1. Introduction
1. Le Comité des Ministres a invité,
lors de sa 1291ème réunion le 5 juillet
2017, l'Assemblée parlementaire à présenter dès que possible un
avis sur le Projet de protocole d’amendement à la Convention pour
la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel (STE no108, ci-après
«Convention 108») et à son rapport explicatif

. Le 5 septembre 2017, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur.
La commission a invité le Vice-Président du Comité consultatif de
la Convention 108, M. Jean-Philippe Walter, à un échange de vues
avec la commission à l’occasion de sa réunion du 9 octobre 2017.
Je tiens à remercier M. Walter, qui a présenté à la commission les enjeux
de la révision de la Convention 108 ainsi que les points qui, après
des années de négociation à toutes les étapes de la modernisation
(travaux au sein du Comité consultatif de la Convention, puis au
sein du Comité ad hoc sur la protection des données, puis au sein
du Groupe de Rapporteurs du Comité des Ministres sur la coopération
juridique) ne font toujours pas l’unanimité au sein du Comité des
Ministres (tout en notant les avancées réalisées s’agissant de certains
de ces points).
2. La Convention 108 – une des conventions
clés du Conseil de l’Europe
2. La Convention 108, ouverte
à la signature à Strasbourg le 28 janvier 1981, a été le premier
et reste à ce jour le seul instrument juridique international contraignant
dans le domaine de la protection des données.
3. La Convention 108 est ouverte à tous les États dans le monde
et compte actuellement 51 États Parties, à savoir les 47 États membres
du Conseil de l’Europe et l’Uruguay, l’île Maurice, le Sénégal et
la Tunisie (par ordre d’adhésion, la Tunisie étant devenue Partie
le 1er novembre 2017). L’Argentine, le
Burkina Faso, le Cap Vert et le Maroc ont également été invités
à y adhérer et le Mexique vient d’en faire la demande.
4. Lors de son échange de vues avec notre commission, M. Walter
a rappelé que «la Convention [108] et son protocole additionnel
sont les seuls instruments juridiquement contraignants au monde
dans le domaine de la protection des données et de par leur caractère
ouvert, ces textes ont une vocation universelle». Il a ensuite souligné
la nécessité du processus de révision pour répondre aux évolutions
des technologies de l’information et des communications et renforcer
le droit à la protection des données.
5. Dans sa
Résolution
1732 (2010) «Renforcer l'efficacité du droit des traités du Conseil
de l'Europe» l’Assemblée», a souligné de manière générale que «[p]our
que le droit des traités du Conseil de l’Europe conserve toute sa
pertinence et sa richesse, il est essentiel que les traités reflètent
la réalité de la société d’aujourd’hui»

.
6. Dans sa
Recommandation
2102 (2017) sur la convergence technologique, l’intelligence artificielle
et les droits de l’homme, l’Assemblée a plus précisément demandé
au Comité des Ministres d’achever sans plus tarder la modernisation
de la Convention 108 «afin d’avoir de nouvelles dispositions permettant
la mise en place rapide d’une protection mieux adaptée». Comme l’a
indiqué le rapporteur de notre commission, Boriss Cilevičs, dans
son avis sur le rapport préparé à ce sujet par la commission de
la culture, de la science, de l’éducation et des médias: «Il est
clair que le domaine des nouvelles technologies de l’information
et de la communication a connu une gigantesque évolution depuis
1981, surtout pour ce qui est du traitement automatisé des données.
Cette évolution entraîne de nouveaux défis à relever pour le respect
de la vie privée. (…) Il est donc devenu indispensable de moderniser
la Convention no 108 pour qu’elle reflète
la nouvelle réalité de la situation et continue à assurer une protection
adéquate au vu de l’évolution des technologies et de l’apparition
de nouvelles technologies.

» Dans sa
réponse à la
Recommandation
2102 (2017) 
, le Comité des Ministres a «pris
note de l’invitation de l’Assemblée» lui demandant d’achever la
modernisation de la Convention 108 tout en indiquant être «bien
conscient de l’urgence».
