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Résolution 2224 (2018)
La situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie
1. L’Assemblée parlementaire se réfère
à ses travaux antérieurs sur la situation humanitaire des réfugiés en
Syrie, dans les pays voisins et dans l’ensemble de la région, en
particulier à la Résolution
2107 (2016) sur une réponse renforcée de l’Europe à la
crise des réfugiés syriens et à la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens:
comment organiser et soutenir l’aide internationale?».
2. Elle se réfère également à ses travaux antérieurs sur les
droits fondamentaux des réfugiés et sur les principes généraux qui
sous-tendent la gestion des déplacements massifs de population,
qui s’appliquent pleinement à la situation dans les pays voisins
de la Syrie et dans la région, en particulier la Résolution 2164 (2017) sur
les possibilités d’améliorer le financement des situations d’urgence
concernant les réfugiés, la Résolution
2109 (2016) sur la situation des réfugiés et des migrants
dans le cadre de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016, la Résolution 2089 (2016) sur
le crime organisé et les migrants, la Résolution 2099 (2016) «Mettre fin
à l’apatridie des enfants – une nécessité» et la Résolution 2136 (2016) «Harmoniser
la protection des mineurs non accompagnés en Europe».
3. La région est actuellement le lieu d’origine et d’accueil
du plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur
de leur pays au niveau mondial, et les voisins de la Syrie font
partie des pays dans lesquels le ratio de réfugiés par rapport au
nombre d’habitants est le plus élevé et qui accueillent le plus grand
nombre de réfugiés en chiffres absolus. Au 1er juin
2018, on comptait plus de 3,6 millions de réfugiés déclarés en Turquie,
2,7 millions en Jordanie, 1,8 million au Liban et 267 000 en Irak.
4. L’ensemble de la région a été le théâtre de déplacements forcés
massifs de populations pendant de nombreuses années à la suite de
conflits armés, dont la guerre civile du Liban, les guerres du Golfe
et la guerre au Yémen. Ces mouvements se sont inscrits dans le contexte
des déplacements opérés de longue date par les troisième et quatrième
générations de réfugiés palestiniens. Alors que la Syrie et le Yémen
connaissent en ce moment des déplacements de grande ampleur, on
constate depuis longtemps d’importants flux en provenance d’autres
pays, en particulier d’Irak.
5. Avec le déclenchement des hostilités militaires en Syrie en
2011 et l’afflux de réfugiés qui a suivi dans les pays voisins,
les capacités d’accueil ont été largement dépassées, ce qui a fait
peser une charge colossale sur leurs économies, leurs services sociaux
et leur population. Plus de 5,3 millions de réfugiés syriens, sur
un total de 11 millions de personnes ayant fui le pays, sont actuellement
enregistrés dans l’un des pays voisins.
6. Confrontés à une tragédie humanitaire de cette ampleur, les
pays voisins n’ont pas toujours été en mesure, malgré l’assistance
internationale, d’offrir aux réfugiés des conditions matérielles
d’accueil appropriées. Il convient de souligner à leur crédit qu’ils
n’ont pas fermé leurs frontières aux réfugiés syriens au plus fort
des arrivées. Malheureusement, ces frontières sont actuellement
closes, sauf pour les cas médicaux graves, et des réfugiés auraient
été renvoyés contre leur gré.
7. Le cadre juridique régissant les questions qui concernent
les réfugiés dans les pays voisins de la Syrie est loin d’être satisfaisant.
Tous ces pays devraient notamment ratifier en priorité la Convention
de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés sans exprimer
de réserve ainsi que son protocole de 1967, et adopter, s’ils ne
l’ont pas encore fait, des dispositions législatives appropriées
réglementant les services offerts aux réfugiés, dont l’accès aux
soins de santé, à l’éducation et au travail, régies par le principe
de non-discrimination.
8. D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR), entre 75 % et 90 % des réfugiés syriens de la région vivent
en dessous du seuil de pauvreté. Plus de 2,5 millions ont besoin
d’une aide alimentaire constante. Le pourcentage d’enfants réfugiés
syriens non scolarisés était de 43 % en juin 2017. Il conviendrait
toutefois de replacer ces chiffres dans le contexte de la situation
économique des pays concernés et des conditions de vie de la population
locale.
9. Afin de soutenir les efforts des pays voisins, qui sont en
permanence confrontés à un afflux de réfugiés, il est indispensable
de revoir à la hausse l’aide financière de la communauté internationale.
L’approche globale énoncée dans le Plan régional pour les réfugiés
et la résilience, élaboré sous l’égide des Nations Unies, qui porte
sur les besoins des communautés hôtes dans les pays voisins de la
Syrie, dont les réfugiés et la population locale, doit être saluée,
car elle permet de répondre aux difficultés auxquelles la région
se heurte.
