Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2235 (2018)
L’autonomisation des femmes dans l’économie
1. Malgré les progrès notables obtenus
ces dernières décennies, les inégalités entre les femmes et les hommes
persistent encore dans les États membres du Conseil de l’Europe
et au-delà, de manière particulièrement évidente dans l’économie.
2. Ces inégalités de genre se manifestent dans l’économie sous
des formes variées, dont les difficultés que rencontrent les femmes
dans l’accès au marché du travail et dans la progression de leur
carrière, particulièrement aux fonctions supérieures (plafond de
verre). Les disparités injustifiées de rémunération (fossé salarial)
sont une forme flagrante de discrimination entre les sexes sur le
marché du travail.
3. Les femmes sont sous-représentées dans les fonctions d’encadrement
et surreprésentées dans les emplois hors norme, à temps partiel
et précaires, généralement moins ouverts sur le développement professionnel
et l’avancement de carrière. On constate également des différences
entre les femmes et les hommes parmi les travailleurs indépendants
et les entrepreneurs: les hommes sont plus de 50 % plus nombreux
que les femmes à exercer une activité indépendante, et le fossé
se creuse avec la taille de l’entreprise.
4. La segmentation de l’économie en fonction du genre contribue
aussi aux disparités, car les rémunérations sont tendanciellement
inférieures parmi les activités à dominante féminine, telles que l’éducation,
l’action sociale et les soins. Les femmes sont particulièrement
sous-représentées dans les disciplines STIM (sciences, technologie,
ingénierie et mathématiques), où les opportunités de développement professionnel
et d’emploi sont meilleures.
5. L’Assemblée parlementaire a systématiquement prôné l’égalité
entre les femmes et les hommes dans l’économie par différentes mesures
comme les actions positives (quotas de femmes dans les conseils d’administration,
mesures de conciliation entre vie professionnelle et familiale),
et avec des textes comme la Résolution 1719
(2010) et la Recommandation 1911
(2010) sur les femmes et la crise économique et financière,
la Résolution 1825 (2011) et
la Recommandation 1977
(2011) «Davantage de femmes dans les instances de décision
économiques et sociales», la Résolution 1921
(2013) «Égalité des sexes, conciliation vie privée-vie
professionnelle et coresponsabilité», ainsi que la Résolution 1939 (2013) «Le
congé parental, moyen d’encourager l’égalité des sexes».
6. La situation s’est améliorée dans certains États membres du
Conseil de l’Europe grâce à une pluralité de mesures allant de la
discrimination positive à des efforts de conciliation de la vie
privée et de la vie professionnelle, avec notamment des horaires
flexibles et le congé parental. Les actions de sensibilisation,
de formation et d’éducation tout au long de la vie ont aussi contribué
à cette amélioration, qui reste toutefois lente et ne touche pas
tous les pays au même degré.
7. L’expérience des sociétés plus égalitaires dans ce domaine
montre que l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’économie
conditionne les progrès dans d’autres domaines, dont la vie publique
et politique. Aussi l’Assemblée considère-t-elle que la maternité
doit être soutenue et protégée dans l’espace professionnel, et ne
doit pas être considérée comme un obstacle au déroulement de carrière
d’une femme. L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes
dans la sphère économique est essentielle pour la société.
8. L’Assemblée constate avec inquiétude que les inégalités au
travail ont de graves répercussions sur le bien-être économique
des femmes, non seulement dans l’immédiat, mais aussi à plus longue
échéance, du fait que les bas salaires, l’emploi précaire et les
possibilités limitées d’avancement de carrière se conjuguent au
fil du temps et se traduisent par un patrimoine et une retraite
bien inférieurs. Elle observe que les diverses manifestations de
la discrimination entre les femmes et les hommes dans l’économie
sont interconnectées et liées aux inégalités de genre au sein du
foyer. Il conviendrait de ne jamais perdre de vue cette interconnexion dans
l’analyse des diverses formes d’inégalité et dans la recherche des
contre-mesures possibles.
9. L’Assemblée estime que l’éducation a un rôle crucial à jouer
dans la lutte contre les facteurs culturels qui entravent la participation
des femmes à la vie économique, particulièrement les stéréotypes
restreignant la liberté des femmes dans le choix des études et d’une
carrière, et leur attribuant une part disproportionnée des tâches
non rémunérées, qu’elles soient ménagères ou de soins aux personnes.
Il serait aussi possible de lutter contre la ségrégation sur le
marché du travail par la formation et l’éducation tout au long de
la vie. Les femmes et les filles devraient en particulier être fortement
encouragées à étudier les disciplines STIM, eu égard à l’importance
croissante de ces matières et au déséquilibre actuellement observé
dans ce domaine.
