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Résolution 2239 (2018)
Vie privée et familiale: parvenir à l'égalité quelle que soit l'orientation sexuelle
1. Le droit au respect de la vie privée
et familiale est un droit fondamental, garanti par l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
Bien que ce droit revête la même importance pour tous, les progrès
vers la réalisation de l’égalité, quelle que soit l’orientation
sexuelle, ont souvent été plus lents dans ce domaine que dans d'autres.
2. Les couples de même sexe tout comme d’autres familles arc-en-ciel
existent dans toute l’Europe, que la législation les reconnaisse
ou pas. Ces familles ont les mêmes besoins que n’importe quelle
autre famille, et, pourtant, de nombreuses familles sont privées
de leurs droits au seul motif de l’orientation sexuelle ou de l’identité
de genre des partenaires ou des parents. Il est essentiel et urgent
que nos systèmes juridiques reconnaissent cette réalité et que les
États s’emploient à surmonter la discrimination dont sont victimes
des adultes et des enfants des familles arc-en-ciel.
3. Depuis que l’Assemblée parlementaire a examiné ces questions
pour la dernière fois dans sa Recommandation 1474 (2000) sur
la situation des lesbiennes et des gays dans les États membres du
Conseil de l'Europe, et dans sa Résolution 1728 (2010) sur la discrimination
sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre,
et depuis que le Comité des Ministres a adopté sa Recommandation CM/Rec(2010)5 sur des
mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle ou l’identité de genre, la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme a considérablement évolué et des progrès importants
ont été réalisés dans les États membres sur la voie d’une plus grande
égalité des familles arc-en-ciel. Ces développements éclairent d’un
jour nouveau l’ampleur des efforts que les États membres doivent consentir
pour parvenir à l’égalité dans le domaine de la vie privée et familiale,
indépendamment de l’orientation sexuelle.
4. À la lumière de ce qui précède, et ayant également à l’esprit
les recommandations pertinentes formulées dans sa Résolution 2048 (2015) sur
la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe
et sa Résolution 2191 (2017) «Promouvoir
les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des
personnes intersexes», ainsi que les recommandations faites dans
ce domaine par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe et de nombreux organes conventionnels des Nations Unies,
l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
4.1. à veiller à l’application sans
discrimination aucune fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de
genre de leurs dispositions constitutionnelles, législatives et
réglementaires, et de leurs politiques régissant les droits des
partenaires, des parents et des enfants, en éliminant toute différence
de traitement injustifiée fondée sur ces motifs;
4.2. à s’abstenir d’adopter des modifications de leur Constitution
qui empêcheraient la reconnaissance du mariage entre personnes de
même sexe ou d’autres formes de familles arc-en-ciel, et de laisser
au législateur ou à la juridiction suprême le soin de trancher ces
questions;
4.3. à aligner leurs dispositions constitutionnelles, législatives
et réglementaires, et leurs politiques relatives aux partenaires
de même sexe, sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme dans ce domaine, et par conséquent:
4.3.1. à
assurer qu’un cadre juridique spécifique prévoit la reconnaissance
et la protection des unions de partenaires de même sexe;
4.3.2. à accorder aux couples de même sexe des droits égaux à
ceux des couples hétérosexuels en matière de transmission de bail;
4.3.3. à faire en sorte que les concubins de même sexe, quel
que soit le statut juridique de leur partenariat, soient considérés
comme des personnes à charge aux fins de l'assurance maladie;
4.3.4. dans le traitement des demandes de permis de séjour introduites
au titre du regroupement familial, à faire en sorte, dans le cas
où le mariage de personnes de même sexe n’est pas prévu, qu’il existe
une autre manière permettant au partenaire de même sexe non ressortissant
du pays d’obtenir un titre de séjour;
4.4. à veiller à la satisfaction, sans discrimination aucune
fondée sur l’orientation sexuelle, des autres besoins fondamentaux
indispensables au bon fonctionnement d’une relation de couple stable
et engagée, et par conséquent:
4.4.1. en ce qui concerne
