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Résolution 2201 (2018)

Le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 janvier 2018 (6e séance) (voir Doc. 14465, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs: M. Tiny Kox et Sir Roger Gale). Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2018 (6e séance).

1. La Bosnie-Herzégovine a adhéré au Conseil de l’Europe le 24 avril 2002. Depuis lors, les autorités ont mis en œuvre l’ensemble des engagements formels pris par le pays au moment de son adhésion. À ce jour, la Bosnie-Herzégovine a signé et ratifié 90 conventions du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée parlementaire félicite les autorités de Bosnie-Herzégovine d’avoir adopté en juillet 2015 un ambitieux programme de réformes et déposé officiellement en février 2016 leur demande d’adhésion à l’Union européenne.
3. L’Assemblée salue également la publication attendue de longue date, en 2016, du recensement de la population et des ménages réalisé en 2013, ainsi que les progrès accomplis dans l’application de la stratégie révisée pour la mise en œuvre de l’annexe VII des Accords de paix de Dayton sur le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.
4. L’Assemblée estime que la question des personnes portées disparues devrait rester en bonne place à l’ordre du jour des autorités et elle s’attend à ce que l’Institut des personnes disparues se voie affecter les moyens budgétaires nécessaires.
5. L’Assemblée déplore les lenteurs dans la mise en œuvre de la Stratégie nationale de 2009 relative aux crimes de guerre: l’échéance de 2015 pour les affaires les plus complexes n’a pas été respectée et les procédures pour crimes de guerre présumés, ouvertes à l’encontre d’au moins 7 000 personnes, doivent encore être menées à terme avant décembre 2023. L’Assemblée demande instamment aux entités et à l’État de veiller à doter la justice d’un financement suffisant.
6. L’Assemblée note avec satisfaction que la Commission électorale centrale a fait preuve de professionnalisme et d’efficacité dans l’organisation des élections générales de 2014 et du scrutin local de 2016, et qu’elle s’efforce constamment de promouvoir de nouvelles améliorations techniques des procédures de vote.
7. Cependant, l’Assemblée constate que les élections de 2014 se sont déroulées pour la deuxième fois sur la base d’un cadre législatif et constitutionnel en violation de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) depuis l’arrêt de 2009 rendu dans l’affaire Sejdić et Finci: une nouvelle fois, seuls les Serbes, les Croates et les Bosniaques étaient autorisés à se présenter à la présidence de l’État ou pouvaient être élus/nommés à la Chambre des peuples de l’État.
8. Aucun amendement constitutionnel visant à résoudre cette question fondamentale n’a pour l’heure été adopté. L’Assemblée exhorte une nouvelle fois tous les acteurs politiques à assumer leurs responsabilités et à adopter les modifications nécessaires, tant de la Constitution que de la législation électorale, au plus tard six mois avant les prochaines élections générales prévues en octobre 2018. L’obligation de résidence dans le cadre de l'élection de la présidence tripartite de l'État devrait également être supprimée, conformément à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Pilav.
9. L’Assemblée invite par ailleurs instamment les autorités de Bosnie-Herzégovine à adopter les modifications requises par la mise en œuvre des décisions de la Cour constitutionnelle concernant le système électoral de la ville de Mostar et la composition de la Chambre des peuples de la fédération.
10. Pour l'Assemblée, il est extrêmement problématique que les autorités ne parviennent pas à mobiliser la volonté politique nécessaire pour mettre fin à une situation qui empêche depuis plus de huit ans les citoyens de Mostar d'exercer leur droit de choisir leurs représentants au conseil municipal.
11. L’Assemblée estime qu’il est urgent de mettre en œuvre la décision rendue le 1er décembre 2016 par la Cour constitutionnelle concernant la composition de la Chambre des peuples de la fédération (dans l’affaire Ljubić), bien avant les prochaines élections générales de 2018, faute de quoi la formation subséquente du gouvernement, tant au niveau de la fédération que de l’État, risque sérieusement d’être bloquée après les élections.
12. L’Assemblée exhorte les autorités des deux entités à adopter les amendements à leurs Constitutions: il est hautement regrettable que la Constitution de la Republika Srpska prévoie encore la peine de mort et que celle de la fédération inclue toujours des dispositions relatives à une institution du médiateur pourtant abolie en 2008. Dans quatre cantons de la fédération, des modifications des Constitutions cantonales respectives s’imposent afin de garantir le statut de «peuple constituant» aux Serbes qui y vivent.
13. L'Assemblée considère que les autorités de Bosnie-Herzégovine devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre les obligations et engagements découlant de l’adhésion du pays et non encore honorés. Tout en respectant l’autonomie des entités et du district de Brčko, il convient de mener les réformes nécessaires dans un esprit de dialogue constructif entre les différents échelons du pouvoir. Il faudrait renforcer les structures de l'État dans des domaines clés et non les affaiblir.
14. Tout en reconnaissant la complexité du cadre institutionnel du pays, l’Assemblée regrette que des processus décisionnels compliqués au sein du Parlement d’État (tels que l'exigence du vote par entité, une double majorité qualifiée nécessaire pour l'adoption de toutes les décisions ou l'invocation de la clause de protection de l’intérêt national vital) ralentissent considérablement le processus de réformes législatives.