3. But
de la révision et principales modernisations
7. Le processus de modernisation
a été lancé dès septembre 2009 par le Comité consultatif de la Convention
108. Les travaux de révision de la Convention 108 ont ensuite formellement
débuté par l’ouverture d’une consultation publique en janvier 2011,
à l’occasion du 30ème anniversaire de
son ouverture à signature. Le 30 novembre 2012, le Comité consultatif
de la Convention 108 a adopté à l’unanimité un projet de modernisation.
Le Comité des Ministres a alors chargé le comité intergouvernemental
compétent (Comité ad hoc sur la protection des données – CAHDATA)
de finaliser le projet. En juin 2016, le CAHDATA a approuvé un projet
de protocole d’amendement (différant très peu du projet préparé
par le Comité consultatif en 2012). Bien qu’il eût été souhaitable
que le Comité des Ministres achève ses travaux de révision à la
fin de l’année 2016, ce qui aurait idéalement permis une entrée
en vigueur de la convention modernisée en 2018, à ce jour, les discussions
sont toujours en cours.
8. La modernisation de la Convention 108 poursuit deux buts principaux:
répondre aux défis liés au développement des nouvelles technologies
de l’information et de la communication et renforcer la mise en œuvre
effective de la Convention.
9. Le projet de protocole d’amendement à la Convention 108 vise
principalement à apporter des modifications en vue de: 1) gérer
les défis à la vie privée qui résultent de l’utilisation des technologies
de l’information et des télécommunications; 2) renforcer le droit
à la protection des données en tant que droit fondamental indispensable
à l’exercice d’autres droits et libertés fondamentales lors du traitement
de données à caractère personnel; 3) concilier le droit à la protection
des données avec l’exercice d’autres droits et libertés fondamentales
(notamment la liberté d’expression); 4) renforcer les mécanismes
de suivi de la Convention; 5) maintenir la nature générale et technologiquement
neutre des dispositions de la Convention; 6) assurer la cohérence
et la compatibilité avec d’autres cadres juridiques applicables
en la matière, notamment celui de l’Union européenne; et 7) préserver,
réaffirmer, renforcer et promouvoir la vocation universelle et le
caractère ouvert de la Convention 108.
10. La révision a pour objectif, entre autres, d’assurer la cohérence
de la Convention avec le droit de l’Union européenne. En effet,
alors que la Convention 108 est le texte de référence de nombreux
textes internationaux et nationaux, à commencer par la Directive
95/46/CE

et le
Règlement
général sur la protection des données 
(RGPD) qui lui succédera
à compter du 25 mai 2018, il est nécessaire de mettre à jour la
Convention 108 pour assurer sa cohérence et sa compatibilité avec
le cadre juridique de l’Union européenne. Par nature, la Convention
108 révisée demeurera «relativement générale et abstraite» et n’atteindra
pas le degré de détails du règlement européen. Mais, ainsi que nous
l’a exposé M. Walter, elle renfermera, avec son exposé des motifs,
«explicitement et implicitement tous les principes et règles énoncés
dans le droit de l’Union européenne, tout en laissant une certaine
marge de manœuvre aux Parties». M. Walter l’a qualifiée de «trait d’union
entre le cadre juridique de l’Union européenne et les autres cadres
juridiques existants».
