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Rapport | Doc. 14461 | 04 janvier 2018

Protéger les enfants touchés par des conflits armés

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Sevinj FATALIYEVA, Azerbaïdjan, CE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14052, Renvoi 4221 du 20 juin 2016. 2018 - Première partie de session

Résumé

Dans tout conflit armé, les enfants constituent le groupe le plus vulnérable en tant que témoins et victimes de graves violences et de morts, ou parce qu’ils sont contraints d’y prendre part. Les violences risquent de les séparer de leurs parents ou des autres personnes en ayant la charge et les traumatiser à vie, marquant ainsi leurs propres perceptions et habitudes de comportements violents. Même si de nombreux conflits semblent se dérouler dans des endroits éloignés, l’Europe est totalement concernée, notamment en raison de ses propres conflits dits non résolus ou gelés, ou des situations de post-conflit. Les États membres du Conseil de l’Europe peuvent aussi être impliqués dans des conflits en dehors de l’Europe en tant que membres d’organisations internationales, parties au conflit, partenaires économiques de parties en conflit, ou comme pays d’accueil de réfugiés.

L’Assemblée parlementaire devrait exprimer ses préoccupations sur les conséquences des conflits armés sur les enfants, ainsi que sur le non-respect des obligations internationales en la matière. Elle devrait appeler les États membres à contribuer à mettre fin aux conflits en cours, à protéger et à soutenir les enfants touchés par la guerre et à leur offrir une éducation fondée sur des approches non violentes. Les États membres devraient également améliorer les opportunités et conditions socio-économiques des enfants et des familles dans les pays en conflit et les pays accueillant des réfugiés, et faciliter le travail mené par les organisations internationales et les ONG sur le terrain.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 décembre
2017.

(open)
1. En Europe et dans le monde, des enfants sont victimes des guerres et conflits armés. Ils subissent directement des violences qui mettent leur vie en danger ou sont témoins de telles violences, perdent leurs parents ou d’autres personnes qui s’occupent d’eux ou en sont séparés, sont privés des services sociaux élémentaires, tels que la santé et l’éducation, ou sont recrutés comme enfants soldats et ainsi contraints de participer eux-mêmes aux conflits.
2. Vu d’Europe, il semble que beaucoup de ces enfants vivent dans des lieux très éloignés et hors de portée des acteurs européens, comme les enfants pris dans les situations de conflit terribles actuellement observées en Irak, en Syrie, au Yémen ou au Myanmar. Pourtant, beaucoup d’enfants vivent aussi dans des régions d’Europe en proie à des conflits dits non résolus ou gelés ou en situation de post-conflit. Quelle que soit la localisation géographique des conflits, aucun pays européen ne peut prétendre ne pas être concerné d’une manière ou d’une autre, que ce soit en tant que membre d’organisations internationales concernées, que partie à des conflits en cours, que partenaire économique de parties en conflit ou que pays recevant des réfugiés en provenance des zones de conflit.
3. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée par les conséquences à court et long terme des conflits armés sur les enfants: ils sont directement touchés dans leur quotidien, dans leur développement physique et psychique et dans leur confiance à l’égard des autres êtres humains et des institutions publiques. Beaucoup d’entre eux en seront traumatisés toute leur vie et verront leurs chances de réussite dans la vie diminuer. Les enfants qui vivent des conflits armés grandissent aussi dans l’idée que la violence est un moyen acceptable de régler les conflits avec d’autres pays ou d’autres groupes ethniques ou religieux et risquent de reproduire ce comportement dans leur vie future.
4. Le droit international est très clair au sujet de la protection des enfants (tout mineur de moins de 18 ans) et de la nécessité de prendre prioritairement en considération leur intérêt supérieur en toutes circonstances (comme prévu par la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant (CIDE)). Les enfants bénéficient de la protection générale des populations civiles et de la protection spéciale accordée par la Convention de Genève de 1949 et son Protocole additionnel de 1977, comme le rappelle l’article 38(4) de la CIDE, qui appelle les États Parties à prendre «toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d’une protection et de soins».
5. Au vu du décalage manifeste entre les obligations internationales et leur respect par tous les États Parties, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
5.1. à s’investir pour prévenir les conflits et éviter que les enfants y soient entraînés, à la fois par un dialogue politique continu et par la négociation et en favorisant et soutenant le développement pacifique durable des pays impliqués dans des conflits ou menacés par l’éclatement d’un conflit;
5.2. à intervenir, à chaque fois qu’ils ont le pouvoir de le faire, pour mettre fin à des conflits armés en rappelant aux parties aux conflits et à leur partenaires leurs engagements internationaux, bilatéraux ou dans le cadre d’organisations multilatérales telles que les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou le Conseil de l’Europe, et en promouvant la résolution pacifique des conflits dans ces enceintes, de manière à éviter d’autres victimes innocentes dans les populations civiles, y compris parmi les enfants;
5.3. à éduquer les enfants et les jeunes qui ont vécu des conflits armés traumatisants aux approches non violentes pour mettre fin aux agressions et aux conflits, de manière à leur apprendre à résister à la transmission transgénérationnelle de la violence et à leur permettre de grandir dans une culture de dialogue positive, utile pour surmonter les différences substantielles entre nationalités ou groupes ethniques, à la fois au moyen d’initiatives européennes prises par le Conseil de l’Europe ou l’OSCE et de leur travail de terrain auprès des jeunes, mais aussi par des approches plus bilatérales;
5.4. à renforcer les mécanismes et actions de protection et de soutien de l’enfance à tous les niveaux par les moyens suivants:
5.4.1. en élaborant des programmes d’aide sociale et en améliorant les conditions et opportunités socioéconomiques pour les enfants et leurs familles, à la fois dans les pays en conflit et dans les pays accueillant des réfugiés;
5.4.2. en facilitant l’action des organisations internationales et des organisations non gouvernementales travaillant sur le terrain en leur apportant un soutien politique et financier correspondant aux besoins effectifs et aux normes internationales (par exemple en termes de nombre garanti de soignants pour un nombre donné d’enfants);
5.4.3. en assurant l’accès aux enfants dans le besoin et la continuité des programmes dans les zones de conflit;
5.5. à soutenir les enfants soldats et les autres enfants impliqués de façon active dans les conflits et à les aider à se réadapter par les moyens suivants:
5.5.1. en les traitant comme des enfants et non comme des adultes délinquants tout au long des procédures;
5.5.2. en les confiant aux soins d’organismes de protection de l’enfance au lieu de les placer en détention, ce qui facilitera leur réinsertion dans la société, notamment dans le système éducatif normal, sur le marché du travail et dans la vie sociale;
5.5.3. en les intégrant, s’il y a lieu, à des actions de consolidation de la paix pour qu’ils partagent leurs expériences avec d’autres jeunes (tout en évitant la réactivation du traumatisme);
5.6. à accueillir et soutenir les enfants qui ont quitté les zones de conflit par les moyens suivants:
5.6.1. en apportant une assistance spécialisée aux enfants réfugiés, migrants et déplacés dans leur propre pays qui ont vécu des situations violentes et traumatisantes et aux enfants et adolescents de retour de territoires contrôlés par Daech, lorsqu’ils arrivent en lieu sûr, notamment dans différents pays européens;
5.6.2. en formant tous les professionnels qui prennent en charge les enfants réfugiés afin de ne pas réactiver les traumatismes vécus par ces enfants, de ne pas briser leurs barrières de protection naturelles et de les aider à se créer de nouvelles expériences de vie positives;
5.7. à participer aux activités européennes portant sur les enfants dans les conflits armés et à promouvoir les normes du Conseil de l’Europe existant dans ce domaine, comme la Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits des enfants (2016-2021), qui demande que les enfants soient protégés contre les violences, y compris lors de conflits armés, que des actions soient menées pour leur redonner confiance lorsqu’ils ont vécu ces violences et que des procédures adaptées aux enfants soient mises en place dans différents contextes.

