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Rapport | Doc. 14665 | 19 novembre 2018

Pour une population active intégrant les personnes handicapées

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Adão SILVA, Portugal, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc 14358, Renvoi 4321 du 13 octobre 2017. 2019 - Première partie de session

Résumé

Dans toute l'Europe, les personnes handicapées se heurtent à de nombreux obstacles pour accéder et participer au marché du travail. Le manque d'accessibilité, la discrimination et les stéréotypes négatifs sur leur niveau de compétences entravent leur participation au marché du travail. De plus, les employeurs sont trop souvent réticents à proposer des aménagements raisonnables. Des mesures ont été prises ces dernières années dans les États membres du Conseil de l'Europe pour s'attaquer à ce problème. Cependant, le taux d'emploi des personnes handicapées reste insatisfaisant.

La pleine inclusion des personnes handicapées commence par l'inclusion dans les écoles ordinaires. La sensibilisation à la valeur ajoutée du recrutement de personnes handicapées est essentielle pour susciter un changement de mentalité à long terme. Accompagner les personnes handicapées lors de la recherche d'un emploi est également important pour garantir la prise en compte des vulnérabilités.

L’Assemblée parlementaire devrait appeler à la mise en œuvre des principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et demander la mise en place d’un environnement de travail inclusif, accessible et sûr pour les personnes handicapées afin de leur permettre de travailler dans des conditions équitables et de bénéficier de l’égalité des chances. Des progrès tangibles peuvent être réalisés si une forte volonté politique d'intégrer les personnes handicapées au marché du travail se traduit par des actions concrètes et si des ressources financières suffisantes sont allouées à cette fin.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 octobre
2018.

(open)
1. Dans toute l’Europe, les personnes handicapées rencontrent de multiples obstacles pour accéder et participer au marché du travail. Le manque d’accessibilité, les préjugés sur les niveaux de compétences, la discrimination et la réticence des employeurs à prévoir des aménagements raisonnables entravent l’intégration dans la population active. L’Assemblée parlementaire est convaincue qu’il est temps de lutter contre les attitudes, les pratiques et les stéréotypes négatifs, de mettre fin au mythe selon lequel les personnes handicapées ne peuvent pas travailler aussi efficacement que les autres et de mettre l’accent sur les capacités plutôt que sur le handicap.
2. Diverses mesures ont été prises ces dernières années dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe pour augmenter la participation des personnes handicapées au marché du travail. Cependant, de nombreux obstacles demeurent et le taux d’emploi des personnes handicapées dans le secteur public comme dans le secteur privé est peu satisfaisant.
3. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par 46 des 47 États membres du Conseil de l’Europe, énonce le principe fondamental d’inclusion des personnes handicapées dans la société. La vision holistique de l’inclusion promue par la Convention dépend de l’intégration dans le système éducatif ordinaire et de l’intégration sur le marché du travail. La Convention reconnaît, en son article 27, le droit des personnes handicapées de travailler sur la base de l’égalité avec les autres et l’obligation d’apporter des aménagements raisonnables.
4. La promotion d’une population active intégrant les personnes handicapées comprend la prévention et la lutte contre la discrimination envers elles dans l’accès à l’emploi et sur le lieu de travail. La législation de lutte contre la discrimination doit être effectivement mise en œuvre. Dans l’esprit de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le fait de ne pas prévoir d’aménagements raisonnables tels que l’adaptation de l’équipement, la modification de la description de poste, des horaires de travail et de l’organisation de celui-ci, et l’adaptation de l’espace de travail peut être qualifié de discrimination.
5. L’Assemblée renouvelle sa demande d’élaboration de politiques favorisant l’emploi des personnes handicapées, qui figure dans sa Résolution 2039 (2015) «Égalité et insertion des personnes handicapées». De plus, elle soutient pleinement la Stratégie du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 2017-2023 qui appelle les organes du Conseil de l’Europe, les États membres et les autres parties prenantes à chercher à promouvoir l’égalité et la non-discrimination de toutes les personnes handicapées, en particulier grâce à un système d’éducation inclusif et à la mise en place d’initiatives de formation, de communication et d’emploi.
6. La participation des personnes handicapées à la population active est une condition de leur pleine inclusion dans la société. L’Assemblée est convaincue que des progrès tangibles peuvent être obtenus sur le plan de la participation des personnes handicapées à la population active si la volonté politique se traduit en actions concrètes et que des ressources financières suffisantes sont attribuées à cette fin.
7. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à s’engager à faire de l’inclusion des personnes handicapées une priorité en adoptant de vastes plans d’action nationaux sur le handicap, lorsque cela n’est pas déjà fait, et en attribuant des ressources financières suffisantes pour leur mise en œuvre;
7.2. à appliquer la législation sur la prévention et la lutte contre la discrimination dans l’accès au travail et dans l’emploi, et à adopter des dispositions spécifiques sur la non-discrimination en raison du handicap, si cela n’est pas déjà fait;
7.3. à veiller à ce que les transports publics et les bâtiments publics soient accessibles;
7.4. à dispenser une éducation inclusive et à permettre aux enfants handicapés d’accéder aux écoles ordinaires, en leur apportant une aide spécifique si besoin;
7.5. à mener ou à soutenir des activités de sensibilisation sur la valeur ajoutée et les résultats positifs de la participation des personnes handicapées à la population active dans le but de lutter contre les préjugés;
7.6. à créer un environnement de travail inclusif, accessible et sûr pour les personnes handicapées afin de leur permettre de travailler dans des conditions équitables et de bénéficier de l’égalité des chances, comme cela est énoncé dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées;
7.7. à investir dans des programmes spécifiques sur l’accès aux stages et au premier emploi des personnes handicapées afin de leur permettre d’acquérir de l’expérience professionnelle;
7.8. à encourager la création de services de ressources humaines spécifiques ou de fondations offrant un soutien personnalisé et réalisant des projets visant à accroître l’employabilité des personnes handicapées et les accompagner dans le développement de leur potentiel;
7.9. à prévoir des incitations financières pour les entreprises afin qu’elles rendent les espaces de travail accessibles et qu’elles proposent aux managers et aux éventuels collègues de travail une formation sur les environnements de travail prenant en compte la question du handicap;
7.10. à protéger les personnes handicapées contre la vulnérabilité sur le marché du travail en offrant un soutien spécialisé, y compris d’ordre financier, tant aux personnes qui ont un travail qu’à celles qui recherchent un emploi;
7.11. à mettre sur pied un programme spécifique, s’il n’en existe pas encore, pour permettre la réintégration de personnes devenues handicapées alors qu’elles avaient déjà un emploi;
7.12. à accroître les investissements dans les technologies d’assistance pour les personnes handicapées;
7.13. à recueillir des données sur l’emploi des personnes handicapées ventilées par sexe, par âge et par type de handicap de façon à adapter les mesures à prendre aux situations existantes;
7.14. à envisager de créer des prix ou des labels pour récompenser les entreprises ou les administrations qui ont une attitude volontariste vis-à-vis du recrutement des personnes handicapées et qui œuvrent en faveur d'un environnement de travail tenant compte du handicap.
8. L’Assemblée demande aux parlements nationaux de garantir l’accessibilité de leurs locaux et les encourage à donner l’exemple s’agissant de l’emploi de personnes handicapées.
9. L’Assemblée salue le rôle essentiel que jouent les organisations non gouvernementales dans la promotion de la participation des personnes handicapées au marché du travail et demande à ce que ces organisations soient soutenues financièrement.

