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Résolution 2201 (2018)
Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine
1. La Bosnie-Herzégovine a adhéré
au Conseil de l’Europe le 24 avril 2002. Depuis lors, les autorités
ont mis en œuvre l’ensemble des engagements formels pris par le
pays au moment de son adhésion. À ce jour, la Bosnie-Herzégovine
a signé et ratifié 90 conventions du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée parlementaire félicite les autorités de Bosnie-Herzégovine
d’avoir adopté en juillet 2015 un ambitieux programme de réformes
et déposé officiellement en février 2016 leur demande d’adhésion
à l’Union européenne.
3. L’Assemblée salue également la publication attendue de longue
date, en 2016, du recensement de la population et des ménages réalisé
en 2013, ainsi que les progrès accomplis dans l’application de la
stratégie révisée pour la mise en œuvre de l’annexe VII des Accords
de paix de Dayton sur le retour des réfugiés et des personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays.
4. L’Assemblée estime que la question des personnes portées disparues
devrait rester en bonne place à l’ordre du jour des autorités et
elle s’attend à ce que l’Institut des personnes disparues se voie
affecter les moyens budgétaires nécessaires.
5. L’Assemblée déplore les lenteurs dans la mise en œuvre de
la Stratégie nationale de 2009 relative aux crimes de guerre: l’échéance
de 2015 pour les affaires les plus complexes n’a pas été respectée
et les procédures pour crimes de guerre présumés, ouvertes à l’encontre
d’au moins 7 000 personnes, doivent encore être menées à terme avant
décembre 2023. L’Assemblée demande instamment aux entités et à l’État de
veiller à doter la justice d’un financement suffisant.
6. L’Assemblée note avec satisfaction que la Commission électorale
centrale a fait preuve de professionnalisme et d’efficacité dans
l’organisation des élections générales de 2014 et du scrutin local
de 2016, et qu’elle s’efforce constamment de promouvoir de nouvelles
améliorations techniques des procédures de vote.
7. Cependant, l’Assemblée constate que les élections de 2014
se sont déroulées pour la deuxième fois sur la base d’un cadre législatif
et constitutionnel en violation de la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5) depuis l’arrêt
de 2009 rendu dans l’affaire Sejdić et
Finci: une nouvelle fois, seuls les Serbes, les Croates
et les Bosniaques étaient autorisés à se présenter à la présidence
de l’État ou pouvaient être élus/nommés à la Chambre des peuples
de l’État.
8. Aucun amendement constitutionnel visant à résoudre cette question
fondamentale n’a pour l’heure été adopté. L’Assemblée exhorte une
nouvelle fois tous les acteurs politiques à assumer leurs responsabilités
et à adopter les modifications nécessaires, tant de la Constitution
que de la législation électorale, au plus tard six mois avant les
prochaines élections générales prévues en octobre 2018. L’obligation
de résidence dans le cadre de l'élection de la présidence tripartite
de l'État devrait également être supprimée, conformément à l'arrêt de
la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Pilav.
9. L’Assemblée invite par ailleurs instamment les autorités de
Bosnie-Herzégovine à adopter les modifications requises par la mise
en œuvre des décisions de la Cour constitutionnelle concernant le
système électoral de la ville de Mostar et la composition de la
Chambre des peuples de la fédération.
10. Pour l'Assemblée, il est extrêmement problématique que les
autorités ne parviennent pas à mobiliser la volonté politique nécessaire
pour mettre fin à une situation qui empêche depuis plus de huit
ans les citoyens de Mostar d'exercer leur droit de choisir leurs
représentants au conseil municipal.
11. L’Assemblée estime qu’il est urgent de mettre en œuvre la
décision rendue le 1er décembre 2016
par la Cour constitutionnelle concernant la composition de la Chambre
des peuples de la fédération (dans l’affaire Ljubić), bien avant
les prochaines élections générales de 2018, faute de quoi la formation
subséquente du gouvernement, tant au niveau de la fédération que
de l’État, risque sérieusement d’être bloquée après les élections.
12. L’Assemblée exhorte les autorités des deux entités à adopter
les amendements à leurs Constitutions: il est hautement regrettable
que la Constitution de la Republika Srpska prévoie encore la peine
de mort et que celle de la fédération inclue toujours des dispositions
relatives à une institution du médiateur pourtant abolie en 2008.
Dans quatre cantons de la fédération, des modifications des Constitutions
cantonales respectives s’imposent afin de garantir le statut de
«peuple constituant» aux Serbes qui y vivent.
13. L'Assemblée considère que les autorités de Bosnie-Herzégovine
devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre les obligations
et engagements découlant de l’adhésion du pays et non encore honorés.
Tout en respectant l’autonomie des entités et du district de Brčko,
il convient de mener les réformes nécessaires dans un esprit de
dialogue constructif entre les différents échelons du pouvoir. Il
faudrait renforcer les structures de l'État dans des domaines clés
et non les affaiblir.
14. Tout en reconnaissant la complexité du cadre institutionnel
du pays, l’Assemblée regrette que des processus décisionnels compliqués
au sein du Parlement d’État (tels que l'exigence du vote par entité,
une double majorité qualifiée nécessaire pour l'adoption de toutes
les décisions ou l'invocation de la clause de protection de l’intérêt
national vital) ralentissent considérablement le processus de réformes
législatives.
