1. Introduction
1. Située dans le nord-est du
bassin méditerranéen, la Grèce (nom officiel «République hellénique»)
forme l’extrémité sud de la péninsule des Balkans en Europe du Sud-Est.
D’une superficie totale de quelque 132 000 km², dont 2 000 îles
et îlots, son littoral est le plus long d’Europe (13 700 km environ)
et borde la Méditerranée, la mer Égée et la mer Ionienne. La Grèce
partage des frontières terrestres avec l’Albanie, la Bulgarie, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» et la Turquie. La grande majorité de ses
10,8 millions d’habitants (jusqu’à 97 %) sont de confession chrétienne
orthodoxe.
2. L’État moderne a obtenu son indépendance de l’Empire ottoman
en 1832. Durant les cent ans qui ont suivi, le Royaume de Grèce
a poursuivi son expansion territoriale et démographique. Occupée
pendant la seconde guerre mondiale et libérée en 1944, la Grèce
a ensuite plongé dans une guerre civile jusqu’en 1949. Les efforts
déployés pour consolider la démocratie ont été anéantis par un coup
d’État militaire en 1967; les droits politiques et civils ont été
suspendus, des milliers de personnes arrêtées et le roi contraint
à l’exil. Le régime des colonels a été renversé en 1974, après sept
ans de dictature militaire. La Troisième République hellénique a
été établie, la démocratie parlementaire réinstaurée et la monarchie
constitutionnelle abolie.
3. La Grèce a adhéré au Conseil de l’Europe le 9 août 1949, en
tant que 11e membre de l’Organisation. Elle
a rejoint l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en
1952 avant de la réintégrer en 1980. En 1981, elle est devenue membre
de la Communauté économique européenne (CEE), qui perdure en tant qu’Union
européenne, devenant ainsi le premier pays méditerranéen libéré d’une
dictature. La Grèce fait partie de l’espace Schengen depuis 2000
et de la zone euro depuis 2001. Elle est aussi un membre fondateur
des Nations Unies, de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE), de l’Organisation de coopération économique de
la mer Noire (OCEMN) et de l’Union pour la Méditerranée (UPM).
4. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, la Grèce s’est
engagée à respecter les obligations qui incombent à tout État membre
au titre de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
concernant la démocratie pluraliste, les droits de l’homme et la
prééminence du droit. En octobre 2017, elle avait ratifié 99 traités
du Conseil de l’Europe et signé 59 autres sans ratification
. Les conventions internationales
font partie intégrante du droit grec et priment sur toute disposition
contraire du droit interne. La Grèce a ratifié la Convention du
Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197) en avril 2014 et la Charte
sociale européenne révisée (STE no 163)
en mars 2016. Le 25 janvier 2017, la Grèce a ratifié la Convention
sur la cybercriminalité (STE no 185)
et son Protocole additionnel relatif à l’incrimination d’actes de nature
raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques
(STE no 189) ainsi que la Convention
du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à
la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement
du terrorisme (STCE no 198) le 7 novembre
2017. Elle a également signé la Convention du Conseil de l’Europe
contre le trafic d’organes humains (STCE no 216)
en mars 2015 et le Protocole additionnel à la Convention du Conseil
de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 217) en
janvier 2016.
5. Cependant, plusieurs traités importants sont encore en attente
de ratification. Dans sa
Résolution
1953 (2013) , l’Assemblée invite
en particulier la Grèce à signer et/ou à ratifier les traités suivants
du Conseil de l’Europe: Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires (STE no 148), Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales (STE no 157)
et le Protocole no 12 à la Convention
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(STE no 177) relatif à la lutte contre
la discrimination
. Les autorités grecques
ont récemment annoncé qu’elles préparaient la ratification de la
Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210, «Convention d’Istanbul»)
.
À la date du présent rapport, aucun élément n’indiquait une possible ratification
de la Convention européenne sur la nationalité (STE no166),
du Protocole no 15 portant amendement
à la Convention européenne des droits de l’homme et du Protocole
no 16 à la même Convention (STCE nos 213
et 214, signés en mars 2017), ni une éventuelle signature et ratification
de la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique
au niveau local (STE no 144).
6. Le présent rapport d’examen périodique a été élaboré en application
de la
Résolution 2018
(2014) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée
(octobre 2013-septembre 2014) et de l’exposé des motifs approuvés
par la commission le 17 mars 2015. Il repose notamment sur les conclusions
les plus récentes des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe,
sur les rapports de l’Assemblée parlementaire et du Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe et, le cas échéant, sur
les rapports établis par d’autres organisations internationales
et la société civile. Je souhaiterais remercier la délégation grecque
auprès de l’Assemblée parlementaire pour les commentaires extensifs
soumis en mars et septembre 2017
, qui ont été pris en compte pour
la rédaction du présent document.
2. Contexte
2.1. Système
politique et pouvoirs constitutionnels
7. En vertu de sa Constitution,
le régime politique de la Grèce est celui d’une république parlementaire
. Le pouvoir exécutif est exercé par
le Président et son gouvernement. La Constitution de 1975 a limité
les compétences du président afin d’empêcher une concentration des
pouvoirs entre ses mains. La réforme constitutionnelle de 1986 a
encore limité les compétences du Président au profit du Premier
ministre. À la suite de ces réformes, le rôle du Président dans
la formation du gouvernement se limite officiellement à la nomination
du Premier ministre et, sur la recommandation de ce dernier, des
autres membres du gouvernement. Le Président ne peut forcer le gouvernement
à démissionner.
8. Le gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement
hellénique: après chaque élection générale ou en cas de démission
du gouvernement précédent, le nouveau gouvernement doit se présenter devant
le parlement et demander un vote de confiance, ce qu’il peut également
faire à tout autre moment par la suite. La motion de censure contre
le gouvernement ou l’un de ses membres, qui doit être votée par
la majorité absolue du nombre total des députés, est un mécanisme
important du contrôle parlementaire, mais ce mécanisme de dernier
recours a peu de chance d’aboutir: la dernière fois qu’un gouvernement
a été dissous par une motion de censure, c’était en 1993
.
Les députés disposent d’autres moyens pour exercer le contrôle parlementaire
, mais de l’avis de plusieurs
observateurs, ceux-ci ne sont guère efficaces en pratique.
9. Le gouvernement (le Conseil des Ministres) détermine et dirige
la politique générale du pays et est en droit de présenter des projets
de lois. Il est dirigé par le Premier ministre qui, en général,
est le chef du parti ayant obtenu la majorité des sièges au parlement;
c’est lui qui détermine et dirige la politique et l’action du gouvernement.
Alexis Tsipras, actuel Premier ministre et chef de la Coalition
de la gauche radicale (SYRIZA), a prêté serment pour un second mandat
le 21 septembre 2015, au lendemain des élections anticipées remportées
par son parti. Auparavant, il a été Premier ministre du 26 janvier
au 20 août 2015, date à laquelle il a dû démissionner après avoir
perdu sa majorité parlementaire. Le gouvernement Tsipras II a été
remanié le 4 novembre 2016 et a incorporé plusieurs nouveaux ministres.
10. Le Président de la République est le chef de l’État. Il est
élu au suffrage indirect, généralement par une large majorité de
députés
, pour
un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Bien qu’il soit le
chef des forces armées, il a un rôle essentiellement symbolique,
notamment celui de promulguer officiellement les lois adoptées.
Il représente la Grèce sur le plan international et peut prendre
des initiatives politiques importantes, comme de renvoyer des lois
adoptées devant le parlement. Pour pouvoir exercer les pouvoirs
qui lui sont conférés, le Président doit demander le contreseing du
Premier ministre ou du ministre compétent. Prokopis Pavlopoulos,
septième président de la République grecque, a pris ses fonctions
en mars 2015.
11. Le pouvoir législatif est du ressort du Parlement hellénique.
Les 300 députés du parlement monocaméral sont élus au suffrage direct
pour un mandat de quatre ans. Le parlement prend des initiatives législatives,
adopte des lois, approuve le budget de l’État, ratifie les traités
internationaux et exerce un contrôle parlementaire sur le gouvernement.
Il peut en outre réviser ou amender la Constitution, introduire
une motion de censure et passer outre un veto présidentiel. Actuellement,
19,7 % des députés sont des femmes.
12. Le système électoral proportionnel grec est dit «renforcé»
pour les élections législatives, car il permet de former des gouvernements
fortement majoritaires. Sur les 300 sièges de députés, 238 sont
pourvus au suffrage universel direct, les électeurs choisissant
le ou les candidats de leur choix dans 56 circonscriptions. Le parti
arrivé en tête obtient automatiquement un bonus de 50 sièges – le
système vise à garantir la stabilité du gouvernement
.
Les 12 sièges restants sont répartis entre les différentes formations
politiques nationales, au prorata de leurs résultats à l’élection.
Le seuil électoral est fixé à 3 %. En vertu de la Constitution,
le vote est obligatoire, mais aucune des pénalités ou sanctions
prévues n’a jamais été appliquée
.
13. Le système judiciaire grec prévoit trois niveaux de juridictions:
les juridictions civiles et pénales; les juridictions administratives;
et les juridictions spéciales. Le Conseil d’État (Haut Conseil judiciaire)
est la plus haute juridiction administrative et la Cour suprême
(Cour de cassation) la plus haute instance en matière civile et
pénale. Il n’existe pas de Cour constitutionnelle en Grèce. La Constitution
prévoit plusieurs cours spéciales, notamment la Cour des comptes
permanente qui contrôle les dépenses de l’État, et la Cour spéciale supérieure
(ad hoc) qui examine les cas de violations électorales et tranche
en cas de décisions contradictoires rendues par le Conseil d’État
et la Cour suprême ou d’interprétation divergente sur la constitutionnalité
d’une disposition, et une autre Cour spéciale non permanente qui
entend les affaires impliquant des membres anciens ou actuels du
gouvernement qui ont commis des infractions pénales dans l’exercice
de leurs fonctions.
2.2. Relations
avec les pays voisins
14. La Grèce est la première puissance
économique de l’Europe du sud-est et un investisseur régional important.
Sa situation géostratégique à la frontière entre l’Europe, l’Asie,
le Moyen-Orient et l’Afrique en fait un acteur régional de premier
plan et elle a élaboré une politique régionale visant à renforcer
la paix et à promouvoir la stabilité avec les pays voisins
. Les relations n’en sont pas moins
complexes, et plusieurs questions toujours en suspens sont sources
de tensions et conflits potentiels. Le ministère des Affaires étrangères
grec a identifié un certain nombre de questions présentant un intérêt
politique majeur pour la politique étrangère du pays
.
15. Premièrement, après l’indépendance grecque de l’Empire ottoman,
les relations entre la Grèce et la Turquie ont longtemps été une
alternance de conflits et de réconciliation. Elles ont été marquées
par quatre guerres, par un échange important de populations en 1923,
par les persécutions de la minorité grecque orthodoxe en Turquie,
à l’origine d’une émigration en masse dans les années 1950 et 1960,
et enfin par le conflit chypriote en 1974. La délimitation du plateau
continental entre les deux pays n’a pas encore été arrêtée. Les
tensions ont été exacerbées par le «contentieux de l’Égée», un ensemble
de points de désaccord entre la Grèce et la Turquie à propos de
leurs souverainetés respectives sur la zone de la mer Égée
, qui a conduit les deux pays à la limite
de l’affrontement militaire en 1987 et 1996
. Après 1999 et les violents séismes
qui ont frappé les deux pays, la Grèce et la Turquie ont connu une
période de relative normalisation et la Grèce a levé son veto sur
l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Les relations bilatérales,
renforcées par des réunions de haut niveau régulières depuis 2009
, ont surtout visé à apaiser les tensions
et à encourager la coopération. Si des progrès ont été faits sur
le statut juridique du Patriarche œcuménique grec en Turquie
, le
contentieux de l’Égée n’est toujours pas résolu et la question de
la propriété du séminaire grec orthodoxe de Halki n’est toujours
pas réglée. Pour les autorités grecques, la Turquie continue de
remettre en question la souveraineté de la Grèce, notamment en violant
son espace aérien
. Le Président turc
Erdoğan et ses remarques publiques et répétées remettant en cause
le traité de Lausanne de 1923 qui a fixé les frontières communes
entre les deux pays, ont créé des tensions et éveillé la méfiance
.
Les demandes d’asile déposées par huit officiers turcs au lendemain
du coup d’État manqué et la décision de la Cour suprême grecque
de rejeter la demande d’extradition de la Turquie ont porté un coup
aux relations gréco-turques et donné lieu à des déclarations enflammées
ces derniers mois. Les autorités turques ont immédiatement contesté
la décision de la Cour et ajouté qu’elles allaient revoir les modalités
de leur coopération et de leurs relations avec la Grèce
. Cette situation
a causé de nouvelles tensions en mer Égée fin janvier 2017 qui,
pour les autorités grecques, ont été considérées comme des tentatives
de la Turquie de contester la souveraineté grecque sur certains
petits îlots relevant de cette dernière conformément aux traités
internationaux en vigueur.
16. Deuxièmement, le conflit chypriote n’est toujours pas résolu.
Les développements ayant conduit à l’occupation du nord de Chypre
par la Turquie ayant été rappelés dans le dernier rapport d’examen
périodique sur Chypre
, nous n’y reviendrons pas
ici. En janvier 2017, pour la première fois, les trois garants de
la sécurité de l’île – Grèce, Turquie et Royaume-Uni – se sont réunis
pour discuter de la question chypriote
. La Grèce poursuit
une politique étrangère qui vise à parvenir à «un règlement global,
mutuellement acceptable, équitable et durable de la question chypriote
», jugé essentiel
pour les relations gréco-turques.
17. Troisièmement, le problème du nom de «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», qui pèse sur les relations entre les deux pays. À
la suite de l’effondrement de l’ex-Yougoslavie en 1991, «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» a fait sécession de la Fédération yougoslave et proclamé
son indépendance sous le nom de «République de Macédoine». La Grèce
revendique le patrimoine historique et culturel du nom «Macédoine».
D’un point de vue géographique, le terme fait aussi référence à
une vaste région qui s’étend du territoire actuel de la Grèce à
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», à la Bulgarie et à l’Albanie,
ainsi qu’à la région la plus étendue et la deuxième plus peuplée
de Grèce, également appelée «Macédoine»
. En 1993, «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» a été acceptée aux Nations Unies sous son nom provisoire actuel,
jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. En vertu de l’accord provisoire
de 1995, les deux pays ont entamé des pourparlers sous les auspices
des Nations Unies. Ces discussions se poursuivent toujours sans qu’aucun
progrès notable n’ait été fait.
18. Enfin, malgré des contacts réguliers au plus haut niveau et
une solide coopération, les relations entre la Grèce et l’Albanie
tardent à se rétablir – l’Albanie demande à la Grèce de lever l’état
de guerre, déclaré en 1940, tandis que la Grèce demande à l’Albanie
de respecter l’accord bilatéral sur la séparation des frontières maritimes
et les droits de souveraineté liés, signé en 2009 et rejeté par
la Cour constitutionnelle albanaise. Les autres contentieux portent
sur les revendications des Tchams albanais à propos de la reconnaissance
de leur expulsion en 1944-1945 et de leurs droits à la restitution
de leurs biens en Grèce, ainsi que sur les revendications de la
minorité ethnique grecque en Albanie d’utiliser le grec et d’exercer
leurs droits de propriété
.
