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Résolution 2216 (2018)
Suivi du rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire
1. L’Assemblée parlementaire a engagé,
en janvier 2017, une démarche ferme afin de répondre aux allégations
de corruption et de promotion d’intérêts formulées à l’encontre
de membres ou d’anciens membres de l’Assemblée, et a mis en place
une stratégie afin de promouvoir les principes d’intégrité et de
transparence dans son fonctionnement, et de renforcer le devoir
d’intégrité de ses membres. L’Assemblée rappelle à cet égard sa Résolution 2182 (2017) «Suivi
de la Résolution 1903
(2012): promotion et renforcement de la transparence,
de la responsabilité et de l'intégrité des membres de l'Assemblée
parlementaire», qui a permis d’améliorer son cadre déontologique
et notamment de renforcer la cohérence des dispositions relatives
aux conflits d’intérêts.
2. Le 24 avril 2017, l’Assemblée approuvait le mandat du Groupe
d’enquête indépendant concernant les allégations de corruption au
sein de l’Assemblée parlementaire (GIAC), chargé de mener une enquête indépendante
approfondie sur les allégations de corruption et de promotion d’intérêts,
en vue de mettre fin à l'impunité et de rétablir la confiance dans
l'Assemblée parlementaire, ses actions et ses décisions.
3. L’Assemblée a pris connaissance du rapport rendu par le groupe
d’enquête, publié le 22 avril 2018. Les allégations révélées par
des organisations non gouvernementales et des médias dans des rapports,
des reportages ou des enquêtes journalistiques, jusqu’ici critiquées,
contestées ou démenties, sont à présent incontestables.
4. L’Assemblée exprime ses vifs remerciements aux membres du
groupe d’enquête, Sir Nicolas Bratza, M. Jean-Louis Bruguière et
Mme Elisabet Fura, ainsi qu’à son secrétariat,
pour le concours inestimable qu’ils ont prêté à l’Assemblée dans
une période critique. Elle rend hommage à leur excellent travail,
accompli dans des conditions délicates, compte tenu des contraintes
de temps auxquelles ils étaient soumis et du périmètre d’enquête
spécifique et restreint auquel ils étaient tenus, ainsi que du fait
que le groupe d’enquête n’a pas pu disposer de pouvoirs d’enquête
aussi importants que des commissions d’enquête parlementaires nationales ou
des autorités judiciaires.
5. C’est pourquoi l’Assemblée ne pouvait pas attendre – et n’attendait
pas – du groupe d’enquête qu’il apporte des preuves, au sens judiciaire,
des pratiques de corruption dont il a eu connaissance, sans parler d’éventuelles
infractions pénales. Cette tâche incombe aux autorités nationales
compétentes. L’Assemblée et ses délégations nationales les invitent
à donner suite aux informations fournies par le groupe d’enquête.
Dans ce contexte, l’Assemblée souligne la nécessité de donner dûment
suite à tous les constats et autres informations figurant dans le
rapport du groupe d’enquête sur les activités de corruption de certains
pays, ce sans exception.
6. L’Assemblée considère que si l’essentiel du rapport relève
des allégations et des faits concernant l’Azerbaïdjan, des pratiques
similaires ont clairement aussi été utilisées par les autorités
et délégations parlementaires d’autres États membres. L’Assemblée
constate, cependant, que le rapport présenté par le groupe d’enquête,
en ce qu’il met en cause les comportements de quelques membres ou
anciens membres de l’Assemblée seulement, permet d’espérer en une
restauration de l’image d’intégrité de l’Assemblée et de la confiance
dans ses quelque 600 autres membres. L’Assemblée bénéficie du soutien
capital d’un grand nombre de parlementaires intègres et engagés
que ces allégations de corruption à l’encontre de certains de leurs
pairs ont injustement déconsidérés. Pour autant, le rapport révèle
des pratiques que peu de parlementaires ignorent, en réalité, mais
que beaucoup ont laissées prospérer depuis trop longtemps, par leur
silence, leur indifférence ou leur complicité passive.
7. L’Assemblée, à la reconquête de sa crédibilité, s’est engagée
à créer un environnement de tolérance zéro à l’égard de la corruption et
de toute pratique laissant planer un doute sur un éventuel conflit
d’intérêts; il appartient à ses membres de lui donner une réalité,
sans compromis.
8. Dans le cadre de son mandat, le groupe d’enquête était invité
non seulement à revoir et à mettre au jour les conduites et pratiques
contraires aux règles déontologiques de l’Assemblée, mais aussi
à formuler des recommandations sur les mesures nécessaires pour
remédier à toute insuffisance et lacune éventuelle de ces règles.
L’Assemblée prend note des recommandations du groupe d’enquête concernant
son mode de fonctionnement et ses procédures. Elle relève le fait
que le rapport fasse état de problèmes avec la nomination des membres
de la commission pour le respect des obligations et engagements
des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) et
de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles,
d’une part, et d’autre part, dans la nomination des rapporteurs.
