1. Introduction
1. La pension alimentaire, qui
peut être définie comme «une contribution régulière d'un parent
non résident au coût financier de l'éducation d'un enfant, généralement
versée au parent avec qui l'enfant vit la plupart du temps»
, est de plus
en plus de mise dans nos sociétés. En raison des changements intervenus
ces dernières décennies dans les modèles familiaux, un nombre croissant
d’enfants vivent avec un seul de leurs parents, le parent non résident
ayant pour obligation de contribuer financièrement au coût de leur
éducation.
2. L’émergence de nouveaux modèles familiaux et le pourcentage
accru de familles monoparentales ont une incidence sur divers domaines.
À titre d’exemple, ces familles ont tendance à être confrontées
à une situation socio-économique plus difficile, qui se traduit
par des risques plus élevés de pauvreté, et en particulier de pauvreté
des enfants. Ce problème n’est pas au cœur du présent rapport, eu
égard entre autres au mandat de la commission sur l’égalité et la
non-discrimination, mais il doit être pris en compte lors de la
conception et de l’application des dispositions législatives et
politiques pertinentes. J’ai choisi d’examiner la question de la pension
alimentaire sous l’angle principalement de l’égalité entre les femmes
et les hommes. Elle n’est en effet pas neutre sur le plan du genre.
La grande majorité des familles monoparentales en Europe sont dirigées
par la mère. Cela signifie que la pension alimentaire, dans ses
divers aspects (en particulier les modalités de détermination du
montant à verser et les conséquences d’un éventuel défaut de paiement
par les débiteurs) affectent les femmes de manière disproportionnée.
3. L’Assemblée parlementaire a systématiquement pris en compte
la dimension de genre de la vie de famille, tout comme la nécessité
d’encourager les pères à y participer pleinement. La
Résolution 1921 (2013) «Égalité des sexes, conciliation vie privée-vie professionnelle
et coresponsabilité» met l’accent sur le partage des responsabilités
parentales entre les partenaires, mais aborde aussi le cas de la
séparation ou du divorce. Elle appelait les autorités des États
membres du Conseil de l’Europe à assurer que dans ce cas «le droit
de la famille prévoit, (…) la possibilité d’une garde conjointe
des enfants, dans le meilleur intérêt de ceux-ci, sur la base d’un
accord commun entre les parents» (sachant que cette garde ne doit
jamais être imposée). Plus tard, dans sa
Résolution 2079 (2015) «Égalité et coresponsabilité parentale: le rôle des
pères», l’Assemblée a réaffirmé son attachement à un partage plus
équilibré des responsabilités entre les parents, en particulier après
une séparation ou un divorce, en tant que moyen aussi de dépasser
les stéréotypes de genre sur les rôles prétendument assignés à la
femme et à l’homme au sein de la famille.
4. Ma conviction est qu’une séparation ou un divorce ne devrait
pas automatiquement conduire à la disparition des pères de la vie
de leurs enfants, mais que les pères devraient continuer à jouer
un rôle majeur dans l’éducation des enfants. C’est à la fois un
droit et une obligation qui ne prend pas fin en cas de séparation ou
de divorce. La réalité veut que dans les États membres du Conseil
de l’Europe, les enfants vivent dans la majorité des cas avec leur
mère après un divorce ou une séparation, et que le père, non résident,
verse la pension alimentaire. À la lumière de cette situation, je
souhaiterais recenser et promouvoir les moyens de garantir que la
pension alimentaire pour enfant, d’un point de vue aussi bien administratif
que financier, soit raisonnablement et facilement accessible aux
parents qui exercent la garde. Compte tenu du déséquilibre actuel
entre les mères et les pères résidents, dès lors que le montant
de la pension alimentaire est insuffisant, non garanti ou que son
recouvrement est difficile, nous pouvons considérer que l’égalité
entre les femmes et les hommes est mise en péril.
5. J’entends exposer dans le présent rapport les nouveaux modèles
de vie familiale apparus en Europe au cours des dernières décennies,
et expliquer en quoi le divorce et la résidence exclusive se caractérisent
par de profondes disparités entre les femmes et les hommes. J’ai
également analysé la manière dont cette pension alimentaire est
réglementée et la façon dont elle fonctionne en pratique. J’ai identifié
à partir de là les mesures à mettre en place par les États membres
pour obtenir le versement des pensions alimentaires, afin de lutter contre
la pauvreté des enfants et faire en sorte qu’une séparation ou un
divorce n’affecte pas de manière disproportionnée le bien-être social
et économique des femmes, ainsi que leur droit à l’égalité.
2. Mariages
et divorces: les nouveaux modèles familiaux
6. La tendance générale en Europe
reflète une diminution du nombre des mariages, accompagnée d’une augmentation
de celui des divorces. Bien que 71,2 % de l’ensemble des familles
des 28 États de l’Union européenne
soient composées de couples
mariés
, le nombre de
mariages a baissé, passant de 3,4 millions en 1964 à 2,1 millions
en 2011. Parallèlement, le nombre de divorces a augmenté de 150 %
par rapport à 1965
. En
dehors de l’Union européenne, en nous penchant sur l’Ukraine et
l’Albanie, nous constatons que la première enregistrait en 2014
l’un des taux de divortialité les plus élevés au monde, contrairement
à la seconde, qui affichait un taux moyen.
7. Cette situation engendre inévitablement la création de nouveaux
schémas et modèles familiaux, comme par exemple les enfants vivant
de manière permanente avec un seul de leurs parents (lorsqu’à la
suite d’une séparation ou d’un divorce, la résidence exclusive est
décidée par un tribunal ou convenue entre les parents) ou les familles
recomposées. Cela signifie également que les enfants d’aujourd’hui
sont davantage susceptibles d’avoir des parents divorcés, même si
d’après les chiffres, le taux de divortialité diminue lorsque le
nombre d’enfants que compte le ménage augmente (sauf dans les pays
nordiques où le nombre d’enfants n’influe en rien sur la décision
de divorcer)
. En
2011, au sein de l’Union européenne, 16 % des familles étaient monoparentales
. Ce
pourcentage est plus élevé dans les pays nordiques et les États
baltes, ainsi qu’au Royaume-Uni et en Irlande, mais inférieur dans
le sud et l’est de l’Europe. Cette différence régionale peut être imputable
aussi bien à des facteurs culturels, notamment à l’influence de
l’Église catholique et de l’Église orthodoxe, que structurels, comme
les modèles d’États providence conservateurs et la situation économique.
8. Parallèlement à la situation des parents séparés et divorcés,
il conviendrait de prendre en compte celle des parents qui ne se
sont jamais mariés ou n’ont jamais entretenu de relation de couple.
Même dans ce cas, l’intérêt de l’enfant et les droits de la mère
devraient être protégés.
3. Disparités
hommes-femmes en termes de divorce et de résidence exclusive
9. En ce qui concerne la résidence
exclusive, l’écart entre les femmes et les hommes est considérable dans
l’ensemble des États membres de l’Union européenne, avec en moyenne
13,4 % de mères seules et 2,6 % de pères seuls. Les disparités les
plus marquées sont observées dans les États baltes, en Pologne et en
République slovaque et les moins fortes en Allemagne, au Danemark,
en Suède, aux Pays-Bas et à Chypre (en Norvège, 13 % des parents
seuls sont des pères
).