2.3. Crise
économique et migratoire
19. La Grèce est depuis fin 2009
plongée dans une longue et profonde récession économique due à la
crise financière de 2007-2008 et à la crise de la dette souveraine
,
résultats de plusieurs dizaines d’années de dépenses excessives,
de mauvaise gestion et de faiblesses structurelles. La crise a eu
des effets pervers sur l’économie et sur le marché de l’emploi.
Le produit intérieur brut (PIB) réel a chuté de plus de 25 % en
cinq ans, réduisant d’autant la capacité du gouvernement à rembourser
ses créanciers. Selon Eurostat, le niveau de la dette avait légèrement
baissé en 2015 – 176,9 % du PIB (311 milliards) – après avoir atteint
un pic en 2014 (180,1 %), alors que, dans le même temps, le déficit
remontait à 7,2 % du PIB
. Les conséquences sociales
de la crise ont été funestes et le sont toujours. Le chômage a atteint
27,9 % en septembre 2013 et le chômage des jeunes était de 60 %
en mars 2013
. Selon l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), des réformes structurelles
pour stimuler la croissance et l’investissement en vue de créer
des emplois, d’améliorer la stabilité des finances publiques et
de mettre en place un système de protection sociale efficace sont
cruciales pour aider la Grèce à se relever du coût social colossal
de la crise économique
.
20. Sous la pression de ses créanciers, la Grèce a accepté les
trois plans d’aide de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale
européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)) en 2010,
2012 et 2015, pour un montant total de 326 milliards d’euros
,
afin d’éviter une faillite de l’État qui l’aurait contrainte à sortir
de l’euro. La Grèce a également obtenu une restructuration de sa
dette à hauteur de 127,1 milliards en 2012. Le dernier plan de sauvetage
a été conclu en juillet 2015 avec le soutien du Parlement hellénique,
au terme de plusieurs mois d’âpres négociations et malgré son rejet
par la population grecque lors du référendum peu de temps auparavant
. Conformément
aux modalités du 3e plan d’aide, la Grèce
a dû engager de nouvelles et profondes réformes structurelles et
prendre de nouvelles mesures d’autorité pour contrôler son déficit,
qui ont provoqué un profond mécontentement et de vives protestations
antiaustérité au sein de la population. L’Allemagne a joué un rôle
déterminant dans les discussions sur la crise de la dette grecque,
dont elle a systématiquement refusé d’alléger le fardeau, alors
que le FMI a à maintes reprises appelé les gouvernements de la zone
euro à alléger la dette de la Grèce
. Le 5 décembre
2016, les ministres des Finances de la zone euro ont pour la première
fois adopté plusieurs mesures à court terme pour alléger le poids de
la dette grecque, en rallongeant la durée du remboursement et en
révisant les taux d’intérêt. La Grèce devra probablement accepter
de nouvelles mesures d’austérité en contrepartie de nouveaux allègements
de sa dette à moyen et long terme
. Depuis le début
de la crise, la Grèce a mis en œuvre toute une série de réformes, réduit
ses dépenses publiques et augmenté les impôts
,
de sorte que son économie se redresse progressivement; la Grèce
prévoit de renouer avec la croissance économique en 2017
.
21. Parallèlement, la Grèce a été durement touchée par la crise
des migrations et des réfugiés dans l’est du bassin méditerranéen.
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
plus de 850 000 réfugiés et migrants en provenance, principalement,
de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak – dont près de la moitié sont
des femmes et des enfants – ont atteint les côtes grecques en 2015,
avec un pic en octobre, lorsque plus de 210 000 personnes sont arrivées
par la mer
. La grande majorité a transité par
la Grèce et poursuivi son périple vers d’autres pays européens.
Conséquence des mesures unilatérales et de la fermeture des frontières
le long de la route migratoire des Balkans occidentaux début 2016,
plus de 60 000 réfugiés et migrants se sont retrouvés piégés sur
le continent grec et sur les îles de la mer Égée
.
La Grèce s’est retrouvée dans l’incapacité de faire face; son système
d’asile ne pouvant pas faire face, des dizaines de milliers de réfugiés
et de migrants vivent toujours dans des conditions indécentes dans
des camps ouverts à la hâte. L’Assemblée parlementaire a rappelé
que la Grèce a dû supporter une charge disproportionnée du simple
fait de sa position sur la carte et a critiqué l’Union européenne
et ses États membres qui ont échoué à apporter un soutien adapté
à la Grèce, que ce soit en termes d’assistance ou de relocalisation
. Des dizaines de milliers de réfugiés
et de migrants vivaient dans des conditions ne répondant pas aux
normes jusqu’à la dissolution du camp d’Idomeni (dans la partie
nord de la Grèce à la frontière de «l’ex-République Yougoslave de
Macédoine» (voir ci-dessous le paragraphe 95). Les autorités ont
aussi estimé que la situation s’était détériorée sur les îles de
la mer Egée depuis la déclaration UE-Turquie
et son interprétation par la Turquie,
qui a débouché sur une crise humanitaire
.
La bonne coopération établie entre la Grèce et la Turquie pour régler
la crise migratoire doit néanmoins être soulignée.
3. Démocratie
3.1. Impact
de la crise économique sur les institutions démocratiques
22. Depuis la restauration de la
démocratie en 1974, le système politique grec est un système dual
bipolaire, largement dominé par deux partis qui sont les garants
d’une certaine stabilité politique – Nouvelle démocratie (ND) (centre-droit)
et le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) (centre-gauche)
. Avant 2011, il n’y
a eu que neuf premiers ministres différents en fonction (à l’exception
des gouvernements intérimaires). Il est vrai que quelques gouvernements
seulement sont restés en place jusqu’au bout de leurs mandats en
raison des démissions de leurs premiers ministres pour des raisons
diverses.
23. La crise économique et la crise de la dette souveraine ont
bouleversé ce statu quo et plongé le pays dans une grave crise politique.
Les mesures d’austérité imposées ont provoqué des manifestations antiaustérité
et des troubles sociaux en mai 2010
, notamment des grèves
générales à travers tout le pays. En mai 2011, la Grèce a connu
une deuxième vague de manifestations qui a débuté de façon pacifique
avant de sombrer dans une grande violence
. Le fragile équilibre
politique de la Grèce a une nouvelle fois été mis à mal par de violentes
attaques orchestrées par des groupes extrémistes déterminés à exploiter
le mécontentement suscité par des mesures d’austérité impopulaires
.
24. Plus le pays s’enfonçait dans la crise, moins les Grecs avaient
confiance dans leur système politique, jugeant l’État incapable
de respecter un véritable contrat social et de limiter l’impact
socio-économique de la crise et des mesures d’austérité sur les
citoyens
. La légitimité des
institutions démocratiques a été ainsi remise en question. Les grands
partis politiques ont été incapables d’apporter une solution satisfaisante
à la crise et à ses conséquences sociales; leur popularité a littéralement
chuté. À l’opposé, les partis politiques d’extrême gauche et d’extrême
droite, tous opposés à l’austérité, ont pu compter sur le soutien
de plus en plus grand de la population. La vague de mécontentement
à l’égard des mesures d’austérité a contribué à porter au pouvoir
le parti de gauche SYRIZA et le parti de droite les Grecs Indépendants
(ANEL)
. Le traditionnel clivage gauche-droite
a été remplacé par une division entre les pro et les anti-accords
de prêt à la Grèce par l’Union européenne et le FMI. Or une fois
au pouvoir, le gouvernement de coalition SYRIZA-ANEL dirigé par le
Premier ministre Tsipras a été contraint d’accepter le plan d’aide
pour maintenir la Grèce dans la zone euro, malgré la victoire du
non au référendum de juillet 2015. Le gouvernement, bien que réélu
lors des élections générales de septembre 2015, n’a fait que polariser
davantage une société grecque
déjà divisée et ébranler sa
confiance dans la politique et les partis politiques du pays.
3.2. Élections
législatives
25. Comme indiqué, la crise économique
et de la dette souveraine, et le mécontentement croissant dû aux retombées
socio-économiques des mesures d’austérité ont lourdement pesé sur
les élections législatives de 2012 et de 2015 et bouleversé le système
des partis et tout le paysage politique grec. Le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) a conclu que la
gestion des élections législatives de mai 2012 – les premières depuis le
début de la crise – avait été efficace et impartiale, transparente
et respectueuse de la concurrence
. Ces élections
ont vu reculer les deux partis traditionnels – le PASOK a connu
sa plus sévère défaite depuis 1974 avec seulement 13,2 % des votes
(43,9 % en 2009) et le ND n’a fait que 18,8 % (33,5 % en 2009) –
qui avaient soutenu les mesures d’austérité. SYRIZA est devenu le
deuxième parti du pays, avec 16,8 % des suffrages exprimés (contre
4,6 % en 2009) et le premier parti de gauche, devant le PASOK. Qui
plus est, l’Association populaire Aube dorée (néonazie) a fait son
entrée au parlement avec 7 % des voix. Ces élections n’ayant pas permis
de dégager une majorité parlementaire absolue et les responsables
politiques ayant échoué à former un nouveau gouvernement, le Parlement
a été dissous et de nouvelles élections ont été planifiées.
26. Les élections législatives de juin 2012 ont été marquées par
la percée de SYRIZA, qui a obtenu 26,9 % des suffrages exprimés.
Le ND est toutefois resté en tête avec 29,7 % des suffrages et a
formé un nouveau gouvernement d’union avec le PASOK (12,3 %) et
la Gauche démocratique (DIMAR)
(6.2%) dirigé
par le Premier ministre Antonis Samaras (ND). L’opposition était
représentée, à gauche de l’échiquier politique, par SYRIZA et le
Parti communiste grec (KKE) (4,5 %), à droite par les Grecs Indépendants
(ANEL) (7,5 %), et à l’extrême droite par Aube dorée (6,9 %).
27. En décembre 2014, le gouvernement de Samaras a convoqué des
élections législatives anticipées pour janvier 2015. Après trois
ans dans l’opposition, SYRIZA a remporté sa première grande victoire
sur la promesse d’assouplir la cure d’austérité et de renégocier
un meilleur accord avec les créanciers de la Grèce. Avec 36,3 %
des voix et le bonus automatique de 50 sièges accordé au parti arrivé
en tête, il ne lui manquait que deux sièges pour avoir la majorité
absolue. Le parti a formé un gouvernement de coalition avec le parti
de droite ANEL (4,8 %), avec Alexis Tsipras (SYRIZA) comme Premier
ministre. Le ND est arrivé deuxième (27,8 % des suffrages exprimés)
et l’Aube dorée troisième (6,3 %); le nouveau parti To Potami
a
fait son entrée au parlement avec 6,1 % des suffrages exprimés.
Le PASOK a chuté à 4,7 %.
28. En juillet 2015, lors du vote sur l’accord européen, 25 députés
de SYRIZA ont voté contre le gouvernement ou se sont abstenus, ce
qui signifiait que le gouvernement de Tsipras avait effectivement
perdu sa majorité et que de nouvelles élections devaient avoir lieu
. Avec une majorité de 35,5 % des
suffrages exprimés, SYRIZA a une nouvelle fois obtenu le bonus de
50 sièges et a formé un nouveau gouvernement de coalition avec ANEL
(3,7 %), les deux partis disposant ainsi d’une majorité de 155 sièges
(153 aujourd’hui). Le ND est devenu le deuxième parti du pays avec
28,1 %. Les élections ont également vu la consolidation du parti d’extrême
droite Aube dorée, désormais troisième force politique du pays avec
7 %. La Coalition démocratique, alliance politique entre le PASOK
et DIMAR, est arrivée quatrième avec 6,3 % et s’est retrouvée dans
l’opposition avec le KKE (5,6 %), To Potami (4,1 %), et l’Union
des centristes (EK)
(3,4 %)
qui ont fait leur entrée au parlement.
3.3. Les
partis extrémistes (Aube dorée)
29. Le désenchantement de la population
à l’égard du système politique et la crise des réfugiés et des migrants
ont créé des conditions favorables aux discours extrémistes. Le
soutien populaire au mouvement opposé à l’austérité a progressivement
basculé vers un soutien politique aux partis qui mettaient en avant l’indépendance
et la souveraineté de la nation grecque opposée à de nouveaux plans
de sauvetage et à une nouvelle cure d’austérité, perçus comme des
«diktats» des créanciers internationaux. C’est ainsi qu’ont émergé
des partis contestataires et extrémistes qui promettaient une autre
vision fondée sur un euroscepticisme commun et un nationalisme fervent
.
30. Le parti d’extrême droite le plus connu, probablement le plus
extrême aussi, qui a le plus profité de la crise politique grecque
est l’Association populaire – Aube dorée, eurosceptique et ultranationaliste,
qui s’appuie sur une idéologie fasciste et néonazie
. L’Aube dorée a été fondée
en 1985 et trouve son origine dans la publication, en 1980
, d’une
revue éponyme
. Son leader est le négationniste
Nikolaos Michaloliakos
, proche de la junte
militaire en 1967-1974 et inculpé en 1978 pour avoir participé à
des actes terroristes. L’Aube dorée rejette la démocratie libérale
et ses institutions. Le parti est accusé d’être une organisation
militaire qui prône la violence et promeut la discipline et le respect
du chef. L’Aube dorée est raciste et xénophobe, prône la supériorité
de l’héritage et de la culture grecs et veut nettoyer la nation
grecque de ses ennemis, tels que les migrants et autres minorités
.
31. L’Aube dorée a d’abord su transformer le soutien populaire
en vote aux élections locales de novembre 2010 à Athènes, où le
parti a décroché un siège au conseil municipal après avoir remporté
5,3 % des suffrages exprimés
. En
mai et juin 2012, il est entré au Parlement hellénique avec respectivement
7 % et 6,9 % des voix. Malgré les mesures de répression prises par
les autorités grecques en 2013 et 2014, à la suite de l’assassinat
du rappeur et militant antifasciste Pavlos Fyssas par un militant
de l’Aube dorée en septembre 2013, le parti a conservé le soutien
de la population aux élections européennes de mai 2014 (9,4 % des suffrages
exprimés). L’Aube dorée a obtenu respectivement 6,3 % et 6,9 % des
suffrages aux élections législatives de janvier et de septembre
2015; avec 18 sièges, il est actuellement la troisième force politique
au Parlement hellénique.
32. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
estime que les membres et les supporters de l’Aube dorée, dont ses
députés, ont régulièrement été impliqués, directement ou indirectement,
dans des agressions violentes et des crimes de haine commis contre
des migrants et des opposants politiques. Il a fait part de ses
préoccupations concernant des liens présumés entre le parti et la
police grecque
. Après l’assassinat
de Pavlos Fyssas, les autorités grecques ont mis en inculpation
69 membres et supporters du parti, dont le chef du parti et 18 députés
en fonction et anciens députés, ainsi que plusieurs responsables
du parti et policiers, pour participation à une organisation criminelle
et commission d’autres infractions pénales. Le Parlement hellénique
a en outre suspendu le financement public des partis politiques
dont les leaders ou les élus sont accusés d’infraction grave. Le
Commissaire s’est félicité de l’action de l’État grec contre l’Aube dorée,
y voyant une étape importante vers la protection de l’État de droit
et de la démocratie en Grèce
. Le procès s’est
ouvert le 20 avril 2015 et était toujours en cours à la date du
présent rapport
.
