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Résolution 2219 (2018)

La tuberculose pharmacorésistante en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2018 (18e séance) (voir Doc. 14525, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Serhii Kiral). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2018 (18e séance).

1. La tuberculose a provoqué 1,7 million de décès dans le monde en 2016, ce qui en fait la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. La Région européenne de l’Organisation mondiale de la santé, où l’on pensait que la maladie appartenait au passé, présente les taux de tuberculose multirésistante les plus élevés au monde. Il s’agit de souches dont le traitement est particulièrement difficile et coûteux.
2. La tuberculose est une maladie «sociale» qui touche, de manière disproportionnée, les groupes socialement et économiquement défavorisés, comme les sans-abri et les consommateurs de drogues. Elle a souvent un effet dévastateur sur la vie des patients, qui sont confrontés à des mois, voire des années, de traitements souvent lourds, aux effets secondaires multiples. Nombre d’entre eux finissent par souffrir des conséquences physiques et psychologiques à long terme de cette maladie.
3. Les taux élevés de tuberculose multirésistante dans la région européenne s’expliquent par un certain nombre de facteurs pouvant varier d’un pays à l’autre, notamment des politiques de santé publique dépassées, des infrastructures sanitaires insuffisantes et sous-financées, et un grand nombre de patients non diagnostiqués, qui sont autant de facteurs contribuant à la transmission de la maladie. La stigmatisation liée à la tuberculose et l’isolement social qui en résulte entraînent souvent la non-observance du traitement, qui est l’un des principaux facteurs de la pharmacorésistance. Les personnes vivant avec le VIH, les détenus, les réfugiés et les migrants représentent des groupes particulièrement vulnérables dans la région, avec des risques accrus de morbidité et de mortalité dus à la tuberculose.
4. On constate un manque important d’investissements dans la recherche et le développement de médicaments, d’outils de diagnostic et de vaccins nouveaux contre la tuberculose. Le modèle actuel d’innovation pharmaceutique n’incite pas suffisamment à investir dans une maladie comme la tuberculose: c’est un domaine risqué et coûteux, car il implique dans l’idéal d’investir dans de nouveaux traitements combinés plutôt que dans un seul produit, et un domaine qui n’est pas rentable car la charge la plus lourde de la maladie est supportée par les régions les plus pauvres du monde.
5. L’Assemblée parlementaire se félicite du fait que la tuberculose fera l’objet d’une attention sans précédent lors de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies qui se tiendra en septembre 2018. Il s’agit d’une occasion historique de combattre cette maladie, encore négligée, que l’on peut prévenir et (le plus souvent) guérir, de sauver des millions de vies et d’éviter des coûts importants pour l’économie mondiale. Il convient donc de tout mettre en œuvre pour maximiser l’impact de cette prochaine réunion à haut niveau.
6. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à faire en sorte que chaque patient tuberculeux soit diagnostiqué efficacement (y compris par rapport aux différentes souches de la maladie) et qu’il ait accès à un traitement et des soins appropriés, gratuits et lorsque cela n’est pas possible, abordables, ainsi qu’à des services de prise en charge complémentaires, notamment à un soutien psychosocial, en vue de réduire le poids de la maladie sur sa vie et d’améliorer l’observance du traitement;
6.2. à dispenser des services de santé intégrés et centrés sur le patient, notamment:
6.2.1. en garantissant une collaboration efficace entre toutes les parties impliquées dans la riposte à la tuberculose, y compris les organismes publics, les autorités locales et les organisations de la société civile;
6.2.2. en prenant en charge les soins liés à la tuberculose, principalement dans des structures ambulatoires et communautaires, avec des mesures appropriées de contrôle des infections;
6.2.3. en impliquant les organisations de la société civile dans le suivi des patients et le soutien au traitement, ainsi que pour réduire le coût financier supporté par les catégories défavorisées et socialement vulnérables de patients démunis;
6.3. à améliorer les mécanismes de détection précoce de la tuberculose en investissant dans la recherche active des cas de tuberculose parmi les groupes socialement vulnérables, qui sont confrontés à un risque plus élevé d’exposition et d’infection, dont les prisonniers, les personnes vivant avec le VIH, les réfugiés et les migrants, et à orienter le traitement préventif vers ces groupes afin d’éviter que la tuberculose latente devienne active;
6.4. à investir dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments, diagnostics et vaccins contre la tuberculose, y compris par des mesures d’encouragement et de récompense de l’innovation;
6.5. à développer, financer et mettre en œuvre une stratégie nationale spécialement adaptée à la tuberculose;
6.6. à lutter contre la stigmatisation associée à la tuberculose en brisant les mythes et en sensibilisant aux réalités de la maladie;
6.7. à continuer à mettre en avant l’impact de la résistance aux antimicrobiens sur la tuberculose et à soutenir les efforts au niveau international en vue d’éviter la progression de cette résistance.
7. L’Assemblée encourage vivement tous les chefs d’État des États membres du Conseil de l’Europe à assister à la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la lutte contre la tuberculose, organisée en 2018.
8. Enfin, soulignant le lien indissociable entre la tuberculose et la pauvreté, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à redoubler d’efforts pour réduire les inégalités mondiales et régionales. Elle rappelle, à cet égard, sa Résolution 1975 (2014) «Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial: la contribution de l’Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)».