La forte proportion de mères obtenant la garde des enfants après
un divorce fait intervenir des questions de genre: le plus souvent,
c’est au père qu’incombe l’obligation de verser une pension alimentaire
à son ex-conjointe, à charge ensuite pour la mère de prendre soin
au quotidien de l’enfant, de son éducation et de sa santé, tout
en exerçant dans la plupart des cas une activité professionnelle
en parallèle. Le père, en qualité de parent non résident, est quant
à lui tenu de prendre soin de l’enfant sur une base régulière mais
non quotidienne, et doit contribuer financièrement à son éducation et
son bien-être. Cette obligation perdure généralement au moins jusqu’à
la majorité de l’enfant. Par conséquent, en cas de défaut de paiement
du père, c’est la mère qui engage les procédures de recouvrement nécessaires,
selon les dispositions juridiques en vigueur dans le pays.
10. En Europe, au cours des dernières décennies, les femmes ont
de plus en plus poursuivi des études dans l’enseignement supérieur,
ce qui leur permet d’accéder à des emplois de meilleure qualité
ou plus exigeants. Elles ont de ce fait tendance à changer leur
vision de la maternité, qui n’est plus nécessairement leur priorité première,
et accordent une importance accrue à leur évolution de carrière
et à leurs réalisations professionnelles. Des mesures visant à concilier
vie privée et vie professionnelle devraient être adoptées: à défaut,
les femmes sont trop souvent obligées de faire un choix entre une
carrière professionnelle de haut niveau et la maternité. C’est la
raison pour laquelle les femmes se marient plus tard et ont moins
d’enfants qu’il y a quelques dizaines d’années, ou se marient mais
restent sans enfant lorsqu’elles occupent un emploi à hautes responsabilités.
11. Il y a encore quelques dizaines d’années, les pères étaient
avant tout considérés comme des soutiens de famille, exerçant seulement
de manière occasionnelle des activités parentales. Avec l’augmentation
de la participation des femmes au marché de l’emploi et le renforcement
de l’équilibre hommes-femmes dans les rôles de parents, le père
a la possibilité de tisser des liens plus étroits avec ses enfants.
Beaucoup de pays ont introduit un système de congé de paternité
et le rôle de père au foyer devient de plus en plus populaire au
sein des pays développés. Par ailleurs, la politique publique accorde
une importance accrue au partage des tâches ainsi qu’à la conciliation
travail-vie privée, pour les deux sexes.
12. En dépit de ces changements sociétaux qui reflètent une plus
grande implication des pères dans l’éducation de leurs enfants,
la garde de ces derniers est, dans 85 % des cas, confiée à la mère
après un divorce. Cette situation peut également être imputable
au fait que les pères privilégient souvent leur carrière et sont
ainsi contraints de passer une partie de leur temps de travail loin
de leur domicile. Cependant, les conflits au sujet de la garde des
enfants sont de plus en plus nombreux dans la mesure où les pères
ont à cœur de s’impliquer davantage dans la vie quotidienne de leurs
enfants.
4. Pauvreté
des enfants et pension alimentaire
13. Après une séparation ou un
divorce, le parent résident est exposé à un risque de pauvreté accru.
Les chiffres montrent qu’en dépit de la hausse générale des revenus
en Europe, la pauvreté des enfants a augmenté ces dernières années,
car les ménages avec enfants gagnent moins que ceux sans enfant
dont les deux membres du couple travaillent à plein temps. Les chiffres
reflètent également l’effet positif considérable des pensions alimentaires
sur le niveau de pauvreté infantile: dans les pays comme le Danemark,
l’Allemagne, la Suisse et la Suède, par exemple, le système de pension
alimentaire a permis d’enregistrer une baisse de l’ordre de 2,5 %
de la pauvreté des enfants
.
14. Selon une étude commandée par la Commission européenne en
2014
, les jeunes mères seules sont moins susceptibles
d’avoir un emploi à plein temps. En outre, celles qui travaillent
à temps partiel ont, par rapport à tous les autres groupes de mères,
beaucoup moins de chances d’être cadres et beaucoup plus d’occuper
un emploi non qualifié, ou un emploi dans les services ou la vente.
15. Le risque de pauvreté auquel les familles monoparentales sont
exposées a mené à l’adoption de politiques visant à encourager la
coparentalité (par exemple en France, en Allemagne et en Belgique), augmenter
le soutien aux enfants accordé par l’État, fixer des règles concernant
le versement d’une pension alimentaire par le parent non résident,
et établir des systèmes de recouvrement des pensions en cas de non-paiement.
Beaucoup de pays ont en effet mis en œuvre des règles selon lesquelles
le versement de la pension alimentaire pour enfant a caractère obligatoire
aux termes de la décision de justice rendue par un tribunal après un
divorce, son défaut d’acquittement étant puni par la loi.
16. Il existe dans un certain nombre d’États membres du Conseil
de l’Europe des groupes d’appui et des associations de parents seuls.
Les échanges et le soutien réciproque contribuent à alléger les
problèmes auxquels sont confrontées les familles monoparentales,
en particulier grâce à la mise à disposition d’informations fiables
sur des sujets tels que les prestations financières de l’État, la
violence domestique, l’accès à la santé, les structures d’accueil
des enfants et l’éducation. L’emploi et l’équilibre entre travail
et vie privée sont d’autres secteurs d’intervention des réseaux
de ce type, qui peuvent avoir ainsi un impact positif sur le risque
de pauvreté.
5. Nécessité
de mettre en place des systèmes de pension alimentaire pour enfant
17. La plupart des États membres
du Conseil de l’Europe ont mis en place des systèmes de recouvrement de
la pension alimentaire, garantis par l’État, les autorités locales
ou des organismes dédiés, en cas de non-respect par le parent débiteur
de l’obligation qui lui incombe. Dans la plupart des cas, le recours
à ces procédures n’est possible qu’après épuisement de toutes les
options judiciaires. Dans mon pays, l’Autriche, et dans plusieurs
autres, dont la France (voir l’étude de cas dans le présent rapport)
et l’Allemagne, le système de pension alimentaire pour enfant permet
de procéder au versement de la pension à la demande du parent résident
sans qu’il soit nécessaire d’engager au préalable une procédure
judiciaire. C’est la manière la plus efficace de protéger les droits
du parent résident, financièrement et du point de vue de la charge
d’entamer une procédure judiciaire. L’intérêt de l’enfant est en
outre protégé plus efficacement grâce à l’intervention précoce de
l’État. Les versements effectués seront ensuite recouvrés auprès
du débiteur.
18. La pension alimentaire n’est pas seulement indispensable pour
prévenir la pauvreté des enfants, mais aussi pour encourager le
parent qui n’en a pas la garde à assumer ses responsabilités en
matière d’éducation ainsi que pour protéger l’égalité des revenus
familiaux entre les femmes et les hommes. Dans la majorité des systèmes
juridiques, il est laissé aux parents le soin de s’entendre sur
le montant de la pension alimentaire. En cas de désaccord entre
les parties, le montant est fixé par une décision de justice. Le
versement obligatoire de la pension alimentaire prend fin lorsque
l'enfant atteint l'âge de 18 ans, à l’exception de certains pays comme
l’Irlande, la Pologne ou le Royaume-Uni, où il prend fin lorsque
l'enfant devient financièrement indépendant ou après l'obtention
de son diplôme de l'enseignement supérieur
.