33. Les raisons du succès de l’Aube dorée sont diverses et complexes,
mais il est clair qu’en défendant une solution extrémiste et ultranationaliste,
le parti a apporté une réponse plausible à la profonde crise sociale
et politique grecque
. La percée de
l’Aube dorée et le soutien populaire dont il bénéficie dans le système politique
grec soulèvent plusieurs questions en relation avec la nature des
politiques démocratiques. Le fait qu’un parti ouvertement opposé
à la démocratie parlementaire puisse opérer dans le cadre du système parlementaire
a révélé une profonde division au sein d’une société dépassée par
la crise. La proposition d’une interdiction constitutionnelle du
parti pour en finir avec l’Aube dorée peut avoir l’effet contraire
à celui recherché et renforcer le soutien du parti. Une solution
durable passe par une culture politique plus tolérante, plutôt que par
une division artificielle de la société grecque.
3.4. Liberté
des médias
34. Depuis quelques années, la
crise économique et le cadre réglementaire renforcé de manière sélective ont
conduit à une érosion du pluralisme des médias grecs. Selon le Rapport
sur la liberté de la presse 2015, de nombreux médias ont fermé,
ont procédé à des réductions de personnel et des salaires, ou ne
paient plus les salaires. La forte concentration des médias entre
les mains de quelques patrons de presse animés par des intérêts
commerciaux a également eu des effets négatifs sur l’indépendance
des médias. Les médias publics ont tendance à éviter de couvrir
les événements de manière critique en raison de leurs liens étroits
avec l’élite politique, dont le gouvernement et les partis politiques.
Cet environnement polarisé a encouragé l’exercice de pressions politiques
et juridiques sur les journalistes, et le gouvernement précédent
se serait ingéré dans des questions éditoriales. Les médias grecs
sont de ce fait incapables d’exercer pleinement leur fonction de contrôle
sur l’exécutif.
35. En 2013, le gouvernement a décidé de fermer le radiodiffuseur
public Hellenic Broadcasting Corporation (ERT), composé de cinq
chaînes de télévision nationale et de plusieurs stations de radio
. La mesure, bien que
jugée constitutionnelle par le Conseil d’État, a été vivement critiquée
par l’opposition. En 2014, un autre radiodiffuseur, plus modeste,
a été mis en place, dont l’indépendance et l’impartialité du gouvernement
est au mieux discutable. L’ERT a été rétablie en avril 2015 en tant
que radiodiffuseur public, ce qui a permis au paysage médiatique
grec de renouer avec une certaine diversité. Cependant, l’ERT reste
économiquement dépendante du gouvernement en place et est donc vulnérable
à l’ingérence politique.
36. Malgré ces mesures positives, l’indice de la liberté de la
presse de Freedom House classe la Grèce parmi les pays «partiellement
libres»
. La Grèce occupe la 88e place,
sur 180 pays, au classement mondial de la liberté de la presse 2017
de Reporters sans frontières (RSF)
.
- Selon
la Fondation Open Society, la Grèce est l’État membre de l’Union
européenne «où le journalisme et les médias traversent une crise
des plus graves ».
Les autorités ont affirmé que la législation récente a permis de
réglementer les chaînes de télévision privées qui fonctionnaient
auparavant sans licence légale :
le nombre de chaînes de télévision diffusant actuellement en Grèce
est identique à ce qu’il était avant l’entrée en vigueur de la législation
susmentionnée. En 2015, année marquée par la persistance de la crise
économique, par deux élections législatives et par un référendum
national sur le plan d’aide, les médias grecs étaient toujours particulièrement
vulnérables à des pressions et à des influences politiques potentiellement
injustifiables sur ses contenus. Pour les autorités, la preuve en
était la couverture extrêmement subjective des campagnes référendaires
(en faveur du camp du «oui») par les médias privés et les décisions
du Conseil d’État et de la Cour
administrative suprême annulant l’organisation d’un appel d’offres
pour l’octroi de licences à des chaînes d’information générales
de portée nationale .
Dans l’intervalle, comme l’a noté l’Assemblée parlementaire , les autorités grecques
avaient suspendu l’appel d’offres dans l’attente de la décision
du Conseil d’État, qui a constaté que l’exploitation des chaînes
de télévision avait été jusqu’alors illégale et non conforme à la Constitution;
dès lors, il était impératif de rétablir la légalité et de reprendre
l’appel d’offres pour l’octroi de licences de radiodiffusion dans
les plus brefs délais, conformément à la loi alors applicable, sous réserve
qu’il soit repris par le Conseil national de la radio et de la télévision
de manière à respecter la Constitution .
Le Gouvernement grec a en conséquence légiféré comme suit: le nombre
de licences de télédiffusion serait défini avec l’approbation du
Conseil national pour la radio et la télévision (qui est pleinement
opérationnel depuis novembre 2016), qui a établi à sept le nombre
de licences octroyées par le biais d’appels d’offre publics.
- Le Conseil de l’Europe a également fait part de ses préoccupations
à propos de plusieurs journalistes et médias condamnés pour diffamation
ou insultes .
37. Le rapporteur appelle les autorités grecques à garantir l’indépendance
des médias nationaux.
3.5. Autonomie
locale
38. En vertu de la Constitution,
l’administration de l’État est décentralisée et les questions d’administration locale
relèvent des pouvoirs locaux. Les divisions administratives de la
Grèce consistent en deux grands niveaux de collectivités locales:
les régions et les municipalités. Les 13 régions grecques sont divisées
en 74 unités régionales. À la suite de la grande réforme structurelle
de 2011 («Programme Kallikratis»), le nombre de municipalités a
été ramené à 325, qui peuvent être subdivisées en communes municipales
ou en communes locales et sont en charge des questions sociales,
financières, culturelles et religieuses. Les dernières élections
locales et régionales se sont tenues en mai 2014. Le parti Nouvelle
Démocratie est arrivé en tête avec 26,3 % des suffrages exprimés,
devant SYRIZA (17,7 %) et le PASOK (L’Olivier) (16,2 %). Les régions
relèvent des sept nouvelles autorités de l’État créées sous le contrôle
du ministère de l’Intérieur. Ce ne sont pas des collectivités territoriales
à proprement parler, mais elles exercent les pouvoirs qui leur sont conférés
par l’État sur des questions telles que la politique environnementale,
la politique énergétique, ou la politique en matière de migration.
39. La Grèce a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale
(STE no 122) en 1989, mais elle n’est
pas liée par plusieurs dispositions et le droit interne limite la
portée de la Charte au premier niveau de l’administration locale.
Dans sa recommandation de 2015 sur la démocratie locale et régionale
en Grèce, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe recommande aux autorités grecques d’étendre le champ
d’application de la Charte au deuxième niveau (les régions), en
modifiant la législation en vigueur. En outre, la Grèce n’a pas
signé le Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie
locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités
locales (STCE no 207). Le Congrès a noté
avec satisfaction les progrès réalisés par la Grèce grâce en particulier
à l’adoption du Programme Kallikratis, qui marque une avancée importante
vers une organisation territoriale plus décentralisée et qui étend
les compétences locales, ainsi que la transparence et la responsabilité
des collectivités locales, tout en développant les bases d’une plus
grande autonomie financière et en renforçant leur rôle dans la formulation
et la mise en œuvre de politiques au niveau local. Le Congrès a
toutefois demandé aux autorités grecques de réviser le rôle, les
compétences et la répartition des responsabilités entre les sept
administrations de l’État, les régions et les municipalités, et
d’améliorer les processus de consultation entre l’État, les régions
et les municipalités pour toutes les questions qui les concernent
directement
.
40. La crise économique et de la dette souveraine n’ont pas épargné
les autorités locales. Le Congrès a recommandé aux autorités grecques
de réviser la législation afin d’accorder des compétences de réglementation
aux collectivités locales et de veiller à ce que le transfert de
compétences aux collectivités locales s’accompagne des ressources
financières correspondantes, dont elles pourront disposer librement dans
le cadre de leurs compétences, grâce notamment à la levée de recettes
locales et en développant leur autonomie financière. Le Congrès
demande également, entre autres, aux autorités d’appliquer d’urgence, dans
la pratique, les dispositions en vigueur relatives aux municipalités
insulaires et de montagne et de leur accorder un statut spécial,
en particulier pour ce qui concerne les finances. Il souligne la
nécessité d’accorder un statut spécial à la municipalité d’Athènes
en tant que capitale et d’adopter des dispositions spéciales pour les
municipalités métropolitaines d’Athènes et de Thessalonique
.
41. Tout en reconnaissant le contexte difficile et les progrès
réalisés dans le domaine de la démocratie locale en Grèce ces dernières
années, le rapporteur invite les autorités à prendre toutes les
mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations du
Congrès.
3.6. Relation
entre l’Église et l’État
42. Pour des raisons historiques,
la Constitution de la Grèce reconnaît le christianisme orthodoxe
comme la religion
dominante et confirme la prévalence de Église Orthodoxe, mais interdit
le prosélytisme. Cette prévalence est attestée par ses liens institutionnels
profonds avec l’État, qui lui garantit aussi (et surtout), un certain
nombre de privilèges et de prérogatives juridiques et la soutient
financièrement
. Jusqu’en
2010, l’Église orthodoxe était largement exonérée d’impôts, alors
qu’elle est le deuxième plus grand propriétaire foncier du pays
après l’État. Depuis les récentes réformes juridiques, elle est
soumise à l’impôt foncier sur les propriétés utilisées à des fins
non religieuses, mais continue de ne payer aucun impôt ni aucune
taxe municipale sur les biens utilisés exclusivement à des fins
religieuses
. La Commission
nationale des droits de l’homme de Grèce (CNDH) a souligné la nécessité
de réglementer les relations entre l’Église orthodoxe et l’État
afin d’établir des rôles distincts, conformément aux normes internationales
et du Conseil de l’Europe
.
43. Dans la pratique, l’Église orthodoxe est une institution puissante
qui continue d’exercer une influence prépondérante sur la société
et la politique grecques, notamment par l’intermédiaire du ministère
de l’Éducation nationale et des affaires religieuses. Une décision
ministérielle de septembre 2015 a par exemple assoupli les mesures de contrôle
des capitaux de l’archidiocèse et des métropolites de l’Église orthodoxe grecque
. Coopérer avec
l’Église orthodoxe et protéger ses privilèges présentant apparemment
des avantages politiques, il convient de mettre en place des garanties
claires en relation avec la neutralité religieuse de l’État.
44. Impossible de traiter la question des relations entre l’État
et l’Église sans évoquer le statut spécial du Mont Athos (région
de Aghion Oros, la Sainte-Montagne), communément appelé «Cité monastique
autonome du Mont Athos». Il est situé sur une péninsule montagneuse
située du nord de la Grèce et comprend 20 monastères. Son statut
et son autonomie étant protégés par la Constitution, le mont Athos
constitue un État autonome au sein de la Grèce. L’État lui accorde
des avantages douaniers et des exemptions fiscales
. Le statut spécial
de l’État monastique est expressément reconnu depuis l’adhésion
de la Grèce aux institutions européennes. En conséquence, la libre
circulation des personnes et des marchandises sur son territoire
et l’entrée des femmes y sont toujours interdits
et le mont Athos
reste en dehors du territoire fiscal de l’Union européenne en matière
de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
4. Prééminence
du droit
4.1. Indépendance
et efficacité de la justice
45. Dans son rapport d’évaluation
sur les systèmes judiciaires européens d’octobre 2016, la Commission pour
l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe (CEPEJ) confirme
que la crise économique et de la dette souveraine a eu un impact
relativement important sur le fonctionnement de la justice en Grèce.
D’après le rapport, le budget annuel du système de justice, qui
comprend notamment les budgets alloués aux tribunaux, au ministère
public et à l’aide judiciaire, dont le total définit le budget du
système judiciaire, ne représentait que 0,5 % des dépenses publiques,
soit le taux le plus faible parmi les 46 États évalués. Le budget
du système judiciaire a subi des coupes budgétaires importantes
entre 2010 et 2012. Si le ministère des Finances contrôle toujours
étroitement les dépenses judiciaires étant donné la situation économique,
on relève néanmoins une légère augmentation du budget alloué au
système judiciaire entre 2012 et 2014, qui s’explique surtout par
les efforts financiers importants qui ont accompagné le lancement
d’un projet d’informatisation des tribunaux et par une augmentation
des dépenses relatives à l’aide judiciaire. En outre, entre 2010
et 2014, le nombre de juges professionnels a baissé de 30 % et celui
des tribunaux de 29 %
. Ces mesures d’économie
ont aussi eu un effet direct sur l’administration de la justice
et notamment sur le volume de travail croissant des tribunaux
.
46. La Grèce est l’un des rares pays où les parties doivent payer
une taxe ou des frais judiciaires pour intenter une procédure, y
compris au pénal. La Commission nationale des droits de l’homme
a réprouvé l’augmentation rapide des frais judiciaires, qui peuvent
sérieusement entraver l’accès à la justice, et a recommandé leur
suppression ou pour le moins une baisse drastique de leur montant
. Si la loi prévoit que les victimes de
crimes les plus graves, de crimes racistes et de violence domestique
ou sexuelle qui saisissent les juridictions pénales sont exonérées
de taxe, ce n’est pas le cas pour les victimes de mauvais traitements
infligés par la police qui n’atteignent pas le seuil de gravité
requis. Les revenus générés par les taxes et frais judiciaires ont
progressé de 65 % entre 2010 et 2014; ils représentent désormais
près d’un tiers du budget global du système judiciaire. Parallèlement,
l’aide judiciaire a elle aussi augmenté sur la même période et représente
2,1 % du budget global
.
47. Alors que l’indépendance fonctionnelle et personnelle des
magistrats est garantie et que leur intégrité est protégée par des
mécanismes de carrière et des règles procédurales, le Groupe d’États
contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a fait part
de ses préoccupations quant à l’indépendance de la justice dans son
quatrième rapport d’évaluation. Les magistrats nommés aux plus hautes
fonctions sont élus par le Conseil des ministres pour quatre ans
maximum, sur proposition du ministre de la Justice, qui peut aussi
demander l’ouverture de procédures disciplinaires à leur encontre.
Le GRECO recommande par conséquent aux autorités grecques de revoir
la méthode de sélection aux plus hautes fonctions des juges et des
procureurs et leur mandat potentiellement soumis à une forte influence
de l’exécutif, et d’examiner l’opportunité de modifier les modalités
d’ouverture des procédures disciplinaires à leur égard
.
48. Les dispositions généreuses sur les immunités ministérielles
prévues dans la Constitution grecque ont suscité le mécontentement
de la population vis-à-vis de l’État de droit
.
En raison de ses préoccupations quant à l’autonomie opérationnelle
du parquet, à l’indépendance et à l’impartialité des poursuites
judiciaires, le GRECO recommande d’amender les procédures, complexes
et longues, impliquant la Cour spéciale, qui statue dans les affaires
concernant des membres ou anciens membres du gouvernement, de manière
à ce que lesdites procédures n’empêchent ou ne freinent les procédures
pénales à leur encontre. Les arriérés d’affaires génèrent des risques
accrus d’ingérence indue auxquels il conviendrait de remédier avec
des garanties suffisantes contre les retards excessifs et les interventions
de tiers. Plus généralement, de l’avis du GRECO, le fonctionnement
de la justice devrait être évalué et rendu plus transparent et responsable
grâce à un «reporting» périodique. Les autorités grecques doivent
également établir des règles de conduite et rationaliser le contrôle
général des juges et procureurs
.
