Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2240 (2018)
L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États membres, y compris aux «zones grises»
1. L’Assemblée parlementaire note
avec préoccupation les discours prononcés par M. Zeid Ra’ad Al Hussein,
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, lors des
33e, 35e et
38e sessions du Conseil des droits de
l’homme des Nations Unies, dans lesquels il a attiré l’attention
sur les difficultés auxquelles se heurtent ses propres services
et d’autres organes de suivi des droits de l’homme des Nations Unies
pour obtenir l’accès au territoire de nombreux États, dont certains
États membres du Conseil de l’Europe. Elle rappelle que les organes
de suivi du Conseil de l’Europe ont rencontré des problèmes similaires, souvent
à propos des mêmes situations ou des mêmes zones géographiques.
2. L’Assemblée réaffirme les obligations juridiques faites aux
États membres du Conseil de l’Europe de coopérer pleinement et de
bonne foi avec les mécanismes internationaux de suivi des droits
de l’homme, y compris ceux du Conseil de l’Europe et des Nations
Unies, dont ils ont accepté les mandats, conformément aux conditions
et procédures établies des organes concernés. Elle déplore tous
les cas de manquement des États à coopérer avec les mécanismes internationaux
de suivi des droits de l’homme et insiste sur le fait que tout État
membre concerné devrait prendre part sans tarder à une coopération
complète et inconditionnelle. Elle soutient sans réserve les efforts
des organes concernés pour exercer leur mandat.
3. L’Assemblée estime que les activités des organes de suivi
des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous
le contrôle d’autorités de fait, y compris leurs contacts avec ces
autorités et les visites des territoires en question, ne constituent
pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance en
droit international de la légitimité de ces autorités. Elle considère
cependant que l’exercice d’une autorité de fait s’accompagne d’un
devoir de respect des droits de tous les habitants du territoire
en question, tout comme ces droits seraient respectés par les autorités
de l’État dont fait partie ce territoire; la présomption illégitime
de l’exercice des pouvoirs de l’État doit elle-même s’accompagner
de la présomption de la charge des responsabilités correspondantes
de l’État à l’égard de ses habitants. Ces responsabilités comportent l’obligation
de coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits
de l’homme. L’Assemblée appelle également les États qui exercent
un contrôle effectif sur les territoires où exercent des autorités
de fait à user de leur influence pour permettre aux organes internationaux
de défense des droits de l’homme d’assurer un suivi effectif.
4. L’Assemblée se félicite des situations dans lesquelles les
organes de suivi du Conseil de l’Europe et des Nations Unies ont
eu accès à des «zones grises» (c’est-à-dire aux territoires des
États qui relèvent du mandat de ces organes et qui sont sous le
contrôle d’autorités de fait). Elle souligne que cette activité
exige une attitude constructive de la part des autorités centrales
de droit comme des autorités locales de fait: plus particulièrement,
les premières doivent permettre l’établissement d’un dialogue satisfaisant
entre l’organe de suivi et les autorités locales de fait, et les
dernières doivent accepter que les visites de suivi soient effectuées en
pleine conformité avec le mandat de l’organe de suivi compétent.
L’Assemblée se félicite donc tout spécialement des visites effectuées
par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe
en Transnistrie et en Abkhazie, et elle encourage les autorités
de fait respectives, ainsi que les autorités légitimes de la République
de Moldova et de la Géorgie, d’œuvrer en faveur de la reprise du
suivi du CPT dans ces territoires. Elle encourage également les
autorités de fait d’Ossétie du Sud à coopérer avec le CPT. L'Assemblée
se félicite de la volonté des «zones grises» qui ont coopéré avec
le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et
d'autres mécanismes internationaux de surveillance des droits de
l'homme visant à mieux protéger les droits de l'homme dans les zones
de conflit.
5. L’Assemblée soutient par ailleurs les efforts d’autres organes
de suivi pour examiner la situation des territoires dont l’accès
leur a été refusé ou autorisé uniquement à des conditions qui seraient
politiquement inacceptables ou incompatibles avec leur mandat. Elle
salue l’action menée par le Comité consultatif du Conseil de l'Europe
pour la protection des minorités nationales en vue d’examiner la
situation en Crimée à la suite de son annexion illégale par la Fédération
de Russie, bien que n’ayant pu avoir accès à la péninsule de Crimée.
Elle souligne toutefois que de telles actions, bien que présentant
un intérêt, ne sauraient se substituer pleinement à un suivi exercé
en pleine conformité avec le mandat de l’organisme compétent, y
compris le cas échéant à des visites d’enquête.
6. L’Assemblée est favorable à une approche dans laquelle les
États sont présumés avoir consenti aux visites effectuées par les
organes de suivi des droits de l’homme dans des circonstances où
il existe des raisons de penser que de graves violations des droits
de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine ont été commises,
telles que des menaces de mort, des actes de torture, des traitements
inhumains ou dégradants, ou des refus de satisfaire à des besoins
humanitaires essentiels. Cette présomption pourrait être mise en
pratique en autorisant les États à la réfuter dans des circonstances
exceptionnelles, par exemple lorsqu’un refus d’accès s’avère indispensable
pour des raisons ayant trait à la défense nationale, à la sûreté publique
ou à de graves troubles publics locaux. Il appartiendrait cependant
à l’État de soulever cette objection après avoir été informé par
un organe de suivi de son intention d’effectuer une visite dans
des circonstances qui emportent présomption de consentement.
7. L’Assemblée se félicite de la coopération actuellement bien
établie entre les organes de suivi des droits de l’homme du Conseil
de l’Europe et des Nations Unies en vue de développer au mieux l’impact,
l’efficience et l’efficacité de leurs activités respectives, en
profitant réciproquement de leurs connaissances, de leur expérience
et de leur expertise. Elle encourage toutes les initiatives qui
visent à renforcer cette coopération à l’avenir.