19. Il convient de souligner que la pension alimentaire pour enfant
diffère de la prestation compensatoire, versée par un membre du
couple divorcé à l’autre, après décision judiciaire. De plus, dans
la plupart des systèmes, la pension alimentaire est à verser au
parent résident, que les parents soient mariés ou non. Notons à
ce titre que dans l’Union européenne, 40 % des enfants naissent
hors mariage, comparativement à 27,3 % en 2000, avec des écarts
très importants entre les pays. En Bulgarie, en Estonie, en Slovénie,
en France, en Suède, en Belgique, au Danemark et en Islande, une
majorité d’enfants naissent hors mariage, alors que dans d’autres
pays comme la Grèce, la Croatie, Chypre, l’Italie, Malte, la Pologne
et la Lituanie, 70 % des enfants sont issus d’un mariage (97 % en
Turquie)
.
20. On constate qu’il y a en Europe un nombre croissant de relations
et de mariages binationaux: environ 14 % des mariages en Allemagne
par exemple (soit un sur sept), le conjoint ou la conjointe venant
de pays tels que la Turquie, l’Italie, les États-Unis, la Pologne,
ou de pays asiatiques. Il devient par conséquent de plus en plus
nécessaire de mettre en place des mécanismes permettant de recouvrer
les pensions alimentaires même lorsque le parent payeur vit dans
un autre pays. La Convention de La Haye de 2007 sur le recouvrement international
des aliments destinés aux enfants et à d'autres membres de la famille
et son Protocole sur la loi applicable aux obligations alimentaires,
qui ont été ratifiés par la plupart – mais pas la totalité – des
États membres du Conseil de l’Europe, visent à instaurer de tels
mécanismes grâce à la coopération judiciaire internationale.
6. Études
de cas
6.1. Albanie
Fiche
pays
–
Indice de développement humain: 0,764; place: 75
–
Modèle d’État providence: post-communiste
– Taux de
fécondité: 1,7
– Taux de mortalité maternelle (nombre
de décès pour 100 000 naissances vivantes, 2015): 29
–
Pauvreté des enfants: 17,4 %
– Indice d’inégalité
de genre (2015): 0,267; place: 51
– Population ayant
suivi un enseignement secondaire ou supérieur (% des personnes de
25 ans ou plus): hommes: 90,5 %; femmes: 90,2 %
–
Taux d’activité (% des personnes de 15 ans ou plus): hommes: 65,5 %;
femmes: 44,9 %
– Femmes et hommes travaillant à temps
partiel en pourcentage de l’emploi total (chiffres de 2012): hommes: 19,2 %;
femmes: 28,4 %
– Taux de chômage (2016): 16,3 %
–
Écart de rémunération entre les femmes et les hommes: 17,63 %
–
Taux brut de divortialité (nombre de divorces intervenus durant
l’année pour 1 000 habitants): 1,7 en 2011
– Taux
brut de nuptialité (nombre de mariages conclus durant l’année pour
1 000 habitants): 8,2 en 2013
|
21. Après 1991 et la fin du régime
communiste en Albanie, le pays a entamé une série de réformes structurelles
pour mettre en place la démocratie et une économie de marché. Comme
dans la plupart des pays post-communistes, ces bouleversements ont
eu des répercussions considérables dans le domaine social. La protection
sociale figure au nombre des éléments de la vie socio-économique
relégués au second plan par les décideurs politiques, et aucune
structure institutionnelle n’a été mise en place dans ces domaines,
où les carences sont par conséquent nombreuses. Les groupes les
plus vulnérables, parmi lesquels les femmes et les enfants, ont
été les premiers touchés.
22. Le contexte difficile et la complexité des différentes composantes
de la vie familiale – socio-économiques, culturelles et personnelles,
sur fond de persistance de valeurs de la société patriarcale traditionnelle –
placent les femmes dans une situation fragile. Par ailleurs, le
niveau de violence domestique et de discrimination fondée sur le
genre est élevé. Des cas de mariage d’enfant et de mariage forcé
sont également signalés. La combinaison de ces éléments explique
le rang médiocre occupé par l’Albanie dans le domaine de l’égalité
entre les femmes et les hommes. Une Stratégie nationale sur l’égalité
entre les femmes et les hommes a été mise en œuvre durant la période
2011-2015 pour progresser sur ces questions. Elle visait à renforcer
l’égalité entre les sexes en développant l’autonomie des femmes
ainsi que leur participation à la prise de décision politique et
économique
.
23. L’Albanie est l’un des plus jeunes pays d’Europe, affichant
une proportion de 46 % d’enfants et de jeunes adultes dans la population.
Le taux de divortialité est extrêmement faible et 0,2 % des enfants seulement
vivent dans un foyer divorcé
, tandis que les familles monoparentales
représentent 5,4 % de l’ensemble des familles albanaises
. Le divorce
reste l’exception en Albanie, pour des raisons culturelles et économiques.
Les femmes divorcées, en particulier dans les zones rurales, font
l’objet d’une stigmatisation. Celles qui sont sans emploi au moment
du divorce ne se voient pas confier la garde de l’enfant au motif
qu’elles n’ont pas les ressources financières suffisantes, en dépit
de l’aide financière accordée par l’État
. Cette situation
entraîne une destructuration familiale car de nombreux enfants sont
séparés de leur mère et confiés à la garde de leur père ou de leurs
grands-parents paternels. Cet aspect de la situation des mères seules
est extrêmement préoccupant et devrait retenir l’attention des décideurs
politiques.
24. Selon le Code de la famille albanais, les conditions d’un
divorce peuvent être fixées par les parents et soumises à un tribunal
(qui les approuve ou les rejette), ou bien être établies par le
tribunal si le couple ne parvient pas à se mettre d’accord. Le parent
non résident doit alors verser une pension alimentaire pour l’enfant
ainsi qu’une prestation compensatoire pour le conjoint, afin que
les conditions de vie des parents respectifs ne présentent pas un
écart trop important. Le montant de la pension alimentaire est déterminé
en tenant compte de la situation financière actuelle et future des
deux parents, ce qui implique l’obligation pour les deux parents
d’une transparence à cet égard.
25. Le refus de verser l’aide nécessaire pour l’enfant, les parents
ou le conjoint de la part de la personne qui y est contrainte par
décision de justice constitue une infraction pénale punissable d’une
amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un
an. Le Code de la famille ne prévoit toutefois aucune procédure
de mise en œuvre pour le versement de la pension alimentaire. Il
n’existe donc pas de contrôle, ni de mécanisme garantissant la participation
financière du parent non résident à l’entretien de l’enfant, ce
qui a bien souvent des répercussions sur les conditions de vie de
celui-ci et du partenaire résident.
26. Le divorce a des conséquences particulièrement lourdes pour
les enfants en Albanie: ils risquent en effet de plonger dans la
pauvreté en raison des faibles revenus des mères seules et de l’insuffisance
du soutien du gouvernement. Cette situation est porteuse d’incidences
négatives telles que le travail des enfants et un niveau élevé de
maladie et de handicap dû aux mauvaises conditions de vie. Certains
chiffres montrent que la proportion d’enfants en situation de pauvreté
absolue (avec un revenu mensuel inférieur à € 110) est de 17,4 % et
que presque 2 % des enfants vivent dans une famille ne disposant
d’aucun revenu
.
