiellement mis en œuvre. L’Assemblée constate que
peu de progrès ont été réalisés quant à la mise en œuvre de certains
arrêts ou groupes d’arrêts, notamment ceux concernant les mauvais
traitements, les violations du droit à un procès équitable, du droit
à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et d’association,
ainsi que du droit à des élections libres. Elle appelle les autorités
à coopérer pleinement avec le Comité des Ministres et le Service
de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,
ainsi qu’à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en
œuvre rapidement et pleinement les arrêts de la Cour, y compris
le versement de la satisfaction équitable aux requérants dans les délais
indiqués dans les arrêts de la Cour.
16. L’Assemblée rappelle l’arrêt de la Cour du 22 mai 2014 concernant
M. Ilgar Mammadov et les appels récurrents du Comité des Ministres
demandant sa libération. L’Assemblée exhorte les autorités azerbaïdjanaises
à exécuter l’arrêt et à libérer M. Mammadov immédiatement.
17. L’Assemblée encourage les autorités azerbaïdjanaises à intensifier
les mesures de sensibilisation des juges, des procureurs, des forces
de l’ordre et des avocats aux normes de la Convention européenne
des droits de l’homme.