11. Les principales nouveautés apportées à la Convention 108 par
le protocole d’amendement auraient notamment pour effet:
- de mieux souligner l’objectif
de la Convention, à savoir protéger toute personne physique, quelle
que soit sa nationalité ou sa résidence, à l’égard du traitement
de ses données afin d’assurer le respect de ses autres droits et
libertés fondamentales, notamment de son droit à la vie privée (article
1 Convention 108 révisée);
- d’étendre le champ d’application à l’ensemble des traitements
automatisés ou non automatisés de données personnelles qui relèvent
de la juridiction d’une Partie. Le champ d’application continue
de couvrir le traitement des données personnelles dans le secteur
privé comme dans le secteur public, cet élément étant une des forces
de la Convention 108 (articles 2 et 3 Convention 108 révisée);
- que la Convention 108 ne s’appliquerait plus aux traitements
de données effectués par une personne physique pour l’exercice d’activités
exclusivement personnelles ou domestiques (afin d’éviter d’imposer des
obligations déraisonnables dans le cadre de la sphère personnelle
sans visées commerciales ou professionnelles) (article 3 Convention
108 révisée);
- de supprimer la possibilité pour les États Parties de
faire des déclarations en vue de soustraire du champ d’application
de la Convention certaines catégories de traitements de données
à caractère personnel (article 3 Convention 108);
- de préciser ou mettre à jour certaines définitions (telle
que la notion de «sous-traitant») (article 2 Convention 108 révisée);
- de renforcer l’effectivité de la protection des données
en prévoyant que le Comité conventionnel puisse évaluer l’efficacité
des mesures prises en droit interne pour donner effet aux dispositions
de la Convention (laquelle n’est pas d’application directe) (article
4 Convention 108 révisée);
- de clarifier l’application du principe de proportionnalité (article
5 Convention 108 révisée);
- de préciser que le traitement des données ne peut intervenir
que si la personne concernée a donné son consentement de manière
libre, spécifique, éclairée et non équivoque, ou si le traitement
repose sur un autre fondement légitime prévu par la loi (article
5 Convention 108 révisée);
- de compléter le catalogue des données sensibles en y ajoutant
notamment les données génétiques, les données biométriques identifiant
un individu de façon unique, les données relatives à l’appartenance syndicale (article
6 Convention 108 révisée);
- d’introduire l’obligation d’annoncer (au moins aux autorités
de contrôle en matière de protection des données) les cas significatifs
de violation des données, c’est-à-dire des violations susceptibles
de porter gravement atteinte aux droits et libertés fondamentales
des personnes concernées (article 7 Convention 108 révisée);
- d’introduire l’obligation de garantir la transparence
des traitements des données (identité, résidence ou lieu d’établissement
du responsable du traitement, finalités du traitement, destinataires
des données, durée de conservation des données et moyens d’exercer
les droits des personnes concernées) (article 7 bis Convention 108
révisée);
- de renforcer les droits des personnes concernées afin
de leur permettre de mieux assurer la maîtrise sur leurs données
et de garantir le respect du droit à la dignité humaine et à la
non-discrimination (à travers notamment un droit d’accès aux informations
plus étendu ainsi qu’un droit de connaître les raisons qui sous-tendent
le traitement des données dont les résultats lui sont opposés ou
appliqués) (article 8 Convention 108 révisée);
- de renforcer les responsabilités de ceux qui traitent
ou font traiter des données, notamment au moyen de l’obligation
pour eux d’être en mesure de démontrer la conformité de leur activité
avec les prescriptions en la matière, d’intégrer – dès la conception
et par défaut – la prise en compte de la protection des données,
ainsi que par la réalisation d’études d’impact (article 8 bis Convention
108 révisée);
- de permettre le flux transfrontière des données entre
les Parties à la Convention et de renforcer l’encadrement des transferts
des données vers des juridictions non Parties à la Convention dans
le but d’assurer une protection appropriée des personnes en matière
du traitement de données à caractère personnel (article 12 Convention
108 révisée);
- de compléter le catalogue des compétences des autorités
(pouvoirs d’intervention, d’investigation, d’ester en justice ou
de porter à la connaissance de l’autorité judiciaire les violations
des dispositions applicables, mais aussi devoir de sensibilisation,
d’information et d’éducation des acteurs impliqués) (article 12
bis Convention 108 révisée);
- de renforcer le rôle et les compétences du Comité consultatif
de la Convention qui, au-delà de son rôle jusqu’alors consultatif,
assumera un rôle d’évaluation et de suivi. Il serait d’ailleurs
renommé ‘Comité conventionnel’ (articles 18 à 20 Convention 108
révisée).
12. S’agissant du droit à l’oubli numérique, il a été considéré
que les garanties existantes (durée de conservation des données,
droit de rectification ou d’effacement des données) ainsi que le
droit d’opposition et le droit à un recours offraient une protection
suffisante et étaient suffisants pour garantir le droit à l’oubli même
dans le numérique et qu’il n’était par conséquent pas nécessaire
d’introduire un tel droit dans la Convention.
13. En revanche, les droits des personnes concernées n’étant pas
absolus, l’article 9 du projet de protocole y prévoit, tout comme
la Convention 108 actuelle, de possibles restrictions lorsque cela
est prévu par la loi et constitue une mesure nécessaire dans une
société démocratique à la réalisation d’intérêts légitimes.
