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Résolution 2242 (2018) Version provisoire

Le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès des processus de décentralisation

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 11 octobre 2018 (35e séance) (voir Doc. 14623, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Luís Leite Ramos). Texte adopté par l’Assemblée le 11 octobre 2018 (35e séance).

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme le rôle clé de la décentralisation pour assurer une meilleure réactivité des services publics aux besoins locaux, promouvoir l’exercice responsable du pouvoir et renforcer la confiance à l’égard des autorités publiques. La décentralisation peut contribuer à améliorer le bien‑être de tous, consolider les systèmes démocratiques et favoriser une croissance inclusive. Les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont tous ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122), reconnaissant ainsi que la démocratie locale constitue une valeur européenne commune.
2. L’Assemblée salue la décision de la Présidence croate du Comité des Ministres (18 mai‑21 novembre 2018) d’inclure la décentralisation parmi ses priorités, car cela offre une occasion précieuse de faire le bilan des bonnes pratiques et des leçons apprises en ce domaine, en donnant un nouvel élan à la décentralisation dans les États membres du Conseil de l’Europe.
3. Dans ce contexte, l’Assemblée est préoccupée par l’évolution actuelle qui se manifeste par le blocage ou l’inversion des processus de décentralisation dans certains pays.
4. L’Assemblée note que, dans certains cas, les processus de décentralisation n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs déclarés en raison d’une consultation inadéquate des citoyens, des collectivités locales et de leurs associations, d’une dévolution insuffisante ou trop réduite des compétences, ou d’un écart entre les responsabilités dévolues et les ressources financières disponibles. La forte polarisation de la vie politique dans certains pays a aussi créé d’importants obstacles à ces réformes.
5. L’Assemblée est convaincue de la nécessité de continuer à renforcer la démocratie locale et régionale en tant que condition préalable au bien-être et à la sécurité démocratique de nos sociétés, et elle souligne l’importance d’élaborer des politiques tenant compte des expériences passées, tournées vers l’avenir et rendant possible une adaptation constante.
6. La réussite de la décentralisation dépend dans une large mesure de la qualité des processus politiques au moyen desquels les nouveaux accords de transfert des compétences, du financement et des ressources humaines sont négociés, approuvés et mis en œuvre. Les parlements sont élus pour représenter la volonté de la population et doivent être des acteurs centraux dans ces processus en tant que garants de l’intérêt général.
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à renforcer leur soutien de la décentralisation au moyen de textes de loi, de politiques et de pratiques; elle leur recommande en particulier de:
7.1. eu égard aux parlements nationaux, fédéraux et régionaux:
7.1.1. faire participer les parlements à l’élaboration et à la mise en œuvre des réformes de décentralisation dès le début et à toutes les étapes du processus, y compris le suivi et l’évaluation;
7.1.2. prendre des mesures pour garantir que, une fois votés, les projets de décentralisation soient mis en œuvre comme prévu (exception faite des modifications dictées par la pratique), dans l’intérêt des populations concernées, et dans le respect scrupuleux de l’ordre constitutionnel national et de l’État de droit, et ne puissent être annulés sans justification en cas de changement de majorité parlementaire. Ces mesures pourront inclure la mise en place ou, lorsque ces organes existent déjà, le renforcement des commissions parlementaires permanentes, des organes de suivi, des commissions conjointes entre le gouvernement et le parlement ou des plateformes multi‑acteurs chargés de superviser les processus de décentralisation;
7.1.3. veiller à ce que les règles de procédure des commissions concernées contiennent des dispositions spécifiques sur la consultation des collectivités locales, en permettant notamment le plein accès de leurs représentants à tous les documents pertinents et la possibilité pour ces derniers de soumettre par écrit des avis sur les projets de législation;
7.1.4. soutenir l’organisation de consultations effectives et détaillées sur les questions de décentralisation, avec la participation des associations de collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales et des citoyens, en particulier sur les projets de loi devant être soumis au parlement;
7.1.5. inscrire dans la législation les mécanismes essentiels du processus de décentralisation, notamment en ce qui concerne les consultations, la définition des compétences des différents échelons de gouvernement et le développement des capacités des fonctionnaires, conformément aux dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale, en particulier le principe de l’autonomie locale;