B. Exposé des motifs, par Mme Sevinj Fataliyeva, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Les conflits armés en Europe et ailleurs cristallisent régulièrement l’attention sur le sort des enfants qui sont inexorablement pris dans la tourmente. Ils réduisent à court terme les chances de ces derniers de vivre une enfance heureuse et de se développer dans un environnement sûr, les empêchent à moyen terme de grandir et de devenir des adultes en bonne santé ayant une vie épanouie et compromettent à long terme l’émergence d’États stables où les individus peuvent vivre et travailler en paix. À cet égard, la guerre en Syrie a récemment fait l’objet d’une attention accrue, notamment du fait de ses conséquences géopolitiques et de la crise des réfugiés à laquelle elle a contribué, dont les effets se sont fait durement ressentir dans de nombreux pays voisins et européens.
2. Par l’intermédiaire des médias, ce conflit en particulier s’est incarné dans le «visage d’un enfant»: en 2016, Omran Daqneesh, un enfant syrien de cinq ans, est devenu le symbole de la souffrance de la population d’Alep et de tous les enfants touchés par la guerre. Cependant, nous ne devons pas oublier que, même en Europe, plusieurs régions sont encore le théâtre de ce que nous pourrions appeler des «conflits non-résolus» ou «gelés» ou de «situations de post-conflit», souvent suite à des guerres ou des conflits armés.
3. Le but de ce rapport n’est pas d’examiner chaque conflit en détail, ni d’incriminer l’une des parties en présence, mais uniquement d’attirer l’attention sur le sort des enfants pris au piège de ces situations. Je souhaite rappeler dans quelle mesure ces dernières peuvent affecter leur vie quotidienne et l’équilibre de leur développement. Pour nous, parlementaires, l’inquiétude à l’égard de ces enfants ne doit pas seulement nous conduire à exprimer notre compassion; elle doit aussi nous encourager à agir pour les protéger réellement, notamment en contribuant à la prévention et à la résolution des conflits armés partout où nous le pouvons, en renforçant la protection des enfants se trouvant dans des situations de conflit et en leur offrant un accueil, une prise en charge et un soutien une fois qu’ils ont quitté les zones de guerre et de conflit armé. Il est inutile de préciser que la situation d’autres groupes vulnérables et d’adultes mérite une attention égale, mais se trouve en dehors du champ de ce rapport spécifique.

2. La question en jeu – les différentes façons dont les enfants sont touchés par les conflits armés

4. Étant donné leur vulnérabilité, les enfants sont touchés par les conflits armés de maintes façons. Outre qu’ils ont, sur les enfants victimes, des effets physiques et psychologiques qui menacent leur vie, la guerre et les conflits privent trop souvent les enfants de leurs parents ou d’autres personnes qui s’occupent d’eux, mais aussi de services sociaux élémentaires, de soins de santé et d’éducation, de conditions de vie saines, d’eau et de nourriture. Les enfants souffrent des conflits armés en tant que témoins de la mort et de la violence, des événements hautement traumatisants qui peuvent leur laisser pour toujours d’intenses sentiments de peur et de défiance. Enfin, en particulier dans des contextes socio-économiques marqués par la pauvreté, l’exclusion sociale, l’inégalité des chances et la discrimination, des enfants et des jeunes sont régulièrement recrutés, y compris en Europe, pour devenir des combattants ou des enfants soldats.

2.1. Les enfants touchés par la guerre et fuyant les zones de conflits en tant que réfugiés ou personnes déplacées à l’intérieur du pays