B. Exposé des motifs, par M. Adão Silva, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Dans toute l’Europe, les personnes handicapées rencontrent de multiples obstacles pour accéder et participer au marché du travail. Les préjugés sur leur niveau de compétences se traduisent par une attitude négative des employeurs potentiels qui ne sont pas systématiquement disposés à adapter les lieux de travail et les descriptions de postes afin de permettre leur embauche. La peur d’être victime de discrimination au cours de la procédure de recrutement ou une fois embauché maintient également certaines personnes en situation de handicap éloignées du marché du travail. De nombreux lieux de travail ne sont pas accessibles aux personnes handicapées et le manque de financement est souvent invoqué pour ne pas entreprendre les travaux nécessaires. Les conditions ne sont d’une manière générale pas favorables à l’emploi des personnes handicapées. Il y a bien trop de personnes handicapées au chômage qui ne bénéficient d’aucun soutien spécifique pour entrer ou retourner sur le marché du travail. Promouvoir une population active intégrant le handicap revient à prévenir et lutter contre la discrimination envers les personnes handicapées. Cela se traduit par la mise en œuvre d’actions spécifiques pour faire de l’inclusion des personnes handicapées une réalité.
2. L’article 27 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées prévoit l’obligation pour les États Parties de reconnaître le droit des personnes handicapées de travailler sur un pied d’égalité avec les autres. Ce droit comprend l’obligation de créer un «environnement favorable et propice à l’emploi, tant dans le secteur public que privé» 
			(2) 
			<a href='https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Disability/A.HRC.22.25_French.pdf'>Étude
thématique sur le travail et l’emploi des personnes handicapées</a>,
Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme,
17 décembre 2012, paragraphe 11.. Des «aménagements raisonnables», qui désignent «les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales 
			(3) 
			Article
2 de la Convention, <a href='http://www.un.org/disabilities/documents/convention/convoptprot-f.pdf'>www.un.org/disabilities/documents/convention/convoptprot-f.pdf.</a>», devraient être proposés aux personnes handicapées qui en font la demande.
3. Au cours des vingt dernières années, plusieurs États membres du Conseil de l’Europe ont adopté des mesures visant à promouvoir la participation active des personnes handicapées au marché du travail et à lutter contre les discriminations. Cependant, le taux d’emploi des personnes handicapées reste plutôt bas et celles-ci occupent souvent des emplois moins bien rémunérés. Quand elles sont employées, «[e]lles occupent plus fréquemment que les personnes non handicapées des postes à temps partiel ou temporaires, et n’ont guère de possibilités d’évolution de carrière» 
			(4) 
			Étude
thématique sur le travail et l’emploi des personnes handicapées, op. cit., paragraphe 8..
4. La pleine inclusion des personnes handicapées au sein de la société commence par leur inclusion dans les écoles ordinaires, ce qui leur donnera des outils pour une future participation active au marché du travail. La pleine inclusion des personnes handicapées nécessite des engagements politiques et économiques afin de devenir une réalité.
5. La pleine inclusion des personnes handicapées au sein de la population active nécessite des mesures concernant notamment leur recrutement, leurs conditions de travail, leur salaire, leurs promotions éventuelles et les attitudes à leur égard. Elle est bénéfique non seulement aux personnes employées, mais aussi au lieu de travail dans son ensemble. Cela envoie un message fort aux clients, aux collègues ou aux personnes servies: la culture du travail encourage l’ouverture, la tolérance et le respect, et peut donner de l’espoir et de la force aux jeunes personnes handicapées qui ne travaillent pas encore.

2. Objectif et portée du rapport

6. La proposition de résolution à l’origine du présent rapport souligne qu’il est essentiel de s’éloigner de l’approche dite de protection sociale des personnes handicapées selon laquelle celles-ci ne sont pas considérées comme étant capables de travailler, pour s’orienter vers la promotion d’un marché du travail intégrant les personnes handicapées. Elle indique que des programmes de protection sociale bien conçus peuvent améliorer la productivité et l’employabilité des personnes handicapées et supprimer les obstacles à l’emploi.
7. Ce rapport vise à faire le point de la situation en vue de formuler des recommandations sur la manière de promouvoir l’inclusion des personnes handicapées dans la population active et d’encourager les parlementaires à jouer un rôle actif au niveau national, afin de mettre en œuvre la Stratégie du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 2017-2023 
			(5) 
			Paragraphe 51 de la
Stratégie du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées
2017-2023: «Les organes du Conseil de l’Europe, les États membres
et les autres parties prenantes devraient tendre à: (…) c) Promouvoir
l’égalité et la non-discrimination de toutes les personnes handicapées,
en particulier grâce à un système d’éducation inclusive et à la mise
en place d’initiatives de formation, de communication et d’emploi.».
8. En 2015, l’Assemblée parlementaire a déjà encouragé les États membres à élaborer des politiques favorisant l’emploi des personnes handicapées 
			(6) 
			Résolution 2039 (2015) «Égalité et insertion des personnes handicapées».. Avec ce rapport, je vois une opportunité non seulement de promouvoir l’emploi des personnes handicapées, mais aussi de lutter contre les préjugés et de faire prendre conscience des compétences de ces personnes et de la valeur ajoutée qu’elles peuvent représenter dans la population active.
9. Je souhaite promouvoir les meilleures pratiques encourageant une participation active des personnes handicapées au marché du travail. Comme il n’était pas possible d’analyser en détail la situation dans chaque État membre du Conseil de l’Europe, j’ai sélectionné plusieurs pays ayant des approches différentes afin de présenter des informations sur les «emplois protégés», les incitations pour les entreprises, les quotas, des entreprises privées proactives en matière de recrutement des personnes handicapées et la mise en œuvre de la législation anti-discrimination.
10. J’ai reçu des témoignages de personnes handicapées sur les difficultés rencontrées lors de la recherche d’un emploi ou lorsqu’elles sont/ont été employées. Ce rapport a été préparé en respectant la devise «Rien de ce qui nous concerne ne se fera sans nous» et j’ai fait en sorte qu’il porte la voix de personnes handicapées qui se sont senties rejetées et mal accueillies sur le marché du travail. De plus, ce rapport présente des exemples qui montrent que l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail peut être profitable à tous.

