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Résolution 2227 (2018)
Traitement extraterritorial des demandes d’asile et création de centres d’accueil sûrs pour les réfugiés à l’étranger
1. L’Assemblée parlementaire est profondément
préoccupée par le nombre toujours élevé de migrants qui perdent
leur vie, ayant embarqué sur des navires de passeurs, en particulier
au départ de la Turquie, de la Libye et du Maroc, dans leurs efforts
désespérés pour atteindre les pays européens de l’autre côté de
la mer Méditerranée. L’Assemblée déplore aussi les violences graves
auxquelles les migrants sont exposés en Libye et dans la région
du lac Tchad. Il est primordial que tous les États membres continuent
de déployer des efforts concertés afin de mettre fin à ce drame
humain.
2. Un nombre considérable de ces migrants disposent du droit
d’asile ou d’autres formes de protection internationale. Ils ne
devraient donc pas être obligés d’entreprendre un voyage aussi dangereux
en mer ou d’utiliser d’autres moyens de transport illégaux qui mettent
leur vie en danger outre les menaces existantes dans leur pays d’origine.
Ils devraient en revanche se voir proposer des moyens sûrs de demander
l’asile, conformément à la Convention des Nations Unies relative
au statut des réfugiés.
3. Rappelant les exemples historiques de visas pour raisons humanitaires
délivrés de manière extraterritoriale par Raoul Wallenberg et d’autres
diplomates éminents à Budapest à la fin de la seconde guerre mondiale,
l’Assemblée appelle les États membres à prendre des mesures législatives
et pratiques pour que les réfugiés puissent demander le traitement
extraterritorial de leur demande de protection à titre exceptionnel
pour raisons humanitaires.
4. L’Assemblée réaffirme que, en tant que principe général du
droit international, une personne devrait être censée demander le
statut de réfugié dans le premier pays d’accueil sûr, sous réserve
que ce pays puisse garantir une protection efficace, conformément
aux normes internationales, et tout pays de premier accueil est tenu
de recevoir et de traiter dûment ces demandes. Elle souligne qu’il
n’est pas possible de déroger à cette obligation fondamentale sous
prétexte qu’un pays tiers prévoit le traitement extraterritorial
des demandes d’asile dans ce pays de premier accueil. Les réfugiés
ne doivent pas être privés du droit d’asile dans un pays parce qu’un
autre pays permet le traitement extraterritorial des demandes d’asile.
5. Faisant référence à la Recommandation no R (97) 22
du Comité des Ministres énonçant des lignes directrices sur l’application
de la notion de pays tiers sûr, l’Assemblée rappelle que, lorsqu’un
pays tiers est considéré comme sûr, les demandes d’asile sont généralement
examinées de manière accélérée. De cette manière, les missions diplomatiques
ou consulaires des États membres dans les pays tiers sûrs pourraient procéder
à ces examens non substantiels, à condition que les critères élaborés
par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)
soient remplis et que les requérants puissent contester le statut
de pays sûr. Ce traitement extraterritorial des demandes d’asile
éviterait que des personnes soient trompées par les passeurs sur
les possibilités d’asile.
6. Se référant aux Lignes directrices sur la protection des droits
de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées, adoptées
par le Comité des Ministres le 1er juillet
2009, l’Assemblée rappelle que, en vertu du droit international,
et notamment des dispositions pertinentes de la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5), de la Convention
des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et de
son protocole de 1967, ainsi qu’en vertu du droit international
coutumier, les États qui font l’objet d’une demande d’asile sont
tenus de s’assurer que le retour du requérant dans son pays d’origine
ou dans un autre pays ne l’exposera pas à un risque réel de peine
de mort, de torture ou à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants, à des persécutions ou à des violations graves d’autres
droits fondamentaux qui justifieraient l’octroi d’une protection
en vertu du droit international ou national.
7. Saluant l’initiative prise par le Gouvernement français en
2017 consistant à délivrer 3 000 visas à des réfugiés en provenance
du Tchad et du Niger et à organiser leur transfert vers la France,
l’Assemblée observe avec regret que de nombreux États membres ne
sont pas dotés d’une législation prévoyant le traitement extraterritorial
des demandes d’asile pour raisons humanitaires.
8. L’Assemblée se félicite aussi du fait que le HCR a repris
l’évacuation des réfugiés et des demandeurs d’asile vulnérables
depuis la Libye, et qu’il fournit des cartes de demandeur d’asile
officielles aux réfugiés syriens déclarés en Égypte, mais elle regrette
qu’en 2013 le HCR ait dû mettre fin à son programme international
de détermination du statut de réfugié, en raison de l’augmentation
considérable des demandes. Avec ce programme, le HCR a aidé près
de 50 États à traiter les demandes d’asile et a directement assisté
les demandeurs dans une vingtaine d’autres pays du monde. Cet exemple
montre que de tels programmes peuvent améliorer la situation des
réfugiés et des demandeurs d’asile, mais uniquement s’ils bénéficient
du soutien substantiel des États.