5. Des chiffres récents nous aident à comprendre à quel point les enfants sont touchés par les conflits armés: plus de 250 000 personnes, dont des milliers d’enfants, ont perdu la vie au cours des cinq années de guerre en Syrie, d’après les données publiées par les Nations Unies en 2016 
			(2) 
			S/2016/360, Rapport
annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés,
20 avril 2016: <a href='http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/N1611120.pdf'>http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/N1611120.pdf.</a>. On estime que 11 millions de Syriens ont fui leur foyer depuis le début de la guerre civile en mars 2011. Fin 2016, 13,5 millions de personnes dans le pays avaient besoin d’une aide humanitaire. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 4,8 millions de personnes avaient fui vers la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Égypte et l’Irak, et l’on comptait 6,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. Par ailleurs, environ un million de Syriens avaient demandé asile en Europe (les deux principaux pays d’accueil étant l’Allemagne et la Suède) 
			(3) 
			Données
fournies grâce au site web prévu à cet effet par l’Institut universitaire
européen de Florence: <a href='http://syrianrefugees.eu/'>http://syrianrefugees.eu.</a>.
6. Au Yémen, autre pays en conflit qui fait régulièrement l’objet de reportages dans les médias, les enfants font partie des premières victimes du conflit qui a de nouveau éclaté en mars 2015 entre une coalition internationale soutenant le président et le mouvement rebelle houthi 
			(4) 
			Reportages
de BBC news: <a href='http://www.bbc.com/news/world-middle-east-29319423'>www.bbc.com/news/world-middle-east-29319423.</a>. Le pays, déjà confronté à une pauvreté généralisée, à l’insécurité alimentaire et à l’absence de services de santé avant le conflit, compte désormais plus de 2,2 millions de personnes déplacées, tandis que 70 % de sa population a besoin d’une forme d’aide humanitaire. Le conflit a causé directement la mort de près de 4 000 civils, dont 1 332 enfants, alors que des milliers d’autres dépérissent en raison des privations provoquées par le conflit et de l’épidémie de choléra qui a été confirmée par les autorités sanitaires en octobre 2016. L’UNICEF estime que plus de 460 000 enfants sont en état de malnutrition sévère au Yémen, tandis que 3,3 millions d’enfants ou de femmes enceintes ou allaitantes souffrent de malnutrition aiguë. Le nombre d’enfants non scolarisés a atteint les 2 millions, et 350 000 autres enfants ont vu leur école fermer. Les infrastructures de distribution et d’assainissement des eaux du pays ont été dévastées, ce qui représente de graves risques sanitaires. En raison d’un manque cruel de financements, l’UNICEF et d’autres organisations internationales ont des difficultés à assurer même les services les plus élémentaires en matière de santé, d’éducation et de protection en 2017 
			(5) 
			Fiche d’information
de l’UNICEF intitulée «Yemen conflict: a devastating toll for children»
(Le conflit au Yémen: un bilan dévastateur pour les enfants): <a href='https://www.unicef.org/infobycountry/yemen_85651.html'>https://www.unicef.org/infobycountry/yemen_85651.html.</a>.
7. Outre la Syrie et le Yémen, beaucoup d’autres pays et de régions du monde sont concernés, et l’Europe ne devrait pas s’en désintéresser. Dans son rapport annuel de 2015 sur les enfants et les conflits armés, le Secrétaire général des Nations Unies a évoqué la mise en œuvre de plans d’action spécifiques dans les pays suivants: Afghanistan, République démocratique du Congo, Myanmar, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Yémen et Philippines. Dans ce rapport, les Nations Unies ont examiné 20 situations de conflits au sein de 14 pays et ont dressé une liste des nombreuses parties à des conflits qui se sont rendues coupables de cinq principales violations des droits humains à l’égard des enfants: 1) recrutement et utilisation d’enfants; 2) meurtre ou atteinte à leur intégrité physique; 3) viol et autres formes de violences sexuelles; 4) attaque d’écoles ou d’hôpitaux; et 5) enlèvement. Il y est établi que les enfants ont été la cible directe d’actes de violence infligés à des civils ou à des communautés, les séparant souvent de leur famille. Bon nombre d’entre eux ont été recrutés comme enfants soldats, avant d’être considérés comme représentant un risque en matière de sécurité, puis d’être placés en détention et de faire l’objet de poursuites, au lieu d’être confiés à des organisations civiles de protection de l’enfance ou de se voir proposer une aide pour leur réinsertion dans la société 
			(6) 
			Résumé du rapport des
Nations Unies: <a href='https://childrenandarmedconflict.un.org/wp-content/uploads/2015/10/15-18739_Children-in-Conflict_FINAL-WEB.pdf'>https://childrenandarmedconflict.un.org/wp-content/uploads/2015/10/15-18739_Children-in-Conflict_FINAL-WEB.pdf.</a>.
8. Encore tout récemment, des comptes rendus parus dans les médias ont montré au monde entier à quel point les enfants sont victimes des conflits armés et violents menés et alimentés par des adultes en raison de différences et intolérances ethniques ou religieuses et auxquels ils n’ont aucune chance d’échapper: des histoires atroces nous parviennent presque chaque semaine du Myanmar, où des enfants innocents de la minorité rohingya sont tués dans ce que les autorités de l’État considèrent comme une lutte contre le terrorisme, mais qui se révèle dans les faits être un nettoyage ethnique 
			(7) 
			The
Independent, 2 septembre 2017: <a href='http://www.independent.co.uk/news/world/asia/rohingya-burma-myanmar-children-beheaded-burned-alive-refugees-bangladesh-a7926521.html'>www.independent.co.uk/news/world/asia/rohingya-burma-myanmar-children-beheaded-burned-alive-refugees-bangladesh-a7926521.html</a>; The Telegraph, 2
septembre 2017: <a href='http://www.telegraph.co.uk/news/2017/09/02/rohingya-minority-beheaded-burned-alive-burma-army/'>www.telegraph.co.uk/news/2017/09/02/rohingya-minority-beheaded-burned-alive-burma-army/</a>. . Rien que depuis la mi-août 2017, plus de 400 000 enfants et familles rohingya auraient fui au Bangladesh, selon les organisations des droits de l’homme 
			(8) 
				Save the Children: <a href='http://www.savethechildren.org/site/c.8rKLIXMGIpI4E/b.6150543/k.D615/Myanmar.htm'>www.savethechildren.org/site/c.8rKLIXMGIpI4E/b.6150543/k.D615/Myanmar.htm</a>. . Les femmes et les enfants sont aussi parmi les premiers à souffrir des combats qui se poursuivent contre Daech en Irak, où les agences internationales de protection de l’enfance préviennent du danger extrême dans lequel se trouvent des dizaines de milliers d’enfants au moment où les forces irakiennes et celles de la coalition lancent une offensive contre le bastion de Daech dans la ville de Haouija 
			(9) 
				Communiqués
de Human Rights Watch du 20 septembre 2017 (<a href='https://www.hrw.org/news/2017/09/20/iraq/krg-1400-women-children-isis-areas-detained'>https://www.hrw.org/news/2017/09/20/iraq/krg-1400-women-children-isis-areas-detained</a>) et de Save the Children du 22 septembre 2017 (<a href='http://www.savethechildren.org.uk/2017-09/iraq-30000-children-extreme-danger-hawija'>www.savethechildren.org.uk/2017-09/iraq-30000-children-extreme-danger-hawija</a>).. La communauté internationale doit user de son influence partout où elle le peut pour s’assurer que ces conflits prennent fin et, dans l’intervalle, que les civils et les enfants en particulier soient protégés dans toute la mesure du possible.
9. L’Europe est elle-même également concernée par plusieurs «conflits non résolus» ou «gelés» ou par des «situations de post-conflit». Dans l’est de l’Ukraine, où la guerre se poursuit et où les affrontements militaires ont encore empiré depuis le début 2017 
			(10) 
				EurActiv News du 31
janvier 2017: <a href='https://www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/military-situation-in-eastern-ukraine-worsens/'>https://www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/military-situation-in-eastern-ukraine-worsens/</a>., plus de 1,5 million de personnes, dont un tiers d’enfants, ont été déplacées ces dernières années 
			(11) 
				UNICEF, Ukraine Humanitarian
Situation Report # 42, janvier 2016.. En février 2016 déjà, l’UNICEF avait attiré l’attention sur la situation critique des enfants dans la troisième année de guerre dans l’est du pays, estimant que les vies de plus de 580 000 enfants en étaient directement affectées 
			(12) 
				Communiqué
de l’UNICEF du 19 février 2016: <a href='https://www.unicef.org/media/media_90268.html'>https://www.unicef.org/media/media_90268.html</a>.. En 2017, de nouveaux éléments sont venus confirmer que les plus de 200 000 enfants vivant le long de la «ligne de contact» continuent tout particulièrement de payer un lourd tribut et qu’ils ont besoin d’un soutien psychologique. Pour leur part, les experts de l’UNICEF regrettent que ce conflit soit devenu dans l’intervalle une espèce de «crise invisible» de tous, excepté de ceux qui sont contraints de supporter toujours et encore les violences, les abus et les privations.
10. D’autres régions situées dans le périmètre du Conseil de l’Europe sont concernées à des degrés divers par des conflits armés, comme par exemple l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, la Transnistrie et le Haut-Karabakh. Ces régions peuvent être prises comme exemples ici car, comme dans tout conflit, beaucoup d’enfants subissent les conséquences de ces conflits non résolus qui ont entraîné des déplacements massifs de population dans ces régions. Dans le cas du Haut-Karabakh, les tensions persistantes le long de la ligne de contact ont, à de nombreuses occasions, provoqué des explosions de violence, au cours desquelles, dans les deux camps, des civils innocents, dont des enfants, ont malheureusement perdu la vie. À la suite des plus récents accrochages, les corapporteurs de l’Assemblée chargés du suivi de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ont rappelé la nécessité pour les deux pays de résoudre leurs différends pacifiquement 
			(13) 
				«Arménie et Azerbaïdjan:
les corapporteurs préoccupés par le regain de violence à la ligne
de contact, région de Fizuli», communiqué de l’Assemblée parlementaire
du 7 juillet 2017: <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6735&lang=1&cat='>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6735&lang=1&cat=</a>.. L’Assemblée a adopté plusieurs résolutions sur les conflits mentionnés plus haut, dans lesquelles elle a appelé toutes les parties à honorer leurs obligations en tant qu’États membres du Conseil de l’Europe s’agissant de ces conflits, mais la paix n’a hélas pas encore été rétablie 
			(14) 
				La formulation du
paragraphe 10 a été proposée à la rapporteure par les corapporteurs
pour le suivi des obligations et des engagements de l’Arménie et
l’Azerbaïdjan, à la suite de la réunion de la commission des questions
sociales tenue le 19 septembre 2017 à Paris..

