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Recommandation 2114 (2017)
Défendre l’acquis du Conseil de l'Europe: préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale
1. La raison d’être du Conseil de
l’Europe est «de réaliser une union plus étroite entre ses membres
afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes
qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique
et social» (article 1er du Statut du
Conseil de l’Europe de 1949, STE no 1),
en mettant l’accent sur les trois piliers majeurs que sont les droits
de l’homme, l’État de droit et la démocratie.
2. Pour atteindre ce but, le Statut instaure le principe d’une
coopération intergouvernementale, qui est depuis au cœur du fonctionnement
du Conseil de l’Europe. Cette coopération entre les États membres
est centrée sur l’élaboration de normes communes par le biais des
conventions et leur mise en œuvre effective au sein des États membres,
afin de garantir la continuité dans la réalisation de l’objectif
statutaire.
3. Depuis près de soixante-dix ans, le système conventionnel
a fortement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions
démocratiques en Europe, à développer l’État de droit dans toute
l’Europe, et à protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens
et habitants européens. Ces conventions constituent la principale
source de l’acquis du Conseil de l’Europe. Elles ont un impact direct
sur la vie des citoyens européens et le cadre juridique des États
membres.
4. Ce patrimoine commun unique doit être reconnu, affirmé, défendu
et, au besoin, développé encore, dans l’intérêt de tous les citoyens
et habitants de l’Europe – et des autres personnes à qui ces conventions s’appliquent
ou pourraient s’appliquer.
5. Toute initiative en vue de l’élaboration d’un nouveau traité
doit être approuvée formellement par le Comité des Ministres, l’organe
exécutif du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres peut solliciter
l’avis de l’Assemblée parlementaire sur tout projet de traité (article
23.a, Statut). Depuis 1998,
il la consulte effectivement sur tous les projets de traités. L’article
15.a du Statut dispose que
le Comité des Ministres examine, sur recommandation de l’Assemblée
ou de sa propre initiative, la conclusion de conventions ou d’accords.
Un grand nombre de ces traités ont ainsi été élaborés à l’instigation
de l’Assemblée, souvent décrite comme le moteur politique du Conseil
de l’Europe.
6. L’Assemblée et le Comité des Ministres portent donc – conjointement
avec les États membres – la responsabilité de la création, de la
protection, de la mise en œuvre et de la poursuite du développement
du système conventionnel en Europe.
7. Lors du 3e Sommet des chefs d’État
et de gouvernement du Conseil de l'Europe en 2005 à Varsovie, la nécessité
de renforcer l’efficacité du système conventionnel a été soulignée
et des mesures ont été prévues pour atteindre ce but. De nombreuses
initiatives ont été prises depuis à cet égard et des améliorations
ont été introduites, notamment une réforme radicale des activités
de l’Organisation, ainsi qu’une réforme substantielle du fonctionnement
de la Cour européenne des droits de l’homme et un réexamen des conventions.
8. En dépit de ces réformes, des écarts importants subsistent
entre ce que souhaitent les États membres et l’Organisation, et
leurs actes effectifs. La ratification des conventions est trop
souvent retardée, empêchant leur entrée en vigueur; la mise en œuvre
des conventions dans le droit interne des États est fréquemment
lente et imprécise; et les cadres juridiques nationaux connaissent
de trop fréquents dysfonctionnements.
9. Dans toute l’Europe, la démocratie, la prééminence du droit
et les droits de l’homme sont soumis à des pressions et ont un besoin
urgent d’être redynamisés. Pour aider à s’opposer aux développements
actuels et poursuivre la tâche convenue à l’article 1er du
Statut du Conseil de l’Europe, les instruments et les institutions de
l’Organisation doivent être modernisés et rendus plus efficaces.
Le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement, aujourd’hui
en préparation, devrait donc, sur la base d’une évaluation approfondie,
débattre – entre autres sujets – de la manière d’améliorer et de
renforcer le système conventionnel du Conseil de l’Europe.