14. Comme indiqué précédemment, le Comité consultatif de la Convention
deviendra Comité conventionnel. À ce titre il pourra:
- émettre des avis préalablement
à l’adhésion d’une Partie à la Convention, sur le niveau de protection des
données du candidat à l’adhésion;
- procéder à l’évaluation de la conformité des règles du
droit interne d’une Partie;
- vérifier l’effectivité des mesures prises pour mettre
en œuvre les dispositions de la Convention;
- évaluer si les normes juridiques régissant le transfert
des données offrent des garanties suffisantes pour protéger les
données de manière appropriée;
- élaborer des modèles de mesures juridiques standardisées;
- jouer un rôle de facilitateur à la résolution à l’amiable
de difficultés surgissant dans l’application de la Convention.
15. Le mécanisme de vérification de la conformité du droit interne
des Parties aux dispositions de la Convention prévu par le protocole
d’amendement permettra donc d’accroître l’effectivité de la protection
des données.
4. Points
qui ne font pas l’unanimité
16. Fait inhabituel, le projet
de Protocole d’amendement qui nous a été soumis par le Comité des
Ministres est incomplet. Le Comité des Ministres n’a pas finalisé
ses travaux et quelques points restent en suspens. Ces questions
ne font toujours pas l’objet d’un consensus au sein du Comité des
Ministres après plus d’un an de négociations menées au sein du Groupe
de Rapporteurs sur la coopération juridique.
17. En effet, quatre points sont toujours en cours de négociation.
Ces points ont été mentionnés par M. Walter. Il s’agit de questions
ayant trait au régime d’exceptions (article 9.3 de la Convention
révisée), aux flux transfrontaliers (article 12.1), au droit de
vote au sein du Comité de la Convention – notamment au droit de
vote de l’Union européenne (article 20) ainsi qu’aux modalités d’entrée
en vigueur du protocole.
18. Eu égard à l’article 9.3 portant sur les dérogations à certaines
dispositions de la Convention, il convient de noter que le projet
soumis par le CAHDATA au Comité des Ministres étend largement, par
rapport au texte actuel de la Convention, les possibilités d’avoir
recours à de telles dérogations. Étendre plus encore le catalogue
des exceptions aurait pour conséquence d’affaiblir la protection
des données. Il conviendrait donc que le Comité des Ministres s’accorde
à ne pas étendre ce catalogue au-delà de la proposition du CAHDATA.
19. L’article 12.1 qui a trait au principe de la libre circulation
des données entre les Parties présumant un niveau de protection
des données équivalent, prévoit une exception à ce principe de libre
circulation dans la situation où une Partie à la Convention est
régie par des règles de protection harmonisées contraignantes et communes
à des États appartenant à une organisation internationale régionale,
en l’occurrence ceci vise le régime de l’Union européenne. En conformité
avec le mécanisme d’adéquation prévu dans le droit de l’Union européenne,
les Parties à la Convention qui sont membres de l’Union européenne
ne pourront échanger librement avec d’autres Parties non membres
de l’Union européenne. Cette disposition, qui n’avait pas d’équivalent
dans la Convention 108 auparavant, a fait l’objet de critiques,
certains États ayant considéré que cette entrave à la libre circulation
des données entre les Parties à la Convention allait rendre la Convention révisée
moins attractive pour les États non membres de l’Union européenne.
Cette disposition reflète cependant la réalité depuis l’entrée en
vigueur de la Directive 95/46/CE (qui prévoit déjà la possibilité
de transferts de données à caractère personnel vers des pays tiers
assurant un niveau de protection en conformité avec le mécanisme
d’adéquation)

.
Il apparaît alors crucial pour l’attractivité de la Convention que l’Union
européenne mette la Convention au premier plan dans le cadre de
ses relations et négociations avec des États tiers, cela à plus
forte raison que la Convention est d’application aussi bien au secteur
privé qu’au secteur public. Il serait souhaitable que l’Union européenne
s’engage, par le biais d’une déclaration d’intention peut-être,
à ce que l’adhésion à la Convention 108 (et a fortiori à la Convention
révisée) soit un facteur prépondérant dans la reconnaissance de
l’adéquation

. La prise
en compte par l’Union européenne, comme élément favorable, de l’adhésion
à la Convention d’un État candidat à une décision d’adéquation prévue
par le RGPD (
Règlement
général sur la protection des données) est un pas dans cette direction qu’il convient de saluer
et qui devra s’accompagner d’efforts de promotion de la Convention.
