Imprimer
Autres documents liés

Résolution 2224 (2018)

La situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 juin 2018 (21e séance) (voir Doc. 14569, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Manlio Di Stefano). Texte adopté par l’Assemblée le 26 juin 2018 (21e séance).

1. L’Assemblée parlementaire se réfère à ses travaux antérieurs sur la situation humanitaire des réfugiés en Syrie, dans les pays voisins et dans l’ensemble de la région, en particulier à la Résolution 2107 (2016) sur une réponse renforcée de l’Europe à la crise des réfugiés syriens et à la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l’aide internationale?».
2. Elle se réfère également à ses travaux antérieurs sur les droits fondamentaux des réfugiés et sur les principes généraux qui sous-tendent la gestion des déplacements massifs de population, qui s’appliquent pleinement à la situation dans les pays voisins de la Syrie et dans la région, en particulier la Résolution 2164 (2017) sur les possibilités d’améliorer le financement des situations d’urgence concernant les réfugiés, la Résolution 2109 (2016) sur la situation des réfugiés et des migrants dans le cadre de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016, la Résolution 2089 (2016) sur le crime organisé et les migrants, la Résolution 2099 (2016) «Mettre fin à l’apatridie des enfants – une nécessité» et la Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe».
3. La région est actuellement le lieu d’origine et d’accueil du plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays au niveau mondial, et les voisins de la Syrie font partie des pays dans lesquels le ratio de réfugiés par rapport au nombre d’habitants est le plus élevé et qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés en chiffres absolus. Au 1er juin 2018, on comptait plus de 3,6 millions de réfugiés déclarés en Turquie, 2,7 millions en Jordanie, 1,8 million au Liban et 267 000 en Irak.
4. L’ensemble de la région a été le théâtre de déplacements forcés massifs de populations pendant de nombreuses années à la suite de conflits armés, dont la guerre civile du Liban, les guerres du Golfe et la guerre au Yémen. Ces mouvements se sont inscrits dans le contexte des déplacements opérés de longue date par les troisième et quatrième générations de réfugiés palestiniens. Alors que la Syrie et le Yémen connaissent en ce moment des déplacements de grande ampleur, on constate depuis longtemps d’importants flux en provenance d’autres pays, en particulier d’Irak.
5. Avec le déclenchement des hostilités militaires en Syrie en 2011 et l’afflux de réfugiés qui a suivi dans les pays voisins, les capacités d’accueil ont été largement dépassées, ce qui a fait peser une charge colossale sur leurs économies, leurs services sociaux et leur population. Plus de 5,3 millions de réfugiés syriens, sur un total de 11 millions de personnes ayant fui le pays, sont actuellement enregistrés dans l’un des pays voisins.
6. Confrontés à une tragédie humanitaire de cette ampleur, les pays voisins n’ont pas toujours été en mesure, malgré l’assistance internationale, d’offrir aux réfugiés des conditions matérielles d’accueil appropriées. Il convient de souligner à leur crédit qu’ils n’ont pas fermé leurs frontières aux réfugiés syriens au plus fort des arrivées. Malheureusement, ces frontières sont actuellement closes, sauf pour les cas médicaux graves, et des réfugiés auraient été renvoyés contre leur gré.
7. Le cadre juridique régissant les questions qui concernent les réfugiés dans les pays voisins de la Syrie est loin d’être satisfaisant. Tous ces pays devraient notamment ratifier en priorité la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés sans exprimer de réserve ainsi que son protocole de 1967, et adopter, s’ils ne l’ont pas encore fait, des dispositions législatives appropriées réglementant les services offerts aux réfugiés, dont l’accès aux soins de santé, à l’éducation et au travail, régies par le principe de non-discrimination.
8. D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), entre 75 % et 90 % des réfugiés syriens de la région vivent en dessous du seuil de pauvreté. Plus de 2,5 millions ont besoin d’une aide alimentaire constante. Le pourcentage d’enfants réfugiés syriens non scolarisés était de 43 % en juin 2017. Il conviendrait toutefois de replacer ces chiffres dans le contexte de la situation économique des pays concernés et des conditions de vie de la population locale.
9. Afin de soutenir les efforts des pays voisins, qui sont en permanence confrontés à un afflux de réfugiés, il est indispensable de revoir à la hausse l’aide financière de la communauté internationale. L’approche globale énoncée dans le Plan régional pour les réfugiés et la résilience, élaboré sous l’égide des Nations Unies, qui porte sur les besoins des communautés hôtes dans les pays voisins de la Syrie, dont les réfugiés et la population locale, doit être saluée, car elle permet de répondre aux difficultés auxquelles la région se heurte.
