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Résolution 2219 (2018)
La tuberculose pharmacorésistante en Europe
1. La tuberculose a provoqué 1,7 million
de décès dans le monde en 2016, ce qui en fait la maladie infectieuse
la plus meurtrière au monde. La Région européenne de l’Organisation
mondiale de la santé, où l’on pensait que la maladie appartenait
au passé, présente les taux de tuberculose multirésistante les plus
élevés au monde. Il s’agit de souches dont le traitement est particulièrement
difficile et coûteux.
2. La tuberculose est une maladie «sociale» qui touche, de manière
disproportionnée, les groupes socialement et économiquement défavorisés,
comme les sans-abri et les consommateurs de drogues. Elle a souvent
un effet dévastateur sur la vie des patients, qui sont confrontés
à des mois, voire des années, de traitements souvent lourds, aux
effets secondaires multiples. Nombre d’entre eux finissent par souffrir
des conséquences physiques et psychologiques à long terme de cette
maladie.
3. Les taux élevés de tuberculose multirésistante dans la région
européenne s’expliquent par un certain nombre de facteurs pouvant
varier d’un pays à l’autre, notamment des politiques de santé publique
dépassées, des infrastructures sanitaires insuffisantes et sous-financées,
et un grand nombre de patients non diagnostiqués, qui sont autant
de facteurs contribuant à la transmission de la maladie. La stigmatisation
liée à la tuberculose et l’isolement social qui en résulte entraînent
souvent la non-observance du traitement, qui est l’un des principaux
facteurs de la pharmacorésistance. Les personnes vivant avec le
VIH, les détenus, les réfugiés et les migrants représentent des
groupes particulièrement vulnérables dans la région, avec des risques
accrus de morbidité et de mortalité dus à la tuberculose.
4. On constate un manque important d’investissements dans la
recherche et le développement de médicaments, d’outils de diagnostic
et de vaccins nouveaux contre la tuberculose. Le modèle actuel d’innovation
pharmaceutique n’incite pas suffisamment à investir dans une maladie
comme la tuberculose: c’est un domaine risqué et coûteux, car il
implique dans l’idéal d’investir dans de nouveaux traitements combinés
plutôt que dans un seul produit, et un domaine qui n’est pas rentable
car la charge la plus lourde de la maladie est supportée par les
régions les plus pauvres du monde.
5. L’Assemblée parlementaire se félicite du fait que la tuberculose
fera l’objet d’une attention sans précédent lors de la réunion de
haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies qui se tiendra
en septembre 2018. Il s’agit d’une occasion historique de combattre
cette maladie, encore négligée, que l’on peut prévenir et (le plus
souvent) guérir, de sauver des millions de vies et d’éviter des
coûts importants pour l’économie mondiale. Il convient donc de tout
mettre en œuvre pour maximiser l’impact de cette prochaine réunion
à haut niveau.
6. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les
États membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à faire en sorte que chaque patient tuberculeux soit diagnostiqué
efficacement (y compris par rapport aux différentes souches de la
maladie) et qu’il ait accès à un traitement et des soins appropriés, gratuits
et lorsque cela n’est pas possible, abordables, ainsi qu’à des services
de prise en charge complémentaires, notamment à un soutien psychosocial,
en vue de réduire le poids de la maladie sur sa vie et d’améliorer
l’observance du traitement;
6.2. à dispenser des services de santé intégrés et centrés
sur le patient, notamment:
6.2.1. en garantissant une collaboration
efficace entre toutes les parties impliquées dans la riposte à la
tuberculose, y compris les organismes publics, les autorités locales
et les organisations de la société civile;
6.2.2. en prenant en charge les soins liés à la tuberculose,
principalement dans des structures ambulatoires et communautaires,
avec des mesures appropriées de contrôle des infections;
6.2.3. en impliquant les organisations de la société civile dans
le suivi des patients et le soutien au traitement, ainsi que pour
réduire le coût financier supporté par les catégories défavorisées
et socialement vulnérables de patients démunis;
6.3. à améliorer les mécanismes de détection précoce de la
tuberculose en investissant dans la recherche active des cas de
tuberculose parmi les groupes socialement vulnérables, qui sont
confrontés à un risque plus élevé d’exposition et d’infection, dont
les prisonniers, les personnes vivant avec le VIH, les réfugiés
et les migrants, et à orienter le traitement préventif vers ces
groupes afin d’éviter que la tuberculose latente devienne active;
6.4. à investir dans la recherche et le développement de nouveaux
médicaments, diagnostics et vaccins contre la tuberculose, y compris
par des mesures d’encouragement et de récompense de l’innovation;
6.5. à développer, financer et mettre en œuvre une stratégie
nationale spécialement adaptée à la tuberculose;
6.6. à lutter contre la stigmatisation associée à la tuberculose
en brisant les mythes et en sensibilisant aux réalités de la maladie;
6.7. à continuer à mettre en avant l’impact de la résistance
aux antimicrobiens sur la tuberculose et à soutenir les efforts
au niveau international en vue d’éviter la progression de cette
résistance.
7. L’Assemblée encourage vivement tous les chefs d’État des États
membres du Conseil de l’Europe à assister à la réunion de haut niveau
des Nations Unies sur la lutte contre la tuberculose, organisée
en 2018.
8. Enfin, soulignant le lien indissociable entre la tuberculose
et la pauvreté, l’Assemblée invite les États membres du Conseil
de l’Europe à redoubler d’efforts pour réduire les inégalités mondiales
et régionales. Elle rappelle, à cet égard, sa Résolution 1975 (2014) «Intensifier
les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial: la
contribution de l’Europe au processus des Objectifs du millénaire
pour le développement (OMD)».