2.2. Les enfants victimes de violences, de traumatismes et de privations

11. D’après l’organisation non gouvernementale (ONG) internationale Save the Children 
			(15) 
			D’après les informations
fournies par Mme Christine McCormick,
conseillère sur la protection de l’enfance, Save the Children, Londres,
Royaume-Uni, lors de l’audition organisée par la commission le 1er juin
2017 à Bakou., les conséquences de la guerre et des conflits armés sont dramatiques pour les enfants: bon nombre d’entre eux meurent dans des conflits ou sont handicapés à vie; jusqu’à 80 % des victimes de violence sexuelle dans les pays en conflit sont des enfants, en particulier des filles; des établissements de santé et des écoles sont pris pour cible dans de nombreux pays et sont détournés à des fins militaires; de nombreux enfants sont privés de scolarisation, déplacés à l’intérieur de leur pays ou placés dans des centres de détention. Comme mentionné auparavant, dans les périodes troublées, outre tous les préjudices corporels qui leur sont infligés par les bombardements ou les tirs d’artillerie, les enfants courent plus de risques d’être victimes de toutes sortes de violences. Alors que certains sont contraints de prendre part au conflit, de tuer ou de commettre des attentats-suicides et d’autres actes de violence, d’autres sont incités à intégrer des groupes armés, poussés par la pauvreté ou le désespoir 
			(16) 
			Extrait d’un entretien
accordé à Afrique Relance par
Jean-Claude Legrand, haut conseiller auprès de l’UNICEF, sur le
thème «Des soldats redeviennent de simples enfants», octobre 2001.. D’autres encore sont réduits en esclavage, font l’objet d’abus sexuels ou sont exploités par les forces armées.
12. Des éléments émanant de sources diverses démontrent que les enfants qui sont touchés par des conflits armés et qui y sont confrontés, ainsi que ceux qui sont témoins de violences, ne peuvent pas se développer convenablement et s’épanouir pleinement. Il leur est non seulement impossible de se rendre à l’école, celle-ci pouvant même être fermée ou détruite, mais ils doivent souvent faire face à la perte de membres de leur famille, c’est-à-dire de personnes qui leur apportaient protection et soins. Ainsi, les enfants se trouvent à un très jeune âge en butte à des situations traumatisantes et doivent trouver par eux-mêmes des moyens de survivre. Comme indiqué plus haut, nombreux sont ceux qui doivent fuir les zones de conflits, avec leur famille ou seuls, pour arriver dans des pays lointains, devenant des réfugiés ou des migrants coupés de leurs racines, d’autres membres de leur famille et de leur environnement quotidien familier.
13. Dans un contexte de guerre et de conflit, de nombreux enfants connaissent une sorte de «normalisation» de la violence. Cette situation peut entraîner une radicalisation politique et une transmission de la violence entre générations. Ces dernières années, celle-ci a été constatée en Irlande du Nord, où «l’impact transgénérationnel de l’exposition aux traumatismes liés à des conflits» a été examiné dans le cadre du projet de recherche «Vers un avenir meilleur» lancé par la Commission nord-irlandaise pour les victimes et les survivants 
			(17) 
			Projet de recherche
mené par l’université d’Ulster, Belfast (2015): <a href='https://www.cvsni.org/media/1171/towards-a-better-future-march-2015.pdf'>https://www.cvsni.org/media/1171/towards-a-better-future-march-2015.pdf.</a>.
14. Les pays en conflit manquent régulièrement des services de base, comme le relève aussi Save the Children dans plusieurs pays; dans certains cas, les services sont même complètement interrompus et la population n’est plus en mesure d’acheter des biens de consommation courante, comme au Soudan du Sud, où le conflit dure depuis plus de 20 ans; dans ce pays, plus de 20 000 enfants ont été recrutés par les forces armées et plus de 10 000 ont été séparés de leur famille et sont désormais non accompagnés.
15. En Syrie, de nombreux enfants font l’objet de recrutements forcés, sont soumis à des risques d’explosion, à des violences sexuelles ou à l’obligation de travailler, ou encore sont exploités dans l’ensemble du pays. Pour bon nombre d’entre eux, la violence est en effet devenue une expérience «normale» et le taux de détention des enfants est en hausse. Cependant, les principales conséquences sur leur vie apparaissent sous la forme de troubles de la santé mentale, comme le montre le dernier rapport publié par Save the Children en 2017: les bombardements et les tirs d’artillerie sont la première cause de stress psychologique dans la vie quotidienne des enfants; ils deviennent plus nerveux et angoissés, et souvent plus agressifs; de nombreux enfants souffrent d’énurésie, un symptôme de stress toxique, et d’état de stress post-traumatique (ESPT); d’autres commencent à consommer des drogues pour faire face au stress, au deuil des membres de leur famille ou à la tristesse; enfin, on considère que l’interruption de leur scolarité a de profondes répercussions sur la vie des enfants 
			(18) 
			Save
the Children: «Invisible Wounds – The impact of six years of war
on the mental health of Syria’s children», mars 2017, <a href='http://www.savethechildren.org.uk/sites/default/files/images/Invisible_Wounds.pdf'>www.savethechildren.org.uk/sites/default/files/images/Invisible_Wounds.pdf.</a>.