49. Selon le rapport de la CEPEJ, il est préoccupant de constater
que des fonctionnaires de police spécialement habilités disposent,
durant la phase préparatoire au procès, voire dans l’exercice des
poursuites, de prérogatives dont ne disposent que les procureurs
dans d’autres États. Le Comité pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil
de l’Europe fait le même constat dans son rapport de visite en 2015
, dans lequel il observe que le
système actuel des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements
infligés par des membres des forces de l’ordre se caractérise par
un certain nombre de lacunes systémiques de la part de la police
et des autorités judiciaires. Du coup, les enquêtes sont souvent
inefficaces, ce qui favorise l’impunité. Le rapport critique notamment
la passivité des procureurs et des juges lorsqu’il s’agit d’ouvrir
une enquête sur les allégations de mauvais traitements et le manque
d’action des autorités de poursuites pour enquêter efficacement
sur ces allégations. Le CPT recommande de modifier le droit interne
afin de garantir que les enquêtes administratives sur les allégations de
mauvais traitements policiers soient confiées à des policiers d’un
autre service et réitère sa recommandation de longue date sur la
création d’un organe indépendant de plaintes contre la police. Il recommande
également de rappeler fermement les procureurs et les juges à leurs
obligations
.
50. En août 2016, le Commissaire aux droits de l’homme s’est félicité
de la décision des autorités grecques de charger l’ombudsman grec
d’enquêter en toute indépendance sur les allégations de mauvais
traitements infligés par des fonctionnaires de police et pénitentiaires,
en plus des mécanismes d’enquête disciplinaire et pénale en place
. Il invite cependant
les autorités à réfléchir à la possibilité d’élargir le champ des compétences
du mécanisme et à prévoir une procédure d’examen par une autorité
publique en vue de garantir le fonctionnement efficace du nouveau
mécanisme
. Le mécanisme envisagé ne supprime pas
tout risque d’impunité, puisqu’il n’interdira pas l’implication
des fonctionnaires de police au stade de l’enquête pénale ou des
poursuites. Les recommandations du médiateur n’étant pas contraignantes,
ces policiers peuvent ne pas les suivre, sur la base d’une décision
motivée. Dans une déclaration du 21 novembre 2016, le Commissaire regrette
que le projet de loi soumis au Parlement hellénique ne permette
pas d’établir un mécanisme réellement efficace, conformément à sa
recommandation
.
51. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a à plusieurs
reprises rappelé les violations chroniques de la part de la Grèce
en relation avec la durée excessive des procédures judiciaires et
le manque de recours effectifs et a exhorté les autorités grecques
à adopter le projet de loi sur l’accélération des procédures juridiques
et l’indemnisation des victimes
. Du fait de la persistance
de ce problème, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé
d’appliquer la procédure de l’arrêt-pilote dans les affaires
Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce (durée
excessive de la procédure administrative),
Glykantzi
c. Grèce (durée excessive de la procédure civile) et
Michelioudakis c. Grèce (durée excessive
de la procédure pénale)
. Dans les trois arrêts, elle
a constaté l’existence de problèmes structurels et souligné les
dysfonctionnements du système judiciaire. En décembre 2015, 347
arrêts rendus contre la Grèce étaient en attente d’exécution
.
52. Les autorités grecques ont réagi en prenant plusieurs mesures
pour rationaliser la justice, accélérer et renforcer l’efficacité
des procédures judiciaires et mettre en place des recours effectifs.
Elles ont notamment adopté un nouveau code de procédure civile,
réduit la durée des procédures ou déchargé les tribunaux. Des amendements
législatifs ont permis de mettre en place des recours compensatoires
en cas de durée excessive de la procédure, qui permet un redressement
approprié et suffisant dans toutes les
procédures internes
. Les réformes engagées ont
déjà permis d’obtenir des résultats et ont considérablement accéléré
les procédures, tout en diminuant la durée moyenne des litiges.
La Cour européenne des droits de l’homme a en outre jugé les nouveaux
recours efficaces et accessibles
. En conséquence, le Comité
des Ministres a décidé de clore l’examen des trois groupes d’affaires
et des trois arrêts-pilotes contre la Grèce en décembre 2015
. Malgré
ces réformes substantielles, des progrès restent à faire pour qu’elles
soient pleinement effectives en pratique et pour gérer le volume
d’affaires des tribunaux. En octobre 2016, la CEPEJ a noté que, faute
de données statistiques, il était impossible d’évaluer leur impact
sur les affaires administratives et pénales, et a recommandé de
surveiller étroitement la situation des tribunaux et des procureurs
grecs du point de vue de l’efficacité et de la qualité de leurs
activités
.
53. À cet égard, le Centre grec de droit constitutionnel européen
(CDCE) considère que le système de justice pénale grec souffre de
plusieurs problèmes chroniques, dont un recours excessif à la détention provisoire
. La méfiance à l’égard
des mesures de substitution, jugée inefficaces, favorise le recours
à la détention provisoire, ce que confirme par exemple le recours
très limité à la surveillance électronique, malgré le projet pilote
qui a démarré en mai 2015
.
Les normes du Conseil de l’Europe pertinentes en matière de droit
à la liberté et à la sécurité, et notamment la durée et le caractère
raisonnable de la détention provisoire, ne sont pas respectées par
les tribunaux grecs et la Cour européenne a jugé que la Grèce avait
violé la Convention européenne des droits de l’homme dans plusieurs
affaires
. La durée relativement longue
de la détention provisoire, de six à 12 mois en moyenne, est souvent
due à des ressources limitées et à des retards dans les instructions.
Le Centre recommande par conséquent, outre de former les juges et
les procureurs à la Convention européenne des droits de l’homme
et à la jurisprudence de la Cour européenne, de développer des normes
communes pour la détention provisoire et d’améliorer l’efficacité
des mesures de substitution
. À la date du présent
rapport, les autorités grecques examinaient la possibilité de limiter
le recours à la détention provisoire dans le cadre de l’élaboration
du nouveau code pénal et du nouveau code de procédure pénale
.
54. Tout en reconnaissant les problèmes et les mesures prises
par les autorités grecques pour renforcer l’efficacité de la justice,
le rapporteur s’inquiète de l’impact de la crise sur la justice
grecque et des conclusions des organes de suivi du Conseil de l’Europe
sur l’indépendance de la justice. Il demande par conséquent aux autorités
grecques de mettre en œuvre les recommandations pertinentes formulées
par le GRECO, le CPT et le Commissaire aux droits de l’homme concernant
l’accès à la justice, l’indépendance de la justice et la création d’un
organe indépendant de plaintes contre la police.
4.2. Lutte contre la corruption et le blanchiment
d’argent
55. La corruption reste endémique
en Grèce. Le GRECO voit dans la corruption l’une des causes profondes de
la crise économique et de la dette souveraine de la Grèce, où la
perception de la corruption dans la société reste élevée
. Dans l’Indice 2015 de perception
de la corruption de Transparency International, la Grèce est classée
au 58e rang (sur 168) – à noter toutefois
que le pays a fait une belle remontée après avoir été classé à un
rang historiquement bas en 2008-2009
. L’enquête Eurobaromètre réalisée
2013 sur la perception de la corruption a conclu que pour 99 % des
sondés, la corruption est très répandue dans le pays et que 66 % considèrent
que la corruption et l’abus de pouvoir à des fins personnelles sont
monnaie courante parmi les responsables politiques
. Le rapport d’évaluation
du système d’intégrité national de la Grèce élaboré par Transparency
International en février 2013 estime à 3 milliards le chiffre d’affaires
annuel de la corruption (plus de 70 milliards cumulés avec l’économie
souterraine)
.
56. La nécessité de combattre la corruption est de plus en plus
reconnue comme un problème majeur et la Grèce a ratifié les conventions
pertinentes du Conseil de l’Europe sur la corruption en 2002 et
en 2007. Bien que les représentants de l’État encourent des sanctions
pénales en cas d’infraction de corruption, le cadre juridique reste
trop complexe, comme l’a souligné le GRECO
. À cela
s’ajoute un faible niveau de mise en œuvre et d’application des
lois en vigueur. Parmi les secteurs les plus corrompus, on peut
citer le fisc, les marchés publics et la santé. Cadeaux, pots-de-vin
et paiements dits de facilitation y seraient monnaie courante
. Dans son dernier rapport d’évaluation,
le GRECO rapporte des cas de manipulation législative et institutionnelle
présumée qui permet de dégager leurs auteurs de toute responsabilité
– un système que facilitent l’opacité des procédures législatives
et l’insuffisance des contrôles. L’adoption, en 2013, d’une Stratégie
et d’un Plan d’action nationaux de lutte contre la corruption est
une évolution prometteuse à cet égard
.
Les autorités grecques ont par ailleurs redoublé d’efforts pour
combattre la corruption et l’évasion fiscale en multipliant les
contrôles internes et en prenant des mesures disciplinaires contre
les représentants des autorités corrompus. Bien que la justice ait
récemment prononcé des sanctions plus sévères dans des affaires
de corruption à haut niveau, nombre d’enquêtes n’aboutissent pas
et les retards de procédures judiciaires sont considérables
.
57. Le GRECO avait conclu que la Grèce avait mis en œuvre ou traité
de manière satisfaisante la plupart des recommandations formulées
dans le premier rapport d’évaluation et la moitié de celles formulées
dans le deuxième rapport d’évaluation
. Trois
rapports intérimaires lui ont toutefois été nécessaires avant de parvenir
à la conclusion que le niveau de conformité avec les recommandations
formulées dans le troisième rapport d’évaluation n’était plus «globalement
insuffisant». Dans ce troisième rapport intérimaire, le GRECO recommande
à la Grèce de prendre des mesures énergiques pour garantir la transparence
du financement des partis politiques et pour adopter un nouveau
cadre juridique sur le financement et le contrôle des partis politiques,
lequel est désormais conforme aux dispositions contrôlées par le
GRECO
.
58. Dans son quatrième rapport d’évaluation, le GRECO adresse
19 recommandations aux autorités grecques. Selon les experts, la
Grèce «en est à un stade précoce des politiques d’intégrité pour
les parlementaires» et il n’existe pas encore de règlement et de
code de conduite pour les parlementaires. Ils se félicitent néanmoins
de la mise en place en 2015 du Comité d’enquête sur les déclarations
de patrimoine, dans lequel ils voient une «évolution prometteuse».
Le GRECO recommande à la Grèce d’assurer un niveau de consultation
adéquat lorsque la législation en est au stade de la rédaction/de
l’adoption, de revoir le système de déclaration des revenus et des
actifs, applicable également aux intérêts, et de mettre en place
une réglementation sur le lobbying au niveau parlementaire. La Grèce
doit aussi revoir son système d’immunités parlementaires et prendre
des mesures déterminées pour garantir que les procédures de levée de
l’immunité parlementaire n’entravent ni n’empêchent les enquêtes
pénales visant des membres du parlement soupçonnés d’infractions
de corruption
.
59. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux,
bien qu’elle ne soit pas membre du Comité d'experts sur l'évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL), la Grèce est membre du Groupe d’action
financière (GAFI) depuis 1991. Le 10e rapport
de suivi du GAFI d’octobre 2011 donne un aperçu des principaux changements
apportés au système de lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme et la prolifération (LBC/FTP) en Grèce
depuis l’adoption du 3e rapport d’évaluation
mutuelle de juin 2007. Le GAFI a reconnu que la Grèce avait fait
des progrès significatifs pour remédier aux carences identifiées
dans son rapport d’évaluation mutuelle et a décidé que le pays ne
devait plus faire l’objet du processus de suivi régulier
.
60. S’agissant de la corruption étrangère, la Grèce a ratifié
la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales
(Convention anticorruption) en 1999 et la Convention des Nations
Unies contre la corruption en 2008. L’OCDE a invité instamment la
Grèce à faire de la lutte contre la corruption étrangère une priorité
en renforçant sa législation et les règles pertinentes, et en traitant
explicitement la corruption étrangère dans ses stratégies nationales
de lutte contre la corruption
.
61. Tout en félicitant la Grèce pour les nombreuses mesures prises
afin de garantir la transparence du financement des partis politiques
et lutter contre la corruption, le rapporteur demande aux autorités
de poursuivre leurs efforts pour mettre en œuvre les recommandations
du GRECO de manière à s’attaquer efficacement aux causes profondes
du phénomène.
5. Droits de l’homme
5.1. Considérations générales sur le système
de protection des droits de l’homme
62. La Constitution grecque établit
les principes de base de la protection des droits de l’homme en
Grèce et contient l’un des catalogues des droits civils et sociaux
les plus précis que l’on puisse trouver dans les constitutions européennes
– il comprend notamment le droit à l’emploi, à la sécurité sociale,
au logement et aux soins médicaux. Ces droits ont été renforcés
par la réforme constitutionnelle de 2001, qui a introduit de nouveaux
droits individuels, dont la protection des données et de l’identité
génétiques, ou la protection contre le traitement des données personnelles
par des moyens électroniques. Toute personne résidant sur le territoire grec
peut exercer tous ces droits de l’homme; il appartient à l’État
et à ses agents de veiller à ce qu’ils puissent exercer pleinement
leurs droits et libertés individuels.
63. Les structures indépendantes des droits de l’homme sont au
nombre de deux. Composée de représentants de 32 institutions et
organisations, la Commission nationale des droits de l’homme de
Grèce (CNDH) est un organe consultatif du gouvernement sur les questions
des droits de l’homme
. Son efficacité est reconnue et
un récent amendement législatif a renforcé ses compétences. Le Bureau
de l’Ombudsman est une autorité indépendante établie par la Constitution
pour protéger les droits de l’homme individuels. L’Ombudsman, dont
l’action est jugée efficace, est notamment chargé d’examiner les
plaintes individuelles. Depuis la ratification par la Grèce du Protocole
facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants en 2014, le Bureau de l’Ombudsman fait office de Mécanisme
national de prévention (MNP) et contrôle tous les lieux de privation
de liberté du pays. Depuis 2014, il est en outre chargé du suivi
externe des opérations impliquant des ressortissants de pays tiers
visés par une décision de retour. La Grèce prévoit aussi de renforcer
les responsabilités de l’Ombudsman en tant qu’organe de l’égalité
pour enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés
par des fonctionnaires de police et pénitentiaires. Pour qu’il reste
efficace, il est impératif que le Bureau de l’Ombudsman dispose
de ressources suffisantes.
64. En 2014, les autorités grecques ont adopté le premier Plan
d’action national sur les droits de l’homme pour la période 2014-2016
et ont également élaboré plusieurs stratégies nationales, dont le
Plan stratégique national d’inclusion sociale, ainsi que des plans
d’action spécifique, en particulier le Plan d’action national pour les
droits de l’enfant. La CNDH a toutefois regretté l’absence d’un
plan d’action national de lutte contre le racisme et l’intolérance
et a recommandé la mise en place d’un mécanisme qui puisse évaluer
l’impact des droits de l’homme sur toutes les mesures prises par
l’État
.
À la date du présent rapport, les autorités grecques évaluaient
la mise en œuvre du Plan d’action national sur les droits de l’homme
et développait de nouvelles priorités pour un plan d’action révisé.
Elles examinaient également la possibilité d’établir un «mécanisme
de planification des droits de l’homme efficace, inclusif et opérationnel»
. Le rapporteur apprécierait
que les autorités grecques fournissent des informations détaillées
sur la mise en œuvre du Plan d’action national sur les droits de
l’homme, ainsi que sur le contenu et les priorités d’un éventuel
plan d’action révisé.
65. Si la crise économique et les mesures d’austérité ont eu de
lourdes conséquences pour les institutions démocratiques et la justice,
elles ont également affecté la jouissance des droits de l’homme
et en particulier des droits sociaux, les premières victimes étant
les citoyens les plus vulnérables. Depuis janvier 2015, le nouveau
gouvernement a pris plusieurs mesures dans différents domaines pour
atténuer l’impact des mesures d’austérité et réduire les inégalités
sociales. Les autorités grecques gardent les mécanismes de protection
des droits de l’homme internationaux en ligne de mire, y compris
les normes du Conseil de l’Europe, ce qui devrait être salué.