les migrations, à étendre le droit de séjour aux partenaires de
même sexe, sur un pied d'égalité avec les partenaires hétérosexuels,
et à accorder une reconnaissance égale aux partenariats homosexuels
dans le contexte des demandes de naturalisation;
4.4.2. en ce qui concerne les situations nécessitant des soins
médicaux, à reconnaître les partenaires de même sexe en tant que
proches parents à des fins médicales et à leur accorder le droit
au congé spécial pour s’occuper d'un partenaire malade ou du parent
malade d'un partenaire, sans discrimination fondée sur l'orientation
sexuelle;
4.4.3. en ce qui concerne les biens, à prendre en compte les
biens acquis par un couple de même sexe au cours de leur relation
en tant que biens communs, sans discrimination fondée sur l'orientation
sexuelle;
4.4.4. en matière de droit pénal, à veiller à l'applicabilité
de la protection légale contre la violence domestique et à garantir
le droit de refuser de témoigner contre son partenaire dans des procédures
pénales, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.5. en ce qui concerne les séparations, à assurer aux couples
de même sexe l'applicabilité des règles relatives aux pensions alimentaires,
sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.6. en matière de décès et d'héritage, à étendre aux couples
de même sexe l’accès à la pension de réversion, le droit à indemnisation
en cas d’homicide d’un partenaire résultant d’un acte délictueux
ainsi que le droit héréditaire en cas de décès ab intestat d’un partenaire, et
à accorder l’exemption des droits de succession aux couples de même
sexe, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.5. à protéger les droits des parents et des enfants des familles
arc-en-ciel, sans discrimination aucune fondée sur l'orientation
sexuelle ou sur l’identité de genre, et par conséquent:
4.5.1. conformément
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,
à veiller à accorder tous les droits en matière d’autorité parentale,
d’adoption monoparentale, d'adoption simple ou par le second parent,
sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou sur l’identité
de genre;
4.5.2. à prévoir la possibilité d’adoption conjointe par des
couples de même sexe, sans discrimination fondée sur l'orientation
sexuelle;
4.5.3. à étendre la reconnaissance automatique de la coparentalité
au partenaire de même sexe de la personne ayant accouché d’un enfant
dans tous les cas où cette reconnaissance serait accordée au conjoint
masculin d’une mère;
4.5.4. lorsque les femmes célibataires ont accès à la procréation
médicalement assistée, à veiller à ce que cet accès soit accordé
sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l’identité
de genre;
4.5.5. lorsque les couples hétérosexuels non mariés ont accès
à la procréation médicalement assistée, à veiller à ce que cet accès
soit accordé aux couples de même sexe;
4.6. outre les recommandations déjà adoptées par l’Assemblée
dans ses Résolution 2048 (2015) et Résolution 2191 (2017) concernant
les effets de la reconnaissance juridique du genre des personnes transgenres
et intersexes sur leur accès à la possibilité de conclure un partenariat
civil ou un mariage, ou de rester dans une telle relation, et des
droits des conjoints et des enfants, à veiller à ce que l’identité de
genre des parents transgenres soit correctement enregistrée sur
l’acte de naissance de leurs enfants et à veiller à ce que les personnes
qui utilisent des marqueurs de genre légaux autres que «masculin» ou
«féminin» puissent faire reconnaître leurs partenariats et leurs
relations avec leurs enfants sans discrimination;
4.7. à s’employer activement, en consultation avec la société
civile, à promouvoir l’acceptation et le respect des familles arc-en-ciel
au sein de nos sociétés.
5. L’Assemblée précise que l’intolérance qui peut exister dans
la société envers l’orientation sexuelle ou l’identité de genre
de certaines personnes ne saurait justifier la perpétuation de traitements
discriminatoires, car cela sert, de manière inacceptable, à légitimer
des violations des droits de l'homme. Les États doivent, bien au
contraire, œuvrer avec détermination pour combattre les préjugés
qui favorisent la persistance de telles discriminations, afin de
s'acquitter de la responsabilité qui leur incombe de protéger et
de promouvoir les droits fondamentaux de toutes les personnes relevant
de leur juridiction, et d'éliminer la discrimination fondée sur tous
les motifs, y compris l'orientation sexuelle et l’identité de genre.