2.3. Besoins particuliers des enfants migrants et réfugiés qui arrivent en Europe

16. En ce qui concerne les besoins particuliers des enfants migrants et réfugiés qui arrivent en Europe, notre commission a eu l’occasion d’en apprendre davantage lors de l’audition tenue à Bakou grâce au rapport détaillé présenté par une psychologue venant de Berlin (Allemagne) 
			(19) 
			Mme Galina
Heinzelmann, psychologue et psychothérapeute indépendante à Berlin
(Allemagne). qui travaille avec cette catégorie d’enfants, dont des migrants et des réfugiés venant de Syrie, d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan, d’Érythrée, de Somalie, du Nigeria, de Turquie, de la Fédération de Russie, d’Ukraine et de la République de Moldova. Le soutien psychologique nécessaire aux réfugiés dans l’ensemble de l’Europe semble immense: l’Allemagne à elle seule a accueilli plus de 1,2 million de réfugiés au cours des deux dernières années (dont environ un tiers d’enfants), ce qui représente un défi pour les autorités publiques à tous les niveaux, y compris les pouvoirs locaux, les organisations de la société civile et les bénévoles.
17. En particulier, les femmes et les enfants qui arrivent en Europe sont fortement traumatisés et souffrent d’anxiété, d’insomnie, d’un sentiment d’impuissance et de fatigue chronique. Il est compliqué de leur apporter une aide psychologique, car les besoins des enfants et des adultes sont à la fois très différents et interconnectés: alors que les enfants souffrent de la perte de membres de leur famille ou craignent que cela ne leur arrive, l’état psychologique des parents a aussi un impact sur les enfants. Les préoccupations des enfants sont souvent négligées en raison de problèmes plus urgents, tels que la mort du père de famille, les procédures de demande d’asile ou l’absence d’un hébergement décent et sûr. Afin de protéger les enfants, des familles tout entières doivent être soutenues dans leur fonctionnement et pour leur cohésion. Les délais d’attente importants des procédures de demande d’asile, qui comprennent l’enregistrement, les entretiens et l’attente d’une éventuelle reconnaissance, semblent souvent générer une forte inquiétude chez les familles. Au cours de ce processus, celles-ci doivent souvent rester longtemps dans des hébergements d’urgence provisoires, et donc dans des lieux non sécurisés ou qui ne sont pas adaptés aux enfants, qui ne leur permettent pas de préserver leur intimité et dans lesquels il existe des tensions entre familles et entre groupes ethniques.
18. Étant donné que les enfants ont un mécanisme de protection «intégré» qui leur permet de se détacher des expériences traumatisantes et de dissocier les différentes sphères de leur vie, ils trouvent généralement refuge dans des écoles maternelles ou primaires au sein desquelles ils sont pris en charge et peuvent jouer et oublier. Les professionnels en contact avec ces enfants ont besoin d’un soutien et d’une formation spécifiques, notamment pour développer leur propre résilience, pour éviter de briser les mécanismes de protection des enfants et pour créer un environnement «normal» à leur proposer.
19. D’après la psychologue que notre commission a entendue, le principal objectif des professionnels en contact avec des enfants réfugiés n’est pas de leur faire oublier la terreur qu’ils ont vécue mais de l’intégrer dans leur vie quotidienne et de trouver des manières de l’exprimer. En règle générale, les enfants semblent beaucoup plus réceptifs à ces approches que les adultes qui les entourent, car ceux-ci ont souvent honte ou craignent les préjugés ou les conséquences négatives de leurs actes ou de leurs propos. À l’instar des autres patients souffrant de traumatismes, les réfugiés présentent souvent des signes de dépression et certains d’entre eux ont un risque de suicide plus élevé. En plus de l’intervention médicale et psychologique, une vraie «culture d’accueil» et une véritable solidarité seraient nécessaires dans le cadre de politiques migratoires coordonnées.
20. Nous pouvons assurément retenir de ces enseignements que l’éducation et les activités éducatives fondées sur le jeu seront des moyens essentiels d’atteindre et de soutenir les enfants qui ont souffert de la guerre et des conflits armés d’une quelconque façon. De nombreuses ressources existent à cette fin et beaucoup de pays ont gagné en expérience dans ce domaine au cours des dernières années 
			(20) 
			Voir, par exemple,
cette publication réunissant plusieurs aspects de l’expérience canadienne:
Life After War: Education as a Healing Process for Refugee and War-Affected
Children 2012, <a href='https://www.edu.gov.mb.ca/k12/docs/support/law/full_doc.pdf'>https://www.edu.gov.mb.ca/k12/docs/support/law/full_doc.pdf.</a>; il conviendrait donc d’engager un processus d’apprentissage au niveau international, avec la participation d’acteurs des systèmes éducatifs nationaux et d’agents de la protection de l’enfance pour qu’ils partagent leur expérience.

2.4. Les enfants de retour après avoir été recrutés ou utilisés comme enfants soldats ou après avoir vécu des expériences violentes

21. Dans le monde entier, de nombreux enfants sont recrutés comme enfants soldats et contraints de prendre part aux hostilités, par exemple au Nigéria, où des groupes terroristes comme Daech et Boko Haram utilisent des enfants pour commettre des attentats-suicides, mais aussi au Congo ou en Afghanistan. En Europe, la question des enfants soldats n’est pas aussi pertinente, même si des pratiques quelque peu contestables peuvent être observées dans certains pays 
			(21) 
			Au
Royaume-Uni, par exemple, les enfants peuvent s’engager dans les
forces armées à partir de 16 ans, informations fournies par Child
Soldiers International, une organisation internationale de défense
des droits humains, précédemment connue sous le nom de Coalition
to Stop the Use of Child Soldiers, et créée en 1998 par un groupe
de grandes organisations de défense des droits humains, dont Amnesty
International, Human Rights Watch et Save the Children, <a href='https://www.child-soldiers.org/'>https://www.child-soldiers.org.</a>.
22. Cependant, les stratégies de protection de l’enfance doivent prévoir d’offrir un accueil et un soutien aux enfants qui ont combattu dans des conflits armés avant d’arriver en Europe en tant que réfugiés, ainsi que d’empêcher, en premier lieu, les jeunes Européens de participer à des conflits qui ont lieu dans d’autres pays: il arrive régulièrement que des enfants et des jeunes souffrant de pauvreté et d’exclusion soient séduits par l’idée de rejoindre des groupes terroristes comme Daech dans leur lutte pour la création d’un «État islamique», ces derniers leur faisant croire que cet engagement leur donnera le but social qu’ils recherchent, comme j’en ai déjà fait état en ma qualité de rapporteure sur le thème «Prévenir la radicalisation d’enfants et de jeunes en s’attaquant à ses causes profondes», dont l’aboutissement a été l’adoption de la Résolution 2103 (2016) de l’Assemblée.
23. Au lieu d’incriminer les enfants et les jeunes de retour d’un conflit, il est nécessaire de leur offrir un soutien dans leur réadaptation, leur rééducation et leur réinsertion dans les sociétés européennes. Cela est également valable pour les enfants qui sont nés dans des territoires contrôlés par Daech, et qui constituent un groupe de victimes à part. Après avoir été régulièrement témoins de viols, d’actes de torture ou de meurtres (ou même après y avoir participé), ils ont très souvent des comportements agressifs et font preuve d’un faible niveau d’empathie, font des cauchemars et ont des problèmes neurologiques ou de concentration. Leur perception de leur place dans le monde est altérée, et les martyrs ou les commandants qu’ils considèrent comme des modèles les conduisent à redéfinir leurs devoirs moraux et leur notion du «bien» et du «mal». Des experts estiment qu’une durée minimale de deux ans de travail quotidien avec des travailleurs sociaux, des psychothérapeutes, des enseignants et d’autres professionnels est nécessaire pour donner à ces enfants une chance de mener une vie normale, fondée sur la sécurité, la stabilité et l’orientation 
			(22) 
			McDonald-Gibson,
Charlotte: What Should Europe Do With the Children of ISIS?, Pages
«Opinion» du New York Times,
23 juillet 2017..

2.5. Conséquences pour les sociétés dans leur ensemble et leur stabilité

24. En matière de protection de l’enfant, de nouveaux problèmes se posent également compte tenu des changements de stratégie militaire. Les tactiques récentes consistent à gommer les différences entre combattants et non-combattants en dissimulant des combattants au sein de la population, en violation des conventions de Genève. Par conséquent, le recours aux bombardements aériens et aux tirs d’artillerie non ciblés est une pratique de plus en plus courante qui tue essentiellement des civils, dont de nombreux enfants. C’est ainsi que dans nombre de conflits récents, les combattants s’attaquent directement aux maisons, hôpitaux et infrastructures éducatives, portant ainsi atteinte au fonctionnement de la société dans son ensemble. L’utilisation d’écoles à des fins militaires et les attaques menées contre des bâtiments scolaires sont très préoccupantes car elles accroissent considérablement les risques pour les enfants (exposés notamment à des engins explosifs qui, laissés derrière eux par les combattants, n’ont pas encore explosé).
25. Outre certains des effets directs sur les enfants mentionnés précédemment, les conflits armés ont aussi les conséquences suivantes:
  • ils compromettent l’émergence de sociétés sûres et stables en réduisant les chances des enfants de se développer dans des pays sûrs. La peur ou la colère peuvent empêcher les enfants, habitués à réagir sur un mode violent, de mener une vie normale, les rendant dangereux pour eux-mêmes et pour la société. Au niveau individuel, on peut dire que les enfants subissent un «lavage de cerveau», et à un niveau plus collectif, on observe la transmission des conflits d’une génération à l’autre, comme évoqué plus haut;
  • les conflits armés ont des répercussions et des conséquences importantes, notamment en raison des dépenses publiques élevées consacrées à l’armement. La reconstruction des sociétés, l’indemnisation des préjudices causés aux villes et à la population, ainsi que les actions de réinsertion et de soutien en faveur des victimes de conflits représentent un coût considérable pendant de nombreuses années. Les personnes traumatisées et handicapées, y compris les enfants, ont besoin de soins médicaux et psychologiques, parfois pendant toute leur vie.