66. En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a attribué
337 requêtes à une formation judiciaire; 455 requêtes ont été déclarées
irrecevables ou rayées du rôle et 275 communiquées au Gouvernement grec
. Elle a prononcé 45
arrêts, dont 41 ont conclu à au moins une violation de la Convention
européenne des droits de l’homme. La plupart des violations concernait
le droit à un recours effectif (21 arrêts), des traitements inhumains
et dégradants (17 arrêts) et la durée de procédure (16 arrêts)
. La Grèce a fait 15 déclarations
unilatérales acceptant au moins une violation de la Convention,
et 146 ont abouti à des règlements amiables. Au total, 707 requêtes
étaient pendantes au 31 décembre 2016
. À noter que depuis quelques
années, les arrêts concernent des affaires portant sur des traitements
inhumains et dégradants, le travail forcé, la longueur de procédure
(trois arrêts pilotes), les droits à un procès équitable, l’accès
à un tribunal et à l’aide judiciaire, la vie privée et/ou familiale,
la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’objection de
conscience, la liberté d’association, les droits de propriété, l’éducation,
les demandeurs d’asile et les réfugiés, et enfin les Roms
.
67. S’agissant de l’exécution des arrêts de la Cour, le Comité
des Ministres a supervisé 302 affaires contre la Grèce dont l’exécution
était en souffrance à la fin de 2015, dont 52 affaires de référence
et 250 affaires répétitives. Quatre-vingt-quatorze affaires était
sous surveillance soutenue. Le fait que le Comité des Ministres ait
pu clore l’examen de 387 affaires par une résolution définitive
en 2015, dont la plupart portait sur la durée des procédures judiciaires,
est un signe encourageant. Le nombre de décisions inexécutées par
la Grèce a baissé de manière significative
– une évolution saluée par
le rapporteur. Le Parlement hellénique a créé en 2013 une commission
permanente spéciale chargée de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne, de la réévaluation de la législation du point de vue
de sa conformité avec la Convention et du contrôle de l’exécution des
arrêts de la Cour. À la date du présent rapport, il examinait un
projet de loi prévoyant la création d’une telle structure
.
5.2. Prévention de la torture et d’autres
formes de mauvais traitements
68. Au cours des cinq années écoulées,
la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation par
la Grèce de l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants), y compris
ses obligations positives, dans 59 affaires portant notamment sur
les conditions de détention et les mauvais traitements dans les
prisons, pendant les gardes à vue ou dans les centres de rétention
. Le rapporteur s’inquiète de ce
nombre élevé de violations.
69. Dans le rapport de 2016 sur une visite effectuée en 2015,
le CPT constate avec préoccupation que le système pénitentiaire
grec a atteint un «point de rupture», cinq ans après sa déclaration
publique de 2011
. Les problèmes
de surpopulation et le manque chronique de personnel persistent
dans la plupart des prisons et amplifient d’autres dysfonctionnements
graves, notamment l’insuffisance des soins médicaux et les niveaux élevés
de violence et intimidation entre détenus
, sans oublier les piètres
conditions de détention qui pourraient parfois s’apparenter à des
traitements inhumains et dégradants
. Le CPT
recommande notamment aux autorités grecques d’élaborer un plan stratégique
pour le système pénitentiaire, de revoir l’état des services de
santé dans les établissements pénitentiaires et de remédier aux
autres dysfonctionnements soulignés dans le rapport
. Dans leur réponse, les autorités
grecques reconnaissent la plupart des conclusions du CPT et s’engagent
à élaborer un plan stratégique pour le système pénitentiaire
qui, selon mes informations, a été finalisé
et devrait prochainement être publié
.
Les mesures introduites par le gouvernement en place pour lutter
contre la surpopulation, et notamment l’adoption en 2015 d’une loi
sur la réforme des prisons, ont considérablement réduit la population
carcérale, qui a chuté de 12 800 fin de 2013 à environ 9 600 fin
2015
,
soit une baisse du nombre de détenus de 20 % et de la densité carcérale
de 121,4 détenus à 97,6
.
Les autorités entendent aussi continuer à désengorger les établissements pénitentiaires
depuis l’adoption d’une autre loi en 2016. Cette évolution est encourageante.
70. Les conclusions du CPT à l’issue de sa visite de 2015 confirment
une fois de plus qu’il existe bien «un problème tenace et généralisé
de mauvais traitements infligés par la police». Le Comité a recueilli
«un nombre important d’allégations crédibles de mauvais traitements
physiques infligés par la police» et a conclu que les mauvais traitements
infligés par la police, en particulier à des ressortissants étrangers,
notamment pour obtenir des aveux, sont toujours une «pratique courante».
Le rapport identifie une «culture de l’impunité», en vertu de laquelle
il n’est pas considéré comme «non professionnel de recourir aux
mauvais traitements». Le problème des mauvais traitements policiers
a déjà été soulevé dans de précédents rapports de CPT, ainsi que
par le Commissaire aux droits de l’homme
. Le CPT a exhorté les autorités
grecques à prendre la pleine mesure du phénomène et les a appelées
à adopter «une stratégie globale et une action déterminée» pour
le combattre. Le rapport indique également que les garanties légales
contre les mauvais traitements, notamment le droit d’avertir un
proche de son placement en garde à vue, le droit d’accès un avocat
et à un médecin, dès le début de la privation de liberté, ne sont
pas pleinement respectées dans la pratique
.
71. Concernant la rétention des migrants, le CPT a pris note des
mesures prises par les autorités grecques début 2015 pour réduire
le nombre de personnes placées dans des centres d’avant‑départ,
notamment du recours accru à des solutions de substitution et de
la libération des groupes vulnérables ou des personnes retenues
pendant plus de six mois. Cependant, il souligne que le concept
de ces centres repose encore sur une approche sécuritaire, où les
personnes retenues sont traitées à bien des égards comme si elles
étaient soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale. Il dénonce
notamment les mauvaises conditions matérielles et le manque d’activités,
ainsi que l’insuffisance des soins de santé
. Récemment, les
autorités grecques ont ouvert cinq centres de crise («hotspots»)
dans des îles de la mer Égée pour enregistrer et trier les nouveaux
arrivants. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie en
mars 2016, ces «hotspots» ont provisoirement été transformés en
centres de rétention fermés. Le CPT en a visité certains en avril
2016 afin d’examiner le traitement et les conditions de détention
des ressortissants étrangers privés de liberté, et y est retourné
en juillet 2016. Des organisations internationales et des organsations
non gouvernementales (ONG), dont Amnesty International, ont dénoncé
les conditions de vie épouvantables dans ces «hotspots surpeuplés» où
sont retenues de nombreuses personnes vulnérables, ainsi que l’accès
inadapté à des soins médicaux et l’absence de garanties juridiques
et de services d’aide de base
.
Les autorités ont expliqué que la crise des réfugiés avait obligé
la Grèce à supporter une charge disproportionnée et que l’aide de
ses partenaires européens avait été plus qu’insuffisante. Elles
regrettent aussi que le programme de réinstallation découlant de
l’accord entre l’Union européenne et la Turquie n’ait pas encore
été mis en place car de nombreux membres de l’Union européenne n’ont
pas accueilli de réfugiés comme ils devraient le faire dans le cadre
de l’accord
.
72. Le rapport du CPT constate également plusieurs dysfonctionnements
en relation avec la situation des enfants en rétention, en particulier
les mauvaises conditions de rétention et les situations inacceptables
que connaissent les mineurs non accompagnés. Le comité indique clairement
que tous les efforts doivent être faits pour éviter de recourir
à la privation de liberté d’un étranger en situation irrégulière
qui est mineur
. Le problème s’est amplifié en 2016
, en raison du manque
d’alternative à la détention, de l’insuffisance chronique de lieux
d’hébergement convenables et de l’inexistence d’un système global
de protection de l’enfant
.
Selon Human Rights Watch, les enfants non accompagnés étaient régulièrement
victimes de détention arbitraire prolongée au-delà des 45 jours
autorisés en droit. Ils étaient placés en «détention protectrice»,
souvent dans de mauvaises conditions et avec des adultes, en attendant
d’être transférés dans des centres d’hébergement ouverts
. La Cour européenne
des droits de l’homme a constaté une violation de la Convention
en relation avec le traitement et les conditions de rétention des
mineurs non accompagnés
. Les autorités
ont expliqué que 2 500 mineurs non accompagnés étaient bloqués en
Grèce depuis l’accord entre l’Union européenne et la Turquie et
la fermeture des frontières. Les hébergements disponibles alors
étaient au nombre de 423, ce qui suffisait alors à couvrir les besoins
existants. Les autorités ont ajouté que les mineurs non accompagnés
identifiés par la police pouvaient rester en détention «protectrice»
pendant 45 jours faute de places disponibles dans les foyers qui
leur sont destinés
.
73. Pour remédier à cette situation, les autorités grecques ont
mis l’accent sur la protection des mineurs non accompagnés dans
la Stratégie nationale pour le traitement des mineurs étrangers
non accompagnés. Le gouvernement cherchait à créer des dispositifs
supplémentaires pour accueillir les enfants non accompagnés et à
disposer de 2 000 places d’ici à la fin de l’été 2017, ce qui aurait
été suffisant pour accueillir tous les mineurs non accompagnés vivant
en Grèce
. Selon les
statistiques officielles publiées fin septembre 2017 par le Centre
National de la Solidarité Sociale (EKKA), l’organisme gouvernemental
qui gère les demandes d’hébergement de mineurs, 1 125 places étaient
disponibles dans les 50 centres pour mineurs non accompagnés; 106
mineurs non accompagnés étaient placés en détention à titre de protection
et 1 652 mineurs non accompagnés étaient encore sur liste d’attente
. Les autorités ont souligné que les mineurs
non accompagnés placés en détention «à titre de protection» sont
prioritaires pour ce qui est du placement dans les foyers ou dans
les nouvelles «zones de sécurité» dans les camps ouverts existants.
Elles ont demandé aux États partenaires de l’Union européenne de
faire de la réinstallation des mineurs non accompagnés une priorité
et ont déploré l’absence de réponse satisfaisante à ce jour. De
plus, la Grèce travaille sur un projet de législation visant à revoir
le cadre institutionnel et législatif et à modifier le système de tutelle
.
74. Dans un rapport extrêmement critique sur la Grèce rendu public
en septembre 2017
,
le CPT dénonce la façon dont sont traités les migrants en situation
irrégulière et le maintien en rétention des mineurs non accompagnés,
ainsi que la situation des migrants adultes retenus à Athènes et
à Thessalonique. Il demande une action résolue pour résoudre le «problème
tenace et généralisé de mauvais traitements infligés par la police»
alors que les garanties contre les mauvais traitements sont inefficaces.
Le CPT se dit préoccupé par la façon dont sont traités les ressortissants
étrangers dans les centres d’accueil et d’identification («hotspots») sur
les îles de la mer Égée et par le fait de poursuivre de manière
routinière la rétention des ressortissants étrangers mineurs pour
des périodes prolongées dans des conditions de vie déplorables sans
qu’ils puissent avoir accès à des soins adaptés. Les autorités ont
été invitées à revoir leur approche quant à la «détention à titre
de protection» des mineurs non accompagnés et à mettre fin à leur
rétention administrative, ainsi qu’à la rétention de parents avec
enfants au Département des migrations illégales (TDPM) de Thessalonique
.
75. Concernant la situation dans les lieux de détention, le CPT
a estimé que les conditions dans les centres de rétention pour étrangers
et dans la plupart des postes de police visités sont «totalement
inadaptées», quand elles ne sont pas «inhumaines et dégradantes»,
comme au commissariat de police de Drapetzona. La surpopulation
combinée à un niveau accru de violence entre personnes retenues,
à des soins de santé de base insuffisants, à une aide aux personnes
vulnérables non appropriée et à des garanties juridiques déficientes,
a créé une situation hautement explosive dans les prisons
.
76. Dans une lettre adressée au Gouvernement grec, le Commissaire
aux droits de l’homme, pour sa part, insiste sur la détérioration
des conditions de vie et de soins des personnes handicapées dans
les hôpitaux psychiatriques en raison des coupes budgétaires et
des compressions de personnel, et souligne que les patients sont
exposés à un risque accru de mauvais traitements et de recours excessif
à des moyens de contention mécanique et chimique. Le Commissaire
s’inquiète en particulier du décès de plusieurs patients dans un
hôpital psychiatrique d’Athènes et encourage les autorités grecques
à limiter le recours aux placements d’office
et
aux moyens de contention physiques en psychiatrie – dans une institution psychiatrique,
selon les rapports de l’ombudsman, plusieurs détenus ont été victimes
de négligence et ont fait l’objet «de mesures de contention et de
placement dans des cages»
. Au moment de la rédaction du présent rapport,
des mesures visant à traiter ces questions seraient élaborées par
les ministères de la Santé et du Travail.
77. Dans une lettre adressée au Gouvernement grec le 18 avril
2017, le Commissaire fait part, une nouvelle fois, de sa préoccupation
concernant de nouvelles informations faisant état de mauvais traitements
infligés par des policiers grecs. Il souligne que ces faits, avérés
et très graves, illustrent le problème structurel et persistant du
recours excessif à la force par les services répressifs, problème
qui requiert une action déterminée et systématique de la part de
la Grèce. Le Commissaire, qui prend note avec intérêt de l’adoption,
en décembre 2016, d’une loi établissant un mécanisme national d’enquête
sur les cas de traitement arbitraire par les forces de l’ordre et
dans les lieux de détention, appelle à adopter également des mesures
préventives; il s’agirait notamment d’assurer la formation systématique,
initiale et continue, des membres des forces de l’ordre, des procureurs
et des juges.
78. Le Commissaire encourage en outre les autorités à revoir la
législation en vigueur, de manière à ce que des sanctions adéquates
et dissuasives soient imposées par les tribunaux et entièrement
exécutées dans toutes les affaires de mauvais traitements infligés
par les forces de l’ordre. De plus, il les invite à veiller à ce que
la définition de la torture contenue dans le Code pénal soit pleinement
conforme à la définition figurant dans la Convention des Nations
Unies contre la torture
. Dans sa réponse, le ministre de
la Justice informe que le parlement a été saisi du problème et qu’une
enquête a été ouverte sur les allégations de mauvais traitement
émises par le Commissaire
.
79. Tout en reconnaissant les mesures prises pour réduire le surpeuplement
carcéral et améliorer de façon stratégique la situation dans les
établissements pénitentiaires, le rapporteur invite instamment les
autorités grecques à faire davantage d’efforts pour mettre en œuvre
les recommandations du CPT et du Commissaire aux droits de l’homme
concernant les mauvais traitements policiers, la rétention des migrants,
les enfants privés de liberté et les patients psychiatriques, de
manière à remédier sans retard aux graves défaillances constatées.
5.3. Lutte contre le racisme et l’intolérance
80. En 2012-2013, la violence raciste
et les crimes de haine, surtout à l’encontre des migrants, ont augmenté
de façon alarmante. Dans son rapport d’avril 2013, le Commissaire
aux droits de l’homme se dit gravement préoccupé par cette tendance
et le peu de réaction de l’État pour résoudre le problème. Il appelle les
autorités grecques à condamner «fermement et sans équivoque» tous
les discours de haine et infractions motivées par la haine et d’utiliser
«tous les moyens disponibles» pour lutter contre ces crimes et mettre
fin à l’impunité
.