3. Méthodes de travail

11. Afin de recueillir des informations sur la situation dans chaque État membre du Conseil de l’Europe, j’ai envoyé un questionnaire aux institutions nationales des droits de l’homme (INDH) via le Réseau européen des institutions nationales des droits de l’homme basé à Bruxelles. Ce questionnaire comprenait des questions sur le taux d’emploi des personnes handicapées dans les secteurs privé et public, la législation en vigueur fixant les obligations des entreprises et des administrations publiques en matière d’embauche des personnes handicapées et leur mise en œuvre, l’accès à l’éducation et les sanctions pour traitement discriminatoire des personnes handicapées sur le marché du travail. J’ai reçu des réponses des INDH d’Albanie, de Belgique, de Chypre, du Danemark, de Géorgie, de Lettonie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal et de la République de Moldova. Je tiens à les remercier pour leur contribution. J’ai aussi reçu une contribution écrite de l’organisation non gouvernementale Inclusion Europe.
12. J’ai tenu une réunion bilatérale au cours de la partie de session de janvier 2018 avec l’ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui avait fait de la protection des droits des personnes handicapées une priorité de son mandat.
13. La sous-commission sur le handicap et la discrimination multiple et intersectionnelle a organisé deux auditions dans le cadre de la préparation du présent rapport. La première, tenue le 24 avril 2018, a porté sur les bonnes pratiques en matière d’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail, avec la participation de: Mme Edurne Alvarez De Mon, consultante principale en ressources humaines, Fondation Once (Espagne); Mme Agnès Gerber-Haupert, directrice générale d’Action et Compétence (France); et M. David Kennaugh, chef d’une petite entreprise (France). La seconde, tenue le 26 juin 2018, concernait la lutte contre la discrimination en matière d’accès à l’emploi avec la participation: de Mme Kimberly McIntosh, administratrice à la fondation Runnymede Trust (Royaume-Uni); M. James Crowe, président de l’Association européenne des prestataires de services pour personnes en situation de handicap (EASPD, Royaume-Uni); et Mme Aletta Gräfin von Hardenberg, directrice de l’Initiative allemande pour une Charte de la diversité (Allemagne) (par vidéoconférence). Cette seconde audition a contribué non seulement à l’élaboration du présent rapport, mais aussi au rapport de M. Damien Thiéry (Belgique, ADLE) sur la «Discrimination dans l’accès à l’emploi» 
			(7) 
			Doc. 14666..
14. J’ai recueilli un complément d’informations sur la situation au Danemark au cours de ma visite d’information dans ce pays les 10 et 11 septembre 2018. Je tiens à remercier le Parlement danois pour l’excellente aide qu’il m’a apportée à cette occasion ainsi que toutes les personnes qui m’ont éclairé sur la situation au Danemark. J’ai été particulièrement impressionné lors de ma visite, à Taastrup, par le bâtiment appelé «Maison du handicap», qui héberge plus de 30 organisations d’aide aux personnes handicapées. La Maison du handicap est considérée comme l’un des bâtiments les plus inclusifs au monde, car on peut estimer que chaque mètre carré y est accessible. Ce bâtiment est la preuve que la pleine accessibilité est un objectif atteignable. Il devrait selon moi servir de modèle à de nouvelles constructions où l’environnement de travail serait véritablement adapté au handicap.

4. Obstacles rencontrés par les personnes handicapées sur le marché du travail

4.1. Préjugés

15. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’une des difficultés majeures que rencontrent les personnes handicapées sur le marché du travail est la stigmatisation dont elles font l’objet en raison de leur prétendu niveau de compétence. Souvent, une personne handicapée est considérée comme moins capable qu’une autre de réaliser les mêmes tâches, sans raison objective. Selon Eric Molinié, secrétaire général de Daskia (filiale d’Électricité de France), «les préjugés sont le principal frein à l’intégration des personnes handicapées». Embaucher une personne handicapée «c’est apprendre à voir la personne dans toutes ses dimensions. La présence d’un handicapé dans une équipe oblige à mieux s’organiser. C’est une situation qui crée des solidarités 
			(8) 
			Entretien, Le Monde, 14 mars 2018, M. Eric
Molinié a été le Président de la Haute Autorité de lutte contre
les discriminations et pour l’égalité. Il est tétraplégique. <a href='http://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/03/12/emploi-et-handicap-les-stereotypes-sont-le-principal-frein-a-l-integration-des-personnes-handicapees_5269617_1698637.html'>www.lemonde.fr/emploi/article/2018/03/12/emploi-et-handicap-les-stereotypes-sont-le-principal-frein-a-l-integration-des-personnes-handicapees_5269617_1698637.html</a>.
16. Un projet de recherche est en cours à l’université de Strasbourg pour mesurer le degré de préjugé dont les personnes handicapées font l’objet. Par exemple, les participants à l’une des expériences ont reçu des photographies montrant le même groupe de personnes assises à une table, mais prises sous des angles différents. Sur une première photographie, seuls les visages des personnes sont visibles. Sur une seconde photographie, prise sous un angle plus large, on peut voir qu’une des personnes assises à la table est dans un fauteuil roulant. Les participants ont répondu, sans disposer d’autres informations, que la personne en fauteuil roulant semblait moins compétente que les autres. Ils ont été surpris d’apprendre que cette personne avait le plus haut niveau de responsabilités.
17. Les préjugés à l’encontre des personnes handicapées influencent l’attitude des employeurs potentiels et des futurs collègues, ce qui a une incidence sur la participation des personnes handicapées au marché du travail. La façon dont la société considère les personnes handicapées doit changer. Cela ne sera possible que si davantage de personnes handicapées occupent des postes à haute responsabilité au sein de l’administration, des entreprises privées, des médias, dans le domaine universitaire et dans le monde politique. L’embauche des personnes handicapées «leur donne une indépendance, et les aide à se prendre en charge dans leur vie quotidienne, mais sensibilise également les autres (collègues et/ou clients) à leurs capacités. 
			(9) 
			Rapport final du séminaire
de sensibilisation aux droits des personnes handicapées, organisé
par la présidence danoise du Conseil de l’Europe, Copenhague, 13-14
décembre 2017, <a href='https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78'>https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78</a>.» Il convient de sensibiliser le public au fait que les personnes handicapées représentent une valeur ajoutée sur le lieu de travail et qu’elles ont beaucoup à apporter.
18. Il existe également des préjugés concernant le type d’emploi que les personnes handicapées peuvent occuper. Bien que tous les emplois ne soient pas accessibles, bon nombre de fonctions peuvent être tenues par des personnes handicapées à condition que des dispositions soient prises. On pense trop souvent que les personnes handicapées ne peuvent travailler que dans certains domaines spécifiques. Il importe de surmonter les préjugés auxquels se heurtent les personnes handicapées au sujet de leurs capacités.
19. David Kennaugh est un petit entrepreneur vivant en France, dont la vue a considérablement baissé à l’âge de 16 ans en raison d’une maladie génétique. Il a fait part de son expérience personnelle du lieu de travail à la sous-commission sur le handicap et la discrimination multiple et intersectionnelle le 24 avril 2018: «Il est temps de dépasser les préjugés. Il a plusieurs années, une personne atteinte de déficience visuelle était incitée à devenir standardiste ou physiothérapeute. Aujourd’hui, les nouvelles technologies donnent accès à un grand nombre de professions. Elles permettent des transferts d’informations rapides et facilitent l’inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail. Malheureusement, les comportements n’évoluent pas». La priorité est d’amener les employeurs potentiels et les collègues à dépasser leurs appréhensions pour accepter des personnes handicapées sur leur lieu de travail. Cela peut demander un effort et des investissements, mais dans l’ensemble, l’entreprise ou l’administration peut y trouver son compte.