15. L’Assemblée déplore également que la rhétorique nationaliste et ethnique continue de dominer le discours politique dans l’ensemble du pays, en particulier à l’approche des élections. Les propos haineux ou l’apologie des criminels de guerre devraient faire l’objet d’une tolérance zéro.
16. L’Assemblée est très préoccupée par le non-respect croissant de l’État de droit en Bosnie-Herzégovine et demande instamment aux autorités compétentes de se conformer aux arrêts de la Cour constitutionnelle et de la Cour d'État, qui ont un caractère définitif et contraignant. Elle regrette en particulier la décision de la Republika Srpska de ne pas mettre en œuvre un arrêt de la Cour d'État sur l'enregistrement au niveau de l'État des biens militaires situés sur son territoire, la décision relative à l’organisation d’un référendum sur le jour de la fête nationale de la Republika Srpska malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle l'interdisant, et le retard considérable pris par le Parlement d'État dans l’exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur Mostar.
17. En ce qui concerne le renforcement des institutions démocratiques, l’Assemblée appelle les autorités de Bosnie-Herzégovine:
17.1. à renforcer l’autonomie locale en Bosnie-Herzégovine, conformément aux recommandations formulées en 2012 par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe;
17.2. à adopter une nouvelle loi sur la prévention des conflits d’intérêts aux niveaux de l'État et des entités, dans le respect des normes internationales, et à consolider les instances de contrôle des conflits d’intérêts et le système de déclaration du patrimoine;
17.3. à améliorer encore la loi sur le financement des partis politiques et à mettre en œuvre toutes les recommandations restantes formulées par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) dans le cadre de son troisième cycle d’évaluation concernant la transparence du financement des partis tant au niveau de l’État qu’à celui des entités;
17.4. à mener à bien la mise en place d'un système unifié de radiodiffusion de service public, géré au niveau de l’État, à créer la société des services publics de radiodiffusion et à adopter une législation garantissant un financement permanent des trois radiodiffuseurs publics;
17.5. à adopter une législation visant à assurer la transparence de la propriété des médias;
17.6. à veiller à l’application effective de la loi sur l'accès à l'information et à prendre des mesures pour renforcer la sécurité des journalistes qui ont fait l’objet de menaces de mort et d'autres manœuvres d'intimidation ces dernières années;
17.7. à poursuivre la réforme de l'institution du médiateur au niveau de l'État conformément aux recommandations de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et à assurer à cette institution un financement suffisant, pour lui permettre notamment de suivre de près la mise en œuvre de la loi de 2009 sur l'interdiction de la discrimination.
18. En ce qui concerne l’État de droit, l’Assemblée invite les autorités:
18.1. à intensifier la lutte contre la corruption au sein du système judiciaire, du ministère public, de la police et de l’administration; à poursuivre les cas de corruption politique, les pots-de-vin et le trafic d'influence, tant au niveau de l'État qu’à celui des entités; et à harmoniser les différentes législations applicables, ainsi qu’à renforcer les capacités institutionnelles de l’Agence de lutte contre la corruption;
18.2. à adopter sans plus tarder les lois et règlements restants sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme afin de retirer le pays de la «liste gris clair» du Groupe d'action financière (GAFI);
18.3. à adopter une nouvelle loi sur les tribunaux et à établir une cour suprême au niveau de l’État ou une cour d’appel au sein de l’actuel Tribunal d’État, conformément aux recommandations de la Commission de Venise; à adopter une nouvelle loi sur le Conseil supérieur des juges et des procureurs prenant en compte les recommandations de la Commission de Venise; et à poursuivre les efforts visant à harmoniser les quatre systèmes juridiques en vigueur dans le pays.
19. En ce qui concerne la protection des droits de l’homme, l’Assemblée appelle les autorités:
19.1. à poursuivre l’harmonisation, dans l’ensemble du pays, du cadre législatif relatif à l’exécution des sanctions pénales et à assurer une meilleure coopération entre les trois administrations pénitentiaires distinctes;
19.2. à mettre en place des organes pleinement indépendants chargés d’examiner les plaintes à l’encontre de la police et d'enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés aux détenus, conformément aux recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT);
19.3. à continuer de mettre en œuvre des mesures favorisant l’intégration de la communauté rom dans la société;
19.4. à poursuivre la mise en œuvre de mesures visant à lutter contre le phénomène de la traite des êtres humains, en particulier des enfants;
19.5. à prendre en priorité toutes les mesures nécessaires pour honorer l’engagement souscrit lors de l’adhésion de mettre fin à la ségrégation et à l’assimilation dans l’éducation.
20. L'Assemblée, tout en se félicitant des avancées réalisées dans un certain nombre de domaines depuis l'adoption de sa Recommandation 2025 (2013) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, demeure préoccupée par l'absence de progrès de la réforme constitutionnelle et de la réforme de la loi électorale, qui menace la stabilité politique et les avancées en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, dans l'attente de la mise en œuvre de la présente résolution et des résolutions et recommandations antérieures, elle décide de prolonger son suivi du respect par la Bosnie-Herzégovine de ses obligations et engagements.