7.1.6. veiller à ce que les compétences financières et budgétaires des collectivités territoriales correspondent aux compétences qui leur ont été transférées dans le cadre du processus de décentralisation. Cette démarche garantira la stabilité et le maintien de services publics de qualité auxquels l’État s’est engagé et qui sont fournis aux citoyens par les collectivités locales;
7.1.7. renforcer la confiance de la population à l’égard de la démocratie locale en veillant à ce que les collectivités locales concernées par la décentralisation jouissent d’une légitimité politique. À cet égard, faciliter l’organisation des élections locales en temps utile et mettre en place les garanties adéquates pour prévenir le retard injustifié du processus électoral à l’échelon local et/ou régional;
7.1.8. améliorer l’accès aux services publics en assurant une représentation adéquate des communautés locales et des populations autochtones dans les assemblées législatives, sur la base des principes d’inclusivité et de non-discrimination;
7.2. eu égard au cadre légal:
7.2.1. veiller à ce que les processus de décentralisation se déroulent dans le respect réciproque du cadre institutionnel et constitutionnel, en consultation avec toutes les parties concernées;
7.2.2. mettre en place des garanties légales adéquates pour permettre aux collectivités locales d’exercer leurs pouvoirs efficacement et sans heurts et établir un mécanisme efficace de responsabilisation garantissant le respect des accords de transfert entre les différentes administrations;
7.2.3. instituer ou renforcer le cadre réglementaire requis pour assurer la stabilité financière des collectivités territoriales et la répartition équitable des ressources financières publiques entre les différents niveaux de gouvernement;
7.2.4. établir ou renforcer un système de péréquation financière afin de maintenir un certain degré de solidarité entre les collectivités les plus et les moins dotées en ressources dans l’ensemble du pays, en évitant de pénaliser les efforts des collectivités territoriales les plus efficientes et les plus prospères;
7.2.5. veiller à l’existence de procédures de décision soigneusement conçues pour la modification des limites territoriales et/ou des structures des collectivités territoriales;
7.2.6. veiller à ce que l’égalité d’accès aux services publics des entités infranationales figure au cœur de tout processus de décentralisation;
7.3. eu égard au renforcement des capacités, à la sensibilisation du public et à la coopération:
7.3.1. lancer des campagnes d’information et de sensibilisation afin de promouvoir une participation plus large au débat public sur la décentralisation, y compris à l’aide d’outils de participation en ligne;
7.4. eu égard aux instruments et institutions du Conseil de l’Europe:
7.4.1. assurer la pleine mise en œuvre des recommandations du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe issues des missions de suivi auprès des États membres du Conseil de l’Europe et des feuilles de route préparées dans le cadre des activités post‑suivi du Congrès pour assurer la pleine application des engagements contractés au titre de la Charte européenne de l’autonomie locale;
7.4.2. retirer les réserves formulées précédemment au sujet de certaines dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale; signer et ratifier le Protocole additionnel à la Charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE no 207), et assurer l’applicabilité directe de la Charte dans le système juridique national;
7.4.3. signer et ratifier – le cas échéant – la Convention‑cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106, «Convention de Madrid») et ses trois Protocoles;
7.4.4. faire pleinement usage des Lignes directrices du Comité des Ministres relatives à la participation civile aux décisions politiques (CM(2017)83-final);
7.4.5. faire pleinement usage des outils de bonne gouvernance pour le développement des capacités conçus par le Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale, en particulier des outils relatifs aux 12 Principes de bonne gouvernance, ainsi que les orientations et l’aide fournies par le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG).
8. Pour sa part, l’Assemblée convient de renforcer davantage sa coopération avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, en particulier par le biais du travail du Rapporteur général de l’Assemblée sur les pouvoirs locaux et régionaux, et à poursuivre le dialogue entre les organes de suivi de l’Assemblée et du Congrès. L’Assemblée décide en outre de continuer à participer au travail du Comité européen sur la démocratie et la gouvernance en vue de soutenir et de faciliter le dialogue avec les gouvernements et de promouvoir les objectifs de la décentralisation.