4.2. Manque d’accessibilité et de cultures de travail inclusives

20. La promotion de l’inclusion des personnes handicapées dans la culture de l’organisation et des méthodes de travail inclusives constitue un autre défi majeur. En effet, il appartient aux employeurs de s’adapter aux personnes handicapées, de proposer des aménagements, et pas uniquement aux personnes handicapées d’essayer de s’intégrer et de s’assimiler. Il ne peut y avoir pleine inclusion si l’on attend des personnes handicapées qu’elles réalisent leur assimilation. Le handicap doit être reconnu et pris en compte afin de comprendre pleinement ce qui peut être fait pour faciliter le travail des personnes handicapées. Il faut s’efforcer d’adapter les lieux de travail aux besoins des personnes handicapées, et non leur proposer des emplois spécifiques ou protégés.
21. Le manque d’accessibilité des lieux de travail peut également constituer un obstacle à la participation des personnes handicapées au marché du travail. Je me réfère ici à l’accessibilité physique (veiller à ce qu’un fauteuil roulant puisse avoir accès), mais aussi à l’accessibilité en termes de structures de travail. À titre d’exemple, l’embauche d’une personne ayant un handicap psychosocial peut ne pas nécessiter d’aménagements matériels dans un bâtiment, mais une réflexion sur les structures de travail et une discussion sur les moyens d’accompagner la personne nouvellement recrutée 
			(10) 
			Autisme: pourquoi l’accès
à l’emploi reste (très) compliqué, Europe 1, 6 avril 2018, <a href='http://www.europe1.fr/economie/autisme-pourquoi-lacces-a-lemploi-reste-tres-complique-3620051'>www.europe1.fr/economie/autisme-pourquoi-lacces-a-lemploi-reste-tres-complique-3620051</a>..
22. Je l’ai dit plus haut, ma visite de la «Maison du handicap» à Taastrup m’a fortement impressionné. Tout a été conçu pour être inclusif. Toutes les indications et tous les panneaux sont en braille, et les chaises de réunion sont, de par leurs formes, adaptées à différents types de handicap. Les lumières sont adaptées aux personnes atteintes de déficience visuelle et il y a une salle de repos, dans laquelle on peut s’allonger quelques minutes en cas de besoin. La hauteur des bureaux est ajustable. Une attention particulière a été accordée au choix des couleurs pour les murs afin de faciliter l’orientation. Promouvoir l’inclusion sur le marché du travail suppose de prendre en compte des besoins différents.

4.3. L’inclusion des personnes handicapées n’est pas une priorité politique

23. Le taux de chômage des personnes handicapées est en général plus élevé que celui du reste de la population. Pour elles, sortir du chômage peut être encore plus difficile. De plus, les programmes d’aide aux personnes handicapées ne sont pas considérés comme prioritaires, ce qui constitue un autre problème. En période de restrictions budgétaires, les contrats aidés comptent souvent parmi les premiers à être supprimés. Le versement des aides sociales aux personnes en situation de handicap est reporté en période de crise, ce qui augmente le risque de pauvreté. Je regrette que trop souvent les personnes handicapées ne soient pas considérées comme prioritaires par les autorités. Trop souvent aussi, elles ne sont pas consultées lors de l’élaboration de ces programmes.

4.4. L’éducation inclusive n’est pas encore une réalité

24. Ainsi que l’a souligné Niels Muižnieks, ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, l’éducation inclusive est essentielle à l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail. L’éducation dans les écoles ordinaires permet aux personnes handicapées d’obtenir un diplôme et des compétences sociales et de vie, qui sont essentielles pour leur inclusion dans la population active 
			(11) 
			Réunion bilatérale
du 24 janvier 2018 à Strasbourg..
25. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées souligne que l’accès à l’éducation inclusive, y compris la formation professionnelle, doit être garanti et adapté à tous. «Un système solide d’enseignement et de soutien dans les écoles est nécessaire pour améliorer l’employabilité des personnes handicapées et les aider à acquérir plus de confiance et des compétences sociales et de vie 
			(12) 
			Valerija
Buzan, Association européenne des prestataires de services pour
personnes en situation de handicap, Séminaire de sensibilisation
aux droits des personnes handicapées, organisé par la présidence
danoise du Conseil de l’Europe, session sur l’éradication des préjugés
dans l’emploi pour les personnes handicapées, Copenhague, 13-14 décembre
2017, <a href='https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78'>https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78</a>..» L’éducation inclusive est l’outil le plus puissant pour prévenir et combattre les préjugés envers les personnes handicapées. Plus les enfants handicapés fréquenteront les écoles ordinaires, plus leur place dans la société sera reconnue.
26. En outre, il n’existe pas encore de passerelles solides avec la vie professionnelle. Il est plus difficile pour une personne handicapée de trouver un premier stage ou un emploi que pour les autres. Il est essentiel de soutenir les programmes de stages et les programmes d’accès à l’emploi. Bien que la culture de travail en Allemagne soit souvent présentée comme inclusive, l’Institut allemand des droits humains déplore que de nombreuses offres de formation destinées spécifiquement aux personnes handicapées ne répondent pas aux exigences du marché du travail 
			(13) 
			Un marché du travail
inclusif au lieu de structures séparées, Institut allemand des droits
de l’homme, <a href='http://www.institut-fuer-menschenrechte.de/en/national-crpd-monitoring-mechanism/state-report-audit/views-of-the-national-crpd-monitoring-mechanism/sheltered-workshops/'>www.institut-fuer-menschenrechte.de/en/national-crpd-monitoring-mechanism/state-report-audit/views-of-the-national-crpd-monitoring-mechanism/sheltered-workshops/</a>..

