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Résolution 2196 (2018)
La protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires en Europe
1. Dans les démocraties européennes,
l’usage des langues régionales ou minoritaires est un pilier déterminant
de l’identité personnelle et collective de tous les citoyens européens
concernés. La diversité linguistique fait partie de l’héritage culturel
européen commun; la protection et le soutien du développement de ces
langues constituent donc une valeur fondamentale de l’Europe.
2. Encore une fois, l’Assemblée parlementaire confirme que la
protection des langues régionales ou minoritaires historiques de
l’Europe, dont certaines risquent de disparaître, contribue à maintenir
et à développer les traditions et la richesse culturelles de l’Europe.
À cet égard, l’Assemblée rappelle sa Recommandation 1201 (1993), sa Recommandation 1492 (2001),
sa Résolution 1770 (2010) ainsi
que sa Résolution 1985
(2014), qui concernent toutes les droits des minorités
nationales.
3. L’Assemblée constate que la langue constitue une valeur en
soi et un de nos biens culturels. Par conséquent, il est fondamentalement
important que l’utilisation de la langue assure la représentation
culturelle de la communauté, permette aux individus et à la communauté
de participer à la vie politique et culturelle, et puisse ainsi
s’intégrer dans les processus économiques et sociaux.
4. Ces objectifs font l’objet de la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires (STE no 148, «la
charte»), qui a joué un rôle unique dans la protection et le soutien
des langues régionales ou minoritaires au cours des deux dernières
décennies. L’Assemblée apprécie le travail que le comité d’experts
de la charte a effectué au cours des deux dernières décennies dans
cette visée.
5. C’est avec regret que l’Assemblée constate que, à ce jour,
sur les 47 États membres, seuls 25 États ont ratifié la charte et
8 l’ont signée.
6. L’Assemblée exprime son inquiétude relative au fait que plusieurs
États tardent à soumettre leur rapport sur l’application de la charte,
certains États ayant même renoncé à tout un cycle de suivi, ce qui
rend difficile le travail du comité d’experts et du Comité des Ministres
lié à la protection et à la promotion des langues régionales ou
minoritaires.
7. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée invite les
États membres:
7.1. à signer et/ou
à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires, et à s’abstenir de tout
acte qui pourrait aller à l’encontre des principes définis par la charte,
quel que soit leur statut au regard de cet instrument;
7.2. à prendre les mesures nécessaires afin que le droit de
l’usage des langues régionales ou minoritaires soit reconnu dans
tous les aspects de la vie de la communauté et, lorsque cela est réalisable,
que ces langues soient élevées au rang de deuxième langue officielle
dans les régions où ces langues sont pratiquées traditionnellement,
compte tenu des conditions spécifiques et des traditions historiques
de chaque région;
7.3. à soumettre sans tarder leur rapport national comme prévu
à l’article 15 de la charte et à participer de manière constructive
au suivi effectué par le comité d’experts;
7.4. à adapter les engagements relatifs à chaque langue prévus
par la charte à la situation sociolinguistique des langues concernées,
en respectant l’esprit de la charte;
7.5. à appliquer une approche structurée pour la réalisation
de ces engagements, impliquant tous les niveaux institutionnels,
y compris les autorités locales et régionales, et à donner une définition
claire des responsabilités et compétences d’exécution;
7.6. à étudier et à utiliser les meilleures pratiques des États.
8. L’Assemblée invite les États membres parties à la charte,
conformément à leurs engagements dans cette dernière:
8.1. concernant l’enseignement:
8.1.1. à se conformer aux paragraphes 10.4.2 à 10.4.5 de la Résolution 1985 (2014);
8.1.2. à déterminer, si possible avant la scolarisation, la langue
maternelle de l’enfant et à assurer l’enseignement aussi bien de
la langue minoritaire ou régionale que de la langue officielle par
une méthodologie adéquate;
8.1.3. à assurer la possibilité d’étudier dans la langue régionale
ou minoritaire pendant toute la formation, de l’éducation préscolaire,
l’école primaire et secondaire, jusqu’à la formation professionnelle
et aux études supérieures, au moins pour les élèves dont les familles
le souhaitent;
8.1.4. à assurer que ceux qui parlent une langue régionale ou
minoritaire comme leur langue maternelle peuvent acquérir la langue
officielle de façon suffisante, en intégrant les bonnes pratiques
de l’enseignement des langues étrangères et de la deuxième langue
dans l’approche méthodologique adoptée pour l’enseignement de la
langue officielle de l’État;
8.1.5. à assurer aux personnes vivant en habitat dispersé une
instruction appropriée dans la langue en question;
8.1.6. à définir des seuils préférentiels dans le cas de l’apprentissage
des langues régionales ou minoritaires, et à les appliquer avec
la souplesse nécessaire en tenant compte des intérêts de la communauté;
8.1.7. à garantir que les jeunes parlant des langues régionales
ou minoritaires passent les examens dans des conditions appropriées
en ayant les mêmes chances que ceux de la majorité dans le système
d’enseignement public et supérieur;
8.1.8. à organiser des systèmes de formation suffisamment financés
pour des enseignants hautement engagés, et à pratiquer des incitations
spécifiques pour que les élèves optent pour les langues régionales
ou minoritaires en question ou pour les formations tenues dans ces
langues;
8.1.9. à s’efforcer d’une manière proactive de rédiger des manuels
conformes aux exigences des locuteurs des langues régionales ou
