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Résolution 2207 (2018)

Égalité entre les femmes et les hommes, et pension alimentaire des enfants

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 16 mars 2018 (voir Doc. 14499, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Gisela Wurm; et Doc. 14504, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Liliane Maury Pasquier).

1. Les modèles familiaux évoluent en Europe, où l’on assiste à une diminution des mariages et à une augmentation des séparations et des divorces. Un nombre croissant d’enfants vivent dans des familles recomposées ou avec un seul de leurs parents, le parent n’ayant pas la garde quotidienne des enfants ayant pour obligation de contribuer financièrement au coût de leur éducation. Dans l’immense majorité des cas en Europe, les familles monoparentales ont une femme à leur tête. C’est pourquoi la pension alimentaire pour enfant, particulièrement importante pour les familles monoparentales, n’est pas neutre du point de vue du genre. Les modalités de détermination du montant à verser et les conséquences d’un défaut de paiement affectent les femmes de façon disproportionnée. Par conséquent, la réglementation en matière de pension alimentaire pour enfant et le fonctionnement du dispositif devraient être considérés non seulement comme des questions relevant simplement des domaines de la vie familiale en général et du bien-être des enfants, mais aussi comme spécifiquement liées à l’égalité entre les femmes et les hommes.
2. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par le fait que le non-respect de l’obligation de versement d’une pension alimentaire pour enfant a un impact financier important pour la mère qui porte la responsabilité au quotidien et vient s’ajouter aux inégalités auxquelles les femmes font face dans le monde du travail, y compris l’écart de rémunérations persistant, la ségrégation des genres par secteur économique et les difficultés dans la progression de carrière. L’absence d’aménagement des conditions de travail et de structures complètes et abordables pour l’accueil des enfants rend encore plus difficile l’équilibre entre vie professionnelle et vie de famille. La législation et les politiques en matière de pension alimentaire pour enfant, et leur mise en œuvre effective sont l’une des multiples façons de lutter contre l’inégalité entre les femmes et les hommes.
3. L’Assemblée rappelle les recommandations formulées dans la Résolution 1921 (2013) «Égalité des sexes, conciliation vie privée-vie professionnelle et coresponsabilité», la Résolution 1939 (2013) «Le congé parental, moyen d'encourager l’égalité des sexes» et la Résolution 2079 (2015) «Égalité et coresponsabilité parentale: le rôle des pères».
4. Les familles monoparentales sont particulièrement exposées au risque de pauvreté et de pauvreté des enfants, qui entraîne ségrégation sociale et discrimination, et met en péril leur dignité humaine. L’Assemblée considère que toutes les familles monoparentales et leurs enfants devraient avoir accès aux pensions alimentaires pour enfant afin d’être en mesure de satisfaire leurs besoins élémentaires et d'offrir aux enfants les mêmes chances dans la vie.
5. Le non-respect de l’obligation alimentaire pour enfant (le fait de se soustraire intentionnellement, de manière irrégulière, en totalité ou en partie, à l’obligation de verser une pension alimentaire pour enfant) peut être utilisé afin d’exercer une pression psychologique sur le parent ayant la responsabilité quotidienne de la garde, ce qui peut avoir des conséquences sérieuses sur les enfants également. Ce comportement devrait alors être considéré comme une forme de violence psychologique, et devrait être traité en tant que tel. Les enfants, en particulier, sont traumatisés lorsqu’ils sont témoins d’actes de violence domestique, de quelque nature que ce soit.
6. Étant donné les nombreux mariages et relations binationaux, l’obligation alimentaire pour enfant relève aussi du droit international privé, pour ce qui est de la nécessité de garantir un recouvrement international effectif des pensions. Tel est le but principal de la Convention de La Haye de 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d'autres membres de la famille, qui a été ratifiée par la plupart, mais pas la totalité, des États membres du Conseil de l’Europe et qui est entrée en vigueur le 1er août 2014 dans tous les pays de l’Union européenne, sauf au Danemark.
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur auprès de l’Assemblée:
7.1. de signer et de ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention de La Haye de 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d'autres membres de la famille, et son Protocole sur la loi applicable aux obligations alimentaires, et de garantir leur pleine mise en œuvre;
7.2. en ce qui concerne le non-respect de l’obligation alimentaire pour enfant:
7.2.1. dans l’intérêt supérieur de l’enfant, de mettre en place des mécanismes de remplacement efficaces de la pension alimentaire, reposant sur le paiement anticipé par l’État en cas de non-versement, ou de versement partiel ou de versement irrégulier de la pension alimentaire, que le non-respect de l’obligation soit intentionnel ou non. Le paiement anticipé devrait intervenir à la demande et être accordé dans un délai raisonnable, sans frais ou avec un coût minime pour le bénéficiaire;
7.2.2. d’assurer un financement approprié et pérenne pour le versement des pensions de remplacement et un investissement adéquat dans les structures s’occupant de la gestion des dossiers, notamment du recouvrement auprès du débiteur des sommes avancées par l’État;
7.2.3. de mettre en place des sanctions effectives pour le non-respect de l’obligation alimentaire pour enfant (non-versement, ou versement partiel ou irrégulier, de manière intentionnelle ou non, de la pension alimentaire), y compris des sanctions pénales lorsque ce non-respect constitue une forme de violence psychologique, conformément aux dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»);
7.2.4. de prévenir le non-respect intentionnel de l’obligation alimentaire pour enfant en travaillant en collaboration étroite avec les services fiscaux et les services chargés des enquêtes financières;
7.2.5. de promouvoir une «culture du paiement», en menant des actions d’information et de sensibilisation sur les conséquences néfastes pour l’enfant et le parent qui en a la garde quotidienne du non-versement, du versement partiel ou du versement différé de la pension; il s’agit également de prévenir l’accumulation des dettes;
7.2.6. d’encourager une médiation entre parents séparés afin de résoudre les conflits liés au versement de la pension alimentaire pour enfant;
7.3. en ce qui concerne la pauvreté des femmes et la pauvreté des enfants:
7.3.1. d’adopter et de mettre en œuvre des stratégies sexospécifiques de lutte contre la pauvreté des femmes;
7.3.2. de mettre en place des avantages visant spécifiquement les familles monoparentales, par exemple des tarifs réduits et des taux de taxes plus faibles sur les produits et services typiquement destinés aux enfants;
7.4. de promouvoir les possibilités de contact entre parents seuls, à des fins de conseil et de soutien mutuels;
7.5. de renforcer la coopération internationale dans le domaine de l’obligation alimentaire pour enfant en vue de faciliter le recouvrement des pensions alimentaires et d’échanger les bonnes pratiques dans ce domaine.