10. L’Assemblée invite par conséquent le Comité des Ministres
et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
10.1. à inscrire la question du système
conventionnel du Conseil de l’Europe et de son avenir à l’ordre du
jour du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement;
10.2. à préparer de façon adéquate et en temps voulu, avant
le sommet:
10.2.1. une évaluation approfondie de l’efficacité
des conventions existantes et de leurs mécanismes de suivi, et des
propositions visant à renforcer substantiellement le système conventionnel,
conformément au but énoncé à l’article 1er du
Statut du Conseil de l’Europe;
10.2.2. une évaluation de l’efficacité des programmes d’aide à
la mise en œuvre des normes définies dans les conventions et une
analyse des améliorations requises;
10.2.3. des propositions sur les moyens de renforcer l’efficacité
de la Cour européenne des droits de l’homme, en améliorant les procédures
judiciaires nationales pour permettre aux citoyens d’obtenir justice,
en promouvant la mise en œuvre effective dans tous les États membres
des arrêts de la Cour et en assurant le financement adéquat de la
Cour, conformément aux décisions du 3e Sommet
de Varsovie;
10.2.4. des propositions sur les moyens d’étendre le champ d’application
de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163)
à tous les États membres, en faisant en sorte qu’ils la ratifient dès
que possible; d’étendre son puissant mécanisme de suivi intégré
(système de réclamations collectives) à tous les États membres;
de faire de la Charte sociale européenne la référence principale
et la norme commune des droits sociaux pour le Socle européen des
droits sociaux de l’Union européenne et de l’ouvrir à la signature
de Parties tierces qui ne sont pas États membres du Conseil de l'Europe;
10.2.5. une évaluation générale des relations entre le Conseil
de l’Europe et les autres principales organisations européennes
(Union européenne, Union économique eurasiatique, Conseil nordique,
Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Organisation
de coopération et de développement économiques), eu égard au système
conventionnel;
10.2.6. un examen de l’opportunité d’établir un mémorandum d’accord
entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sur la participation
de l’Union européenne aux conventions du Conseil de l’Europe, de
nature à fournir une série de règles de fonctionnement générales (telles
que le droit de vote, le droit de parole, l’élaboration des rapports
et les arrangements financiers);
10.2.7. une feuille de route en vue de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
conformément à l’obligation formulée dans le Traité de Lisbonne;
10.2.8. des propositions sur la façon d’atteindre les citoyens
et de les faire davantage participer au processus décisionnel du
Conseil de l'Europe;
10.3. à garantir que les activités conventionnelles et intergouvernementales,
auxquelles tous les États membres doivent pouvoir participer sur
un pied d’égalité, sont dotées des ressources financières et humaines
suffisantes;
10.4. à faire participer l’Assemblée aux activités préparatoires
en vue de ces évaluations et examens ou réexamens, conformément
à l’article 15.a du Statut;
10.5. à assurer la participation, sous une forme adéquate, de
l’Assemblée au prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement;
10.6. à inviter les chefs d’État et de gouvernement, lors du
prochain sommet, à reconnaître, affirmer, défendre et, le cas échéant,
développer encore et soutenir financièrement et convenablement le système
conventionnel du Conseil de l’Europe, dans l’intérêt de tous les
citoyens et habitants de l’Europe – et de toutes les autres personnes
auxquelles ces conventions s’appliquent ou pourraient s’appliquer.
11. La perspective d’un 4e sommet des
chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe devrait être l’occasion
pour le Comité de Ministres de procéder à une véritable réflexion
sur l’avenir de notre Organisation, en ayant à l’esprit que la défense
de l’acquis du Conseil de l’Europe passe par la préservation de
son système unique de coopération, qui permet à tous les États membres
de décider des positions communes et de coopérer sur un pied d’égalité
et au profit de tous. Dans ce contexte, l’Assemblée appelle tous
les États membres du Conseil de l'Europe à s’abstenir de toute mesure
volontaire qui entraînerait un affaiblissement de la coopération
intergouvernementale, laquelle a tant contribué au cours des dernières
décennies à unir véritablement le continent européen.