9. Si des dispositions suffisantes étaient prises en matière
de détermination du statut de réfugié et d’accès rapide à une protection
effective dans les premiers pays d’arrivée ou dans les pays tiers,
les migrants n’auraient pas à prendre des risques en entreprenant
des voyages périlleux ou en faisant appel à des passeurs. Par conséquent,
l’Assemblée invite les États membres:
9.1. à envisager d’introduire dans leur législation nationale,
si de telles dispositions n’existent pas déjà, la possibilité de
demander l’asile ou des visas pour raisons humanitaires dans les
missions diplomatiques ou consulaires à l’étranger;
9.2. à définir les conditions que doivent remplir les demandeurs
extraterritoriaux, telles qu’une situation d’urgence humanitaire
particulière, l’impossibilité d’atteindre en toute sécurité le territoire
de l’État membre concerné, les quotas pour les demandeurs ou des
exigences de sécurité incluant la présentation de documents d’identité;
9.3. à prévoir des procédures extraterritoriales spéciales
pour les demandes d’asile accélérées:
9.3.1. lorsque leurs
autorités nationales compétentes ont décidé d’octroyer généralement l’asile
à une catégorie de réfugiés à titre exceptionnel pour raisons humanitaires
ou autres;
9.3.2. dans le cadre du regroupement familial des réfugiés;
9.3.3. lorsque les demandeurs viennent de pays sûrs ou se trouvent
dans des pays tiers qui sont considérés comme sûrs, conformément
à la Recommandation n° R (97) 22 du Comité des Ministres;
9.4. à fournir des services sociaux de base, incluant un hébergement,
de la nourriture et des soins de santé aux demandeurs, lorsque cela
est nécessaire, éventuellement en coopération avec le HCR ou l’Union
européenne;
9.5. à fournir des informations complètes aux demandeurs sur
la procédure de demande d’asile ou de visa pour raisons humanitaires,
ainsi que sur les visas d’entrée régulière auxquels ils peuvent
avoir accès, tels que les visas temporaires, les visas de travail
et les visas d’études, dans une langue qu’ils comprennent;
9.6. à aider les demandeurs ayant reçu une réponse favorable
à organiser leur voyage vers les États membres respectifs qui leur
ont accordé l’asile;
9.7. à veiller à ce que les demandeurs d’asile déboutés aient
accès à un mécanisme de plainte et disposent d’un recours effectif
contre le rejet de leur demande conformément à l’article 13 de la Convention
européenne des droits de l’homme;
9.8. à augmenter de manière significative le nombre d’engagements
concernant les programmes de réinstallation et d’admission humanitaire
organisés par le HCR;
9.9. à s’assurer que tout moyen d’admission humanitaire ou
de réinstallation n’affecte pas le droit de demander l’asile dans
les États membres.
10. Se référant à ses Résolutions 2000 (2014) sur
l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes
et 2147 (2017) sur
la nécessité de réformer les politiques migratoires européennes,
l’Assemblée reconnaît que le traitement extraterritorial des demandes
d’asile reste une mesure exceptionnelle et limitée en vue de l’octroi
d’une protection internationale. Il est donc indispensable de prendre
d’urgence des mesures supplémentaires pour assurer la sécurité et
la protection des réfugiés et des migrants à l’étranger, conformément
aux normes prévues par la Convention des Nations Unies relative
au statut de réfugiés.
11. Par le passé, des centres ou des zones de protection ont pu
être établis avec succès, par exemple par les Nations Unies ou l'Organisation
du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), pour les personnes déplacées
de force en raison de violences ou de conflits armés. De tels centres
ont apporté une sécurité temporaire aux personnes qui, autrement,
auraient rempli les conditions pour une demande d’asile dans d’autres
pays. L’Assemblée appelle donc les États membres à aider à mettre
en place de tels centres de protection dans les pays touchés par
la violence ou les conflits, ou dans les pays voisins, afin d’éviter
que des personnes soient contraintes de fuir dans d’autres pays
en suivant des itinéraires longs et périlleux.
12. Faisant référence aux camps établis avec succès pour les réfugiés
syriens en Turquie et en Jordanie, l’Assemblée appelle les États
membres et l’Union européenne à soutenir ces camps financièrement
et logistiquement.
13. Saluant les projets du Conseil italien pour les réfugiés et
du HCR pour les réfugiés et les migrants en Libye, y compris la
création de zones protégées pour les enfants, l’Assemblée appelle
les États membres et l’Union européenne à soutenir des programmes
similaires.
14. L’Assemblée invite le HCR et l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM) à aider les migrants qui le souhaitent
en les enregistrant comme demandeurs d’asile et à mettre en place
des programmes de détermination du statut de réfugié en coopération
avec les pays de premier accueil sûrs ainsi que les pays tiers qui
prévoient le traitement extraterritorial des demandes d’asile.
15. L’Assemblée invite l’Union européenne et ses États membres
à soutenir financièrement et par le biais d’une coopération technique
les États qui acceptent les personnes bénéficiant d’une protection
internationale, ou pour des motifs humanitaires.