27. Pour l’essentiel, deux prestations d’assistance sociale en
espèces sont versées au niveau local par les municipalités et font
l’objet d’un suivi et d’une évaluation par les services sociaux
de l’État: un complément de ressources, qui vise à garantir un niveau
de vie minimum aux personnes sans emploi, et une allocation d’invalidité.
Il n’existe pas en Albanie de prestations familiales ni de dispositif
spécifique pour la protection de l’enfance
.
La Constitution albanaise prévoit cependant que tout citoyen a le
droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier
d’une prise en charge en tant que personne âgée ou mineure ainsi
que de l’éducation spécialisée et des mesures d’intégration prévues
pour les personnes handicapées. L’Albanie a réinstauré en 2010 la
profession d’huissier privé, qui avait été supprimée à l’époque
communiste. Son rôle est de garantir l’exécution des décisions de
justice, parmi lesquelles l’obligation alimentaire à l’égard des enfants
. Il reste que
ce service est nouveau, qu’il n’est pas gratuit et que son accessibilité
dans les régions rurales est problématique.
28. Malgré les séquelles du passé, l’Albanie a déployé des efforts
soutenus pour édifier des institutions qui garantissent l’État de
droit et le respect des droits de l’homme. Le recouvrement des pensions
alimentaires est garanti par la loi et l’égalité entre les femmes
et les hommes fait l’objet d’un suivi de la part d’entités indépendantes.
De nombreux progrès sont ainsi intervenus sur la base du modèle
offert par les pays d’Europe de l’Ouest en matière de protection
des droits sociaux. Des changements importants restent toutefois nécessaires
pour que le pays parvienne à un niveau de protection comparable
à celui observé en Europe occidentale dans le domaine de la pension
alimentaire à l’égard des enfants.
6.2. France
Fiche
pays
–
Indice de développement humain (2015): 0,897, place: 21
–
Modèle d’État providence: continental
– Taux de fécondité
(2016): 1,9
– Taux de mortalité maternelle (nombre
de décès pour 100 000 naissances vivantes, 2013): 12
–
Pauvreté des enfants: 21 %
– Place dans le classement
de l’Indice d’inégalité de genre (2015): 19
– Population
ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur (% des personnes
de 25 ans ou plus): hommes: 83,2; femmes: 78,0
– Taux
d’activité (% des personnes de 15 ans ou plus): hommes: 61,6; femmes:
50,7
– Femmes et hommes travaillant à temps partiel
en pourcentage de l’emploi total: hommes: 7,4; femmes: 30,0
–
Taux de chômage: hommes: 10,8%; femmes: 9,9 %
– Écart
de rémunération entre les femmes et les hommes: 16 %
–
Taux brut de divortialité (nombre de divorces intervenus durant
l’année pour 1 000 habitants): 2,0 en 2011
– Taux
brut de nuptialité (nombre de mariages conclus durant l’année pour
1 000 habitants): 3,6 en 2012
|
29. On dénombrait en 2008 1,6 million
de familles monoparentales (soit 2,5 fois plus qu’en 1968
). En 1968, 8 % des enfants vivaient
avec un seul de leurs parents. En 2005, le pourcentage s’élevait
à 18 %, soit 2,84 millions d’enfants
. Sur
un plan général, les chiffres montrent que seuls 10,3 % des enfants
dans cette situation ont trois ans ou moins et qu’ils sont moins
nombreux que ceux vivant au sein d’un couple. Par ailleurs, les
régions de l’ouest et du centre de la France sont celles qui comptent
le moins de ménages monoparentaux.
30. 85 % des parents seuls sont des femmes et 15 % des hommes.
Rares sont les pères célibataires à élever seuls leurs enfants en
France, dans la mesure où la garde de ces derniers est plus fréquemment
confiée à la mère. D’autre part, les pères ne sont souvent pas prêts
à renoncer à leur emploi ou à changer de mode de vie pour s’occuper
de leurs enfants au quotidien. Les pères divorcés se remarient plus
rapidement que les mères divorcées, du fait notamment qu’ils sont
moins souvent le parent résident et sont par conséquent plus indépendants.
Il convient de noter que le pourcentage de jeunes enfants qui vivent
avec leur père est inférieur à celui des adolescents ou plus âgés:
10 % des enfants de 0 à 6 ans et 18 % des 17 à 24 ans vivent avec
leur père. De plus, dans 63 % des cas, le père seul n’a qu’un enfant
sous sa garde
.
31. Les raisons de la monoparentalité ont changé au fil des ans:
en 1962, 55 % des parents à la tête d’une famille monoparentale
étaient veufs; en 2005, ils étaient moins de 10 %, la principale
raison de la monoparentalité étant la séparation ou le divorce
.
32. 30 % des familles monoparentales sont exposées au risque de
pauvreté contre 13 % des autres ménages, et il en va de même de
21 % des enfants
. La monoparentalité
est la première cause de pauvreté en France. Par ailleurs, les parents
isolés rencontrent plus de difficultés d’accès au logement comparativement aux
autres familles
. 33 % des mères
célibataires de moins de 35 ans n’ont aucun bagage universitaire, contre
19 % de celles vivant en couple (compte tenu probablement de la
difficulté pour une mère isolée de poursuivre ses études). 30 %
des mères seules gagnent moins de € 1 000 par mois. 59 % d’entre
elles ont un emploi, 23,8 % travaillent à temps partiel et 17,3 %
travaillent sous contrat temporaire.
33. En France, c’est le tribunal qui fixe la pension alimentaire
pour enfant. Pendant longtemps, sa détermination a relevé d’un processus
discrétionnaire dépourvu de règles spécifiques. En 2010, le ministère de
la Justice a pour la première fois introduit un barème, régulièrement
mis à jour depuis lors, afin d’aider les tribunaux à déterminer
le montant. Le tribunal et l’organisme de prestations sociales garantissent
le paiement de la pension alimentaire au parent résident. Ce dernier
peut bénéficier d’avances sur pension alimentaire de la part de
l’organisme de prestations familiales, sans condition liée à son
niveau de revenu. En France, le versement de la pension alimentaire
prend fin aux 18 ans de l’enfant.
34. En France, l’obligation alimentaire est l’expression de la
solidarité familiale et vise à assurer à l’enfant les conditions
nécessaires à son développement et à son éducation. Cela signifie
que même après la majorité de l’enfant, le parent résident est en
mesure de réclamer une pension alimentaire pour assurer son éducation. Dans
ce cas, le parent résident doit fournir des éléments attestant des
besoins de l’enfant (fiches de salaire, attestation de chômage,
certificat de longue maladie, ainsi que le détail des coûts d’entretien
et d’éducation).
35. Le montant de la pension alimentaire s’élève en moyenne à
€ 170 par mois et par enfant en cas de garde alternée (15 % des
cas), € 172 par enfant lorsque la résidence principale de l’enfant
est fixée chez la mère, et € 118 par enfant lorsque la résidence
principale de l’enfant est fixée chez le père
.
36. Lorsque la mère dispose de la garde exclusive des enfants,
le père est tenu de verser une pension alimentaire dans 83 % des
cas. Lorsque la garde revient au père, la mère doit verser une pension
alimentaire dans 36 % des cas de divorce
.
Il est cependant intéressant de noter que les chiffres diffèrent
dans la pratique: pour 68 % d’enfants, une contribution est versée
par le père, pour 3 % d’entre eux par la mère et 29 % des mineurs
n’en ont aucune. Cela signifie que 40 % des pensions alimentaires
dues sont impayées en France, ce qui concernerait trois millions
d’enfants dans le pays
.