Les actes de violence racistes restent très problématiques. Malgré
un léger recul en 2014, après que les autorités grecques ont pris
des mesures contre l’Aube dorée et ont fermement condamné les actes racistes,
la Grèce a connu une nouvelle flambée de violence raciste en 2015.
Le Réseau d’enregistrement des violences racistes a enregistré 273
incidents ayant fait plus de 300 victimes en 2015, ainsi que des
actes dirigés contre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexes (LGBTI) (185 signalements). Il est particulièrement
préoccupant de constater que des membres des forces de l’ordre étaient
impliqués dans 16 actes de violence raciste
.
81. Les autorités grecques ont réagi en prenant un certain nombre
de mesures
. Une nouvelle
loi contre le racisme a été adoptée en 2014 et la législation pénale
a été renforcée
. La nomination
de deux procureurs spéciaux, tout comme la création de deux services
de police spécialisés et de 68 bureaux régionaux spécialement chargés
d’enquêter sur les actes de violence raciste constituent un progrès
important à cet égard. Une loi récente prévoit la Constitution du
Conseil national contre le racisme et l’intolérance – une instance
interministérielle avec la participation d’instances indépendantes
et d’ONG – qui est notamment chargé d’élaborer une vaste stratégie
de lutte contre le racisme et un Plan d’action national contre le
racisme et l’intolérance, conformément à la demande de l’ECRI
.
Il doit aussi concevoir des stratégies pour lutter contre le discours
de haine dans les médias et les propos racistes des agents publics.
Un mécanisme de signalement des actes de violence racistes et xénophobes
a été établi et la mise en place d’un mécanisme de suivi du discours
de haine est prévu
.
82. Tout en se félicitant de nouvelles dispositions en matière
d’application des lois et de législation dans son rapport de 2014,
l’ECRI note que la mise en œuvre de la loi pose toujours problème
et souligne que les mesures qui ont été prises pour combattre la
violence raciste restent «largement insuffisantes». La sous-déclaration
des actes de violence raciste et le manque de volonté d’enquêter
sur ce type d’affaires, ou d’examiner la question de la motivation
raciste et/ou homophobe/transphobe dans le cadre des procédures judiciaires
contribue à créer un climat général d’impunité. Les propos haineux
et intolérants, généralement dirigés contre les personnes immigrées,
mais qui visent aussi les Roms, les juifs, les musulmans et les personnes
LGBTI, restent souvent impunis et ne sont pas officiellement condamnés.
De plus, l’aide aux victimes fournie par l’État est insuffisante.
Dans ce contexte, l’ECRI a rappelé à la Grèce sa recommandation de
longue date de ratifier le Protocole no 12
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177)
.
83. Au lendemain de sa visite en Grèce, en juillet 2016, le Commissaire
aux droits de l’homme a salué les efforts pour lutter contre le
racisme et l’homophobie déployés par le gouvernement, qui a notamment condamné
les actes racistes au plus haut niveau politique et encouragé un
discours positif à l’adresse des migrants, envoyant ainsi un signal
clair de tolérance zéro en matière de xénophobie et de racisme.
Il a néanmoins ajouté que beaucoup reste à faire pour améliorer
l’efficience et l’efficacité de la justice et de la police dans
les enquêtes sur les actes racistes, notamment par le biais d’une
formation systématique et continue des membres des forces de la
police, des procureurs et des juges à la non-discrimination
. Dans une lettre
de suivi adressée au Gouvernement grec courant août 2016, le Commissaire
souligne la nécessité d’intensifier la mise en œuvre de la législation
en vigueur contre les crimes de haine, de collecter et d’analyser de
manière plus systématique des données sur ce phénomène et de sensibiliser
le grand public au racisme et à l’intolérance envers les groupes
marginalisés
.
À ce propos, le rapporteur se félicite de la ratification récente
de la Convention sur la cybercriminalité et de son Protocole additionnel
relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe
commis par le biais de systèmes informatiques.
84. Le rapporteur salue les efforts des autorités grecques pour
lutter contre le racisme et l’intolérance. D’autres mesures sont
toutefois nécessaires pour lutter efficacement contre la violence
raciste et l’impunité et pour mettre en œuvre la législation contre
les crimes de haine, conformément aux recommandations de l’ECRI et
du Commissaire aux droits de l’homme. La ratification du Protocole
no 12 à la Convention est d’une importance
extrême à cet égard.
5.4. Lutte contre la discrimination
85. Les politiques d’austérité
ne font qu’exacerber les inégalités déjà existantes et les pratiques discriminatoires
en Grèce et touchent de manière disproportionnée les catégories
les plus défavorisées de la population
. La crise a notamment
eu un effet indésirable sur l’égalité entre les femmes et les hommes
que le Programme national 2010-2013 pour une égalité substantielle
entre les hommes et les femmes (reconduit jusqu’en 2015) n’a pas
permis de réduire. Le taux de chômage des femmes, dont beaucoup
ont des emplois précaires ou à temps partiel, s’est maintenu à un
niveau particulièrement élevé et les écarts de salaires entre les
femmes et les hommes se sont creusés
– en
partie à cause de la réduction des budgets alloués à la prise en
charge des enfants et au manque de structures d’accueil publiques,
et de la persistance de la discrimination, des attitudes patriarcales
et de stéréotypes profondément ancrés concernant le rôle des femmes
. Pour lutter contre
les inégalités et la discrimination, les autorités grecques ont
élaboré un nouveau Plan d’action pour l’égalité entre les femmes
et les hommes pour la période 2014-2020. Les femmes restent sous-représentées
en dépit des efforts soutenus déployés pour accroître leur participation
à la vie politique et à la prise de décision, et les autorités grecques
ont reconnu que des efforts étaient encore nécessaires
.
86. La pauvreté des enfants et le chômage des jeunes comme conséquences
de la crise économique sont un problème majeur dont les effets sur
la société et la population grecque risquent de se faire sentir
longtemps. En 2015, plus d’un enfant sur trois (37,8 %, soit 710 000
enfants) était exposé au risque de pauvreté et d’exclusion sociale
. Près de la moitié
des jeunes de 15 à 24 ans sont au chômage, malgré une légère amélioration
,
et 32,4 % des jeunes de 20 à 34 ans ne travaillaient pas et ne suivaient
ni études ni formation.
87. S’agissant des droits des enfants, l’institutionnalisation
des mineurs handicapés dans les hôpitaux psychiatriques et les établissements
d’assistance sociale est préoccupante. Un Plan d’action national
pour les droits de l’enfant est en cours d’élaboration pour soutenir
la désinstitutionalisation de la prise en charge et la transition
vers des services de proximité. Plusieurs mesures, dont une nouvelle
loi, sont en cours de préparation pour réformer l’accueil et l’adoption,
et pour réviser le cadre juridique de la prise en charge publique
et privée en vue de garantir un suivi et un contrôle efficaces des
institutions
.
88. Le Commissaire aux droits de l’homme s’est récemment inquiété
de l’impact négatif de la crise économique sur les droits des personnes
handicapées. Ses principales préoccupations portent sur leur situation
concernant les soins de santé et le niveau de vie, ainsi que sur
la situation des personnes ayant des déficiences intellectuelles
ou psychosociales qui sont placées dans des institutions. Ces développements
ont augmenté le risque d’exclusion sociale. Malgré les efforts fournis
par les autorités grecques dans le cadre du nouveau Plan stratégique
national pour la désinstitutionalisation, les institutions psychiatriques
et de protection sociale manquent cruellement de personnel, faute
de ressources budgétaires suffisantes, et les effets positifs de
la réforme de la psychiatrie lancée par le gouvernement pourraient
être réduits à néant
. Dans une lettre de
septembre 2016 adressée au Gouvernement grec, le Commissaire juge
sévèrement les lacunes graves qui persistent dans le système public
des soins de santé mentale et demande aux autorités grecques de
redoubler d’efforts en faveur de la désinstitutionalisation et d’une
plus grande coordination, d’une planification plus rigoureuse et
d’un dispositif de suivi renforcé et plus efficace pour remédier
aux lacunes
. S’agissant de l’inclusion sociale,
le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a considéré dans ses
conclusions XX-1 de 2012 qu’il n’était pas établi que l’égalité
d’accès à l’emploi soit effectivement garantie aux personnes handicapées
.
89. Il convient de souligner que les autorités grecques ont fait
beaucoup d’efforts pour lutter contre la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Elles ont révisé
la législation en matière d’égalité et de non-discrimination et
adopté une nouvelle loi en faveur de l’ouverture des unions civiles
aux homosexuels qui leur confère de nombreux droits comparables,
à bien des égards, à ceux découlant du mariage. C’est une conséquence
d’un arrêt de Grande chambre de 2013 de la Cour européenne des droits
de l’homme, qui avait conclu à une violation de la Convention en
raison de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
.
Les compétences de l’Ombudsman ont en outre été élargies pour qu’il
examine les cas présumés de traitements discriminatoires, tandis
que l’identité de genre et les caractéristiques propres au genre constituent
expressément des motifs de non-discrimination dans la nouvelle législation
antiracisme et dans la loi révisée sur l’égalité de traitement.
L’âge légal du consentement sexuel, plus élevé pour les hommes homosexuels,
est désormais le même pour tous et la loi sur la reconnaissance
juridique de l’identité de genre a été adoptée en octobre 2017.
À la date du présent rapport, les autorités réfléchissaient à la
possibilité d’instituer le mariage pour les couples homosexuels
et l’adoption conjointe d’enfants par ces derniers, dans le cadre
d’un examen détaillé du droit de la famille
. Malgré ces
mesures très positives prévues par le droit, la discrimination et
l’intolérance envers les personnes LGBTI, qui ne bénéficient pas
d’un soutien et d’une protection suffisants, restent des pratiques
courantes. Le harcèlement par la police et la discrimination dans l’éducation
sont courants. De plus en plus de personnes LGBTI sont victimes
d’agressions. L’ECRI recommande aux autorités grecques d’élaborer
une stratégie nationale pour lutter contre la discrimination et l’homophobie/la
transphobie
.
90. Les politiques actuelles d’inclusion sociale sont inadaptées
ou insuffisantes pour améliorer la situation difficile des Roms
qui, dans leur immense majorité, sont encore marginalisés et socialement
exclus. Les préjugés sont encore largement répandus contre les Roms.
La crise économique les a touchés de façon disproportionnée, malgré
plusieurs mesures encouragées par les autorités grecques. La Stratégie
nationale d’intégration sociale des Roms 2012-2020 met l’accent
sur le logement, l’éducation, l’emploi et la santé, et la plupart
des régions ont développé des stratégies régionales pour l’intégration
des Roms. Des garanties juridiques solides et une mise en œuvre
effective font cependant défaut et les représentants de la communauté rom
ne sont pas impliqués de façon satisfaisante dans l’élaboration
et la mise en œuvre des programmes d’intégration. La population
rom continue de vivre dans des logements inadaptés et dans des conditions indignes,
et souffre particulièrement du chômage de longue durée et de la
pauvreté. Dans deux décisions de 2004 et 2009, ainsi que dans ses
Conclusions XIX-4 (2011), le CEDS a considéré que les Roms continuaient de
vivre dans des conditions ne répondant pas aux normes minimales
et que les familles roms continuaient d’être victimes d’expulsions
forcées et ne bénéficiaient ni d’une protection ni de voies de recours suffisantes
. La ségrégation
raciale dont les enfants roms sont victimes à l’école persiste,
malgré plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
. L’ECRI recommande aux autorités
grecques d’élaborer une stratégie efficace permettant de mettre
fin immédiatement à cette pratique.
J’ai
depuis lors été informé qu’un Secrétariat spécial à l’intégration
des Roms a été établi et travaille sous l’autorité du Ministre suppléant
du Travail.
91. Les autorités grecques ne reconnaissent pas la notion de minorités
nationales fondées sur l’origine ethnique, ce qui est préoccupant.
La minorité musulmane de Thrace
est
la seule minorité religieuse reconnue en Grèce, conformément au
Traité de Paix de Lausanne de 1923. En Thrace, les membres de la minorité
musulmane bénéficient de droits spécifiques en matière de religion,
de langue et d’enseignement dans leur langue maternelle. Les autorités
grecques ont pris d’autres mesures pour protéger et promouvoir leurs
droits, notamment en adoptant une loi qui autorise les élèves appartenant
à ce groupe minoritaire de suivre des cours facultatifs de religion
musulmane dans les écoles publiques grecques, ce qui est positif
. Cependant, les muftis
locaux continuent d’appliquer les règles de la charia au sein de
la minorité musulmane pour les questions civiles et successorales,
et non pas le droit civil grec
.
La question a déjà été soulevée en 2009 par le précédent Commissaire
aux droits de l’homme, qui soulignait l’incompatibilité de cette
pratique avec les normes européennes et internationales des droits
de l’homme et incitait les autorités grecques à veiller à l’efficacité
de l’examen et du contrôle par les tribunaux civils grecs
. Le 14 novembre 2017,
le Premier ministre Tsipras a annoncé l’introduction d’un projet
de loi qui limiterait l’application de la charia en Thrace et rendrait
la juridiction des muftis optionnelle.
L’Assemblée appelle depuis longtemps
les autorités grecques à ratifier la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales.
92. Les autorités grecques réfléchissent à des solutions adaptées
pour exécuter trois arrêts de la Cour ayant conclu à la violation
du droit à la liberté d’association suite au refus d’enregistrer
des associations de la minorité musulmane en Thrace ou à leur dissolution
. Ces arrêts n’ont toujours pas
été pleinement exécutés
. Une étape positive a été
franchie par le Parlement grec avec l’adoption, en octobre 2017,
d’une législation ouvrant la voie procédurale pour la réouverture
des affaires de droit civil conformément aux décisions pertinentes
de la Cour et en référence directe à la Cour
.
93. Le rapporteur note les efforts des autorités grecques pour
lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
ou l’identité de genre, tout en faisant part de ses préoccupations
quant à l’impact disproportionné des mesures d’austérité sur les
personnes les plus vulnérables, à savoir les femmes, les enfants
et les jeunes, les personnes handicapées et les Roms. Il invite
instamment les autorités à redoubler d’efforts pour lutter contre
la discrimination et les inégalités en mettant en œuvre les recommandations
de l’ECRI et en se saisissant des conclusions du CEDS et du Commissaire
aux droits de l’homme. Les autorités sont également encouragées
à adhérer à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
et à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
5.5. Droits des réfugiés et des migrants
(y compris la rétention des migrants clandestins et des demandeurs
d’asile en situation irrégulière, l’expulsion des étrangers, etc.)
94. L’arrivée en 2015 d’un nombre
sans précédent de ressortissants étrangers dans le pays a déclenché une
crise humanitaire majeure et pose toujours d’importants problèmes
en relation avec les droits de l’homme
.
Malgré des efforts considérables pour secourir les personnes en
mer
,
les autorités grecques doivent faire face à des responsabilités
disproportionnées. L’Assemblée a eu à maintes reprises une position très
claire sur l’inadéquation de la réponse européenne globale et a
souligné que «la crise des réfugiés et des migrants dans l’est de
la Méditerranée doit être reconnue pleinement comme un problème
européen et mondial, et non uniquement grec. La seule réponse appropriée
repose sur le respect des droits humains des réfugiés et des migrants
(...), ainsi que sur une véritable solidarité et un partage concret
des responsabilités
».
L’augmentation massive des arrivées sur les îles de la mer Égée
et les réfugiés et migrants, plus de 60 000, actuellement piégés
en Grèce ont mis à rude épreuve leurs ressources budgétaires et
de personnel; les systèmes grecs d’accueil et d’identification sont
au-delà du point de rupture
.