9. Le rapport met en cause trois anciens membres de l’Assemblée
qui «se sont livrés à des activités dont la nature relève de la
corruption» et «ont gravement enfreint le Code de conduite de l’APCE».
Le rapport fait également état du recours à des moyens financiers
et à des activités de corruption pour influer sur les travaux de
l’Assemblée concernant l’Azerbaïdjan, et mentionne les noms d’anciens
membres qui ont exercé des activités de lobbying à l’Assemblée,
en violation du code de conduite.
10. Par ailleurs, le rapport révèle un certain nombre de cas de
violation de certaines dispositions du Code de conduite des rapporteurs
de l’Assemblée et/ou du Code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire,
par des membres ou d’anciens membres de l’Assemblée.
11. De surcroît, le groupe d’enquête a établi une liste de membres
et de membres honoraires de l’Assemblée qui ont refusé de coopérer
dans cette enquête. C’est une affaire grave sur laquelle la commission du
Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles doit
se pencher plus avant.
12. L’Assemblée considère que les conclusions du groupe d’enquête
portant sur le comportement individuel des membres de l’Assemblée
cités dans le rapport imposent la prise de mesures. Elle rappelle
que le code de conduite qu’elle a révisé en octobre 2017 instaure
une procédure précise et détaillée, comportant le respect du principe
du contradictoire et des droits de la défense, qu’elle entend respecter
dans les suites qu’il conviendra de donner à ces conclusions.
13. En réaction au rapport du groupe d’enquête, l’Assemblée, s’agissant
des recommandations et conclusions générales qu’il contient:
13.1. exhorte les groupes politiques
de l’Assemblée à revoir leurs pratiques, plus particulièrement leurs positionnement
et décisions s’agissant des nominations à la commission de suivi,
à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles,
et à la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne
des droits de l'homme, ainsi que dans les commissions ad hoc d’observation
des élections, lorsqu’ils proposent des candidatures à des fonctions
de rapporteurs, ou lors des élections des bureaux des commissions
et des sous-commissions;
13.2. charge la commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles de mettre en œuvre les changements qui
s'imposent dans le Règlement et dans le cadre d'intégrité de l'Assemblée, en
gardant à l’esprit la nécessité de transparence et de responsabilité;
13.3. note en particulier qu’il faudra assurer la protection
de l’identité des agents qui témoigneront lors des enquêtes ultérieures.
14. S’agissant des recommandations et des conclusions ayant trait
au comportement individuel de membres ou d’anciens membres, l’Assemblée:
14.1. rappelle le principe de la responsabilité
politique individuelle, y compris la possibilité, pour les élus,
de rendre leurs mandats;
14.2. invite les groupes politiques de l’Assemblée, ainsi que
les groupes politiques dans les parlements nationaux, à tirer, chacun
en ce qui le concerne, les conséquences de la mise en cause éventuelle
de leurs membres;
14.3. invite les parlements nationaux des États membres, leurs
délégations nationales à l’Assemblée parlementaire, ainsi que les
gouvernements nationaux, à examiner le rapport du groupe d’enquête
et à prendre les mesures qui s’imposent à l’égard des cas mentionnés,
qui méritent toute leur attention, et à faire rapport à l’Assemblée
avant la fin de l’année 2018;
14.4. charge la commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles de procéder le plus tôt possible à la
mise en œuvre de la procédure prévue aux paragraphes 20 et suivants
du Code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire, concernant
les membres cités dans le rapport, y compris ceux qui ont refusé
de coopérer avec le groupe d’enquête, étant rappelé qu’il relève
de la compétence de la commission d’évaluer le degré de gravité
des violations alléguées du code de conduite pour chacun d’entre
eux.
15. L’Assemblée appelle le Parlement européen et les assemblées
parlementaires des autres organisations internationales, en particulier
l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE), à s’inspirer de la démarche de
l’Assemblée parlementaire et à tirer parti, à leur niveau, des recommandations
du groupe d’enquête.
16. Ni les mesures prises ou à venir se rapportant à l’examen
des cas individuels, ni les changements ultérieurs des dispositions
réglementaires ne doivent polariser les débats. L’Assemblée doit
profiter de cette occasion pour prendre un nouveau départ et donner
toutes les suites nécessaires aux allégations de comportements inappropriés;
elle doit se réinventer: cela requiert désormais un changement profond
et effectif des mentalités et des pratiques parlementaires. L’Assemblée
appelle donc instamment ses membres à placer les intérêts des 825 millions
de citoyens européens qu’ils représentent avant tout intérêt particulier,
afin de redonner à l’Assemblée sa pleine crédibilité politique en
tenant dûment compte des principes et valeurs sur lesquels le Conseil
de l’Europe est fondé, dans une période où le Conseil de l'Europe
a besoin plus que jamais d’un organe parlementaire fort.