20. En ce qui concerne l’article 20, qui prévoit les modalités
de vote au sein du Comité de la Convention, le CAHDATA n’avait pas
été chargé de traiter de cette question et le projet de protocole
d’amendement soumis au Comité des Ministres en juin 2016 ne comportait
donc aucune proposition à cet égard. Il avait en effet était jugé
que la question du droit de vote dépassait le cadre spécifique de
la protection des données et qu’il s’agissait d’une question politique
et stratégique à l’échelle de l’Organisation et de la participation
de l’Union européenne aux travaux du Conseil de l’Europe. Comme
M. Walter l’a expliqué à la commission, la dynamique est binaire:
d’aucuns souhaiteraient que le principe d’ «une Partie, un vote»
soit maintenu, d’autres souhaiteraient que l’Union européenne vote
au nom de ses États membres, le cas échéant avec un mécanisme préservant
l’équilibre décisionnel avec pour l’essentiel recours à des «hypers majorités»
(c’est-à-dire des majorités qualifiées avec un seuil élevé) et à
une règle d’abstention de la Partie concernée en cas d’évaluation.
21. Dernier point n’ayant pas fait l’objet d’un consensus, et
pas des moindres: les dispositions régissant l’entrée en vigueur
du protocole d’amendement. Le projet préparé par le CAHDATA prévoit
une entrée en vigueur «tacite» deux ans après l’ouverture du protocole
d’amendement à la signature, sauf si une partie notifie une objection
à son entrée en vigueur. Bien qu’une telle clause ait déjà été utilisée
pour d’autres conventions du Conseil de l’Europe – certes à caractère
plus technique (par exemple très récemment pour le Protocole portant
amendement à la Convention européenne du paysage,
STCE
n° 219, 2016)

, certains gouvernements s’y opposent
car le pouvoir souverain des parlements en matière de ratification
de traités internationaux ne serait pas respecté. En ma qualité
de parlementaire, il s’agit évidemment d’un point de vue que j’ai
tendance à partager. Cependant, nous devons garder à l’esprit l’énorme
lourdeur qu’implique une procédure classique d’adoption s’agissant
d’un protocole d’amendement à faire ratifier par l’ensemble des États
Parties à la Convention 108, soit 51 pays. Dix années pourraient
s’écouler sans que le protocole d’amendement ne soit entré en vigueur.
Nous nous souvenons tous du délai d’entrée en vigueur du Protocole no 14
à la Convention européenne des droits de l’homme (STCE no 194)
dont l’entrée en vigueur a été retardée pendant presque quatre ans
parce qu’un seul État Partie ne l’avait pas ratifié. La condition
de ratification par tous les États Parties à la Convention européenne
des droits de l’homme s’est révélée être un écueil d’une importance
telle que le Comité des Ministres avait alors pris l’initiative
d’élaborer le Protocole no 14
bis conçu comme un protocole additionnel,
dont la ratification par l’ensemble des États Parties n’était pas indispensable

. Si malgré
tout le Comité des Ministres finissait par trouver un accord sur
le texte du protocole d’amendement avec une clause de ratification
classique, celle-ci devrait au minimum être assortie d’une procédure
prévoyant l’évaluation du processus de ratification au bout d’une
période donnée, par exemple après 15 mois. Si à ce moment-là la
ratification par toutes les Parties n’était pas proche d’aboutir,
le Comité des Ministres devrait prévoir de s’engager sur une autre
voie.
5. Le
besoin éventuel d’aller vers une nouvelle convention?
22. Bien que, pour éviter que la
Convention 108 ne devienne obsolète, les travaux sur le protocole d’amendement aient
commencé il y a plus de sept ans, les négociations ont duré si longtemps
que l’entrée en vigueur rapide de la Convention révisée est devenue
une nécessité. En effet, si l’entrée en vigueur de la version révisée
de la Convention 108 devait prendre plusieurs années, le Conseil
de l’Europe perdrait sa place de pionnier et de référence dans le
domaine de la protection des données.
23. Fort de ce constat, et étant donné la nature et la durée du
désaccord au sein du Comité des Ministres, peut-être serait-il plus
sage à ce stade d’acter du désaccord, et donc d’envisager une autre
voie.
