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Recommandation 2124 (2018)

Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 16 mars 2018 (voir Doc. 14511, rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, rapporteure: Mme Petra De Sutter).

1. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par la situation financière du Conseil de l’Europe. Elle regrette la décision de la Turquie de mettre un terme à son statut de grand contributeur au budget de l’Organisation et la rapidité avec laquelle cette décision s’est appliquée, privant l’Organisation du temps nécessaire pour procéder aux ajustements indispensables.
2. Se référant à la Résolution 2208 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée», l’Assemblée informe le Comité des Ministres que, au nombre des mesures qu’elle est contrainte de prendre en raison de la réduction drastique de son budget pour 2018 et 2019, elle a décidé de réduire le nombre de ses langues de travail, puisque ces dépenses ne sont plus financées dans le budget de l’Assemblée par le versement de l’allocation correspondante du budget ordinaire du Conseil de l'Europe.
3. L’Assemblée rappelle, à cet égard, la position claire qu’elle avait prise dans sa Recommandation 2072 (2015) sur l’attribution des sièges à l’Assemblée parlementaire au titre de la Turquie, conditionnant strictement l’introduction de la langue turque comme langue de travail à l’Assemblée à la décision du Comité des Ministres d’allouer à l’Assemblée les dotations financières correspondantes, nécessaires et suffisantes, dans le budget biennal 2016-2017 et dans les budgets ultérieurs.
4. L’Assemblée s’interroge sérieusement sur la nature «des circonstances exceptionnelles» qui, aux termes de la décision du Comité des Ministres du 10 novembre 1994 (95e session), permettent au Comité des Ministres d’exonérer la Fédération de Russie de ses obligations financières à l’égard de l’Organisation pendant deux ans, la Fédération de Russie ayant gelé tout versement à l’Organisation depuis juillet 2017. Les raisons exposées par la Fédération de Russie pour s’absoudre de ses engagements ne relèvent en rien de circonstances exceptionnelles.
5. Compte tenu de la situation budgétaire critique de l’Organisation, l’Assemblée s’étonne que le Comité des Ministres, l’organe décisionnel du Conseil de l'Europe, ne fasse pas respecter les dispositions du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), et qu’il ne rappelle pas expressément à la Fédération de Russie les termes de l’article 39 du Statut, selon lesquels les contributions des États membres au budget de l’Organisation «doivent être acquittées entre les mains du Secrétaire Général dans le délai maximum de six mois» à compter de la notification du montant dû. L’Assemblée appelle instamment le Comité des Ministres à prendre les mesures qui s’imposent et qui relèvent de sa seule compétence, à savoir la mise en œuvre de l’article 9 du Statut.
6. Rappelant la position qu’elle a prise dans l’Avis 294 (2017) «Budget et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2018-2019», l’Assemblée attend du Comité des Ministres et des États membres du Conseil de l'Europe qu’ils soutiennent résolument les capacités et les moyens du Conseil de l’Europe. L’Assemblée déplore que l’attitude passive de certains États membres ait conduit le Comité des Ministres à adopter les budgets 2018-2019 du Conseil de l'Europe en maintenant la croissance nominale zéro des contributions des États membres, alors que seule une minorité d’entre eux bloque la décision de retour à une croissance zéro en termes réels, indispensable pour stopper l’érosion des ressources financières de l’Organisation.
7. Le Comité des Ministres doit faire face à ses obligations et défendre le Conseil de l'Europe: les États membres doivent être prêts à payer le prix pour avoir une Organisation efficace et unique dans ses domaines de compétences. Elle considère que, si un ou plusieurs États font défaut, les autres doivent solidairement assurer le financement des dépenses fondamentales de l’Organisation, et en toute hypothèse garantir le fonctionnement durable des deux organes statutaires, de la Cour européenne des droits de l'homme, du bureau du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, des accords partiels majeurs et des organes de suivi conventionnels.
8. Compte tenu de la gravité et du caractère exceptionnel de la crise budgétaire à laquelle le Conseil de l'Europe est confronté, l’Assemblée attend du Comité des Ministres:
8.1. qu’il appelle solennellement la Fédération de Russie à respecter sans délai ses obligations financières et à régler ce qu’elle doit à l’Organisation; elle considère, à cet égard, que les raisons exposées par la Fédération de Russie pour s’absoudre de ses engagements ne relèvent en rien de «circonstances exceptionnelles» et qu’il y a lieu pour le Comité des Ministres de rappeler la Fédération de Russie au respect de ses obligations financières, conformément aux articles 9 et 39 du Statut du Conseil de l’Europe;
8.2. qu’il réexamine la décision qu’il a prise lors de sa 95e session (10 novembre 1994) concernant l’application de l’article 9 du Statut avec toute la diligence, l’urgence et le sérieux que cette situation exige, et qu’il instaure le respect par les États membres du délai commun de six mois prévu à l’article 39 du Statut pour sanctionner un État membre qui n’aurait pas acquitté l’intégralité ou une part importante de son obligation financière;
8.3. dans l’optique d’une saine gestion des risques et afin d’accroître la prévisibilité et la stabilité budgétaires, qu’il révise le Règlement financier du Conseil de l’Europe et établisse des règles précises relatives à l’accession d’un État membre au statut de grand contributeur, ou à son retrait, notamment par l’établissement d’une durée minimale d’appartenance à ce statut de six ans au moins (trois exercices budgétaires biennaux), et un délai de carence après la notification d’une décision de retrait de ce statut, qui ne pourrait être effectif qu’après un délai d’un an au moins;
8.4. qu’il révise le taux des intérêts moratoires dus par les États membres défaillants afin de les revaloriser à un montant réellement dissuasif.
9. L’Assemblée exhorte le Comité des Ministres et tous les États membres à laisser à la disposition de l’Organisation, sur un compte de réserve, les reliquats qui pourront être constatés à la clôture des comptes de l’année 2017, au lieu de retourner aux États les montants non dépensés qui résultent des économies liées aux mesures mises en œuvre dans l’ensemble du Conseil de l’Europe au cours du second semestre 2017. L’Assemblée rappelle à cet égard que, si la Fédération de Russie venait à verser sa contribution impayée au titre du budget 2017, ces sommes ne seraient pas réinjectées dans le budget de l’Organisation en 2018, mais seraient comptabilisées au titre des reliquats non dépensés de 2017. L’utilisation des fonds mis en réserve restera soumise aux décisions du Comité de Ministres sur la base des propositions d’affectation que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe lui soumettra.
10. L’avenir financier du Conseil de l’Europe dépend dans une très large mesure du Comité des Ministres: il s’agit d’une occasion unique pour les États membres d’affirmer leur soutien à une Organisation irremplaçable. Le Conseil de l'Europe a un coût; il a aussi un prix: pour certains États, quelques millions d’euros en moins sont le prix du renoncement et de la rupture avec l’engagement de soutenir les principes et les valeurs du Conseil de l'Europe. Aussi l’Assemblée invite-t-elle le Comité des Ministres à placer cette question en priorité à l’ordre du jour de sa 128e session ministérielle (Danemark, 18 mai 2018).