3. La protection des enfants par la loi – manque de respect pour les normes internationales

26. La communauté internationale est convenue de considérer l’enfant, c’est-à-dire tout être humain âgé de moins de 18 ans, comme une personne ayant des besoins particuliers et dont l’intérêt supérieur doit toujours primer 
			(23) 
			Comme énoncé dans la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.. Malgré ce consensus en droit international, les enfants restent des victimes majeures des conflits armés du fait de leur jeunesse, de leur dépendance et de leur vulnérabilité, qu’ils souffrent des conséquences de la guerre ou deviennent les agents des hostilités, en tant qu’enfants soldats par exemple.
27. En vertu du droit international, les enfants doivent être protégés de tout danger, quelle que soit leur situation. En cas de conflit armé, les enfants bénéficient de la protection générale accordée aux civils par la loi et d’une protection spéciale selon les principes fondamentaux des conventions de Genève 
			(24) 
			Convention (IV) de
Genève – 1949 et Protocole additionnel à la Convention de Genève
– 1977.. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (UNCRC) le rappelle dans son article 38(4): «Conformément à l’obligation qui leur incombe en vertu du droit humanitaire international de protéger la population civile en cas de conflit armé, les États Parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d’une protection et de soins.» Les droits de l’enfant sont également abordés de façon spécifique dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (entré en vigueur en 2002), qui vise à empêcher le recrutement d’enfants soldats, et dans lequel il est énoncé à l’article 2: «Les États Parties veillent à ce que les personnes n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans ne fassent pas l’objet d’un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées. 
			(25) 
			Le texte intégral est
disponible sur <a href='https://childrenandarmedconflict.un.org/fr/qui-sommes-nous/campagne-moins-de-18-ans/'>https://childrenandarmedconflict.un.org/fr/qui-sommes-nous/campagne-moins-de-18-ans/.</a>» Des orientations juridiques et stratégiques de base relatives aux enfants soldats figurent en outre dans les Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés de 2007 («Principes de Paris») 
			(26) 
			Document fondé sur
un examen de grande ampleur des législations et pratiques réalisé
par l’UNICEF et adopté par de nombreux États comme document complémentaire
des «Engagements de Paris relatifs à la protection des enfants contre
le recrutement ou l’utilisation illicites par les forces armées
ou les groupes armés» («les Engagements de Paris»): <a href='https://www.unicef.org/french/protection/files/ParisPrincipesFrench310107.pdf'>https://www.unicef.org/french/protection/files/ParisPrincipesFrench310107.pdf.</a>.
28. Toutefois, les nombreuses et graves violations des droits de l’enfant lors de conflits armés passés et présents montrent que la communauté internationale ne remplit pas, jusqu’à présent, sa mission de protection des enfants. Cet état de fait a été confirmé à notre commission par Save the Children, une organisation très présente sur le terrain dans de nombreux pays 
			(27) 
			Comme l’a indiqué Christine
McCormick, Save the Children (Royaume-Uni) (voir la note 16).. D’après cette ONG, le cadre juridique international visant à protéger les enfants en temps de guerre est assez solide; pourtant les enfants sont plus vulnérables aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a dix ans. Les conflits sont devenus plus internationaux, différents acteurs ont recours à des formes extrêmes de violence et agissent dans un non-respect consternant du droit international et des institutions qui veillent à son application.
29. Face au constat terrifiant de ces chiffres et de ces violations des droits humains, je tiens à rappeler qu’il est de notre devoir, en tant que représentants politiques, de garantir une protection effective de tous les enfants. Il est donc nécessaire de concevoir et mettre en œuvre des mesures politiques ciblées pour assurer la protection des enfants alors que les conflits continuent de faire rage. À cet égard, pas plus tard qu’en septembre 2016, dans le cadre des fonctions de rapporteure générale de l’Assemblée parlementaire sur les enfants que j’occupais alors, j’ai appelé les gouvernements européens à intensifier leur action pour protéger et soutenir les enfants concernés par le conflit armé en Syrie, notamment à Alep où, à ce moment-là, 100 000 enfants vivaient dans la zone de conflit et subissaient encore les bombardements des forces armées.
30. Les enfants sont parmi les groupes les plus vulnérables et sans défense dans les conflits mondiaux qui perdurent, et leur sort doit faire l’objet, de la part des pays européens où règnent encore la prospérité et la paix, de toute l’attention requise si l’on ne veut pas que les guerres qui déchirent actuellement de nombreux pays engendrent une génération perdue. Bien que certains conflits aient lieu dans des pays qui semblent lointains, l’Europe est directement concernée par leurs répercussions (par exemple par les flux de réfugiés et de migrants) et ne peut ignorer la responsabilité qui lui incombe de protéger les plus vulnérables, y compris en les accueillant et en leur proposant la protection et les soins dont ils ont besoin.

