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Résolution 2221 (2018)
Les contre-discours face au terrorisme
1. L’Assemblée parlementaire réitère
avec la plus grande fermeté sa condamnation de tous les actes de terrorisme,
en rappelant ses résolutions antérieures relatives au terrorisme,
en particulier la Résolution 2090 (2016) «Combattre
le terrorisme international tout en protégeant les normes et les
valeurs du Conseil de l'Europe», la Résolution 2091 (2016) sur les combattants
étrangers en Syrie et en Irak, et la Résolution 2113 (2016) «Après les
attaques de Bruxelles, un besoin urgent de répondre aux défaillances
de sécurité et de renforcer la coopération contre le terrorisme».
Elle rappelle également sa récente Résolution 2190 (2017) «Poursuivre
et punir les crimes contre l'humanité, voire l'éventuel génocide
commis par Daech».
2. L’Assemblée observe que la réponse apportée jusqu’ici par
la communauté internationale face au terrorisme a principalement
pris la forme de mesures de lutte contre le terrorisme fondées sur
la sécurité. Mais ces mesures n’ont pas suffi à prévenir le phénomène
des «combattants étrangers», de la radicalisation ou de la propagation
de l’extrémisme violent, notamment par des terroristes agissant
de manière isolée. L’élaboration de nouvelles mesures prises sous
la forme d’un discours alternatif positif opposé à l’extrémisme est
indispensable pour lutter contre cette menace en pleine évolution.
3. Le processus de radicalisation change à mesure que la menace
terroriste évolue et que la technologie progresse. L’Assemblée souligne
que l’exposition du «monde réel» au discours extrémiste violent
continue à représenter une menace qui ne doit pas être négligée.
Internet a transformé les moyens qui permettent aux organisations
terroristes d’influencer et de radicaliser les individus, en offrant
un discours terroriste – utilisé pour diffuser une idéologie, des
valeurs et des justifications extrémistes violentes – facilement
accessible à un large public à l’échelle mondiale grâce à l’application
de stratégies de communication étendues.
4. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2091 (2016) et le Plan d’action sur la lutte contre l’extrémisme violent
et la radicalisation conduisant au terrorisme (2015-2017) adopté
par le Comité des Ministres en mai 2015, et rappelle la nécessité
d’élaborer des discours alternatifs positifs au dévoiement de la
religion, destinés à dénoncer les propos extrémistes et à dissiper
les illusions sur la véritable situation dans les territoires contrôlés
par Daech et le sort de ses recrues.
5. On reproche souvent aux stratégies de contre-discours d’être
trop éloignées de la vie et des préoccupations quotidiennes des
personnes auxquelles elles s’adressent. L’Assemblée souligne qu’il
importe d’élaborer des discours alternatifs positifs et efficaces,
destinés à un public spécialement ciblé, qui affrontent, contestent
et contredisent le discours terroriste dans ses sujets intrinsèques
en s’appuyant sur l’idéologie, la logique, les faits ou l’humour.
Lorsque c’est possible, il conviendrait d’élaborer un contenu de
contre-discours avec la coopération des membres du public ciblé.
6. Le simple fait de réagir au discours terroriste ne suffit
pas. Les initiatives de contre-discours devraient privilégier l’élaboration
d’un discours proactif, positif et alternatif, notamment un appel
concret à l’action et une présentation claire du «consensus par
recoupement des points communs» et des traditions éthiques qui unissent
des communautés différentes, engagées en faveur des valeurs communes
de la non-violence, de la tolérance et de la démocratie.
7. Comme bon nombre des attentats terroristes récemment commis
dans les États membres du Conseil de l’Europe – en Belgique, en
France, en Allemagne, en Espagne, en Suède, en Turquie et au Royaume-Uni, mais
également dans d’autres pays – ont été revendiqués ou peuvent être
attribués à Daech ou à ses adeptes, la notion de valeurs partagées,
c’est-à-dire les traditions éthiques partagées et communes à la
fois à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention») et à l’islam, devrait être étudiée et promue activement.
L’Assemblée se félicite de la création, à l’échelon de l’Union européenne,
de la task force sur la communication stratégique, qui collabore
avec les délégations de l’Union européenne dans les pays arabes
et avec la Coalition mondiale contre Daech pour recenser les valeurs
communes et élaborer des mesures concrètes. Elle se félicite également
de l’adoption, par les Nations Unies, du Plan d’action des Nations Unies
pour prévenir l’extrémisme violent, qui souligne l’importance de
favoriser un dialogue mondial pour unir les pays, les citoyens et
les communautés sur la base de valeurs et de principes universellement
partagés.