95. La situation s’est considérablement détériorée dans le camp
informel d’Idomeni, près de la frontière nord du pays, où plus de
13 000 personnes – dont plus de 8000 femmes et enfants – étaient
rassemblées début 2016, après la fermeture des frontières le long
de la route migratoire des Balkans. Le Représentant spécial du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe pour les migrations et les réfugiés
a qualifié les conditions abominables dans le camp de «catastrophe
humanitaire
». En mai 2016, les autorités grecques
ont terminé l’évacuation de tous les réfugiés et migrants du camp
d’Idomeni vers des structures d’accueil d’urgence. À bien des égards,
les conditions de vie étaient alors déplorables dans la cinquantaine
de centres d’hébergement temporaire. De nouvelles places d’hébergement
avaient dû être mises en place dans l’urgence pour reloger des milliers
de réfugiés et de migrants d’Idomeni. Les réfugiés et les migrants
étaient hébergés dans des centres parfois surpeuplés et souvent
insalubres, qui ne sont pas dotés de moyens appropriés pour l’hiver.
De plus, les conditions de séjour sont déplorables et les camps
ne répondent qu’aux besoins élémentaires
. Le Commissaire aux droits de l’homme
s’est rendu sur place en juillet 2016 et, tout en reconnaissant
et en saluant les efforts énormes fournis par les autorités et la
population grecques, il a noté la nécessité d’améliorer les conditions
de vie, y compris les soins médicaux, dans les structures d’accueil
des réfugiés
. Les autorités grecques
m’ont informé avoir pris entre-temps des mesures pour faire face
aux mois d’hiver: elles ont entièrement restructuré les sites d’hébergement,
amélioré les conditions de vie et transféré 20 000 personnes dans
des appartements et des hôtels. Seuls 23 des 40 camps initialement
créés en coopération avec le HCR après la fermeture des frontières
demeurent ouverts. Le financement de la Commission européenne devrait permettre
à davantage de demandeurs d’asile d’être relogés dans des appartements,
en coopération avec les autorités locales
.
96. La signature de l’accord UE-Turquie a rapidement entraîné
une détérioration dramatique des conditions matérielles sur les
îles de la mer Égée et les «hotspots» sont engorgés et surpeuplés
.
Dans une résolution adoptée le 20 avril 2016, l’Assemblée considère
que l’accord soulève plusieurs questions importantes en matière
de droits de l’homme, tant sur le fond que sur le plan de sa mise
en œuvre immédiate et ultérieure, et rappelle la responsabilité
de l’Union européenne et de ses États membres
. La situation est
explosive dans les îles: les autorités grecques regrettent que la
procédure désormais en place, qui découle de l’interprétation de
la Déclaration UE-Turquie, les empêche de transférer des demandeurs
d’asile qui ont peu de chance d’obtenir le statut de réfugié sur
le continent (en rétention comme la législation grecque l’exige)
pour que leurs demandes d’asile soient traitées rapidement et que
les demandeurs déboutés soient renvoyés sur l’île d’où ils viennent
et à partir de là en Turquie. La Grèce n’a eu de cesse d’adresser
des demandes à la Turquie et a aussi demandé l’aide de la Commission
européenne à ce sujet.
En raison de cette situation, les conditions de
vie quelquefois effroyables sont telles que la situation sécuritaire
est précaire, marquée par des protestations et des luttes violentes,
et les tensions et la frustration montent en raison de la longueur
des procédures d’asile et des temps d’attente. L’aide apportée aux
nombreuses personnes vulnérables est insuffisante, les femmes et
les enfants en particulier sont exposés à des risques
. Les
garanties procédurales, notamment l’accès à l’aide judiciaire et
à des services d’interprétation sont inadaptés
. Dans l’intervalle,
des accords ont été conclus avec des associations juridiques européennes
pour permettre l’accès à l’aide judiciaire. À la date du présent
rapport, le nombre des nouveaux arrivants était reparti à la hausse.
97. Dans l’arrêt
M.S.S. c. Belgique
et Grèce de 2011, la Cour a conclu que les demandeurs
d’asile en Grèce étaient exposés à des violations de leurs droits
en raison des conditions de vie et de détention auxquelles ils sont
soumis et des défaillances dans le système d’asile grec, ajoutant
que le renvoi de demandeurs d’asile vers la Grèce constituerait,
pour le pays responsable, un manquement à ses obligations au titre
de la Convention. La Grèce a réformé son système d’asile sur la
base du Plan d’action sur la réforme de l’asile et la gestion des
migrations de 2010 et révisé en 2012. Malgré ces améliorations et
la création d’un service de l’asile et d’une autorité de recours
autonomes dont on ne peut que se réjouir, le système de l’asile
continue de présenter des dysfonctionnements, principalement en
raison de problèmes structurels sous-jacents, ainsi que de capacités
et de ressources en personnel insuffisantes, ce qui limite l’accès
effectif des demandeurs d’asile à l’asile et la capacité des autorités
à éliminer l’arriéré des affaires
.
98. La crise des réfugiés et des migrations continue de mettre
le système d’asile grec sous pression. Les demandes d’asile et de
pré-enregistrement ont fortement augmenté en 2016, suite à l’accord
entre l’Union européenne et la Turquie et à la fermeture de fait
des frontières le long de la route des Balkans occidentaux. Les
autorités grecques soulignent qu’elles s’efforcent de protéger le
droit individuel de demander l’asile en dépit des pressions exercées
par la Commission européenne et les États membres de l’Union européenne pour
que la Grèce accélère les procédures et les retours vers la Turquie
en vue de mettre en œuvre l’accord UE-Turquie
. Les autorités considèrent que le
service grec de l’asile, qui n’a pas été conçu pour recevoir des milliers
de demandeurs d’asile, a sensiblement amélioré ses prestations depuis
la crise migratoire
.Une stratégie globale et à long terme
est donc nécessaire pour traiter tous les aspects et toutes les
conséquences pour les droits de l’homme. La solidarité européenne
doit également être accrue et l’Union européenne et ses États membres
doivent soutenir davantage la Grèce: le soutien financier actuel
ne respecte toujours pas leurs engagements en termes d’assistance
et de relocalisation. Par ailleurs, la politique d’asile et de migration
de l’Union européenne et notamment le Règlement Dublin III devraient
être réformés, comme l’a souligné l’Assemblée
. Dans ce contexte,
la récente recommandation de la Commission européenne de reprendre les
transferts de demandeurs d’asile vers la Grèce au titre du Règlement
Dublin III en mars 2017, semble prématurée, étant donné, entre autres,
que le Comité des Ministres n’a pas encore terminé son examen de l’arrêt
M.S.S. .
99. En décembre 2013 puis en février 2014, le Commissaire aux
droits de l’homme s’est inquiété des allégations de violation des
droits fondamentaux des migrants lors de contrôles aux frontières
et notamment du grand nombre d’expulsions collectives signalées
(opérations «de renvoi») sur terre et en mer, ainsi que des allégations
faisant état de mauvais traitements infligés à des migrants par
des membres des garde‑côtes et de la police aux frontières. Il a
appelé les autorités grecques à revoir radicalement leur politique
et leurs pratiques en matière de migration, à mener des enquêtes
effectives sur tous les incidents signalés et à prendre toutes les
mesures nécessaires pour mettre fin à ces pratiques et éviter de
nouveaux incidents
. L’engagement des autorités grecques
de respecter les normes internationales des droits de l’homme, la
mise en œuvre d’activités de formation en la matière et l’adoption
d’un code de conduite pour les garde-côtes sont autant de mesures qui
vont dans la bonne direction
. Les autorités
ont souligné que, depuis 2015, l’État grec a, de manière continue,
sauvé des vies en mer, également avec l’aide de l’Agence européenne
pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières
extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) et sous
la coordination de Frontex et de l’OTAN.
100. L’opération de ratissage Xenios Zeus, mise en œuvre entre
août 2012 et février 2015 et consistant en des contrôles d’identité
indifférenciés, avait pour but de lutter contre l’immigration clandestine
et le crime à Athènes. L’opération policière ciblant principalement
les ressortissants étrangers, elle a été critiquée pour recours
présumé à des pratiques discriminatoires de profilage ethnique.
Environ 85 000 personnes ont été arrêtées et emmenées au commissariat
à des fins d’identification jusqu’en février 2013; moins de 5 000 personnes
étaient en situation irrégulière
.
101. Les autorités grecques considèrent que l’intégration des réfugiés
et des migrants dans la société grecque ne peut pas être effective
tant que continueront les flux de réfugiés et de migrants. Des efforts
ont été réalisés par les autorités grecques, notamment l’adoption
du «code de l’immigration et de l’intégration sociale» et la législation
visant à faciliter les programmes d’intégration et l’acquisition
de la nationalité grecque par les migrants de la deuxième génération.
Les autorités soulignent que les demandeurs d’asile ont le droit
de travailler (mais il s’agit d’un pays où le taux de chômage est
actuellement de 23 % et de plus de 50 % chez les jeunes). Les enfants
réfugiés et migrants sont désormais scolarisés. Le transfert dans
des appartements de réfugiés et de migrants présents dans des camps
favorisera l’intégration. Un plan spécial d’intégration devait être
élaboré en mai et juin 2017.
Une centaine de conseils est en charge
de l’intégration au niveau local. Les ressources sont affectées
à l’accueil initial d’urgence, plutôt qu’à l’intégration des réfugiés
et des migrants. Le taux de chômage très élevé freine l’accès des
réfugiés et des migrants au marché du travail. En juillet 2016, le
Commissaire aux droits de l’homme a appelé les autorités grecques
à ne pas oublier les défis d’intégration que ces arrivées posent
à long terme et à concevoir et mettre en œuvre une politique ambitieuse
d’intégration des migrants
.
102. En juin 2017, l’Assemblée a reconnu que la situation en Grèce
a connu une certaine amélioration grâce à la création de «hotspots»,
l’accueil, l’enregistrement et un traitement plus efficace des demandes
d’asile. Cependant, 63 000 demandeurs d’asile attendaient le résultat
de la procédure de détermination de leur statut – 14 000 d’entre
eux étaient confinés sur les îles et la situation des mineurs non
accompagnés était «extrêmement inquiétante». L’Assemblée a par conséquent
appelé les autorités grecques à continuer d’accroître les capacités
d’accueil et à veiller à la fermeture immédiate de tous les sites
inadaptés, à porter davantage d’attention aux besoins spécifiques
des enfants séparés et non accompagnés, à mettre fin à la détention
systématique des demandeurs d’asile déboutés (et à abolir la pratique
consistant à détenir des migrants dans des commissariats) et à améliorer
considérablement les conditions de détention. Parallèlement, les
autorités grecques ont été invitées à accélérer le traitement des
demandes d’asile – depuis l’enregistrement jusqu’à l’appel –, à
améliorer et harmoniser les procédures dans les hotspots et autres
lieux de débarquement, à adopter la législation en matière de tutelle,
à mieux utiliser le financement à long terme de l’Union européenne
pour l’accueil et les structures d’hébergement et le suivi de la
situation en mer Égée et à mettre en œuvre une politique d’intégration
effective des personnes auxquelles le statut de réfugié est reconnu
.
103. Le rapporteur salue les efforts considérables fournis par
les autorités grecques dans le contexte de la crise des migrations
et des réfugiés, mais elles doivent renforcer leurs efforts afin
d’améliorer les conditions de vie et l’intégration des réfugiés
et migrants en Grèce et de garantir l’efficacité du système d’asile, conformément
aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme. Une plus
grande solidarité européenne et une stratégie globale à long terme
au niveau de l’Union européenne sont nécessaires à cet égard.
5.6. Protection des droits sociaux dans
le contexte de l’austérité
104. La crise économique et les
mesures d’austérité ont lourdement porté atteinte à la jouissance
des droits sociaux des Grecs et ont conduit à une détérioration
rapide de leur niveau de vie et au démantèlement de l’État providence.
Le Comité européen des Droits sociaux (CEDS), le Commissaire aux
droits de l’homme et la Commission nationale des droits de l’homme
ont maintes fois tiré la sonnette d’alarme et alerté sur les répercussions
dramatiques pour les groupes les plus vulnérables; ils ont demandé
instamment aux autorités grecques et aux acteurs internationaux
de respecter leurs obligations internationales et européennes en matière
de droits de l’homme, notamment en évaluant l’impact des mesures
d’austérité au moment de leur conception ou de leur mise en œuvre
.
105. Plusieurs années de récession et d’austérité ont sérieusement
mis à mal le droit au travail et le droit à un niveau de vie suffisant,
qui sont protégés par la Constitution. Le chômage atteint des niveaux
record: la Grèce affiche le taux de chômage global le plus élevé
de l’Union européenne. Le recours à des formes d’emploi flexibles
dans de mauvaises conditions de travail a aussi augmenté
. Les salaires ont chuté – parfois
jusqu’à 50 % – et les conditions de travail se sont dégradées. Le
système de négociation collective et de conventions collectives
a été en grande partie démantelé et les prestations sociales ont
fortement baissé, quand elles n’ont pas été supprimées. En 2012,
les revenus disponibles des foyers ont baissé de 40 % et plus d’un
million de Grecs vivait dans des foyers privés de quelque revenu
que ce soit
. En 2014, près de 4 millions de
Grecs – soit plus d’un tiers de la population – et près des deux
tiers des ressortissants étrangers étaient exposés au risque de
pauvreté ou d’exclusion sociale ou vivaient en dessous du seuil
de risque de pauvreté
.
En 2015, près d’un Grec sur cinq n’avait pas les moyens de se nourrir
tous les jours et les soupes populaires ont vu le nombre des bénéficiaires
exploser (jusqu’à plusieurs centaines de milliers de personnes)
. Dans deux décisions
de 2012, le CEDS a considéré que plusieurs mesures d’austérité violaient
les droits contenus dans la Charte sociale européenne (STE no 35)
de 1961
. Aucune
n’a été supprimée et une autre réclamation collective sur ce sujet
est actuellement pendante devant le Comité
. Dans
ses Conclusions XX-1 de 2012 et XX-3 de 2014, le CEDS souligne que
les efforts déployés sont insuffisants pour lutter contre le chômage
et que les salaires minimums ne garantissent pas un niveau de vie
standard décent, en particulier le salaire minimum des travailleurs
de moins de 25 ans, qui est en dessous du seuil de pauvreté
.
106. D’autres droits sociaux, notamment le droit à la sécurité
sociale et à la protection sociale, ont subi de plein fouet les
effets dévastateurs de la situation économique et des cures d’austérité.
L’assurance sociale, les programmes de protection sociale et les
prestations de pension et de retraite ont été sérieusement amputés. La
réforme du système de pensions a aggravé la vulnérabilité et le
risque de pauvreté des personnes âgées qui, souvent, perçoivent
une pension de retraite dont le montant est souvent en dessous du
seuil de pauvreté. Dans cinq réclamations collectives, le CEDS a
également conclu à la violation des droits à la sécurité sociale et
à une pension garantis par la Charte sociale européenne, et a notamment
considéré que les mesures risquent entraîner «une paupérisation
massive d’une portion importante de la population
». Dans
ses conclusions de 2013, le CEDS souligne que le montant minimum
des indemnités de chômage versées aux bénéficiaires sans personne
à charge est manifestement insuffisant et que les droits à la sécurité
sociale et à l’assistance sociale n’étaient pas respectés
.