15. L’Assemblée déplore également que la rhétorique nationaliste
et ethnique continue de dominer le discours politique dans l’ensemble
du pays, en particulier à l’approche des élections. Les propos haineux
ou l’apologie des criminels de guerre devraient faire l’objet d’une
tolérance zéro.
16. L’Assemblée est très préoccupée par le non-respect croissant
de l’État de droit en Bosnie-Herzégovine et demande instamment aux
autorités compétentes de se conformer aux arrêts de la Cour constitutionnelle
et de la Cour d'État, qui ont un caractère définitif et contraignant.
Elle regrette en particulier la décision de la Republika Srpska
de ne pas mettre en œuvre un arrêt de la Cour d'État sur l'enregistrement
au niveau de l'État des biens militaires situés sur son territoire,
la décision relative à l’organisation d’un référendum sur le jour
de la fête nationale de la Republika Srpska malgré l’arrêt de la
Cour constitutionnelle l'interdisant, et le retard considérable
pris par le Parlement d'État dans l’exécution de l’arrêt de la Cour
constitutionnelle sur Mostar.
17. En ce qui concerne le renforcement des institutions démocratiques,
l’Assemblée appelle les autorités de Bosnie-Herzégovine:
17.1. à renforcer l’autonomie locale
en Bosnie-Herzégovine, conformément aux recommandations formulées
en 2012 par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe;
17.2. à adopter une nouvelle loi sur la prévention des conflits
d’intérêts aux niveaux de l'État et des entités, dans le respect
des normes internationales, et à consolider les instances de contrôle
des conflits d’intérêts et le système de déclaration du patrimoine;
17.3. à améliorer encore la loi sur le financement des partis
politiques et à mettre en œuvre toutes les recommandations restantes
formulées par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) dans
le cadre de son troisième cycle d’évaluation concernant la transparence
du financement des partis tant au niveau de l’État qu’à celui des
entités;
17.4. à mener à bien la mise en place d'un système unifié de
radiodiffusion de service public, géré au niveau de l’État, à créer
la société des services publics de radiodiffusion et à adopter une
législation garantissant un financement permanent des trois radiodiffuseurs
publics;
17.5. à adopter une législation visant à assurer la transparence
de la propriété des médias;
17.6. à veiller à l’application effective de la loi sur l'accès
à l'information et à prendre des mesures pour renforcer la sécurité
des journalistes qui ont fait l’objet de menaces de mort et d'autres
manœuvres d'intimidation ces dernières années;
17.7. à poursuivre la réforme de l'institution du médiateur
au niveau de l'État conformément aux recommandations de la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
et à assurer à cette institution un financement suffisant, pour
lui permettre notamment de suivre de près la mise en œuvre de la
loi de 2009 sur l'interdiction de la discrimination.
18. En ce qui concerne l’État de droit, l’Assemblée invite les
autorités:
18.1. à intensifier la
lutte contre la corruption au sein du système judiciaire, du ministère
public, de la police et de l’administration; à poursuivre les cas
de corruption politique, les pots-de-vin et le trafic d'influence,
tant au niveau de l'État qu’à celui des entités; et à harmoniser
les différentes législations applicables, ainsi qu’à renforcer les
capacités institutionnelles de l’Agence de lutte contre la corruption;
18.2. à adopter sans plus tarder les lois et règlements restants
sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme afin de retirer le pays de la «liste gris clair» du
Groupe d'action financière (GAFI);
18.3. à adopter une nouvelle loi sur les tribunaux et à établir
une cour suprême au niveau de l’État ou une cour d’appel au sein
de l’actuel Tribunal d’État, conformément aux recommandations de
la Commission de Venise; à adopter une nouvelle loi sur le Conseil
supérieur des juges et des procureurs prenant en compte les recommandations
de la Commission de Venise; et à poursuivre les efforts visant à
harmoniser les quatre systèmes juridiques en vigueur dans le pays.
19. En ce qui concerne la protection des droits de l’homme, l’Assemblée
appelle les autorités:
19.1. à poursuivre
l’harmonisation, dans l’ensemble du pays, du cadre législatif relatif
à l’exécution des sanctions pénales et à assurer une meilleure coopération
entre les trois administrations pénitentiaires distinctes;
19.2. à mettre en place des organes pleinement indépendants
chargés d’examiner les plaintes à l’encontre de la police et d'enquêter
sur les allégations de mauvais traitements infligés aux détenus, conformément
aux recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT);
19.3. à continuer de mettre en œuvre des mesures favorisant
l’intégration de la communauté rom dans la société;
19.4. à poursuivre la mise en œuvre de mesures visant à lutter
contre le phénomène de la traite des êtres humains, en particulier
des enfants;
19.5. à prendre en priorité toutes les mesures nécessaires pour
honorer l’engagement souscrit lors de l’adhésion de mettre fin à
la ségrégation et à l’assimilation dans l’éducation.
20. L'Assemblée, tout en se félicitant des avancées réalisées
dans un certain nombre de domaines depuis l'adoption de sa Recommandation 2025 (2013) sur
le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine,
demeure préoccupée par l'absence de progrès de la réforme constitutionnelle
et de la réforme de la loi électorale, qui menace la stabilité politique
et les avancées en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, dans l'attente
de la mise en œuvre de la présente résolution et des résolutions
et recommandations antérieures, elle décide de prolonger son suivi
du respect par la Bosnie-Herzégovine de ses obligations et engagements.