10. Il est de toute évidence nécessaire d’améliorer l’utilisation et de tirer profit des nouvelles technologies, dont «EyePay» et les identifiants numériques sur blockchain, pour réaliser des économies significatives et rendre l’ensemble du processus d’assistance plus transparent et responsable.
11. Si l’augmentation des capacités d’accueil des pays de la région demeure le principal objectif, la mise en place de dispositifs juridiques facilitant la réinstallation, notamment des visas humanitaires, des bourses universitaires, des parrainages privés et des programmes de mobilité de la main‑d’œuvre, devrait également devenir une priorité. De plus, l’externalisation du traitement des demandes d’asile offre une possibilité d’améliorer la situation et devrait être sérieusement envisagée.
12. L’Assemblée appelle en conséquence les gouvernements de l’Irak, de la Jordanie et du Liban:
12.1. à renforcer le cadre juridique régissant les questions relatives aux réfugiés, en particulier à ratifier la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967, et à adopter une législation particulière sur les procédures d’asile régie par le principe de non-discrimination et garantissant les libertés fondamentales;
12.2. à adopter et à appliquer une législation interne exhaustive encadrant les prestations offertes aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, notamment en matière de santé, d’éducation et d’emploi;
12.3. à établir une base juridique pour le traitement prioritaire des mineurs réfugiés non accompagnés et des autres groupes vulnérables de réfugiés;
12.4. à adopter et à mettre en œuvre des politiques globales axées, sans s’y limiter, sur la facilité d’accès et sur la formation du personnel, afin qu’une assistance adaptée soit systématiquement fournie à tous les mineurs non accompagnés et aux autres groupes de réfugiés vulnérables, en particulier les femmes et les filles;
12.5. à suivre les recommandations du HCR concernant les personnes apatrides;
12.6. à maintenir une politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés et à créer des centres d’accueil adaptés dans les régions limitrophes de la Syrie pour fournir une protection juridique temporaire aux réfugiés;
12.7. à veiller à ce que tous les retours se fassent sur une base volontaire, dans la sécurité et la dignité;
12.8. à renforcer la coopération avec le HCR pour améliorer la gestion des flux de réfugiés et faciliter la mise à disposition de services adéquats aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
13. L’Assemblée appelle le Gouvernement de la Turquie:
13.1. à supprimer les réserves géographiques qui restreignent l’application de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés;
13.2. à revenir à une politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés et à s’abstenir de renvoyer de force des personnes;
13.3. à garantir l’application de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016 dans le plein respect des droits de l’homme des migrants en situation irrégulière et des réfugiés;
13.4. à répondre aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés et de tous les groupes vulnérables de réfugiés, en particulier les femmes et les filles.
14. De plus, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à accroître les contributions financières au Plan régional pour les réfugiés et la résilience des Nations Unies, afin de répondre aux besoins de financement;
14.2. à intensifier le partage des responsabilités en augmentant considérablement le nombre de réinstallations et d’autres formes d’admission légale des réfugiés de la région dans leur pays;
14.3. à utiliser tous les moyens diplomatiques existants pour favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec les pays non membres de l’Union européenne, en particulier ceux qui participent au processus au Moyen-Orient, comme les États-Unis, la Fédération de Russie ou les États du Golfe.
15. L’Assemblée est d’avis que toutes les initiatives d’intégration et d’insertion sociale visant les réfugiés dans la région devraient être appuyées et encouragées. Le programme «Cités interculturelles» parrainé par le Conseil de l’Europe est un bon exemple à suivre.
16. La Banque de développement du Conseil de l’Europe pourrait en outre jouer un rôle dans le financement de projets d’intégration de réfugiés dans la région, comme l’Assemblée l’a déjà recommandé dans sa Résolution 1971 (2014).
17. L’Assemblée appelle ses États membres à répondre positivement à l’engagement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) en faveur de contributions accrues à son budget pour compenser la réduction sensible du financement des États-Unis.
18. L’Assemblée précise que le renforcement de la capacité des pays voisins de la Syrie à faire face aux conséquences des déplacements forcés de populations dans la région contribuerait à créer des conditions plus favorables au retour des réfugiés dans leur pays lorsque la situation le permettra et atténuerait le risque de les voir entreprendre, au péril de leur vie, une traversée dangereuse de la Méditerranée, au cours de laquelle ils seraient la proie de passeurs ou de trafiquants.