8. L’Assemblée reconnaît qu’il n’est pas possible d’élaborer
un contre-discours global unique. La mise en place complexe de différents
types de discours et de médias, articulée autour des problématiques
et des discours locaux, est requise pour la création de contre-discours
efficaces.
9. L’Assemblée rappelle que toutes les mesures prises pour lutter
contre le terrorisme doivent être conformes aux obligations faites
aux États par le droit national et international, et aux principes
fondamentaux que sont la démocratie, le respect des droits de l’homme
et de l’État de droit; et qu’il faut éviter que ces mesures nuisent
aux valeurs et aux normes relatives à la démocratie que les terroristes
cherchent à détruire, et éviter de créer des restrictions disproportionnées
aux libertés fondamentales. L’Assemblée condamne vivement tous les
incidents de discours de haine provenant de représentants et de
fonctionnaires d’État ou de gouvernement, ou de personnalités politiques,
susceptibles d’entraîner une radicalisation supplémentaire et de
propager la haine et la violence.
10. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres et observateurs
du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie
du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès
de l’Assemblée parlementaire:
10.1. à
élaborer, s’ils ne l’ont pas encore fait, des stratégies nationales
de prévention de la radicalisation;
10.2. à prioriser l’élaboration de discours alternatifs positifs,
flexibles et adaptés à la propagande terroriste et à l’extrémisme
violent, destinés à ébranler le sommet de la hiérarchie des groupes terroristes
et à nuire à leur autorité, ainsi qu’à souligner l’hypocrisie du
discours extrémiste violent et ce qu’est réellement l’existence
d’un terroriste;
10.3. à travailler en collaboration avec les communautés et
les destinataires ciblés en priorité, ainsi qu’avec la société civile,
les responsables religieux et les responsables communautaires, en
ayant recours à des messagers crédibles, notamment des femmes, des
victimes de terrorisme, d’anciens terroristes repentis et d’anciens
détenus, et une diversité de médias (notamment les messages électroniques,
la télévision, la radio, la presse et internet) pour écarter le
discours terroriste;
10.4. à contester toute utilisation du discours de haine et
à condamner fermement tous ceux qui prêchent ou propagent la haine
et la violence;
10.5. à prendre des mesures, y compris des mesures législatives,
pour contrer l’extrémisme violent et le discours de haine diffusés
sur internet et dans les médias sociaux, qui sont susceptibles d’amener
les individus à une radicalisation violente;
10.6. à étudier et à promouvoir la notion de «valeurs partagées»,
en examinant comment les valeurs qui inspirent à la fois la Convention
et l’islam permettent d’offrir des discours alternatifs positifs,
qui mettent l’accent sur le respect de la portée universelle des
droits et de l’égalité devant la loi, du droit à la vie, du droit
à la justice, du droit à la liberté et à la sûreté, ainsi que des
libertés fondamentales des sociétés plurielles, notamment la liberté
de pensée, de conscience et de religion (article 9), la liberté d'expression
(article 10) et la liberté de réunion et d'association (article 11);
10.7. à promouvoir des discours alternatifs positifs, assortis
d’activités de sensibilisation des communautés locales, en établissant
des rapports directs avec les membres du public ciblé;
10.8. à mettre en place des pratiques de suivi et d’évaluation
pour déterminer l’impact des stratégies de contre-discours et de
discours alternatifs;
10.9. à renforcer la coopération internationale grâce à la mise
en commun des bonnes pratiques et à l’échange d’informations, en
évaluant les initiatives prises par les États et en coordonnant
mieux les approches retenues;
10.10. à revoir la situation dans les systèmes d’enseignement,
à promouvoir une éducation inclusive et à s’assurer que les établissements
scolaires jouent pleinement leur rôle dans la formation de citoyens actifs
dotés d’un sens des responsabilités et d’aptitudes à la réflexion
critique, et prêts à vivre dans une société plurielle et à défendre
les valeurs de la démocratie;
10.11. à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe
pour la prévention du terrorisme (STCE no 196)
et son Protocole additionnel (STCE no 217),
parallèlement aux autres instruments juridiques pertinents du Conseil
de l’Europe, s’ils ne l’ont pas encore fait.
11. L’Assemblée estime qu’il est fondamental d’articuler le «consensus
par recoupement des points communs» afin d’unir les différentes
communautés sur la base de valeurs communes, et elle est déterminée à
y contribuer. Elle demande par conséquent aux commissions concernées
de faire des propositions d’actions concrètes dans ce sens.