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Résolution 2220 (2018)
L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire
1. Le droit à l’éducation et l’obligation
faite aux États de garantir ce droit sont inscrits à l’article 26
de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à l’article 13
du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels de 1966, dans la Convention de 1989 des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant et à l’article 17.2 de la
Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163)
de 1996.
2. Malgré cet éventail de dispositions juridiques internationales
qui encadrent l’obligation, pour les pays européens, de garantir
à tous les enfants une éducation accessible, acceptable et adaptable,
seuls 61 % des enfants réfugiés fréquentaient l’école primaire en
2016, contre 91 % des enfants non réfugiés dans le monde. En moyenne,
23 % des adolescents réfugiés étaient inscrits dans le premier cycle
de l’enseignement secondaire, contre 84 % des adolescents non réfugiés
dans le monde; enfin, 1 % seulement des réfugiés étudiaient à l’université,
contre 36 % des jeunes à travers le monde. Selon les estimations,
sur un total de 6,4 millions d’enfants réfugiés dans le monde en
âge d’être scolarisés dans l’enseignement primaire ou secondaire,
environ 3,5 millions n’avaient pas d’école où aller.
3. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par le fait
que les États membres du Conseil de l’Europe ont failli à leurs
obligations en matière de respect de l’éducation des enfants migrants
et, en particulier, des enfants réfugiés, et elle insiste sur le
besoin urgent de remédier à cette situation en accordant la priorité
à des programmes éducatifs efficaces et inclusifs, et à la mise
en place d’infrastructures et de moyens pédagogiques nécessaires
à leur mise en œuvre. Elle appelle les États membres à respecter
leurs engagements internationaux, notamment leur obligation d’organiser
un enseignement primaire et secondaire accessible et gratuit pour
tous les enfants migrants présents sur leur territoire, quels que
soient leurs origines, leur sexe et leur milieu. À la lumière des
obligations souscrites aux termes de l’article 17.2 de la Charte
sociale européenne (révisée), l’Assemblée demande instamment à l’Allemagne,
à la Croatie, au Danemark, à l’Espagne, à l’Islande, au Luxembourg,
à Monaco, à la Pologne, au Royaume-Uni, à Saint-Marin et à la République
tchèque de ratifier cet instrument.
4. Dans les régions affectées par des conflits, les écoles doivent
être reconnues comme des lieux qui ne sauraient être instrumentalisés
par l’armée ou par la police. Dans les pays qui ne sont pas directement
touchés par la guerre ou par des tensions, la législation nationale
devrait interdire, en temps normal, la présence ou l’entrée de militaires
ou de policiers dans les salles de classe (pour procéder à des expulsions,
par exemple). Leur présence est traumatisante non seulement pour
les enfants concernés, mais également pour les enfants qui sont
témoins de violations des droits, de traitements inhumains et d’intimidations.
À cet égard, l’Assemblée appelle les États membres qui ne l’auraient
pas encore fait à signer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles,
adoptée en mai 2015 à Oslo par la Conférence internationale sur
la sécurité dans les écoles.
5. La plupart des pays offrent aux enfants migrants, une fois
inscrits dans l’enseignement ordinaire, les mêmes services qu’aux
autres. L’Assemblée se félicite de cet état de fait et invite instamment
les États à étendre l’égalité de traitement à toutes les situations
diverses que peuvent traverser les enfants migrants et réfugiés,
de l’accueil à l’intégration et pendant la relocalisation et la
réinstallation, afin d’assurer une continuité dans l’éducation,
le bien-être individuel et la stabilité sociale dans le pays d’accueil,
et de favoriser leur intégration future. Les enfants destinés à
retourner dans leur pays d’origine souffriront aussi de lacunes
dans leur éducation une fois rentrés chez eux.
