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Résolution 2227 (2018)

Traitement extraterritorial des demandes d’asile et création de centres d’accueil sûrs pour les réfugiés à l’étranger

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2018 (24e séance) (voir Doc. 14571, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Domagoj Hajduković; et Doc. 14585, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Egidijus Vareikis). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2018 (24e séance).Voir également la Recommandation 2135 (2018).

1. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par le nombre toujours élevé de migrants qui perdent leur vie, ayant embarqué sur des navires de passeurs, en particulier au départ de la Turquie, de la Libye et du Maroc, dans leurs efforts désespérés pour atteindre les pays européens de l’autre côté de la mer Méditerranée. L’Assemblée déplore aussi les violences graves auxquelles les migrants sont exposés en Libye et dans la région du lac Tchad. Il est primordial que tous les États membres continuent de déployer des efforts concertés afin de mettre fin à ce drame humain.
2. Un nombre considérable de ces migrants disposent du droit d’asile ou d’autres formes de protection internationale. Ils ne devraient donc pas être obligés d’entreprendre un voyage aussi dangereux en mer ou d’utiliser d’autres moyens de transport illégaux qui mettent leur vie en danger outre les menaces existantes dans leur pays d’origine. Ils devraient en revanche se voir proposer des moyens sûrs de demander l’asile, conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.
3. Rappelant les exemples historiques de visas pour raisons humanitaires délivrés de manière extraterritoriale par Raoul Wallenberg et d’autres diplomates éminents à Budapest à la fin de la seconde guerre mondiale, l’Assemblée appelle les États membres à prendre des mesures législatives et pratiques pour que les réfugiés puissent demander le traitement extraterritorial de leur demande de protection à titre exceptionnel pour raisons humanitaires.
4. L’Assemblée réaffirme que, en tant que principe général du droit international, une personne devrait être censée demander le statut de réfugié dans le premier pays d’accueil sûr, sous réserve que ce pays puisse garantir une protection efficace, conformément aux normes internationales, et tout pays de premier accueil est tenu de recevoir et de traiter dûment ces demandes. Elle souligne qu’il n’est pas possible de déroger à cette obligation fondamentale sous prétexte qu’un pays tiers prévoit le traitement extraterritorial des demandes d’asile dans ce pays de premier accueil. Les réfugiés ne doivent pas être privés du droit d’asile dans un pays parce qu’un autre pays permet le traitement extraterritorial des demandes d’asile.
5. Faisant référence à la Recommandation no R (97) 22 du Comité des Ministres énonçant des lignes directrices sur l’application de la notion de pays tiers sûr, l’Assemblée rappelle que, lorsqu’un pays tiers est considéré comme sûr, les demandes d’asile sont généralement examinées de manière accélérée. De cette manière, les missions diplomatiques ou consulaires des États membres dans les pays tiers sûrs pourraient procéder à ces examens non substantiels, à condition que les critères élaborés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) soient remplis et que les requérants puissent contester le statut de pays sûr. Ce traitement extraterritorial des demandes d’asile éviterait que des personnes soient trompées par les passeurs sur les possibilités d’asile.
6. Se référant aux Lignes directrices sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées, adoptées par le Comité des Ministres le 1er juillet 2009, l’Assemblée rappelle que, en vertu du droit international, et notamment des dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et de son protocole de 1967, ainsi qu’en vertu du droit international coutumier, les États qui font l’objet d’une demande d’asile sont tenus de s’assurer que le retour du requérant dans son pays d’origine ou dans un autre pays ne l’exposera pas à un risque réel de peine de mort, de torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, à des persécutions ou à des violations graves d’autres droits fondamentaux qui justifieraient l’octroi d’une protection en vertu du droit international ou national.
7. Saluant l’initiative prise par le Gouvernement français en 2017 consistant à délivrer 3 000 visas à des réfugiés en provenance du Tchad et du Niger et à organiser leur transfert vers la France, l’Assemblée observe avec regret que de nombreux États membres ne sont pas dotés d’une législation prévoyant le traitement extraterritorial des demandes d’asile pour raisons humanitaires.
8. L’Assemblée se félicite aussi du fait que le HCR a repris l’évacuation des réfugiés et des demandeurs d’asile vulnérables depuis la Libye, et qu’il fournit des cartes de demandeur d’asile officielles aux réfugiés syriens déclarés en Égypte, mais elle regrette qu’en 2013 le HCR ait dû mettre fin à son programme international de détermination du statut de réfugié, en raison de l’augmentation considérable des demandes. Avec ce programme, le HCR a aidé près de 50 États à traiter les demandes d’asile et a directement assisté les demandeurs dans une vingtaine d’autres pays du monde. Cet exemple montre que de tels programmes peuvent améliorer la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, mais uniquement s’ils bénéficient du soutien substantiel des États.