37. D’après les chiffres, dans les deux tiers des divorces, les
parents s’entendent sur les modalités et le montant de la pension
alimentaire. Cependant, en cas de désaccord, les parties peuvent
recourir à la médiation ou à la conciliation. Les deux procédures
supposent l’intervention d’une tierce personne à la fois qualifiée,
impartiale et indépendante, dont la mission consiste à aider le
couple en instance de divorce à fixer un système de pension alimentaire.
Le médiateur familial ou le conciliateur encourage la communication
entre les parents qui divorcent; son intervention est guidée par
le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant
.
38. Les politiques publiques relatives à la pension alimentaire
s’emploient essentiellement à maintenir des liens entre l’enfant
et ses parents, tant économiques (obligation de contribuer financièrement
au bien-être matériel, à l’entretien et à l’éducation de l’enfant)
que socio-affectifs (partage de l’autorité parentale, garde partagée
et implication dans la vie de l’enfant). Elles cherchent par conséquent
à encourager la garde alternée de l’enfant après un divorce. Tout
en visant à garantir le bien-être financier des mères seules, le
système français accorde la priorité au bien-être de l’enfant.
39. En 2013, la ministre des Droits des femmes a annoncé l’adoption
de mesures spécifiques à l’égard des parents non-résidents qui ne
verseraient pas à l’autre parent la pension alimentaire due. Chaque
année, 4 500 personnes sont condamnées pour «abandon de famille».
Après condamnation, la première mesure consiste à opérer une saisie
sur salaire, mais le gouvernement a étendu le dispositif à la saisie
des prestations sociales, grâce à la coopération établie avec la
Caisse d’allocations familiales. Cette dernière sera habilitée à engager
des poursuites contre le parent débiteur afin de compenser les pertes
subies. En effet, en 2011, la Caisse d’allocations familiales n’a
recouvré que 15 millions d’euros sur les 75 millions dépensés pour compenser
les arriérés, d’où la nécessité d’un cadre strict régissant l’exécution
des pensions alimentaires. Ce nouveau cadre témoigne de l’investissement
du gouvernement pour renforcer les garanties contre les impayés de
pensions alimentaires.
40. La loi no 873 du 4 août 2014
a
introduit de nouvelles mesures visant à garantir que les parents
seuls bénéficiaires d’une pension alimentaire perçoivent bien les
sommes dues. La CAF (Caisse d’allocations familiales) est l’organisme
chargé de compenser les impayés de pensions alimentaires. Le parent
résident peut s’adresser à la CAF en cas de retard de paiement de
plus d’un mois de la part du parent débiteur.
41. Ce nouveau système a été mis à l’essai pendant plus d’un an
dans 20 départements français et s’est avéré opportun et pertinent.
Eu égard à la réussite de cette phase expérimentale, le système
a été étendu à l’ensemble du territoire à compter d’avril 2016.
42. Ces dispositions sont un exemple positif du transfert de responsabilité
du recouvrement des créances dues de l’individu concerné aux pouvoirs
publics.
6.3. Espagne
Fiche
pays
–
Indice de développement humain: 0,884; place: 27
–
Modèle d’État providence: continental
– Taux de fécondité:
1,3
– Taux de mortalité maternelle (nombre de décès
pour 100 000 naissances vivantes, 2015): 5
– Pauvreté
des enfants: environ 24 %
– Place dans le classement
de l’Indice d’inégalité de genre (2015): 15
– Population
ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur (% des personnes
de 25 ans ou plus): hommes: 70,9 %; femmes: 76,7 %
–
Taux d’activité (% des personnes de 15 ans ou plus): hommes: 64,8 %;
femmes: 52,3 %
– Taux de chômage (2017): 19,6 %
–
Écart de rémunération entre les femmes et les hommes (2014): 14,9 %
–
Taux brut de divortialité (nombre de divorces intervenus durant
l’année pour 1 000 habitants): 2,2 en 2010
– Taux
brut de nuptialité (nombre de mariages conclus durant l’année pour
1 000 habitants): 3,4 en 2011
|
43. L’Espagne a accompli des progrès
significatifs en matière d’égalité de genre ces dernières décennies, grâce
à un important ensemble de législations et de politiques. La loi-cadre
de 2007 sur l’égalité de genre, par exemple, affirme l’intégration
de la perspective de genre comme principe fondamental d’action pour
toutes les administrations publiques, à prendre en compte dans l’ensemble
des normes et des budgets. Cette loi prévoit également une formation
aux aspects de genre pour l’ensemble du personnel de l’administration
publique et la présence des questions de genre à l’examen d’entrée
dans la fonction publique, ainsi que l’utilisation de statistiques
ventilées par genre et une évaluation de l’impact selon le genre
pour toute nouvelle loi.
44. Les parents ont la responsabilité commune de leurs enfants.
En cas de séparation ou de divorce, le parent non résident verse
une pension alimentaire au parent résident. En cas de garde partagée,
il est habituellement mis en place un compte commun alimenté par
les deux parents et dans lequel chacun puise lorsque l’enfant se
trouve sous sa garde.
45. La loi ne précise ni le montant de la pension alimentaire
ni ses critères de calcul. Ce sont généralement les parents qui
conviennent de la somme due, sur la base des besoins de l’enfant
et compte tenu de leurs revenus et de leurs dépenses. Un tribunal
peut examiner cet accord pour s’assurer qu’il est proportionné aux éléments
indiqués. Le Consejo General del Poder
Judicial, organe constitutionnel régissant le système judiciaire
espagnol, a publié en 2013 des tableaux indicatifs sur le montant
des pensions alimentaires pour enfants. Ces tableaux n’ont pas valeur
contraignante et reposent sur la pratique des tribunaux espagnols.
Les montants peuvent être adaptés en fonction des modifications
du coût de la vie et de la situation financière des parents.
46. Lors de l’audition tenue le 12 octobre 2017, Mme Amalia
Fernández Doyague a présenté la situation en matière de pension
alimentaire et les difficultés rencontrées par les familles monoparentales
en Espagne. Avocate basée à Madrid, Mme Fernández
est présidente de l’association de femmes juristes Themis, qui fournit des
conseils juridiques sur des thèmes d’une importance particulière
pour l’égalité de genre, comme le droit de la famille et la violence
familiale et fondée sur le genre.
47. Il est souvent difficile de faire appliquer les décisions
des tribunaux ou les accords entre parents sur la pension alimentaire.
L’Espagne compte environ 2 millions de familles monoparentales ayant
droit à une pension alimentaire; dans 80 % de ces cas, le parent
seul est une femme. En cas de non-respect des accords, une procédure
civile peut être ouverte, mais elle est longue et il arrive souvent
qu’elle n’aboutisse pas. Les débiteurs trouvent souvent des moyens
de dissimuler leurs avoirs; l’exécution des jugements devient alors ardue,
voire impossible. Le non-respect entraîne également des sanctions
pénales, mais aucune mesure n’existe pour faire appliquer les obligations
de paiement pendant la procédure pénale. Il faut noter que le non-versement
d’une pension alimentaire peut être dû à diverses causes, dont des
difficultés financières, mais qu’il est parfois délibéré et donc
à considérer comme une violence économique (forme de violence psychologique dans
laquelle l’auteur contrôle et barre l’accès de la victime à des
revenus).