6. Les problèmes rencontrés par les familles migrantes et réfugiées,
et les enfants non accompagnés sont essentiellement liés aux situations
précaires et imprévisibles, aux délais d’attente pour accéder à
l’éducation, aux barrières linguistiques, à l’accessibilité géographique,
au manque d’information et d’orientation des familles, à l’insuffisance
ou à l’absence d’aides financières accordées aux demandeurs d’asile
pour couvrir les dépenses scolaires, ainsi qu’au traitement et à
l’intégration des enfants traumatisés. L’Assemblée appelle par conséquent
les États membres:
6.1. à dispenser
à tous les enfants migrants un enseignement scolaire accessible
et gratuit dans les établissements primaires et secondaires;
6.2. à fixer des objectifs nationaux de scolarisation des enfants
migrants et réfugiés;
6.3. à inscrire l’éducation des enfants migrants et réfugiés,
ainsi que la formation d’enseignants spécialisés, dans le budget
du ministère de l’Éducation plutôt que dans celui de l’aide humanitaire
et de l’aide au développement;
6.4. à des fins éducatives, à ne pas établir de distinctions
entre les enfants en fonction de leur statut de demandeur d’asile;
6.5. à encourager tous les enfants à poursuivre leurs études
secondaires jusqu’à 18 ans, indépendamment de l’âge minimal de fin
de scolarité dans le pays d’accueil ou dans le pays d’origine;
6.6. à dispenser des informations complètes et claires aux
parents sur les possibilités éducatives offertes à leurs enfants
en âge scolaire et sur leur propre responsabilité de permettre à
leurs enfants d’étudier;
6.7. à mettre en place des protections efficaces entre les
systèmes d’information des écoles et ceux des services de l’immigration
pour protéger les données sur le statut des migrants en situation irrégulière,
afin d’éviter qu’elles soient utilisées à mauvais escient pour refuser
ou pour compliquer l’accès à l’éducation des enfants migrants;
6.8. à informer les mineurs non accompagnés et à leur offrir
un accès à l’école, des encouragements, des incitations à l’apprentissage
et une assistance pour suivre des cours;
6.9. à ouvrir, dans la mesure du possible, l’accès à l’enseignement
ordinaire dans des établissements locaux et à organiser des transports
adaptés ainsi qu’un accompagnement pour les enfants hébergés dans
des centres et dans des camps;
6.10. à s’assurer, quand l’enseignement dans des classes mixtes
locales n’est pas possible, que l’enseignement dispensé respecte
des méthodes et des programmes reconnus, qui pourront servir à établir
des niveaux d’éducation par la suite;
6.11. à veiller à ce qu’une assistance psychosociale soit apportée
pour diagnostiquer et traiter les traumatismes, ainsi qu’une formation
spécifique des enseignants pour leur apprendre à reconnaître les signes
précoces de détresse liés au vécu des enfants réfugiés;
6.12. à s’attaquer aux problèmes d’infrastructure en termes
d’équipements éducatifs, ce qui constitue l’un des principaux obstacles
à l’obtention de taux de scolarisation élevés des enfants réfugiés
et migrants.
7. Les enfants migrants et réfugiés devraient avoir la possibilité
de fréquenter les structures préscolaires dans les pays où elles
existent. Si les établissements préscolaires ne sont pas gratuits,
une aide devrait être prévue pour permettre à ces enfants d’y accéder.
L’Assemblée salue l’organisation de «classes d’accueil» dans l’enseignement
primaire et de classes internationales dans l’enseignement secondaire;
ces classes devraient être organisées au sein des établissements
ordinaires plutôt que dans des centres spécifiques, et ne devraient
pas constituer un instrument de ségrégation des enfants migrants
(ainsi, leur durée ne devrait pas dépasser le stade où les enfants
sont prêts à intégrer les cours normaux).
8. L’apprentissage de la langue est un facteur important d’intégration
et la condition préalable pour progresser dans les autres compétences
d’apprentissage. Des cours de langue supplémentaires devraient être
proposés gratuitement aux enfants (et aux parents) en cas de besoin.
Si possible, un accès à des ressources pédagogiques dans la langue
maternelle des enfants devrait être proposé. L’Assemblée appelle également
tous les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place
des incitations financières et structurelles pour encourager les
migrants à participer à l’enseignement postsecondaire et supérieur,
en s’appuyant sur des instruments comme la boîte à outils du Conseil
de l’Europe pour l’accompagnement linguistique des réfugiés adultes
et en soutenant des projets tels que le Passeport européen de qualifications pour
les réfugiés, du Conseil de l’Europe, que la Grèce a expérimenté
en 2017.
9. Une éducation sensible à la dimension de genre devrait être
instaurée et les enseignants devraient être formés à la gestion
de situations culturellement sensibles liées au genre, à reconnaître
les problèmes sexospécifiques, à rejeter les clichés et à éviter
de les propager. L’enseignement de telles compétences devrait être
généralisé, et l’Assemblée fait observer que ces compétences sont
d’autant plus importantes quand les cultures, les coutumes et les
croyances des migrants et des réfugiés diffèrent de celles de la
majorité de la population du pays d’accueil. L’acceptation des différences
et l’éveil de la curiosité pour d’autres cultures, et même pour
sa propre culture ou histoire, commencent à l’école.
10. L’Assemblée incite donc vivement les États membres à s’efforcer
d’atteindre activement les objectifs décrits ci-dessus. Le non-respect
des engagements juridiques garantis par la mise en œuvre de ces
mesures concrètes constitue une violation flagrante des droits de
l’enfant. L’éducation est un puissant outil d’intégration des migrants
et des réfugiés, et de renforcement des capacités des jeunes qui
ont été déstabilisés par des situations dont ils ne sont pas responsables.