107. Le nombre de sans-abri s’est envolé – quelque 20 000 personnes
ont perdu leur logement entre 2011 et 2012
. La réduction drastique
des dépenses de santé publique, qui ont atteint un niveau historiquement bas
en 2014, a porté un coup sérieux à l’accès aux droits aux soins
de santé. Le régime de santé est cruellement sous-financé, ce qui
devrait avoir des effets à long terme sur la santé publique. On
estime que 2,5 millions de Grecs ne sont pas assurés et que le nombre
et le pourcentage de personnes dont les besoins de santé ne sont
pas satisfaits ont fortement augmenté
. Les délais d’attente
sont plus longs et les frais de prise en charge plus élevés, la
pénurie de matériel est endémique, des hôpitaux publics et des centres
de santé ont dû fermer. Les hôpitaux et les pharmacies n’acceptent
plus que les paiements en espèces pour des traitements et des médicaments
que beaucoup de patients n’ont pas les moyens de payer et certains
patients ne sont pas soignés
. Le Commissaire aux
droits de l’homme s’inquiète vivement de l’augmentation de la demande
de soins de santé mentale, qui s’accompagne d’une réduction des
ressources humaines et financières allouées au système de santé,
et demande instamment aux autorités et à leurs créanciers internationaux
de ne pas imposer de nouvelles coupes budgétaires au secteur de
la santé, notamment de la psychiatrie
. Les autorités grecques
ont annoncé une augmentation du budget de la santé publique et la
loi adoptée début 2016 a mis en place une couverture médicale pour
tous les non-assurés, qui leur donne gratuitement accès au système
public de santé, ainsi qu’à des soins médicaux et à des traitements
entièrement gratuits ou presque.
108. Depuis janvier 2015, le nouveau gouvernement s’efforce de
protéger les droits des personnes vulnérables et a pris des mesures
visant à réduire les inégalités sociales qui touchent tout particulièrement
les catégories les plus défavorisées de la population. En mars de
la même année, les autorités ont adopté une loi qui garantit la
fourniture de biens et de services aux personnes et aux familles
qui vivent dans une extrême pauvreté (gratuité de l’électricité,
allocation de logement, coupons alimentaires…). En novembre 2015, 13 municipalités
ont mis en place un programme pilote de revenu minimum garanti pour
les personnes et les familles en situation d’extrême pauvreté; ce
programme devait être généralisé d’ici à la fin de l’année 2016.
Le gouvernement a aussi versé une prime unique à 1,6 million de
retraités à faible revenu. Les autorités ont adopté une Stratégie
nationale d’inclusion sociale en prévision d’une réforme des politiques
de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui donne la
priorité à la réforme du système de protection sociale
. Le gouvernement
a également annoncé sa volonté de donner la priorité au «soutien
des chômeurs afin d’atténuer les effets de la crise économique actuelle»,
notamment par le biais de programmes pour l’emploi et des services
publics pour l’emploi. À noter que les taux de chômage ont légèrement
reculé en septembre 2016 (23,1 %).
109. Plus généralement, la Grèce a renforcé la protection des droits
sociaux en ratifiant la Charte sociale européenne (révisée) dont
elle a accepté 96 paragraphes sur 98, mais elle n’a pas encore fait
de déclaration habilitant les ONG nationales à introduire des réclamations
collectives.
110. Le rapporteur se fait l’écho du CEDS et du Commissaire aux
droits de l’homme et souhaite faire part de ses vives inquiétudes
quant à l’impact négatif considérable des mesures d’austérité sur
la jouissance des droits sociaux en Grèce. Il salue les mesures
prises par les autorités pour s’attaquer aux inégalités sociales
et encourage la Grèce et ses créanciers internationaux à mettre
en œuvre des politiques qui garantissent la mise en place d’un régime
de protection sociale efficace.
5.7. Autres questions relatives aux droits
de l’homme
111. La violence à l’égard des femmes
et en particulier la violence domestique, très répandues dans la société
grecque, restent très problématiques
.
Malgré l’étendue du phénomène, les signalements sont rares et les
auteurs sont rarement poursuivis et sanctionnés. En 2014, 3 900
victimes ont été identifiées, 1 200 poursuites engagées et 300 auteurs
inculpés
. Une loi de 2006
contient le cadre juridique de base de la lutte contre la violence
domestique et érige le viol conjugal en infraction. Cependant, la
loi ne traite pas tous les aspects du phénomène ni ses causes profondes,
en particulier, elle ne criminalise pas toutes les infractions de
nature domestique ni ne supprime les clichés liés aux rôles traditionnels
de l’homme et la femme. En outre, la plupart de ses dispositions
ne sont pas reprises dans les codes concernés
.
Les autorités grecques ont mis en œuvre plusieurs initiatives pour
lutter contre la violence domestique et protéger les victimes dans
le cadre du Plan d’action national sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes 2009-2013. Elles ont notamment
ouvert une permanence téléphonique et plusieurs centres de conseil
et foyers dans l’ensemble du pays. Le programme a aussi permis d’accroître
la visibilité de la violence domestique en tant qu’infraction poursuivie
systématiquement. Des activités de sensibilisation ont été lancées
par le Secrétariat général pour l’Égalité et le Centre de recherche
pour les questions d’égalité. D’autres efforts et mesures de sensibilisation
restent cependant nécessaires. La ratification prévue de la Convention
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique, signée par la Grèce en 2011, devrait permettre
de lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique. Le rapporteur encourage les autorités grecques à adhérer
progressivement au traité.
112. La Grèce est un pays de transit et de destination pour la
traite des personnes, principalement à des fins de travail forcé
et d’exploitation sexuelle. Les groupes marginalisés et vulnérables,
notamment les enfants roms et le nombre croissant de femmes isolées
et d’enfants migrants non accompagnés, sont particulièrement exposées
au risque d’être victimes de la traite
. Le CNDH a fait part
de ses préoccupations quant à l’inexistence d’un cadre de protection
efficace pour les victimes de la traite
. Si la ratification
de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains et la transposition de la directive anti-traite de
l’Union européenne en 2013 ont renforcé le cadre juridique, ce n’est
pas en soi suffisant pour garantir sa mise en œuvre et une lutte
efficace contre la traite. Le Groupe d’experts sur la lutte contre
la traite des êtres humains (GRETA) a effectué sa première visite
d’évaluation en Grèce en octobre 2016 et son rapport est attendu
prochainement. Les efforts des autorités grecques, qui ont notamment
créé des unités anti-traite spécialisées qui sont chargées d’enquêter
sur les allégations de traite, sont entravés par la difficulté à identifier les
victimes et par la police. Dans un rapport de juillet 2016 sur la
traite des personnes, le département d’État des États-Unis d’Amérique
note qu’en 2015, les autorités grecques n’ont identifié que 57 victimes
de la traite, faute de signalements. Seulement 37 procédures pénales
ont été engagées pour traite et 23 affaires seulement ont abouti
à des inculpations. Il est encourageant de noter qu’en 2015, le
gouvernement a aidé toutes les victimes identifiées de la traite
et a octroyé des titres de séjour renouvelable à trois d’entre elles
. J’ai
appris avec satisfaction que la Grèce a nommé un rapporteur sur
la traite des êtres humains, mis en place (en septembre 2016) un
système national d’identification et d’orientation des victimes
de la traite et créé une commission parlementaire contre la traite
des êtres humains (juin 2016). Un nouveau cadre de protection devrait
ainsi permettre de renforcer cette dernière ainsi que les services
et le soutien psychosocial offerts aux victimes (femmes) de la traite
dans les foyers gérés par l’État et par des ONG
.
113. Dans son premier rapport d’évaluation publié en octobre 2017
,
le GRETA salue l’adoption des lois de lutte contre la traite, la
mise en place de structures spécialisées, ainsi que l’organisation
de formations pour les professionnels concernés et la réalisation
d’activités de sensibilisation. Il souligne toutefois la nécessité d’améliorer
l’identification des victimes de la traite, toutes formes d’exploitation
confondues (y compris parmi les demandeurs d’asile, les migrants
en situation irrégulière et les enfants non accompagnés), de respecter effectivement
le délai de rétablissement et de réflexion de 30 jours pour les
victimes présumées et de tenir compte des besoins spécifiques des
victimes de sexe masculin et des enfants. Il exhorte également les autorités
grecques à identifier les lacunes dans «la procédure d’enquête et
la poursuite des cas de traite devant les tribunaux, de manière
à garantir un procès rapide et des condamnations effectives, proportionnées
et dissuasives
».
114. Alors que la Constitution grecque et la pratique étatique garantissent
le droit à l’objection de conscience, la durée du service civil
des objecteurs de conscience (15 mois) est beaucoup plus longue
que celle du service dans les forces armées (neuf mois) que font
la majorité des conscrits
. Cette différence
de traitement a été à maintes reprises jugée disproportionnée et
discriminatoire
et le CEDS, dans
ses Conclusions XX-1(2012) a conclu qu’elle constitue une limitation
disproportionnée du «droit [du travailleur] de gagner sa vie par
un travail librement entrepris
». Les hommes qui
refusent de faire leur service militaire ou un service alternatif sont
poursuivis par le système judiciaire militaire et encourent une
peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans
. Dans un arrêt de
septembre 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’un
objecteur de conscience ne bénéficiait pas des garanties d’impartialité
et d’indépendance nécessaires et propres à examiner la demande de
l’intéressé d’effectuer un service de remplacement
.
6. Conclusions
115. Ces dix dernières années, la
Grèce a été plongée dans une longue et profonde récession économique due
à la crise financière, qui a eu des effets dévastateurs sur l’économie
et sur le marché de l’emploi. Les cures d’austérité ont sérieusement
mis à mal le droit au travail et le droit à un niveau de vie suffisant,
qui sont protégés par la Constitution, ainsi que d’autres droits
sociaux, notamment le droit à la sécurité sociale et à la protection
sociale. Les catégories les plus défavorisées de la population sont
tout particulièrement touchées. De surcroît, le pays a dû faire
face à une crise migratoire majeure déclenchée notamment par le
conflit en cours en Syrie, en Afghanistan et en Irak, qui a vu des
réfugiés atteindre les côtes grecques par centaines de milliers ces
dernières années. La Grèce a supporté une part importante du fardeau
financier que représente la gestion de la crise migratoire, ce qui
mérite d’être salué. Malheureusement, cette situation a aussi créé
des conditions favorables aux discours extrémistes en Grèce.
116. Dans ce contexte, la commission de suivi souligne que la Grèce
a su assurer le fonctionnement de ses institutions démocratiques
et de ses mécanismes de protection des droits de l’homme qui, dans
l’ensemble, sont conformes aux normes du Conseil de l’Europe. La
Grèce respecte globalement ses obligations de membre découlant de
l’adhésion au Conseil de l’Europe. Cela dit, au vu des conclusions
des mécanismes de suivi des principales conventions du Conseil de
l’Europe, les autorités devraient s’employer à résoudre un certain
nombre de problèmes. La commission souhaite donc adresser aux autorités
grecques les recommandations suivantes:
- Tout en rappelant la conclusion du GRECO, selon laquelle
la corruption est l’une des causes profondes de la crise économique
et de la crise de la dette souveraine, la commission de suivi félicite
les autorités grecques pour les nombreuses mesures qu’elles ont
prises afin de garantir la transparence du financement des partis
politiques et lutter contre la corruption. Elle les invite à poursuivre
leurs efforts pour mettre en œuvre les recommandations du GRECO
de manière à s’attaquer efficacement aux causes profondes du phénomène.
- La commission de suivi demeure préoccupée par la persistance
du problème des mauvais traitements infligés par la police. Elle
se félicite de la création en décembre 2016, au sein de l’institution du médiateur,
d’un mécanisme national d’enquête sur les cas de traitement arbitraire
par les forces de l’ordre et dans les lieux de détention. Cela étant,
elle demande instamment aux autorités de prendre des mesures énergiques
pour régler ce problème systémique, conformément aux recommandations
du CPT et du Commissaire aux droits de l’homme. Elle attend du parlement qu’il
harmonise la définition de la torture contenue dans le code pénal
avec celle de la Convention contre la torture et qu’il mette en
place des garanties efficaces contre les mauvais traitements. Elle
encourage les autorités à renforcer les mesures préventives, y compris
la formation systématique de tous les membres des forces de l’ordre, des
procureurs et des juges, et à veiller à ce que des sanctions adéquates
et dissuasives soient imposées par les tribunaux et entièrement
exécutées dans toutes les affaires de mauvais traitements infligés
par les forces de l’ordre. À cet égard, elle attire également l’attention
sur la situation des enfants privés de liberté et des patients psychiatriques,
et invite les autorités grecques à remédier sans retard aux graves
défaillances constatées.
- S’agissant des réfugiés et des demandeurs d’asile, tout
en rappelant que la gestion de la crise des réfugiés est de la responsabilité
commune de tous les pays européens, la commission de suivi reconnaît les
efforts déployés par les autorités grecques pour faire face à la
crise migratoire. Elle demande toutefois aux autorités grecques
de mettre fin à la rétention d’enfants migrants, de renforcer leurs
efforts pour améliorer les conditions de vie et l’intégration des
réfugiés et migrants et de garantir l’efficacité du système d’asile,
conformément à la Résolution
2174 (2017) de l’Assemblée, aux recommandations du Commissaire aux
droits de l’homme et aux dernières recommandations du CPT.
- Dans ce contexte, la commission de suivi invite de nouveau
les autorités grecques à intensifier leurs efforts pour lutter efficacement
contre le racisme et l’intolérance et à prendre des mesures énergiques pour
lutter contre la violence raciste. Aucune impunité ne devrait être
tolérée en cas de violence raciste et de crime de haine. La législation
contre les crimes de haine devrait être mise en œuvre efficacement, conformément
aux recommandations de l’ECRI et du Commissaire aux droits de l’homme.
La commission demande instamment au Parlement grec de ratifier sans
attendre le Protocole no 12 à la Convention
européenne des droits de l’homme.
- S’agissant de l’État de droit, la commission de suivi
demeure préoccupée par les défaillances du système judiciaire, en
particulier en ce qui concerne l’accès à la justice, l’indépendance
de la justice et l’inexistence d’un organe indépendant et efficace
de plainte contre la police, malgré les réformes récentes qui ont
été engagées. Elle appelle les autorités grecques à renforcer la
transparence et la responsabilité du système judiciaire et à mettre
en œuvre les recommandations pertinentes du GRECO, du CPT et du
Commissaire aux droits de l’homme à cet égard.
- La commission de suivi invite également les autorités
grecques:
- à prendre toutes
les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la Recommandation
372 (2015) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe afin de renforcer les administrations des collectivités
territoriales et leur capacité financière;
- à ratifier la Convention sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
que la Grèce a signée en 2011, afin de lutter contre la violence
à l’égard des femmes, très répandue dans la société grecque, qui
reste très problématique;
- à continuer de renforcer l’indépendance des médias et
à s’abstenir de toute forme d’ingérence politique injustifiée.
117. Enfin, dans un contexte marqué par la récession et les mesures
d’austérité, la commission de suivi salue les mesures prises par
les autorités grecques pour lutter contre les inégalités sociales
et se félicite de la ratification de la Charte sociale européenne
(révisée) en 2016, qui devrait contribuer à renforcer la protection des
droits sociaux. Elle encourage les autorités à faire une déclaration
habilitant les ONG nationales à introduire des réclamations collectives
et à prêter davantage attention à l’impact négatif considérable
des mesures d’austérité sur la jouissance des droits sociaux en
Grèce, comme l’ont souligné le Comité européen des Droits sociaux
et le Commissaire aux droits de l’homme.