48. Dans le système espagnol, les pouvoirs publics peuvent offrir
une avance sur paiement à deux conditions: qu’un tribunal ait reconnu
l’obligation de payer du parent non résident et que le parent résident
ne dispose pas de moyens financiers suffisants. La situation est
si difficile pour les mères (qui, comme évoqué, représentent l’écrasante
majorité des parents résidents) et les recours prévus par la loi
si clairement insuffisants que, d’après Mme Fernández,
il faudrait instaurer des sanctions d’un type entièrement nouveau. Priver
le parent non résident de son droit de visite serait, selon elle,
une façon plus efficace de répondre aux situations de non-versement
délibéré. Malgré l’intérêt de cette proposition, il peut s’avérer
délicat en pratique de distinguer les non-versements délibérés de
ceux liés à de réelles difficultés économiques. En outre, une telle
sanction serait au détriment des enfants. Toutefois, les éléments
mis en avant par Mme Fernández, et notamment
les répercussions psychologiques du système de pension alimentaire
(qui, sous certains aspects, reproduit et renforce paradoxalement
une vision patriarcale de la famille) devraient être pris en compte
au moment de concevoir et d’appliquer la législation dans ce domaine.
Une réforme de la garde des enfants est actuellement débattue en
Espagne.
49. Le cas de l’Espagne, comme celui du Royaume-Uni, montre à
quel point il peut être ardu pour les parents résidents de recouvrer
les sommes qui leur sont dues. Le fait que des pays dont le système
de protection sociale fonctionne correctement laissent les familles
monoparentales dans une situation aussi fragile confirme la nécessité
d’adopter des mesures plus efficaces dans ce domaine. Il convient
de prendre pour modèles les législations et politiques les plus
avancées au niveau européen, qui prévoient une intervention de l’État
à un stade très précoce.
6.4. Ukraine
Fiche
pays
–
Indice de développement humain: 0,743; place: 84
–
Modèle d’État providence: post-communiste
– Taux de
fécondité: 1,5
– Taux de mortalité maternelle (nombre
de décès pour 100 000 naissances vivantes, 2013): 23
–
Pauvreté des enfants: n.a.
– Place dans le classement
de l’Indice d’inégalité de genre (2014): 57
– Population
ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur (% des personnes
de 25 ans ou plus): hommes: 95,9 %; femmes: 91,7 %
–
Taux d’activité (% des personnes de 15 ans ou plus): hommes: 66,9 %;
femmes: 53,2 %
– Taux de chômage global: 9,3 %
–
Écart de rémunération entre les femmes et les hommes: environ 11 %
–
Taux brut de divortialité: 2,8 en 2010
– Taux brut
de nuptialité: 6,7 en 2010, 7,8 en 2011
|
50. Malgré les notables améliorations
apportées depuis 1991, notamment concernant la santé des enfants, leurs
droits et leur bien-être, les enfants ukrainiens sont encore fortement
touchés par de nombreux problèmes, dont l’abandon et le VIH/sida.
Comme en Albanie, la transition d’une économie planifiée et centralisée
vers le libre marché a entraîné une aggravation du chômage, des
inégalités sociales et des lacunes du système de protection sociale.
Ces facteurs pèsent particulièrement sur les enfants vivant au sein
de familles monoparentales et de familles de deux parents ayant
plus d’un enfant
.
51. L’Ukraine a mis en place à partir de 2001 un large éventail
de régimes d’aide sociale à l’attention des personnes vulnérables
et des familles à faibles revenus: prestations de maternité, somme
versée à la naissance d’un enfant, allocation pour enfant de moins
de trois ans, soutien financier aux mères seules (en deux tranches:
l’une pour les mères d’enfants de 0 à 6 ans, l’autre pour les mères
d’enfants de 6 à 18 ans) et aide aux enfants sous tutelle ou placés
en institution.
52. Le taux de divorce en Ukraine est élevé, et les procédures
de divorce sont simples. Obtenir un divorce peut ne prendre que
six semaines. Les pensions alimentaires imposées aux parents non-résidents
sont de faible montant (de 300 à 450 hryvnias, soit € 10 à € 15 par
mois).
53. L’article 141 du Code de la famille ukrainien garantit aux
parents l’égalité des droits et des responsabilités concernant les
enfants. La procédure de divorce est décrite aux chapitres II à IV
du Code de la famille, fondés sur la Convention internationale relative
aux droits de l’enfant, qui prévoit que le couple peut s’entendre
sur le montant et sur le bénéficiaire de la pension alimentaire
et sur les conditions d’exercice des droits parentaux. L’accord
doit être certifié par un notaire, qui peut émettre une injonction
de payer en cas de non-versement
.
54. Les parents décident de la garde de l’enfant, dont les besoins
financiers continuent d’être pris en charge par les parents jusqu’à
ses 18 ans. Les deux parents sont tenus de contribuer au bien-être
financier et psychologique de l’enfant. Le parent non résident participe
à l’entretien de l’enfant, en espèces ou en nature. En cas de désaccord
entre les parents, le montant de la pension alimentaire est déterminé
par un tribunal, sous forme d’une partie du salaire du parent non
résident ou d’une somme mensuelle fixe. Cette dernière ne peut être
inférieure à 30 % du coût minimum de la vie pour un enfant d’un
âge donné.
55. La résidence d’un enfant de moins de 10 ans est déterminée
par les parents. Passé l’âge de 10 ans, la résidence est déterminée
par les parents et l’enfant. Après 14 ans, l’enfant peut choisir
seul son lieu de résidence.
56. Les parents décident ensemble des modalités de l’éducation
de leurs enfants; le parent résident n’est pas autorisé à empêcher
l’autre parent de communiquer avec l’enfant, sauf si c’est contraire
au bien-être de ce dernier. Les modalités de l’éducation de l’enfant
peuvent être définies par écrit et enregistrées devant notaire.
La non-application des mesures décrites dans ce document est sanctionnée
par des amendes
.
57. Le parent résident a la possibilité d’obtenir une pension
alimentaire de l’État si le parent non résident ne verse pas les
sommes dues. Le tribunal peut réduire ou augmenter le montant de
la pension alimentaire au vu d’éventuels changements dans les conditions
de vie et de santé ainsi que dans la situation de l’enfant et du parent
non résident. Si le parent non résident s’abstient volontairement
de verser la pension alimentaire, le tribunal fait exécuter le versement
en imposant des saisies sur les biens, le salaire, les pensions
ou les allocations du parent non résident
; le
tribunal peut aussi appliquer des sanctions.
58. Il existe des allocations pour les mères seules. Pour les
percevoir, il faut en faire la demande auprès des organismes de
protection sociale. Or, beaucoup de mères seules ignorent que leur
situation leur donne droit à des allocations et à d’autres mesures
de protection inscrites dans la loi (par exemple, une mère seule
ne peut être licenciée si elle a la charge d’un enfant de moins
de 14 ans). Cette ignorance et ce manque d’information placent les
femmes concernées dans une situation de vulnérabilité. En 2008,
près de 25 000 foyers monoparentaux et 54 000 enfants bénéficiaient
de ce type d’allocation. Le nombre de foyers monoparentaux est en
fait plus élevé, mais le manque d’accès à l’information empêche
les parents seuls d’intégrer le système et de bénéficier de la protection
nécessaire. Ce phénomène fait obstacle à la localisation des familles vulnérables
et à la définition de leur profil social
.