minoritaires, et – si cela ne s’avère pas possible – à permettre
à ces locuteurs d’utiliser des manuels d’autres pays édités dans
ces langues, en coopération avec les instances chargées de la réglementation
en matière d’éducation dans les pays où les langues régionales ou
minoritaires sont utilisées;
8.1.10. à veiller à ce que les réformes éducatives n’affectent
pas l’enseignement dans les langues régionales ou minoritaires ou
l’enseignement de ces langues d’une manière démesurément désavantageuse
et à ce qu’elles respectent pleinement le niveau des droits acquis;
8.1.11. à permettre aux communautés parlant une langue régionale
ou minoritaire d’organiser l’enseignement dans cette langue selon
leur propre compétence et dans leur propre système institutionnel,
dans le cadre d’un système d’enseignement précis, comme cela existe
déjà dans plusieurs pays d’Europe;
8.2. vis-à-vis des autorités administratives et des organismes
de service public, à permettre l’utilisation des langues régionales
ou minoritaires, indépendamment du seuil linguistique, sur les territoires
où les locuteurs sont traditionnellement présents et où il y a un
intérêt pour leur utilisation, suivant les bonnes pratiques de beaucoup
de pays, et dans ce cadre:
8.2.1. à assurer l’information
des citoyens sur les possibilités d’utilisation de cette langue
et à promouvoir activement l’exercice réel de cette possibilité
par les usagers;
8.2.2. à assurer que les employés des administrations ou des
services publics qui communiquent avec les usagers sont capables
de fournir les informations et services dans les langues régionales
ou minoritaires respectives;
8.2.3. à promouvoir et à encourager l’utilisation aux niveaux
local et régional des langues régionales ou minoritaires; dans cet
objectif, à encourager activement les municipalités à assurer l’utilisation
des langues en pratique, en particulier par une politique de l’emploi
adéquate, en dispensant une formation linguistique aux employés
et en mettant les informations et services à disposition sur internet
dans les langues concernées;
8.2.4. à veiller à ce que les noms de lieu et toutes les dénominations
topographiques soient inscrits dans leur forme correcte, y compris
les panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération, et tous les
autres panneaux de signalisation et d’information routières;
8.2.5. à veiller à ce que les entreprises et organismes proposant
des prestations de service public utilisent également la langue
régionale ou minoritaire en question; à faire en sorte, même dans
le cas de l’engagement le plus faible défini à l’article 10.3 de
la charte, qu’un nombre suffisant de salariés parle la langue concernée
dans l’institution proposant une telle prestation, et que les informations
nécessaires pour pouvoir bénéficier de celle-ci soient également
fournies dans cette langue; dans le cas où aucune des solutions
susvisées n’est possible, l’assistance d’un interprète devrait être
offerte à l’usager;
8.3. concernant les médias:
8.3.1. à promouvoir l’utilisation
des langues régionales ou minoritaires par l’adoption de normes
légales et réglementaires, ainsi que par des incitations appropriées
dans leur politique;
8.3.2. à s’abstenir de prescrire des mesures juridiques et politiques
restrictives, comme des obligations de sous-titrage/de traduction,
ainsi que des quotas obligatoires d’émissions dans la langue officielle,
etc.;
8.3.3. à assurer un financement approprié ou des subventions
aux organisations ou aux médias représentant les minorités pour
promouvoir la qualité du contenu, afin qu’ils puissent attirer l’attention
de la communauté majoritaire sur l’identité, la langue, l’histoire
et la culture des minorités;
8.3.4. à permettre et à promouvoir la présence des médias en
langue régionale ou minoritaire sur les interfaces en ligne;
8.4. concernant la culture:
8.4.1. à prendre en considération
la proportion nationale et régionale des locuteurs de langues régionales
ou minoritaires et le nombre de leurs communautés lors de l’élaboration
du budget en ce qui concerne la culture, à consulter ces communautés
lors de l’affectation des moyens budgétaires, et, en fonction des
possibilités, à donner les moyens nécessaires au développement de
la vie culturelle de la ou des minorité(s) en question;
8.4.2. à assurer des postes dans une proportion convenable aux
représentants des langues régionales ou minoritaires dans les organismes
nationaux et régionaux responsables des contenus culturels médiatiques;
8.4.3. à prendre en considération, lors de l’élaboration des
normes légales et autres réglementations relatives aux subventions
culturelles, l’intégrité des œuvres artistiques écrites dans la
langue minoritaire du pays, et à ne pas soumettre leur publication
à une obligation de traduction dans la langue de l’État;
8.4.4. à assurer la présence de personnel parlant la langue en
question dans les institutions culturelles sur les territoires où
les locuteurs des langues régionales ou minoritaires sont traditionnellement
présents;
8.4.5. à considérer les langues régionales ou minoritaires comme
des vecteurs d’enrichissement de la culture nationale, et, dans
cette mesure, à prendre en considération les locuteurs de ces langues
et à les intégrer dans l’orientation et les priorités de la politique
culturelle étrangère de l’État.
9. L’Assemblée invite les États membres à veiller à la compréhension
mutuelle entre tous les groupes linguistiques au sein de chaque
pays, afin de promouvoir la coopération et la cohabitation la plus
large des communautés des États membres.
10. L’Assemblée invite les parlements nationaux à envisager la
création d’un groupe de travail spécifique chargé d’étudier les
solutions pratiques permettant d’améliorer la protection et la promotion
des langues régionales ou minoritaires.