10. Considérant ce qui précède, l’Assemblée appelle les États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe, et les États dont
le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. en ce qui concerne les salariées:
10.1.1. à encourager les entreprises publiques et privées à adopter
des politiques visant à renforcer l’équilibre entre femmes et hommes,
et l’égalité des chances au travail, par des politiques de gestion
des ressources humaines couvrant des domaines tels que le recrutement, la
formation et l’avancement professionnel;
10.1.2. à exiger que les entreprises publiques et privées adoptent
des politiques de transparence des salaires, en rendant publics
les barèmes de rémunération par secteur et type d’emploi, en vue
de garantir l’application du principe de l’égalité de salaire à
égalité de travail;
10.1.3. à envisager l’introduction d’un système de certification
attestant du fait que le régime de rémunération d’une entreprise
n’est pas discriminatoire, notamment entre les femmes et les hommes;
10.1.4. à reconnaître que la maternité et la parentalité constituent
des contributions essentielles et positives pour la société, qui
ne devraient pas être considérées d’un point de vue négatif ni en aucune
manière comme un obstacle au déroulement de carrière, en adoptant
une législation et des politiques prévoyant des mesures de conciliation
de la vie professionnelle et privée, dont des formules de travail
flexibles (travail à temps partiel, télétravail, horaires flexibles),
ainsi que des congés parentaux attrayants;
10.1.5. à proposer des services financièrement abordables de garde
d’enfants de tous âges et à encourager les entreprises à faire de
même;
10.1.6. à mettre en place des mesures incitatives en matière de
garde d’enfants, comme des déductions fiscales ou des chèques de
garde d’enfants;
10.1.7. à promouvoir, notamment par des incitations financières
et fiscales, des politiques d’entreprises encourageant les femmes
à reprendre le travail après un congé de maternité, y compris par
la formation et l’orientation professionnelles;
10.2. en ce qui concerne les femmes ayant des fonctions directoriales,
à introduire des quotas de 30 % ou plus de sièges réservés au sexe
sous-représenté au sein des organes de direction, assortis de sanctions
financières et non financières telles que la révocation de l’ensemble
du conseil dans les cas graves de non-respect;
10.3. en ce qui concerne les femmes entrepreneures:
10.3.1. à
promouvoir l’accès des femmes à des financements pour la création
d’entreprises et à la propriété foncière, notamment par des crédits
spéciaux à taux d’intérêt réduit;
10.3.2. à offrir aux femmes des possibilités de formation et des
conseils gratuits ou à prix abordable en matière de création d’entreprises,
spécialement conçus à leur intention;
10.3.3. à encourager les programmes de mentorat et d’accompagnement
des femmes entrepreneures, et à améliorer l’égalité entre les femmes
et les hommes au sein des pépinières d’entreprises;
10.4. en ce qui concerne les mères, à envisager de prendre en
compte les tâches ménagères et de soins non rémunérées dans le système
de retraite, de manière à garantir une couverture financière adéquate
pour les femmes et les hommes qui assument des responsabilités de
soins aux personnes;
10.5. en ce qui concerne l’éducation:
10.5.1. à introduire
dans les programmes scolaires des cours d’éducation à la citoyenneté mettant
particulièrement l’accent sur l’égalité de genre, fondés sur une
approche holistique englobant l’égalité entre femmes et hommes dans
la vie privée et publique, y compris en ce qui concerne l’éducation
et la participation dans la vie professionnelle;
10.5.2. à dispenser au personnel enseignant et non enseignant
des établissements scolaires des formations sur les questions de
genre et d’égalité, en vue de lutter contre les stéréotypes sexistes
dans l’éducation, notamment en ce qui concerne l’orientation scolaire
et professionnelle;
10.5.3. à inciter les jeunes filles, par des actions d’orientation
organisées tout au long de leur formation scolaire et universitaire,
à opter pour les disciplines STIM;
10.5.4. à encourager les établissements d’enseignement scolaire
et universitaire à rechercher de nouveaux modes de recrutement des
élèves et des étudiants dans les disciplines STIM, pour y améliorer
l’équilibre entre les sexes;
10.5.5. à promouvoir l’égalité d’accès des femmes et des hommes
aux technologies de l’information et de la communication ainsi qu’à
la formation tout au long de la vie dans ce domaine;
10.5.6. à introduire dans les programmes scolaires d’économie
et de finance la connaissance des instruments législatifs et financiers
qui permettent aux femmes de mieux s’intégrer dans la vie économique
et qui assurent l’égalité entre les femmes et les hommes;
10.6. en ce qui concerne l’information et la sensibilisation,
à encourager l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation
afin de lutter contre les stéréotypes de genre, en particulier dans
le monde du travail, en s’appuyant notamment sur des modèles et
des témoignages pertinents;
10.7. en ce qui concerne la collecte de données, à promouvoir
la collecte et l’analyse de données sur les effets des pratiques
de gestion innovantes visant à l’égalité entre les femmes et les
hommes.