59. En mai 2017, le Commissaire ukrainien aux droits de l’enfant
a annoncé la préparation d’un projet de loi visant à modifier la
législation sur la pension alimentaire
.
Le Commissaire explique qu’un tiers des réclamations reçues par
ses services concerne le recouvrement des pensions alimentaires
pour enfant. Cela représente près de sept millions de réclamations.
Une nouvelle loi est donc nécessaire pour mieux protéger les intérêts
de l’enfant et encourager une parentalité plus responsable. Le nouveau
projet de loi part du principe que le droit à une pension alimentaire
est détenu par l’enfant et non par le parent résident, ce dernier
ne faisant que gérer ce droit. En outre, il est prévu d’instaurer
une nouvelle procédure judiciaire, plus simple, avec un délai de
seulement trois jours entre le lancement de la procédure et la décision
du tribunal sur la pension alimentaire. Le montant minimal de la
pension alimentaire devrait par ailleurs passer de 30 % à 50 % du
coût minimum de la vie par enfant. La personne déposant la réclamation
n’aurait d’ailleurs pas l’obligation d’être présente à l’audience
et pourrait déposer la réclamation depuis son lieu de résidence.
60. En vertu des dispositions du projet de loi, le tribunal vérifierait
de quels fonds et biens meubles et immeubles dispose la personne
qui verse la pension. L’objectif est de mieux protéger les intérêts
de l’enfant lorsque le parent débiteur dissimule ses véritables
revenus de manière à payer le montant minimum. Comme l’a dit Oleh
Prostybozhenko, avocat et président du Centre d’études en droit
de la famille, lors de la présentation du projet de loi: «Si l’un
des parents possède des biens et des véhicules coûteux, vit dans
une maison luxueuse, fait souvent des voyages à l’étranger… et prétend
toucher le salaire minimum, le parent qui touche la pension alimentaire
pourra demander une augmentation de son montant, sur présentation
de preuves au tribunal».
61. Les nouveautés prévues par le projet de loi mentionné vont
dans le bon sens. Comme je l’ai souligné, les avances de paiements
par l’État constituent la façon la plus efficace de protéger les
intérêts de l’enfant et les droits du parent résident. La réforme
proposée n’envisage pas la mise en place d’un tel système. Toutefois, elle
a le mérite de simplifier les procédures juridiques permettant aux
parents résidents d’obtenir la pension alimentaire en cas de non-versement
ou de versements irréguliers. Cet aspect de la réforme est positif.
Les efforts visant à estimer les revenus réels des débiteurs et
à adapter le montant de la pension alimentaire à leur véritable
niveau de vie sont également à saluer. Il faut souligner que si
cette réforme est adoptée, il sera crucial de la mettre effectivement
en œuvre.
62. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer
le système des pensions alimentaires en Ukraine et son fonctionnement
dans la pratique. Il convient de porter une attention particulière
au suivi du non-respect des décisions de divorce et des obligations
de pension alimentaire. Le phénomène généralisé de non-versement
des pensions alimentaires représente actuellement un véritable problème
d’inégalité hommes-femmes dans le pays. En outre, il convient d’informer
dûment le public des allocations existantes. Comme nous l’avons
vu, le chiffre des familles monoparentales demandant ces allocations
est excessivement faible.
6.5. Royaume-Uni
Fiche
pays – Indice de
développement humain (2015): 0,909, place: 16
– Modèle
d’État providence: anglo-saxon (principales caractéristiques: niveau
relativement faible des dépenses publiques totales, faible niveau
de dépenses consacrées à la protection sociale)
–
Taux de fécondité (2016): 1,81
– Taux de mortalité
maternelle (nombre de décès pour 100 000 naissances vivantes, 2013):
8
– Pauvreté des enfants: 30,3 % des enfants sont
exposés au risque de pauvreté
– Place dans le classement
de l’Indice d’inégalité de genre (2015): 28
– Population
ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur (% des personnes
de 25 ans ou plus): hommes: 99,9; femmes: 99,8
– Taux
d’activité (% des personnes de 15 ans ou plus): hommes: 68,7; femmes:
55,7
– Femmes et hommes travaillant à temps partiel
en pourcentage de l’emploi total: hommes: 11,2; femmes: 40,9
–
Taux de chômage: hommes: 5,5; femmes: 5,1
– Écart
de rémunération entre les femmes et les hommes: 18 %
–
Taux brut de divortialité (nombre de divorces intervenus durant
l’année pour 1 000 habitants): 2,1 en 2011
– Taux
brut de nuptialité (nombre de mariages conclus durant l’année pour
1 000 habitants): 4,5 en 2011
|
63. Le Royaume-Uni compte 2,5 millions
de foyers séparés et environ 3,7 millions d’enfants vivant dans
ce type de famille, ce qui place le pays parmi ceux affichant le
taux le plus élevé dans la zone géographique du Conseil de l’Europe.
Par comparaison, 9,3 millions d’enfants vivent avec un couple et
320 000 dans un autre type de foyer; 48 % des couples qui ont divorcé
en 2012 en Angleterre et au Pays de Galles avaient au moins un enfant
de moins de 16 ans.
64. Le Royaume-Uni figure également parmi les pays qui enregistrent
le taux le plus élevé de grossesses précoces, d’où la tendance à
une augmentation du nombre de mères célibataires non diplômées de l’enseignement
supérieur. Les couples ont en moyenne leur premier enfant à l’âge
de 30 ans et les parents seuls à l’âge de 20 ans. L’âge moyen des
personnes qui divorcent est de 45 ans pour les hommes et 42 pour les
femmes
.
Les chiffres témoignent d’une croissance du taux d’emploi des ménages
au Royaume-Uni. Une hausse du taux d’emploi a également été observée
auprès des parents seuls (plus de 20 points de pourcentage depuis
1996), imputable aux initiatives politiques mises en œuvre par le
gouvernement en faveur de l’emploi de cette catégorie de personnes
(le
New Deal for Lone Parents (nouveau
programme pour parents seuls), mené de 1998 à 2011, et les modifications
apportées à compter de 2008 à la
Lone
Parent Obligation (incitation au travail pour parents
seuls
)). Néanmoins, sur les quelque
1,4 million d’enfants vivant dans des ménages sans emploi, près
de 70 % vivaient avec un seul de leurs parents
.
65. En 2004, 21,9 % des parents bénéficiaient d’un soutien alimentaire
pour enfant et 2,8 % des familles en versaient, mais une majorité
de parents seuls ne percevait aucune pension alimentaire. D’après
les chiffres, environ la moitié des familles monoparentales vit
en dessous du seuil de pauvreté, les bas salaires et l’insécurité
de l’emploi étant les principales raisons de ce phénomène, ajoutés
à l’absence de soutien et de pensions alimentaires
.
Pour faire face, beaucoup de parents seuls cumulent plusieurs emplois
ou augmentent leur temps de travail.
66. Sur le plan historique, l’Act for
the Relief of the Poor de 1601 (loi visant à venir en
aide aux pauvres) est le premier texte juridique à faire mention
d’une pension alimentaire pour enfant. Au XIXe siècle,
la loi stipulait que la paroisse avait le pouvoir de recouvrer les
pensions alimentaires auprès des pères d’enfants nés hors mariage.