4. Des mesures à prendre d’urgence – une meilleure protection des enfants touchés par les conflits armés

31. Bien qu’il existe un grand nombre d’instruments juridiques et de programmes, les droits de l’enfant sont encore trop souvent bafoués dans les conflits armés du monde entier et dans le traitement de leurs conséquences, ce qui met en lumière l’écart important qui subsiste entre les engagements pris par les États Parties et leur mise en œuvre. C’est, je crois, un écart qu’il faut combler d’urgence et à divers niveaux d’intervention, notamment en appelant une nouvelle fois tous les États membres du Conseil de l’Europe à respecter leurs obligations en vertu du droit international et européen, ainsi qu’à élaborer des politiques nationales efficaces dans leur domaine de compétence.
32. Outre le fait de mettre un terme aux conflits armés et de reconstruire les sociétés, l’amélioration de la protection des enfants implique d’identifier les différentes manières dont ceux-ci sont touchés par les conflits et les lacunes dans les systèmes de protection à cet égard à divers niveaux (mondial, européen, national et local). Il est en outre nécessaire d’affermir la volonté politique au sein de la communauté internationale et parmi les gouvernements nationaux, afin de débloquer des ressources financières suffisantes pour renforcer les programmes de protection de l’enfance et mettre en place des moyens judiciaires adéquats pour lutter contre l’impunité.
33. Les acteurs européens n’ont pas toujours les pouvoirs d’intervenir directement pour protéger les enfants dans des lieux lointains, comme Alep ou Sanaa, lorsque des hôpitaux ou des écoles sont attaqués, ou pour prévenir de telles attaques. En tant que parlementaires de la Grande Europe, nous devons donc, d’une part, reconnaître les limites de l’action européenne à l’égard de ces conflits, et, d’autre part, stimuler les efforts consentis par nos gouvernements respectifs, pour contribuer à la résolution politique de tels conflits et à leur future prévention, notamment dans l’intérêt des enfants. Les gouvernements, dans l’ensemble de l’Europe et dans le monde entier, doivent adopter des positions cohérentes concernant les conflits qui ont lieu dans des pays éloignés, par exemple en s’abstenant de condamner publiquement les conflits, d’un côté, tout en permettant la livraison d’armes à grande échelle à des parties à ces conflits, ces transactions bénéficiant à leur propre économie nationale. Ils doivent en outre davantage favoriser les conceptions centrées sur l’enfant au sein des parties aux conflits pour empêcher le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, par exemple en soutenant la criminalisation de ce recrutement et de cette utilisation des enfants, en encourageant l’élaboration de mécanismes de contrôle indépendants et en renforçant les capacités des systèmes de justice pénale 
			(28) 
			Child Soldiers International:
Louder than words – An agenda for action to end state use of child
soldiers, Report summary and 10-Point Checklist to prevent the involvement
of children in hostilities in state armed forces and state-allied armed
groups (Plus fort que les mots: Programme d’action pour mettre fin
à l’utilisation par les États d’enfants soldats, Résumé du rapport
et Liste en 10 points pour éviter la participation des enfants aux
hostilités dans les forces armées nationales et les groupes armés
alliés): <a href='https://www.child-soldiers.org/Handlers/Download.ashx?IDMF=120a12c8-5077-43ef-864f-ae3bebee59d8'>https://www.child-soldiers.org/Handlers/Download.ashx?IDMF=120a12c8-5077-43ef-864f-ae3bebee59d8.</a>.
34. Partout où il est impossible, pour les acteurs européens, d’intervenir directement pour prévenir les conflits ou y mettre un terme, il nous faut soutenir les enfants touchés par des conflits armés par tous les moyens possibles, notamment en améliorant les conditions de vie et le niveau de protection des enfants, en soutenant la réadaptation et la réinsertion dans la société des enfants soldats lorsqu’ils sont de retour d’un conflit armé, ainsi qu’en mettant en œuvre des mesures en faveur des enfants réfugiés qui arrivent en Europe ou qui sont déplacés à l’intérieur de pays européens.
35. D’après les experts internationaux réunis lors de la Conférence de Wilton Park en octobre 2016 (comprenant les représentants de divers États, organisations internationales et ONG), une protection efficace des enfants face à l’extrême violence doit traiter trois aspects essentiels: la prévention du recrutement des enfants et leur réinsertion dans la société, la prévention et la lutte contre les graves violations des droits humains (les enlèvements et l’exploitation, par exemple) et les répercussions des conflits armés sur tous les enfants 
			(29) 
			Rapport final de la
Conférence de Wilton Park sur «La protection des enfants contre
la violence extrême: vers une approche plus globale de la prévention
et de l’intervention», organisée en association avec le Groupe directeur
des Principes de Paris: <a href='https://www.wiltonpark.org.uk/wp-content/uploads/WP1495-Report.pdf'>https://www.wiltonpark.org.uk/wp-content/uploads/WP1495-Report.pdf.</a>.
36. L’aide qui doit être apportée aux réfugiés ou aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays consiste notamment à offrir des services de base par l’intermédiaire d’organismes publics à divers niveaux, tels qu’un hébergement, de la nourriture et des soins de santé, mais aussi une action éducative et un soutien psychosocial et logistique pour leur intégration. En Azerbaïdjan, à la suite du cessez-le-feu conclu en 1994 au Haut-Karabakh, 50 000 réfugiés et familles déplacées à l’intérieur du pays ont été logés dans le cadre de programmes nationaux et de projets locaux, et des écoles maternelles et primaires ainsi que des centres de réadaptation ont été mis à leur disposition. Bien que ces programmes aient eu des effets positifs sur de nombreux enfants, ceux qui ont vécu dans les hostilités du passé sont maintenant devenus des parents qui transmettent encore leurs propres traumatismes à leur progéniture. Les enfants et les adolescents, même s’ils ne sont plus directement victimes de ces hostilités, ont encore très souvent besoin d’une assistance psychologique ou d’autres formes de soutien. Il peut s’agir d’activités de loisirs qui créent des expériences positives pour eux et qui les soulagent d’une partie du stress qu’ils peuvent ressentir dans leur environnement. Depuis de nombreuses années, des experts ont proposé de mettre en place des projets d’intégration rassemblant des enfants issus des différentes parties au conflit, ce qui serait un premier pas vers une coexistence pacifique des générations futures 
			(30) 
			Tel que mentionné par
Mme Ceyran Rahmatullayeva, Chef du Secrétariat
de la Commission d’État pour les affaires de la famille, des femmes
et des enfants de la République d’Azerbaïdjan, lors de l’audition
organisée par la commission des questions sociales le 1er juin
2017 à Bakou..
37. Pour mieux protéger les enfants touchés par les conflits armés de diverses manières, il est nécessaire de mettre en œuvre une approche plus centrée sur les enfants. Il est capital de répondre aux besoins des enfants, de leurs familles et des communautés pour leur offrir une protection immédiate, prévenir la participation des enfants aux conflits et les aider à se reconstruire après des expériences violentes. La prise en compte des vecteurs de vulnérabilité des enfants, notamment le manque de perspectives, le manque d’accès à l’éducation, la militarisation de leur environnement, la corruption et les abus de pouvoir, ainsi que les expériences d’injustice et de discrimination, permettra de renforcer la stabilité socio-économique des sociétés dans leur ensemble et contribuera à prévenir l’exploitation des enfants 
			(31) 
			Rapport
final de la Conférence de Wilton Park sur «la protection des enfants
contre la violence extrême», op. cit.. Il convient que toutes les parties prenantes gardent à l’esprit cette approche globale lorsqu’elles examinent le problème des enfants et des conflits armés en Europe ou ailleurs.