4.5. Discrimination à l’encontre des personnes handicapées

27. La discrimination à l’encontre des personnes handicapées qui recherchent un emploi ou qui sont déjà employées est toujours une réalité. Cependant, les États Parties à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées «ont l’obligation d’interdire la discrimination fondée sur le handicap et doivent veiller à ce que les personnes handicapées soient protégées contre la discrimination 
			(14) 
			Étude thématique sur
le travail et l’emploi des personnes handicapées, op. cit.». Au sens de la Convention, «[l]a protection contre la discrimination couvre toutes les formes d’emploi: sur le marché du travail normal comme dans les régimes d’emploi protégé ou assisté 
			(15) 
			Ibid.,
paragraphe 22.». Au sein de l’Union européenne, la Directive 2000/78 CE crée un cadre général pour l’égalité de traitement dans l’emploi et le travail et elle protège les personnes handicapées contre les discriminations sur le marché du travail.
28. Selon Didier Marcyan, représentant régional de l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, France), les personnes handicapées se heurtent à de très grandes difficultés lors de la recherche de leur premier emploi et connaissent une «vulnérabilité» manifeste à toutes les étapes de transition professionnelle. Il convient de prendre en considération le risque d’interruption des périodes d’emploi et de prévoir des mesures compensatoires. Il faut accompagner le premier accès au marché du travail et le retour sur celui-ci. Une fois qu’une personne handicapée est embauchée, il importe d’assurer un suivi pour veiller à ce qu’elle conserve un emploi. La vulnérabilité comprend aussi les délais d’adaptation qui ne coïncident pas toujours avec un calendrier serré d’efficacité économique. Avant qu’une personne handicapée ne soit efficace, elle doit apprendre à travailler différemment. Il convient de trouver un juste équilibre entre un temps raisonnable d’adaptation et l’attente d’une efficacité immédiate. Une grande souplesse dans les procédures d’embauche et de licenciement applicables à tous, y compris les personnes handicapées, peut ne pas offrir l’environnement de travail sûr et équitable qui est nécessaire aux personnes handicapées.
29. Une attention particulière devrait être accordée à la situation des femmes handicapées, qui «sont particulièrement défavorisées sur le marché du travail parce qu’elles font souvent l’objet de discriminations multiples fondées sur leur sexe et sur leur handicap 
			(16) 
			L’inclusion des personnes
handicapées dans les stratégies nationales d’emploi, Note explicative,
Bureau International du Travail, septembre 2015, <a href='http://www.ilo.org/global/topics/disability-and-work/WCMS_407646/lang--en/index.htm'>www.ilo.org/global/topics/disability-and-work/WCMS_407646/lang--en/index.htm</a>.». «Les femmes handicapées font face à des problèmes particuliers, en raison des difficultés qu’elles rencontrent pour trouver un emploi, des coûts supplémentaires engendrés par le handicap et du fait qu’elles n’ont pas toujours le contrôle de leurs propres biens ni de leur argent en raison des lois sur la capacité juridique, qui font qu’elles sont souvent désavantagées à double titre dans la vie professionnelle. Dans les rares pays qui disposent de données sur l’emploi ventilées par handicap, sexe et type de travail, les femmes sont constamment sous-représentées dans toutes les catégories d’emploi, et tout particulièrement aux postes de direction 
			(17) 
			Étude
thématique sur le travail et l’emploi des personnes handicapées, op. cit.
30. Les personnes ayant un handicap psychosocial qui sont privées de la capacité juridique ne peuvent signer de contrat de travail ni avoir accès au salaire qu’elles ont gagné. Les systèmes de tutelle les empêchent de gérer leur vie professionnelle et peuvent les exposer davantage à des discriminations. Selon les informations recueillies par Inclusion Europe, les personnes ayant un handicap psychosocial sont plus souvent en situation de chômage que les autres personnes handicapées. Cet état de fait a été confirmé par l’organisation danoise LEV.

5. Participation des personnes handicapées au marché du travail

31. Les statistiques sur la participation des personnes handicapées à la population active ne sont pas recueillies de façon systématique au niveau national et les personnes handicapées ne figurent pas toujours dans les chiffres du chômage, ce qui donne une idée biaisée de la situation. Selon moi, les statistiques nationales du chômage devraient aussi inclure les personnes handicapées, qui doivent être traitées comme des citoyens à part entière.
32. J’ai reçu des informations de plusieurs institutions nationales des droits de l’homme concernant la situation au niveau national, que je peux reprendre en partie dans ce rapport. Au Danemark, 56 % des personnes handicapées ont un emploi, avec une variation femmes/hommes de 53 %/59 %. En Géorgie, le secteur public emploie 55 personnes handicapées sur un total de 46 000 fonctionnaires. 3 535 personnes handicapées ont un travail dans le secteur privé.
33. Au Luxembourg, selon les dernières statistiques officielles en date, il y a plus de 3 900 salariés handicapés ayant entre 17 et 64 ans. Aux Pays-Bas, 13,7 % des personnes handicapées sont au chômage, tandis que le taux de chômage général est de 5,5 % de la population. En France, 513  505 personnes handicapées sont au chômage selon les chiffres officiels. 79 % des sociétés ayant plus de 20 salariés emploient des personnes handicapées. En Belgique, 41 % des personnes handicapées ont un travail.
34. Au Portugal, le taux d’emploi des personnes handicapées est de 62,6 % dans la tranche 25-34 ans et de 68,3 % dans la catégorie des 35-44 ans. 16 170 personnes handicapées travaillent actuellement dans le secteur public. En 2016, 10 789 salariés handicapés étaient employés dans le secteur privé. Au Portugal toujours, 24,4 % des personnes handicapées qui travaillent dans le secteur public sont employées par le ministère de l’Éducation. En Espagne, seule une personne handicapée sur cinq travaille. En République de Moldova, les personnes ayant un handicap représentent moins de 1% des personnes ayant un emploi. En Pologne, 416 000 personnes handicapées ont un emploi, soit un taux d’emploi global de 27,7 %. Anka Slonjšak, défenseuse croate des droits des personnes handicapées, a indiqué qu’en 2017, 17 000 personnes handicapées travaillaient en Croatie (sur les 250 000 en âge de travailler) 
			(18) 
			«Croatie:
les handicapés encore et toujours délaissés», Zvonimir Saric, Le Courrier des Balkans, 23 novembre
2017..
35. En l’absence de données ventilées comparables sur l’emploi des personnes handicapées, il est difficile de dire si les personnes ayant un type de handicap donné souffrent davantage du chômage que d’autres. Selon Mencap (Royaume-Uni), 6 % des adultes ayant un handicap de l’apprentissage occupent un emploi rémunéré, tandis que ce chiffre est de 47 % pour les personnes âgées de 16 à 64 ans ayant un handicap quelconque 
			(19) 
			<a href='https://www.mencap.org.uk/learning-disability-explained/research-and-statistics/employment'>www.mencap.org.uk/learning-disability-explained/research-and-statistics/employment</a>.. Il est nécessaire d’encourager la collecte de données dans ce domaine pour se faire une idée réaliste des besoins spécifiques en fonction du type de handicap.

6. Mesures visant à améliorer la participation des personnes handicapées au marché du travail

6.1. Investir dans l’éducation inclusive et l’innovation

36. La participation des personnes handicapées peut être améliorée en adoptant un ensemble de mesures concrètes et variées. Comme je l’ai déjà souligné, il ne peut y avoir d’amélioration palpable de l’accès des personnes handicapées au marché du travail tant qu’il n’y aura pas d’investissement important et sur le long terme dans l’éducation. Au cours de notre audition le 24 avril 2018 à Strasbourg, David Kennaugh a fait observer que l’éducation la meilleure – qu’elle soit spécialisée ou inclusive – était celle qui préparait les élèves à leur emploi futur. Selon lui, les écoles spécialisées peuvent apprendre comment gérer son handicap avec plus d’efficacité et comment faire face à l’environnement. Le Centre pour l’emploi et le développement des personnes sourdes et malentendantes de Castberggård (Danemark) dispense des formations et une préparation spécifique au marché du travail à des personnes sourdes. Il accompagne également des entreprises désireuses d’embaucher des personnes sourdes et malentendantes en les conseillant, notamment sur les équipements qui peuvent être nécessaires.
37. Je préconise néanmoins, chaque fois que cela est possible, des écoles ordinaires inclusives offrant une assistance spécialisée aux enfants handicapés. En effet, l’exclusion des écoles ordinaires peut avoir des retombées sur la participation future au marché du travail.
38. Selon Dominique Lerch, ancien directeur de l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés (France), «[i]l ne peut y avoir d’inclusion dans le monde du travail s’il n’y a pas d’éducation inclusive 
			(20) 
			Inclusion:
explorer, aller plus loin, publication de l’AGEFIPH,
2018.». Je suis heureux de constater que la plupart des enfants handicapés vont dans des écoles ordinaires notamment en Espagne, en Islande, en Italie, en Norvège, au Portugal et en Suède.
39. Le secteur public et les entreprises privées devraient être incités à faire appel à des apprentis handicapés pour leur permettre d’acquérir de l’expérience et d’améliorer leurs chances d’obtenir un emploi sur le marché du travail. Les stages donnent une première expérience d’adaptation à un environnement de travail, ce qui peut être déterminant. Il faut également développer la formation professionnelle et l’apprentissage tout au long de la vie.
40. En investissant dans l’innovation parallèlement à l’éducation inclusive nous pouvons favoriser l’accès des personnes handicapées au marché du travail. En France en 2010, l’AGEFIPH a apporté son soutien à la création d’un simulateur de conduite pour poids lourd équipé d’une boîte de vitesses automatique. Cette innovation a permis à plus de 120 personnes ayant un handicap moteur de passer un permis poids lourd et de trouver un emploi. Étant donné ce succès, l’administration française a modifié les conditions légales d’obtention du permis poids lourd, qui auparavant étaient très strictes 
			(21) 
			Exemple présenté par
Didier Marcyan, AGEFIPH, lors de l’audition du 24 avril 2018.. Cet exemple montre que l’aide à l’évolution technologique peut conduire à davantage d’inclusion sur le marché du travail.