9. Si des dispositions suffisantes étaient prises en matière de détermination du statut de réfugié et d’accès rapide à une protection effective dans les premiers pays d’arrivée ou dans les pays tiers, les migrants n’auraient pas à prendre des risques en entreprenant des voyages périlleux ou en faisant appel à des passeurs. Par conséquent, l’Assemblée invite les États membres:
9.1. à envisager d’introduire dans leur législation nationale, si de telles dispositions n’existent pas déjà, la possibilité de demander l’asile ou des visas pour raisons humanitaires dans les missions diplomatiques ou consulaires à l’étranger;
9.2. à définir les conditions que doivent remplir les demandeurs extraterritoriaux, telles qu’une situation d’urgence humanitaire particulière, l’impossibilité d’atteindre en toute sécurité le territoire de l’État membre concerné, les quotas pour les demandeurs ou des exigences de sécurité incluant la présentation de documents d’identité;
9.3. à prévoir des procédures extraterritoriales spéciales pour les demandes d’asile accélérées:
9.3.1. lorsque leurs autorités nationales compétentes ont décidé d’octroyer généralement l’asile à une catégorie de réfugiés à titre exceptionnel pour raisons humanitaires ou autres;
9.3.2. dans le cadre du regroupement familial des réfugiés;
9.3.3. lorsque les demandeurs viennent de pays sûrs ou se trouvent dans des pays tiers qui sont considérés comme sûrs, conformément à la Recommandation n° R (97) 22 du Comité des Ministres;
9.4. à fournir des services sociaux de base, incluant un hébergement, de la nourriture et des soins de santé aux demandeurs, lorsque cela est nécessaire, éventuellement en coopération avec le HCR ou l’Union européenne;
9.5. à fournir des informations complètes aux demandeurs sur la procédure de demande d’asile ou de visa pour raisons humanitaires, ainsi que sur les visas d’entrée régulière auxquels ils peuvent avoir accès, tels que les visas temporaires, les visas de travail et les visas d’études, dans une langue qu’ils comprennent;
9.6. à aider les demandeurs ayant reçu une réponse favorable à organiser leur voyage vers les États membres respectifs qui leur ont accordé l’asile;
9.7. à veiller à ce que les demandeurs d’asile déboutés aient accès à un mécanisme de plainte et disposent d’un recours effectif contre le rejet de leur demande conformément à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme;
9.8. à augmenter de manière significative le nombre d’engagements concernant les programmes de réinstallation et d’admission humanitaire organisés par le HCR;
9.9. à s’assurer que tout moyen d’admission humanitaire ou de réinstallation n’affecte pas le droit de demander l’asile dans les États membres.
10. Se référant à ses Résolutions 2000 (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes et 2147 (2017) sur la nécessité de réformer les politiques migratoires européennes, l’Assemblée reconnaît que le traitement extraterritorial des demandes d’asile reste une mesure exceptionnelle et limitée en vue de l’octroi d’une protection internationale. Il est donc indispensable de prendre d’urgence des mesures supplémentaires pour assurer la sécurité et la protection des réfugiés et des migrants à l’étranger, conformément aux normes prévues par la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugiés.
11. Par le passé, des centres ou des zones de protection ont pu être établis avec succès, par exemple par les Nations Unies ou l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), pour les personnes déplacées de force en raison de violences ou de conflits armés. De tels centres ont apporté une sécurité temporaire aux personnes qui, autrement, auraient rempli les conditions pour une demande d’asile dans d’autres pays. L’Assemblée appelle donc les États membres à aider à mettre en place de tels centres de protection dans les pays touchés par la violence ou les conflits, ou dans les pays voisins, afin d’éviter que des personnes soient contraintes de fuir dans d’autres pays en suivant des itinéraires longs et périlleux.
12. Faisant référence aux camps établis avec succès pour les réfugiés syriens en Turquie et en Jordanie, l’Assemblée appelle les États membres et l’Union européenne à soutenir ces camps financièrement et logistiquement.
13. Saluant les projets du Conseil italien pour les réfugiés et du HCR pour les réfugiés et les migrants en Libye, y compris la création de zones protégées pour les enfants, l’Assemblée appelle les États membres et l’Union européenne à soutenir des programmes similaires.
14. L’Assemblée invite le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à aider les migrants qui le souhaitent en les enregistrant comme demandeurs d’asile et à mettre en place des programmes de détermination du statut de réfugié en coopération avec les pays de premier accueil sûrs ainsi que les pays tiers qui prévoient le traitement extraterritorial des demandes d’asile.
15. L’Assemblée invite l’Union européenne et ses États membres à soutenir financièrement et par le biais d’une coopération technique les États qui acceptent les personnes bénéficiant d’une protection internationale, ou pour des motifs humanitaires.