5. Conclusions et recommandations

38. Les situations terribles dans lesquelles se trouvent les enfants aux prises avec la guerre et les conflits armés dans de nombreux pays du monde appellent à mener rapidement des actions efficaces à tous les niveaux en commençant, néanmoins, par le plus haut niveau de responsabilité, à savoir les gouvernements et les parlements nationaux. Elles exigent aussi la mise en œuvre de stratégies globales fondées sur une volonté politique et un engagement des autorités publiques, qui définissent clairement les responsabilités des différentes parties prenantes et qui soient conscientes de leurs possibilités et de leurs limites en matière d’intervention. J’appellerai les parlements de tous les États membres du Conseil de l’Europe à placer le problème «des enfants et des conflits armés» au premier rang de leurs préoccupations politiques et d’examiner cette question afin de trouver des solutions efficaces pour les conflits récents, en cours ou imminents.
39. En me fondant sur certaines des contributions d’experts les plus précieuses présentées au cours de l’audition organisée par la commission des questions sociales tenue lors de sa réunion du 1er juin 2017 à Bakou (Azerbaïdjan), sur mes propres recherches sur la question et sur un échange de vues très instructif tenu lors de la réunion de la commission du 19 septembre 2017 à Paris, je recommande que les États membres du Conseil de l’Europe prennent les mesures suivantes:
  • investir dans la prévention des conflits et de la participation des enfants: la communauté internationale dispose des outils et de l’expérience pour prévenir les conflits à venir, mais les instruments internationaux continuent d’être bafoués et violés de façon tout à fait scandaleuse – dans de nombreux cas, le premier élément qui s’oppose à l’établissement et au maintien de la paix, et à la promotion d’un développement socio-économique durable des pays impliqués dans des conflits, est manifestement la volonté politique;
  • intervenir pour mettre fin aux conflits en cours: toutes les parties à un conflit et les parties tierces qui se sont engagées d’une façon ou d’une autre dans un processus d’instauration de la paix ces dernières années doivent tenir leurs engagements et continuer à faire de leur mieux pour parvenir à un règlement pacifique des conflits, évitant ainsi de faire davantage de victimes innocentes parmi la population civile, notamment des enfants. La manière la plus efficace de protéger les enfants est d’éviter et de régler les conflits, et de maintenir la paix. Les pays qui ne sont pas directement touchés par les conflits peuvent aussi œuvrer en ce sens par l’intermédiaire de leurs engagements internationaux, au niveau des Nations Unies, par exemple 
			(32) 
			Voir l’article récemment
publié par Leila Zerrougui, Représentante spéciale (sortante) du
Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits
armés, et par Margo Wallström, ministre des Affaires étrangères
de la Suède, Swedish Foreign Policy News,
12 février 2017: <a href='http://www.swemfa.se/2017/02/12/ending-the-use-of-child-soldiers/'>www.swemfa.se/2017/02/12/ending-the-use-of-child-soldiers/.</a>;
  • axer l’éducation des enfants et des jeunes sur des approches non violentes pour mettre fin à la culture de l’agression et du conflit: là où le conflit ne pouvait pas être évité, il faut rendre les enfants et les jeunes résilients à la transmission de la violence d’une génération à l’autre; ils doivent grandir dans une culture du dialogue positif qui remplace le conflit armé comme moyen de surmonter des différences substantielles entre les nationalités ou les groupes ethniques. La diplomatie internationale, entre les pays et au sein d’organisations comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), joue un rôle décisif dans ce domaine, mais il est également possible de faire de grands progrès grâce aux activités pour la jeunesse et aux activités de terrain menées auprès des enfants et des jeunes, que ce soit au niveau international ou de ces organisations 
			(33) 
			Voir, par exemple,
les activités de terrain de l’OSCE en matière d’éducation: <a href='http://www.osce.org/education'>www.osce.org/education.</a>  
			(34) 
			Voir, par exemple,
les conclusions de la récente conférence du Conseil de l’Europe
sur le thème «Apprendre à vivre ensemble – Conférence sur l’avenir
de l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme en Europe»: <a href='http://www.coe.int/en/web/youth/-/learning-to-live-together-conference-on-the-future-of-citizenship-and-human-rights-education-in-euro-1'>www.coe.int/en/web/youth/-/learning-to-live-together-conference-on-the-future-of-citizenship-and-human-rights-education-in-euro-1</a>; ou des initiatives antérieures du Conseil de l’Europe
pour consolider la paix, comme les jeunes ambassadeurs pour la paix: <a href='https://rm.coe.int/1680460484'>https://rm.coe.int/1680460484.</a>;
  • renforcer les mécanismes de protection de l’enfance et de soutien à tous les niveaux: il convient d’accroître l’aide sociale accordée à chaque enfant et aux familles, à la fois au sein des pays en conflit et des pays qui accueillent des réfugiés. Les perspectives socio-économiques pour les enfants et leurs familles doivent être améliorées dans leur pays d’origine comme dans les pays d’accueil des réfugiés. Les organisations internationales et les ONG qui travaillent sur le terrain dans les pays en conflit ont besoin d’un soutien gouvernemental et financier pour faciliter leur accès aux enfants qui doivent être protégés, ainsi que pour garantir la continuité des programmes conformément aux normes internationales (pour ce qui est du nombre de personnes chargées de s’occuper d’un nombre donné d’enfants, par exemple);
  • soutenir les enfants soldats et d’autres enfants impliqués de façon active dans des conflits et les aider à se réadapter: les enfants qui ont été recrutés comme enfants soldats par la force doivent être traités comme des mineurs et non comme des délinquants adultes 
			(35) 
			Ce problème
est mentionné dans le Rapport annuel de la Représentante spéciale
du Secrétaire général des Nations Unies pour le sort des enfants
en temps de conflit armé: <a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/HRC/34/44&Lang=F&Area=UNDOC'>www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/HRC/34/44&Lang=F&Area=UNDOC</a>, disponible dans la bibliothèque virtuelle des Nations
Unies sur cette question: <a href='https://childrenandarmedconflict.un.org/fr/biblioth%C3%A8que/'>https://childrenandarmedconflict.un.org/fr/biblioth%C3%A8que/.</a>. Ils ne doivent pas être placés dans des centres de détention mais confiés à des organisations de protection de l’enfance qui agissent aussi pour qu’ils se réinsèrent dans le système éducatif traditionnel et sur le marché du travail, et qu’ils retrouvent une vie sociale normale. Les enfants qui ont connu la guerre et les conflits armés doivent eux-mêmes être impliqués dans des actions de consolidation de la paix si les circonstances s’y prêtent (pour éviter un nouveau traumatisme). Il conviendrait de promouvoir des programmes œuvrant en ce sens auprès de toutes les parties à des conflits dans le monde;
  • accueillir et soutenir les enfants qui ont quitté des zones de conflit: les enfants réfugiés, migrants et déplacés dans leur propre pays ayant vécu des situations violentes ou traumatisantes doivent bénéficier d’une aide spécialisée lorsqu’ils arrivent en lieu sûr, y compris dans divers pays d’Europe. Les professionnels qui prennent ces enfants en charge doivent recevoir une formation spéciale pour éviter de créer un nouveau traumatisme et de briser leurs barrières de protection naturelles, et se mettre en condition de créer de nouvelles expériences de vie positives pour eux. Dans l’intérêt des sociétés européennes, cela est également valable pour les enfants et les jeunes qui sont revenus de territoires contrôlés par Daech, où les enfants subissent un «lavage de cerveau» en profondeur; ils ne doivent pas être traités comme des criminels mais comme des enfants victimes de maltraitance.
40. Dans le traitement de ces questions relatives à la protection des enfants touchés par des conflits armés, les acteurs européens doivent garder à l’esprit qu’ils agissent dans un contexte extrêmement complexe. Même lorsque leurs interventions dans des conflits en cours ou leurs stratégies antiterroristes partent d’une bonne intention à long terme, elles ne sont pas forcément toujours en adéquation avec les besoins immédiats de protection des enfants. Les combats contre certaines parties à un conflit affectent souvent la population civile, donc également des enfants. Il est par conséquent nécessaire de réaliser des analyses très complètes de ce problème et d’adopter les approches les plus sensibles, qui vont de la participation d’experts internationaux à l’examen des spécificités, des histoires et des questions locales. Dans l’ensemble de l’Europe et du monde, on observe régulièrement que les élites politiques des États fragiles cherchent essentiellement à asseoir leur pouvoir et à le conserver, mais ne s’intéressent pas aux règles de droit international en matière de protection des enfants; pour protéger ces derniers de manière plus efficace et durable, les professionnels doivent pouvoir travailler très localement et au niveau des communautés 
			(36) 
			Rapport final de la
Conférence de Wilton Park sur la protection des enfants contre la
violence extrême, op. cit..