24. S’il s’avère en effet impossible de s’accorder sur une clause
d’entrée en vigueur du protocole d’amendement qui lui permettrait
d’entrer en vigueur rapidement, alors la révision de la Convention
108 perdra son sens. La clause d’entrée en vigueur tacite pose problème,
à juste titre, eu égard aux compétences des parlements en matière
de ratification de traités internationaux.
25. Dans ces conditions, la rédaction d’une nouvelle convention,
dont le texte ne serait autre que celui de la Convention révisée
tel que préparé par le CAHDATA, auquel je crois comprendre qu’il
conviendrait d’ajouter les propositions relatives au droit de vote
développées dans l’intervalle (les autres questions en suspens –
du régime d’exceptions et des flux transfrontaliers – étant en passe
d’être résolues), pourrait offrir une solution alternative.
26. Certes, la rédaction d’une nouvelle convention aurait pour
effet de mettre en place un système à deux vitesses, avec des États
Parties à la Convention 108 et d’autres Parties à la Convention
révisée. Pendant quelques années au moins, voire quelques décennies,
si l’un ou l’autre État demeure réfractaire aux dispositions mises
à jour, deux conventions du Conseil de l’Europe ayant le même objet
seraient en vigueur en parallèle. Certaines complications structurelles
seraient inévitables (telle que l’existence de deux comités conventionnels
sur des questions pour le moins connexes). Mais cela permettrait
d’éviter qu’un protocole d’amendement nécessitant la ratification
de 51 États Parties n’entre pas en vigueur pendant ce qui pourrait durer
des décennies.
27. À choisir entre avoir un système unique consistant en la Convention
108, surannée, et un protocole d’amendement certes à jour mais ne
voyant pas le jour (car pas en vigueur dans un avenir proche), et
un système à deux vitesses avec la vieille Convention 108 en vigueur
et une nouvelle convention (à jour et qui pourrait entrer rapidement
en vigueur après un nombre limité de ratifications), l’adoption
d’une nouvelle convention me semble être la solution la plus raisonnable.
Cela permettrait au Conseil de l’Europe de conserver son statut
de pionner et de référence dans le domaine de la protection des
données à caractère personnel.
6. Conclusions
28. Pour conclure, le Comité des
Ministres nous a soumis un projet de protocole d’amendement quasi
abouti et équilibré qu’il est urgent de finaliser. Le projet de
texte a été soigneusement rédigé par le Comité consultatif de la
Convention 108 puis par le CAHDATA, sous la tutelle du Comité des
Ministres, et les ajouts sont parfaitement motivés. Le protocole
devrait effectivement contribuer à moderniser la Convention 108
en vue de répondre – sur la durée – aux défis émergents en matière
de protection des données. Je ne propose donc aucun amendement au
texte et il convient d’accueillir favorablement dans leur intégralité
les dispositions qui nous ont été soumises pour avis.
29. La réelle difficulté réside évidemment dans les points qui
ne font pas encore l’objet d’un consensus et surtout les modalités
d’entrée en vigueur du protocole d’amendement.
30. Etant donné l’urgence de parvenir à un accord, il semblerait
judicieux d’envisager de transformer le projet de protocole d’amendement
de la Convention 108 en une nouvelle convention. Les importants
écueils liés à la question des modalités de mise en œuvre du protocole
d’amendement seraient ainsi évités. Une clause d’entrée en vigueur
classique prévoyant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention
après par exemple cinq ratifications incluant au moins trois États
membres du Conseil de l'Europe

, ou six et quatre

respectivement, permettrait sans
nul doute une entrée en vigueur rapide du nouveau traité, d’autant
qu’une volonté marquée de la part de l’Union européenne d’assurer
une entrée en vigueur rapide de ce nouvel instrument pourrait être
présagée. Le texte existe et les propositions de modernisation «minutieusement rédigées»
(comme le fait fort justement remarquer le Comité des Ministres
dans sa réponse à la
Recommandation
2102 (2017) de l’Assemblée) pourraient être reprises en l’état sous
la forme d’une nouvelle convention. Il s’agirait là, selon toute
vraisemblance, de la solution la plus rationnelle et la plus efficace
à ce stade des discussions.