6.2. Emplois réservés ou protégés

41. Les emplois réservés ou protégés sont une mesure positive pour promouvoir l’emploi des personnes handicapées. Alors que leurs effets peuvent être bénéfiques, l’offre de ce type d’emplois ne doit pas compromettre les efforts déployés pour parvenir à un marché du travail plus inclusif, qui est lui-même essentiel pour une pleine participation à la société.
42. Les systèmes de quotas peuvent être considérés comme une première mesure pour améliorer le taux d’emploi des personnes handicapées. En Albanie, les employeurs sont tenus d’embaucher une personne handicapée pour 25 salariés. Le non-respect de cette règle entraîne l’obligation de verser une amende mensuelle égale au salaire minimum, qui est versée au Fonds national pour l’emploi. Ces montants servent alors à créer des emplois pour les personnes handicapées. À Chypre, 10 % des postes du secteur public sont réservés aux personnes handicapées. En France, les entreprises/administrations ayant plus de 20 salariés doivent embaucher un certain nombre de personnes handicapées à raison de 6 % de leurs effectifs (dans le secteur public, le taux réel est actuellement de 5,2 %, alors que dans le secteur privé, il est de 3,4 %) 
			(22) 
			«Emploi
des handicapés: de nouvelles obligations pour les entreprises», Le Monde, 5 juin 2018.. Si ce quota n’est pas atteint, l’employeur verse une contribution financière à l’AGEFIPH, qui œuvre à la promotion de l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail.
43. Au Luxembourg, les administrations doivent embaucher un certain nombre de personnes handicapées, à savoir 5 % des effectifs travaillant à plein temps. Il n’y a pas d’obligations pour les sociétés privées de moins de 25 salariés. Une société de plus de 25 salariés doit embaucher une personne handicapée au moins à plein temps. Une société de plus de 50 salariés doit affecter au moins 2 % de ses postes à des personnes handicapées. Une société de plus de 300 salariés est tenue de réserver 4 % au moins de ses postes à des personnes handicapées. Les employeurs qui ne respectent pas ces quotas doivent verser une taxe égale à 50 % du salaire social minimum de chacune des personnes handicapées qu’ils n’emploient pas, ce qui est une forte incitation à embaucher des personnes en situation de handicap.
44. En République de Moldova, le Code du travail dispense les personnes handicapées d’une période probatoire quand elles commencent un nouveau travail. Les entreprises ou administrations ayant plus de 20 employés devraient embaucher au moins 5% de personnes handicapées. En Pologne, un employeur ayant 25 salariés ou plus doit avoir au moins 6 % de personnes handicapées dans son effectif. En cas de non-respect de cette règle, il doit contribuer au Fonds d’État pour la réinsertion des personnes handicapées. En Espagne, la loi impose aux sociétés ayant plus de 50 salariés l’obligation d’embaucher au moins 2 % de personnes handicapées. Dans le secteur public, une nouvelle loi datant de mars 2018 contraint les sociétés à respecter ce quota pour obtenir des contrats publics.
45. James Crowe, Président de l’Association européenne de prestataires de service pour personnes handicapées (EASPD) estime que les quotas suscitent la controverse, car il est facile de s’y soustraire par le versement d’amendes annuelles. Selon lui, les quotas instaurent une notion de charité pour les personnes handicapées au lieu de reconnaître leur valeur sur le marché du travail. Il s’inquiète aussi de voir des personnes handicapées rester dans des cadres protégés alors qu’elles pourraient travailler sur le marché du travail ouvert à tous. Il faudrait continuer à encourager les emplois aidés sur le marché du travail dit «ordinaire» en faisant appel à des coachs emploi qui se retireraient progressivement.
46. Le fait de réserver des emplois peut se traduire par l'utilisation d'un critère de priorité pour les personnes handicapées. Le handicap peut être qualifié de critère prioritaire au cours du processus de recrutement, si bien qu’à qualification égale, un candidat handicapé aura la priorité sur un autre.

