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Résolution 2236 (2018)

Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 9 octobre 2018 (31e séance) (voir Doc. 14583, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Liliane Maury Pasquier). Texte adopté par l’Assemblée le 9 octobre 2018 (31e séance).

1. Rappelant sa Résolution 2202 (2018) «Le processus de paix israélo-palestinien: le rôle du Conseil de l’Europe», l’Assemblée parlementaire réitère son soutien à une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien, sur la base des frontières de 1967. L’Assemblée est convaincue que les deux parties au conflit et la communauté internationale (dont le Conseil de l’Europe et son Assemblée) doivent œuvrer ensemble pour surmonter les obstacles au processus de paix.
2. L’un des obstacles au processus de paix est le durcissement des attitudes des deux parties, au détriment, plus particulièrement, des enfants et des jeunes générations. Dans sa Résolution 2204 (2018) «Protéger les enfants touchés par des conflits armés», l’Assemblée souligne l’importance d’éduquer les enfants et les jeunes qui ont vécu des conflits armés traumatisants aux approches non violentes pour mettre fin aux agressions et aux conflits, de manière à leur apprendre à résister à la transmission transgénérationnelle de la violence et à leur permettre de grandir dans une culture de dialogue constructif.
3. L’Assemblée a toujours fait de la défense des droits humains, en particulier des droits de l’enfant (0-18 ans), une priorité. Dans sa Résolution 2010 (2014) «Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité», elle a réitéré son soutien aux Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, qui prennent en considération les besoins bien particuliers des enfants lorsqu’ils ont affaire à la justice. L’Assemblée est l’une des rares structures qui combine une expertise sur les droits de l’enfant et le Proche-Orient avec une large représentation parlementaire.
4. Mettre le droit et la pratique en conformité avec les normes relatives aux droits humains qui définissent la justice pour les enfants aux niveaux européen et international non seulement sert l’intérêt supérieur de l’enfant – qui est une considération primordiale – mais c’est aussi une solution moins coûteuse et plus à même de garantir la sécurité publique et d’aider les jeunes à réaliser leur potentiel. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, une telle initiative faciliterait aussi le processus de paix car le traitement des mineurs palestiniens dans le système de justice israélien ternit l’image d’Israël en tant qu’État démocratique qui respecte les droits humains et l’État de droit. Cependant, tout en regrettant vivement l’absence de progrès dans la résolution du conflit sous-jacent, l’Assemblée ne souhaite pas prendre position dans ce conflit, mais uniquement prendre le parti des enfants, sur la base du droit et des normes internationales et européennes.
5. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et la vaste majorité des organisations non gouvernementales (ONG) (internationales, palestiniennes et israéliennes), les mauvais traitements des mineurs palestiniens dans le système de détention militaire israélien sont répandus, systématiques et institutionnalisés tout au long de la procédure, dès l’arrestation du mineur jusqu’aux poursuites et à l’éventuelle condamnation et exécution de la peine. Le système israélien de justice militaire ne respecte pas non plus les normes applicables aux enfants en ce qui concerne l’application régulière de la loi. Bien que le comportement criminel de certains mineurs palestiniens doive être fermement condamné, personne, et surtout pas un enfant, ne doit être déchu de ses droits humains, quoi qu’il ait fait, et rien ne justifie les mauvais traitements infligés à un enfant.
6. L’Assemblée appelle donc les autorités israéliennes à travailler avec l’UNICEF, le Comité international de la Croix-Rouge, la société civile et tous les acteurs pertinents afin de modifier, le cas échéant, les lois, la pratique et les attitudes de manière à pleinement protéger les droits des enfants palestiniens dans le système de justice israélien. L’Assemblée est prête à aider la Knesset et les autorités palestiniennes à cette fin. En particulier, l’Assemblée recommande:
6.1. d’appliquer pleinement les dispositions du droit international relatif aux droits de l’enfant (notamment les enfants en conflit avec la loi) et de déployer des efforts pour appliquer les normes les plus élevées du Conseil de l’Europe figurant dans ses Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants, faisant ainsi réellement de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale;
6.2. d’étudier minutieusement chaque cas individuel avant toute intervention, pour s’assurer que l’arrestation, la garde à vue ou l’emprisonnement d’un enfant est réellement nécessaire, dans le respect des dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE), qui prévoit que l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant est une mesure qui ne doit être prise qu’en dernier ressort et pour la durée appropriée la plus brève possible;
6.3. d’éviter les arrestations (ou convocations) d’enfants la nuit à leur domicile et les interrogatoires de nuit;
6.4. de limiter au minimum le menottage et la fouille au corps des enfants, et d’interdire de leur bander les yeux ou de leur recouvrir le visage d’une capuche;
6.5. d’avertir les parents sans délai de toute arrestation, des motifs de celle-ci et du lieu où l’enfant est détenu;
6.6. de mettre fin à toutes les formes d’abus physiques, psychologiques ou autres des enfants pendant l’arrestation, le transit et les périodes d’attente – ainsi que pendant les interrogatoires eux-mêmes – (notamment les tactiques coercitives pour obliger les mineurs à avouer ou à signer des aveux dans une langue qu’ils ne comprennent pas), et de prendre des mesures pour prévenir ces abus;
6.7. de rendre obligatoires les enregistrements audiovisuels de tous les interrogatoires et d’informer les enfants de leurs droits dans une langue et d’une manière qu’ils comprennent pour qu’ils puissent exercer effectivement leurs droits, notamment le droit de garder le silence et de s’entretenir avec un avocat avant les interrogatoires;
6.8. de réviser les règles relatives aux interrogatoires afin de les rendre compatibles avec les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, et de revoir les conditions dans lesquelles la remise en liberté sous caution est octroyée et la négociation de plaidoyer est menée pour les rendre compatibles avec la CIDE;
6.9. de ne placer aucun enfant en rétention administrative ni en isolement pour quelque raison que ce soit;
6.10. de placer les enfants palestiniens dans des locaux situés dans les Territoires palestiniens occupés et de respecter pleinement les droits de visite des membres de leur famille dans la pratique;
6.11. de mettre en place un système de contrôle effectif pour empêcher et sanctionner les mauvais traitements infligés aux enfants palestiniens dans le système de justice israélien, en garantissant une réparation et une indemnisation adéquate aux enfants victimes de mauvais traitements, et en mettant fin à l’impunité des auteurs de tels actes.
7. L’Assemblée appelle Israël à augmenter l’âge de la responsabilité pénale des enfants à 14 ans au moins pour tous les enfants relevant de sa juridiction, conformément à la Résolution 2010 (2014).
8. L’Assemblée appelle les autorités israéliennes et palestiniennes à éduquer les enfants et les jeunes de leurs communautés respectives à des approches non violentes pour mettre fin aux agressions et aux conflits en vue de donner un nouvel élan au processus de paix.