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Résolution 2232 (2018)

Assurer un équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant et le besoin de garder les familles ensemble

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2018 (26e séance) (voir Doc. 14568, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Valeriu Ghiletchi). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2018 (26e séance).

1. Rappelant sa Résolution 2049 (2015) et sa Recommandation 2068 (2015) «Services sociaux en Europe: législation et pratiques de retrait d’enfants à leurs familles dans les États membres du Conseil de l’Europe», l’Assemblée parlementaire réaffirme que les enfants ont le droit d’être protégés de toute forme de violence, de maltraitance et de négligence. Ils ont cependant aussi le droit de ne pas être séparés de leurs parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire, qu’une telle séparation est absolument nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Même lorsqu’une telle séparation est nécessaire, les enfants ont le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec leurs deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur des enfants.
2. Malgré l’existence de normes internationales et européennes claires dans ce domaine des droits de l’enfant, force est de constater que les décisions de retrait, d’adoption, de placement et de réunification continuent à ne pas être appliquées de manière uniforme dans les États membres du Conseil de l’Europe. D’autres mesures s’imposent donc pour combler le fossé entre ces normes et leur mise en œuvre, ainsi que pour améliorer la collecte de données et la recherche susceptibles d’éclairer les responsables politiques sur la meilleure façon de procéder en ce qui concerne l’application des normes.
3. Les États membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié les traités des Nations Unies et les instruments du Conseil de l’Europe relatifs aux droits de l’enfant sont appelés à les mettre en œuvre et à agir conformément à leurs dispositions dans le contexte des décisions de retrait, d’adoption, de placement d’enfant et de réunification de la famille.
4. L’Assemblée réaffirme que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être pris en considération de façon primordiale pour toutes les actions concernant les enfants, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Cependant, la mise en application de ce principe dépend en pratique du contexte et des circonstances spécifiques. Il est quelquefois plus facile de dire ce qui n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’être maltraité par ses parents ou être retiré de sa famille sans raison valable.
5. Tenant compte de cette mise en garde, l’Assemblée réitère les recommandations formulées dans sa Résolution 2049 (2015) et invite les États membres du Conseil de l’Europe à se concentrer sur le processus afin d’obtenir les résultats les meilleurs pour les enfants comme pour leurs familles. Les États membres devraient:
5.1. assurer des procédures adaptées aux enfants, qu’il s’agisse d’un retrait, d’un placement ou d’une réunification; il s’agit notamment de garantir la participation pleine et entière de l’enfant concerné en faisant appel à un personnel correctement formé et éduqué pour parler aux enfants et les écouter, de manière à ce que l’opinion de l’intéressé soit non seulement entendue, mais également prise en considération, à la condition que cette opinion ne soit pas contraire à son intérêt supérieur;
5.2. apporter le soutien nécessaire aux familles en temps utile et dans un esprit positif afin d’éviter d’avoir à prendre des décisions de retrait en premier lieu et de faciliter la réunification de la famille lorsque cela est possible et sert l’intérêt supérieur de l’enfant; il faut notamment établir une meilleure collaboration avec les parents, en vue d’éviter d’éventuelles erreurs fondées sur des malentendus, des stéréotypes ou des discriminations, erreurs qu’il sera difficile de corriger plus tard, une fois la confiance perdue;
5.3. veiller à ce que les systèmes de protection de l’enfance soient ouverts et transparents, de manière à renforcer la légitimité du système et la confiance qu’il inspire; cela inclut le fait de veiller à ce que les décisions soient solidement étayées à toutes les étapes du processus et à ce que les procédures judiciaires soient abordables, adaptées aux enfants et accessibles, et que la collecte de données et la recherche soient améliorées;
5.4. veiller à ce que l’ensemble du personnel prenant part à des décisions de retrait et de placement, y compris les juges, soit réellement qualifié et régulièrement formé (notamment aux normes internationales et européennes), à ce qu’il dispose de ressources suffisantes pour prendre des décisions dans un délai raisonnable et ne soit pas surchargé par un trop grand nombre d’affaires;
5.5. s’efforcer de limiter au minimum les pratiques de retrait de l’enfant à la naissance, de justification d’une décision de placement sur l’écoulement du temps et d’adoption sans le consentement des parents, et de n’y avoir recours que dans les cas extrêmes. Chaque fois que cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant, des efforts devraient être faits pour maintenir les liens familiaux;
5.6. lorsque la décision de retirer un enfant de sa famille a été prise, garantir:
5.6.1. que de telles décisions sont une réponse proportionnée à une évaluation crédible et vérifiable par les autorités compétentes démontrant qu’il y a un risque de préjudice réel et sérieux pour l’enfant, et pouvant faire l’objet d’une révision judiciaire;
5.6.2. qu’une décision détaillée est transmise aux parents et qu’un exemplaire de celle-ci est aussi conservé. Il importe que la décision soit expliquée à l’enfant dans une forme adaptée à son âge ou, à défaut, qu’il ait accès à cette décision. Il convient que la décision mentionne les circonstances qui ont conduit à ce choix et indique les motifs du retrait;
5.6.3. que la décision de retirer les enfants est une décision de dernier ressort et ne s’applique que pendant la période nécessaire;
5.6.4. que les frères et sœurs sont placés ensemble dans tous les cas où un tel placement n’est pas contraire à leur intérêt supérieur;
5.6.5. que les enfants, dans la mesure où cela sert leur intérêt supérieur, sont placés au sein du cercle familial élargi en vue de minimiser la rupture de leurs liens familiaux;
5.6.6. que le fait de réunir la famille et/ou d’avoir accès à la famille est pris en considération à intervalle régulier, selon le cas, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son point de vue;
5.6.7. que les visites et les contacts sont planifiés de façon à maintenir le lien familial et en vue de la réunification, sauf si c’est manifestement inapproprié;
5.6.8. que toutes les procédures sont menées en toute indépendance, avec égalité de moyens pour les deux parties et parité entre les ressources disponibles de la famille et du système de protection de l’enfance;
5.6.9. que les aspects religieux, ethniques et culturels ainsi que les liens avec la fratrie sont pris en compte lors d’un placement;
5.7. garantir que les contrôles et contrepoids appropriés sont intégrés dans le système de protection de l’enfance, en incluant des audits réguliers ainsi qu’un contrôle parlementaire, si nécessaire.