6.3. D’une politique de l’emploi fondée sur les incitations à une politique inclusive

47. Les avantages fiscaux et l’aide à l’adaptation du lieu de travail sont les incitations les plus courantes pour favoriser l’embauche de personnes handicapées dans le secteur privé. Alors que les incitations peuvent être utiles pendant un certain temps, il faut s'efforcer de passer d’une politique de l’emploi fondée sur les incitations à une politique inclusive. À cet égard, les mesures positives prises par les sociétés privées peuvent avoir des effets importants.
48. Le travail sur ce rapport m’a permis de découvrir certaines bonnes pratiques, que je souhaiterais promouvoir ici. Au Royaume-Uni, le programme «Accès au travail» prévoit des financements pour les employeurs afin qu’ils adaptent les lieux de travail et améliorent l’accessibilité des lieux de travail pour les personnes handicapées. En 2017, un prix a été décerné par l’EASPD à Carrefour Espagne, qui emploie 860 personnes handicapées. Ces dernières sont aidées dans leur travail par d’autres membres du personnel et travaillent avant tout à regarnir les rayons. L’entreprise «Discovering Hands» basée en Allemagne, en Colombie et en Autriche a également reçu un prix de l’EASPD en 2017 parce qu’elle emploie 31 femmes aveugles et malvoyantes pour offrir un service innovant de diagnostic médical. Ces femmes utilisent uniquement leur sens du toucher pour diagnostiquer le cancer à un stade très précoce 
			(23) 
			«Ten best
practices on employment strategies for persons with disabilities»,
EASPD, 2017..
49. Au Danemark, les pouvoirs publics sont convaincus de l’importance de l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail dit «ordinaire». Dans chacune des 98 communes, des services spécifiques s’occupent de l’insertion professionnelle des personnes handicapées et les aident à trouver un emploi correspondant à leurs compétences. Ils gèrent également des programmes de subvention destinés à aider les entreprises qui embauchent des personnes handicapées à adapter l’environnement de travail ou à embaucher un assistant pour faciliter l’exécution de tâches courantes. Par exemple, dans la commune de Taastrup, un employé sourd est accompagné par deux interprètes en langue des signes. Un assistant pourra aider un employé aveugle à exécuter certaines tâches qu’il ne peut accomplir seul. Il est possible de recruter un assistant pour 20 heures de travail maximum par semaine, mais souvent les assistants ne sont embauchés que pour quelques heures. S’agissant de l’emploi dans le secteur public, les personnes handicapées peuvent être prioritaires et avoir la garantie d’être convoquées à un entretien.
50. Au Danemark aussi, les emplois flexibles sont un autre exemple de bonne pratique. Il s’agit d’emplois exercés au sein d’une entreprise, pour lesquels l’employeur verse un salaire correspondant uniquement au travail effectué par le salarié handicapé. La municipalité verse à l’entreprise une indemnité compensatoire pour tenir compte du handicap. Par exemple, si une personne handicapée est recrutée pour 30 heures de travail, mais qu’elle n’effectue que 10 heures de travail effectif, l’entreprise paye 10 heures et la municipalité verse le reste, soit 20 heures. Les emplois flexibles sont parfois critiqués en raison des lourdeurs administratives et du temps nécessaire à la municipalité pour reconnaître qu’un emploi relève de cette catégorie. Je souhaite insister sur le fait qu’au Danemark, il n’y a pas de quotas pour l’emploi des personnes handicapées, mais des mesures fortes pour les accompagner sur le marché du travail.
51. Permettez-moi aussi de citer le label «Entidade Empregadora Inclusiva», qui récompense les sociétés ayant adopté des politiques inclusives concernant les personnes handicapées au Portugal. Onze sociétés ont été retenues pour la première fois en novembre 2017. Il peut y avoir aussi des distinctions au sein d’un grand groupe comme le Trophée des «Disability Initiatives» remis tous les deux ans chez L’Oréal, qui récompense des filiales pour leurs actions en faveur de l’inclusion des personnes handicapées 
			(24) 
			L’Oréal “Disability
Initiatives Trophies” 2016, <a href='http://www.businessanddisability.org/index.php/en/news-and-events/featured-initiatives/464-l-oreal-disability-initiatives-trophies-2016'>www.businessanddisability.org/index.php/en/news-and-events/featured-initiatives/464-l-oreal-disability-initiatives-trophies-2016</a>..
52. En France, l’AGEFIPH finance des projets d’intégration professionnelle et gère des réseaux de professionnels. Elle soutient les personnes handicapées et les employeurs pour adapter les lieux de travail. En Espagne, l’association Inserta accompagne les demandeurs d’emploi handicapés. Elle s’entretient avec eux pour définir leurs attentes et leurs qualifications et pour déterminer dans quelle mesure ces dernières coïncident avec les besoins du marché du travail. Elle propose une formation sur la rédaction de curricula vitae et sur les lettres de motivation, un coaching et une formation professionnelle. Les processus d’embauche devraient prendre davantage en considération les questions de handicap. À cette fin, il est essentiel de former les professionnels à la question du handicap afin de surmonter les préjugés 
			(25) 
			Mme Gerber
Haupert, Directrice générale de l’association «Action et Compétence»
(France), audience du 24 avril 2018..
53. Il est capital d’accompagner les personnes handicapées pour les aider à développer leur potentiel. La fondation espagnole ONCE offre des formations aux personnes handicapées qui sont adaptées aux exigences du marché du travail. Elle propose aussi un programme spécifique destiné à renforcer l’autonomie des entrepreneurs handicapés; ce programme s’appuie sur une formation en ligne de 100 heures qui aborde les domaines suivants: marketing numérique, gestion financière, plans de viabilité et demandes de subventions 
			(26) 
			EPR members’ good practices
compendium, European Platform for Rehabilitation, Employment, <a href='https://www.epr.eu/622-epr-employement-web/'>www.epr.eu/622-epr-employement-web/</a>.. Le travail en libéral peut offrir plus de souplesse aux personnes handicapées, et leur donner «un sentiment d’autonomie, car l’entrepreneuriat peut offrir à un individu la possibilité de prendre le contrôle de son handicap et de sa participation au marché du travail, mais aussi d’être socialement et économiquement actif 
			(27) 
			Synthèse
sur l’entrepreneuriat des personnes handicapées. L’activité entrepreneuriale
en Europe, Commission européenne et l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), 2014.».
54. L’adoption de chartes de la diversité par les entreprises peut avoir des effets positifs, à condition que les signataires respectent leurs engagements. L’Initiative allemande pour une charte de la diversité, signée par plus de 3 000 sociétés, couvre six motifs de discrimination: origine, orientation sexuelle, genre et identité de genre, religion, âge et handicap 
			(28) 
			Mme Aletta
von Hardenberg, Directrice de l’Initiative allemande pour une charte
de la diversité, a présenté celle-ci aux membres de la sous-commission
sur le handicap et la discrimination multiple et intersectionnelle
le 26 juin 2018.. Elle a été lancée par des sociétés privées et offre une plate-forme pour partager des bonnes pratiques visant à promouvoir la diversité sur le lieu de travail. Les signataires s’engagent à prendre des mesures pour accroître la diversité.
55. Au sujet des incitations, on peut évoquer la question des prestations sociales pour personnes handicapées. Selon James Crowe, la suspension de ces prestations une fois qu’une personne a trouvé un emploi peut nuire à sa motivation de rechercher du travail. Il peut être difficile d’obtenir des prestations sociales si l’on perd son emploi 
			(29) 
			Déclaration
sur l’emploi de l’EASPD, 4 décembre 2014..

6.4. Sanctions en cas de non-respect et de discrimination

56. Pour déclencher des changements concrets, il faudrait imposer des sanctions en cas de non-respect des quotas fixés par la loi pour l’emploi de personnes handicapées. Ces sanctions sont souvent prévues, mais elles ne sont pas imposées systématiquement. Je regrette de constater que même s’il y a des cas où des sanctions prévues sont imposées en cas de non-respect des quotas, certaines entreprises préfèrent payer une amende, plutôt que d’embaucher des personnes handicapées. On peut dès lors s’interroger sur l’efficacité des sanctions financières. Plutôt que d’imposer par des quotas des lieux de travail accueillant les personnes handicapées, il faudrait promouvoir une nouvelle vision de la société, où chacun serait en mesure de trouver sa place.
57. Le principe d’aménagement raisonnable devrait être valorisé. Dans l’esprit de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, on peut qualifier de discrimination le refus de prévoir un aménagement raisonnable du lieu de travail pour permettre à une personne handicapée de s’acquitter de tâches quotidiennes. Il conviendrait donc d’imposer des sanctions pour absence d’aménagements raisonnables. Au Danemark, un salarié qui devient handicapé peut avoir droit à six à neuf mois de salaire en dédommagement de la perte d’emploi due à l’absence d’aménagement d’un espace de travail.