10. Il est de toute évidence nécessaire d’améliorer l’utilisation
et de tirer profit des nouvelles technologies, dont «EyePay» et
les identifiants numériques sur blockchain, pour réaliser des économies
significatives et rendre l’ensemble du processus d’assistance plus
transparent et responsable.
11. Si l’augmentation des capacités d’accueil des pays de la région
demeure le principal objectif, la mise en place de dispositifs juridiques
facilitant la réinstallation, notamment des visas humanitaires,
des bourses universitaires, des parrainages privés et des programmes
de mobilité de la main‑d’œuvre, devrait également devenir une priorité.
De plus, l’externalisation du traitement des demandes d’asile offre
une possibilité d’améliorer la situation et devrait être sérieusement
envisagée.
12. L’Assemblée appelle en conséquence les gouvernements de l’Irak,
de la Jordanie et du Liban:
12.1. à
renforcer le cadre juridique régissant les questions relatives aux
réfugiés, en particulier à ratifier la Convention de Genève de 1951
relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967, et à adopter une
législation particulière sur les procédures d’asile régie par le
principe de non-discrimination et garantissant les libertés fondamentales;
12.2. à adopter et à appliquer une législation interne exhaustive
encadrant les prestations offertes aux réfugiés et aux demandeurs
d’asile, notamment en matière de santé, d’éducation et d’emploi;
12.3. à établir une base juridique pour le traitement prioritaire
des mineurs réfugiés non accompagnés et des autres groupes vulnérables
de réfugiés;
12.4. à adopter et à mettre en œuvre des politiques globales
axées, sans s’y limiter, sur la facilité d’accès et sur la formation
du personnel, afin qu’une assistance adaptée soit systématiquement
fournie à tous les mineurs non accompagnés et aux autres groupes
de réfugiés vulnérables, en particulier les femmes et les filles;
12.5. à suivre les recommandations du HCR concernant les personnes
apatrides;
12.6. à maintenir une politique de porte ouverte à l’égard des
réfugiés et à créer des centres d’accueil adaptés dans les régions
limitrophes de la Syrie pour fournir une protection juridique temporaire
aux réfugiés;
12.7. à veiller à ce que tous les retours se fassent sur une
base volontaire, dans la sécurité et la dignité;
12.8. à renforcer la coopération avec le HCR pour améliorer
la gestion des flux de réfugiés et faciliter la mise à disposition
de services adéquats aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
13. L’Assemblée appelle le Gouvernement de la Turquie:
13.1. à supprimer les réserves géographiques
qui restreignent l’application de la Convention de Genève de 1951
relative au statut des réfugiés;
13.2. à revenir à une politique de porte ouverte à l’égard des
réfugiés et à s’abstenir de renvoyer de force des personnes;
13.3. à garantir l’application de l’Accord UE-Turquie du 18 mars
2016 dans le plein respect des droits de l’homme des migrants en
situation irrégulière et des réfugiés;
13.4. à répondre aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés
et de tous les groupes vulnérables de réfugiés, en particulier les
femmes et les filles.
14. De plus, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil
de l’Europe:
14.1. à accroître les
contributions financières au Plan régional pour les réfugiés et
la résilience des Nations Unies, afin de répondre aux besoins de
financement;
14.2. à intensifier le partage des responsabilités en augmentant
considérablement le nombre de réinstallations et d’autres formes
d’admission légale des réfugiés de la région dans leur pays;
14.3. à utiliser tous les moyens diplomatiques existants pour
favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec les
pays non membres de l’Union européenne, en particulier ceux qui
participent au processus au Moyen-Orient, comme les États-Unis,
la Fédération de Russie ou les États du Golfe.
15. L’Assemblée est d’avis que toutes les initiatives d’intégration
et d’insertion sociale visant les réfugiés dans la région devraient
être appuyées et encouragées. Le programme «Cités interculturelles»
parrainé par le Conseil de l’Europe est un bon exemple à suivre.
16. La Banque de développement du Conseil de l’Europe pourrait
en outre jouer un rôle dans le financement de projets d’intégration
de réfugiés dans la région, comme l’Assemblée l’a déjà recommandé
dans sa Résolution 1971
(2014).
17. L’Assemblée appelle ses États membres à répondre positivement
à l’engagement de l’Office de secours et de travaux des Nations
Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)
en faveur de contributions accrues à son budget pour compenser la
réduction sensible du financement des États-Unis.
18. L’Assemblée précise que le renforcement de la capacité des
pays voisins de la Syrie à faire face aux conséquences des déplacements
forcés de populations dans la région contribuerait à créer des conditions
plus favorables au retour des réfugiés dans leur pays lorsque la
situation le permettra et atténuerait le risque de les voir entreprendre,
au péril de leur vie, une traversée dangereuse de la Méditerranée,
au cours de laquelle ils seraient la proie de passeurs ou de trafiquants.