De 1993 à 2012, la Child Support Agency (CSA) était l’organisme
chargé du calcul et de l’exécution des pensions alimentaires.
67. À compter de 2012, le système des pensions alimentaires a
été progressivement réformé en Angleterre, au Pays de Galles et
en Écosse, pour améliorer la situation d’ensemble en matière de
retards de paiement. En effet, «deux tiers (64 %) des parents résidents
touchant des indemnités de chômage ne perçoivent aucune pension
alimentaire de la part de l’autre parent de leur enfant
». Au Royaume-Uni,
la pension alimentaire est versée jusqu’à ce que l’enfant ait atteint
l’âge de 18 ans, mais peut être accordée après cet âge dès lors
que les enfants suivent une formation professionnelle spécifique.
68. Aujourd’hui, le système comprend une nouvelle entité nommée
Child Maintenance Service (CMS) et la Child Maintenance Options
(CMO), préexistante, qui est devenue un «service guichet»: les parents
doivent désormais s’adresser d’abord à la CMO avant de pouvoir prétendre
au CMS. Au départ, la pension alimentaire consiste en une entente
conclue entre les deux parents. En effet, la CMO met en avant les
«arrangements familiaux» et encourage les parents en instance de
séparation à collaborer et à trouver des modalités d’entente. La
CSA est progressivement fermée et remplacée par le CMS (phase qui
devait s’achever fin 2017, mais a été prolongée récemment).
69. Le CMS calcule le montant de la pension alimentaire en cas
de désaccord entre les parents
.
Il a également pour mission de localiser le parent non résident
dont on aurait perdu la trace. Il résout les conflits de filiation
et procède à la révision annuelle de la pension alimentaire et à
l’exécution de ses paiements
. Sauf dans des circonstances
très spécifiques, les parents relèvent du service «Direct Pay»:
les versements se font directement entre parents (par exemple par
virement permanent). Si un parent bénéficiaire signale un non-versement
au CMS, ce dernier prend des mesures pour s’assurer du versement
ou transfère le cas au service «Collect and Pay».
70. Créé en 2014, le service Collect and Pay est utilisé lorsque
le CMS doit intervenir pour recouvrer la pension alimentaire car
un versement n’a pas été effectué, ou pas dans sa totalité. À travers
ce service, le CMS peut agir pour recouvrer les arriérés et veiller
à ce que les sommes soient versées (par exemple en prononçant une
injonction de payer, qui ouvre la voie à d’autres mesures comme
une saisie sur salaire). Les frais facturés pour le service Collect
and Pay sont élevés
.
71. Le système britannique de pension alimentaire confère aux
parents la possibilité et la liberté de déterminer le montant de
la pension, ce qui offre un meilleur respect de la vie privée et
encourage les compromis. Le but de la réforme était de rendre la
procédure moins stressante pour les parents et les enfants et de
réduire les coûts et les frais. Le fait que les parents soient encouragés
à trouver une solution pacifique peut également contribuer à rendre
moins conflictuelles leurs relations en tant que couple divorcé
bénéficiant de la garde conjointe de leur enfant. Il est encore
trop tôt pour dire si les résultats visés par cette réforme ont été
atteints.
72. Le système actuel témoigne d’une volonté de rompre avec l’inefficacité
du système précédent. Il présente cependant plusieurs difficultés.
En particulier, les frais élevés dont doivent s’acquitter les parents auprès
du CMS pour que celui-ci règle leur différend, ou lorsque le parent
auteur des versements est absent ou impossible à localiser ou refuse
simplement de payer, peuvent se révéler particulièrement lourds
pour les parents ayant de faibles revenus. Ces frais peuvent également
être jugés discriminatoires dans la mesure où ils touchent les mères
de manière disproportionnée, compte tenu de leurs revenus généralement
inférieurs à ceux des pères. Il faudra dans quelques années évaluer
le système, pour l’améliorer si nécessaire.
7. Conclusions
73. Comme le montrent clairement
la recherche effectuée et les auditions d’experts en prise directe
avec les questions de pension alimentaire, les familles monoparentales
– le plus souvent dirigées par une mère seule – rencontrent de multiples
difficultés au quotidien. Leur situation financière est souvent
délicate, avec un risque de pauvreté plus élevé que pour la population
générale. Cela résulte d’une combinaison d’inégalités toujours rencontrées
par les femmes, en particulier au travail, malgré les progrès accomplis
en matière d’égalité de genre ces dernières décennies.
74. Il existe toujours un écart de rémunération entre les femmes
et les hommes, qui se traduit à la fin de la carrière par un large
écart entre les pensions de retraite; une ségrégation par secteur
économique, avec plus de femmes dans les secteurs où les emplois
sont moins bien rémunérés; un «plafond de verre», c’est-à-dire la
difficulté pour les femmes d’accéder à des postes de haut niveau.
Ces formes de discrimination, associées au manque de mesures souples
d’organisation du travail (télétravail, horaires adaptables …) et
à l’insuffisance des modes de garde des enfants, rendent extrêmement
difficile pour les mères seules de travailler et de soutenir correctement
leur famille.
75. Les parents seuls ont généralement droit au versement d’une
pension alimentaire par le parent non résident, le plus souvent
le père. Lorsque, pour diverses raisons, les sommes ne sont pas
versées ou versées avec retard, l’intérêt de l’enfant et le droit
du parent résident doivent être dûment protégés. Pour cela, le meilleur
moyen est que des versements de l’État interviennent à la demande
du parent résident, sans obligation d’entamer une procédure judiciaire.
On protège ainsi les droits financiers des parents résidents tout en
les libérant de la charge que représente une procédure en justice.
Une intervention précoce de l’État protège également mieux les intérêts
de l’enfant. Les paiements de substitution sont ensuite recouvrés
auprès du débiteur.
76. Il n’est pas acceptable, dans des pays prospères dotés de
véritables systèmes de sécurité sociale, comme les États membres
du Conseil de l’Europe, que des enfants grandissent dans la pauvreté
et que les parents qui vivent avec eux soient exposés au risque
d’exclusion sociale.
77. Les progrès dans ce domaine appellent une approche très large,
passant par une législation et des politiques visant non seulement
à améliorer la situation des femmes au travail, mais aussi à encourager
le partage des responsabilités d’éducation des enfants entre les
parents, que ce soit pendant une relation ou un mariage ou en cas
de séparation ou de divorce.
78. Par conséquent, de nombreuses mesures déjà préconisées par
l’Assemblée parlementaire en matière de droits des parents et de
conciliation entre travail et vie de famille sont pertinentes pour
la situation des familles monoparentales, et j’estime nécessaire
de mentionner les textes suivants:
Résolution 1921 (2013) «Égalité des sexes, conciliation vie privée-vie professionnelle
et coresponsabilité»;
Résolution
1939 (2013) «Le congé parental, moyen d’encourager l’égalité des
sexes»;
Résolution 2079
(2015) «Égalité et coresponsabilité parentale: le rôle des
pères».
79. Compte tenu de la répartition par genre des familles monoparentales
aujourd’hui en Europe, protéger les droits des parents résidents
à la pension alimentaire constitue une mesure importante vers la
réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Beaucoup
d’autres mesures sont nécessaires: les différentes formes d’inégalité
que j’ai mentionnées étant étroitement liées entre elles, des efforts
devraient être engagés pour y remédier dans tous les domaines.