6.5. Les personnes handicapées, une valeur ajoutée sur le lieu de travail

58. Edurne Alvarez De Mon, conseillère principale en ressources humaines à la Fondation ONCE et son association Inserta (Espagne), a souligné au cours de l’audition d’avril la valeur ajoutée qu’apportent les personnes handicapées sur le lieu de travail. Selon elle, l’ouverture du marché du travail aux personnes handicapées peut être profitable aux entreprises et les aider à toucher de nouveaux clients tout en contribuant à améliorer les services aux consommateurs handicapés. L’OIT estime que sur le plan économique, cela peut améliorer la productivité en raison du peu d’absentéisme et du faible taux de rotation du personnel 
			(30) 
			Business
as unusual: making workplaces inclusive of people with disabilities,
OIT, octobre 2014..
59. En Espagne, Inserta s’est attachée à sensibiliser l’opinion sur les capacités des personnes handicapées par des campagnes telles que «Ne jamais renoncer», qui présentait des jeunes handicapés ayant trouvé du travail, même dans le contexte de la crise économique. Recruter des personnes handicapées revient à se doter de talents particuliers. Ainsi que l’a souligné Mme Alvarez de Mon, il ne faut plus mettre l’accent sur le handicap, mais sur les capacités des candidats.
60. «Faire l’expérience du handicap, en particulier, signifie souvent faire preuve de plus de résilience, savoir régler les problèmes, manifester de l’empathie et développer sa créativité», estime Liz Sayce, responsable de Disability Rights UK 
			(31) 
			«<a href='https://jobs.theguardian.com/article/disabilities-in-the-workplace-are-we-failing-our-disabled-workforce-/'>Disabilities
in the workplace: are we failing our disabled workforce?</a>», Holly O’Mahony, The Guardian,
17 avril 2017..
61. Le fait d’avoir un emploi est également bénéfique pour les personnes handicapées. Selon Anni Soresen de l’organisation danoise LEV, cela peut améliorer la qualité de vie, grâce à de meilleurs revenus, avoir un effet positif sur la santé, être un facteur de motivation et renforcer l’image de soi et la confiance en soi 
			(32) 
			Séminaire sur la sensibilisation
aux personnes handicapées, organisé par la Présidence danoise du
Conseil de l’Europe, séance sur la lutte contre les stéréotypes
concernant l’emploi des personnes handicapées, Copenhague, 13-14 décembre
2017, <a href='https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78'>https://rm.coe.int/final-report-copenhagen-seminar/1680785d78</a>..
62. S’agissant des capacités des personnes handicapées et de leur inclusion sur le marché du travail, un changement global des mentalités est nécessaire. Au cours de ma visite d’information au Danemark, plusieurs interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de faire prendre conscience aux personnes handicapées de leurs capacités et de communiquer sur la valeur ajoutée que représente une plus grande diversité sur le lieu de travail. Des campagnes ont été menées, notamment par la Fondation Glad, pour faire connaître l’expérience positive vécue par des équipes qui avaient intégré des personnes handicapées.

7. Conclusions

63. Il y a encore beaucoup d’obstacles à une pleine inclusion des personnes au sein de la population active. En dépit des actions menées ces dernières années dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, le niveau d’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé reste peu satisfaisant. Il reste fort à faire, dans le secteur public et le secteur privé, pour que l’inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail devienne une réalité.
64. Il est essentiel de sensibiliser l’opinion à la valeur ajoutée que représente la participation des personnes handicapées au marché de l’emploi pour faire évoluer les mentalités. Dans un monde où l’on s’attend à des résultats rapides, l’adaptation d’un poste de travail pour un collègue handicapé est trop souvent considérée comme une perte de temps et d’efficacité. L’inclusion de personnes handicapées dans la population active n’est pas qu’une question de volonté politique: elle dépend aussi de la propension des entreprises privées à accueillir la diversité en leur sein et à y voir une valeur ajoutée. Il est grand temps de mettre fin au mythe selon lequel les personnes handicapées ne peuvent pas travailler aussi efficacement que les autres et de mettre l’accent sur les capacités plutôt que sur le handicap.
65. Afin d’assurer l’intégration des personnes handicapées dans la population active, il est nécessaire d’offrir aux employeurs, aux collègues et aux salariés potentiels une aide spécialisée. L’adaptation du lieu de travail ne consiste pas seulement en des aménagements matériels. Les aménagements raisonnables englobent éventuellement l’adaptation de l’équipement et la modification de la description de poste, des horaires et de l’organisation du travail, ainsi que l’adaptation de l’espace de travail 
			(33) 
			Étude thématique sur
le travail et l’emploi des personnes handicapées, op. cit.. Les collègues ont aussi besoin d’une aide pour préparer l’arrivée d’une personne handicapée et pour adopter une attitude positive. Il faut comprendre que la mise en place d’un environnement de travail accueillant pour une personne handicapée demande un changement de culture qui prend du temps. Je tiens à souligner que les managers et les chefs d’entreprise ont un rôle clé à jouer dans le changement de culture de l’entreprise.
66. Les personnes handicapées sont vulnérables quand elles tentent d’accéder au marché du travail. Elles le sont aussi une fois qu’elles sont employées. Si les emplois protégés ne sont pas une solution durable, ils peuvent être une occasion d’acquérir de l’expérience pour entrer ensuite sur le marché du travail. Il est essentiel de garantir un niveau de revenus suffisant pour assurer la stabilité financière de ces personnes. L’accompagnement sur le marché du travail est tout aussi indispensable. Les services ou les fondations de ressources humaines spécialisés dans le coaching et la mise en œuvre de projets destinés à renforcer l’employabilité des personnes handicapées ont prouvé leur efficacité et peuvent servir d’exemples. Des programmes spécifiques sont également nécessaires pour permettre la réinsertion des personnes devenues handicapées alors qu’elles avaient déjà un travail.
67. Les entreprises et les administrations qui accueillent des personnes handicapées doivent être valorisées et mises en avant. On pourrait donc envisager de créer des récompenses ou des labels liés à l’inclusion.
68. L’Assemblée devrait préconiser la mise en œuvre des principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et demander la mise en place d’un environnement de travail inclusif, accessible et sûr pour les personnes handicapées afin de leur permettre de travailler dans des conditions équitables et de bénéficier de l’égalité des chances. Pour améliorer les conditions de vie et l’accès au travail des personnes handicapées, il conviendrait de demander instamment aux pouvoirs publics de prendre des mesures concrètes pour que l’ensemble des bâtiments publics et des moyens de transport soient accessibles aux personnes handicapées.
69. Pour ce qui est de la participation des personnes handicapées à la population active, les technologies d’assistance peuvent changer la donne. Il est essentiel de soutenir la recherche pour que soient conçues de nouvelles technologies d’assistance afin de progresser vers une pleine inclusion.
70. Je suis aussi convaincu que l’Assemblée devrait inviter les États membres du Conseil de l’Europe à ventiler les données recueillies sur l’emploi des personnes handicapées par sexe, par âge et par type de handicap, de façon à adapter les mesures aux différentes situations.
71. La participation des personnes handicapées à la population active est une condition de leur pleine inclusion dans la société. Cependant, il n’y a pas de mesure simple ou unique pour améliorer leur taux d’emploi. Des actions à plusieurs niveaux sont nécessaires pour encourager la participation des personnes handicapées – aux types de handicap divers – au marché du travail, pour assurer l’égalité d’accès et de traitement et pour changer l’attitude des employeurs. Les plans d’inclusion globaux donnant la priorité à l’éducation inclusive et à l’accès à l’emploi, dans l’esprit de la Convention des Nations relatives aux droits des personnes handicapées, sont un pas dans la bonne direction. Ils doivent cependant être assortis de financements suffisants pour avoir un impact réel.