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Résolution 2246 (2018)
Le crash de l’avion polonais Tu-154M transportant la délégation de l'État polonais, le 10 avril 2010 sur le territoire de la Fédération de Russie
1. Le 10 avril 2010, la délégation
de l’État polonais, conduite par le Président Lech Kaczyński, se
trouvait à bord d’un Tupolev Tu-154M qui la transportait de Varsovie
à Smolensk, en Fédération de Russie, où elle devait assister à la
cérémonie de commémoration du 70e anniversaire
du massacre de Katyn. Le crash de cet avion à l’aérodrome Severny
de Smolensk entraîna la mort des 96 personnes qui étaient à bord
(8 membres de l'équipage et 88 passagers). Parmi les victimes se
trouvaient le Président Lech Kaczyński, sa femme Maria et de nombreux
dignitaires et responsables polonais de haut rang, dont les chefs
d’état-major de l’armée (armée de terre, armée de l’air et marine)
et le président de la Banque nationale de Pologne.
2. L’Assemblée parlementaire observe que des enquêtes ont été
ouvertes immédiatement après le crash, en vue de déterminer les
facteurs qui ont conduit à ce tragique événement. Alors que la Pologne
aurait été habilitée à mener l’enquête, le Gouvernement polonais
a convenu avec son homologue russe que l’enquête de sécurité sur
les causes du crash serait menée par la Commission interétatique
russe de l’aviation (autorité compétente de l’État dans lequel a
eu lieu le crash), avec la participation d’experts polonais. Les
deux États ont convenu que l’enquête principale technique serait
menée conformément aux normes et pratiques recommandées internationales
précisées à l’annexe 13 de la Convention relative à l’aviation civile internationale
(Convention de Chicago), qui sont en principe applicables à l’aviation
civile, bien que l’avion polonais Tu-154M ait été enregistré en
qualité d’aéronef d’État et que le vol fatidique ait été effectué
pour le compte de l’État.
3. Le rapport d’enquête de la Commission interétatique russe
de l’aviation publié le 12 janvier 2011 a conclu que «[l]a cause
immédiate de l’accident a été la suivante: absence de décision prise
en temps opportun par l’équipage de faire route vers un autre aérodrome,
alors qu’il avait été informé à de nombreuses reprises des conditions
météorologiques précises à l’aérodrome Severny de Smolensk, qui
étaient nettement inférieures aux minima fixés pour un aérodrome;
descente sans contact visuel avec les références au sol, à une altitude
très inférieure à l’altitude minimale de descente prévue pour pouvoir
procéder à une remise des gaz (100 mètres), afin d’effectuer un
vol à vue; absence de réaction face aux nombreux avertissements
TAWS [Terrain Awareness and Warning System –
système d'avertissement et d'alarme d'impact], ce qui a entraîné un
impact au sol sans perte de contrôle, la destruction de l’aéronef
et la mort de l’équipage et des passagers».
4. Les observations formulées par les autorités polonaises au
sujet du projet de rapport de la Commission interétatique russe
de l’aviation n’ont pas été prises en compte dans la version définitive
du rapport. La Commission d’enquête polonaise sur les accidents
aériens nationaux a par la suite publié son propre rapport le 29 juillet
2011. Ce rapport précise que «[l]a cause immédiate de l’accident
est la suivante: descente à une altitude inférieure à l’altitude
minimale de descente, à une vitesse verticale de descente excessive
dans des conditions météorologiques qui empêchaient tout contact
visuel avec le sol et exécution retardée de la procédure de remise
des gaz. Ces circonstances ont conduit l’aéronef à heurter un obstacle
au sol, ce qui a provoqué la séparation d’une partie de l’aile gauche
et de l’aileron, et, par voie de conséquence, la perte de contrôle
de l’aéronef et finalement l’impact au sol».
5. Alors que les deux rapports conviennent du caractère essentiellement
accidentel de la tragédie, le rapport russe fait porter l’ensemble
de la responsabilité de cet accident sur les membres d’équipage
de l’aéronef, tandis que les enquêteurs polonais concluent que le
contrôle aérien russe a également joué un rôle dans l’accident en
transmettant des informations inexactes à l’équipage sur la position
de l’aéronef, et que des défaillances de l’aéroport de Smolensk
ont contribué au crash. La Pologne a également mis en doute l’indépendance
et la neutralité de la Commission interétatique russe de l’aviation.
6. Le 11 avril 2018, la nouvelle commission d’enquête sur le
crash du Tu-154M à Smolensk, nommée par le Gouvernement polonais,
a publié un nouveau rapport préliminaire qui conclut que l’aéronef
a été «détruit dans les airs à la suite de plusieurs explosions».
7. Aujourd’hui, plus de huit ans après l’accident, la Fédération
de Russie est encore en possession de l’épave de l’avion, des boîtes
noires et de leurs enregistrements originaux des données de vol,
ainsi que d’autres preuves matérielles. Bien que des copies des
enregistrements des données de vol et certaines preuves matérielles
aient déjà été transmises aux autorités polonaises, la Pologne a
fortement insisté pendant des années pour que l’épave et l’ensemble
des éléments matériels originaux lui soient remis. Les enquêtes judiciaires
menées dans les deux pays au sujet du crash sont toujours en cours.
8. L’Assemblée rappelle que, en vertu de l’annexe 13 de la Convention
de Chicago, l’État d’occurrence est tenu de restituer l’épave et
les autres éléments de preuve matériels à l’État d’immatriculation
de l’aéronef dès que l’enquête technique de sécurité aérienne est
achevée, ce qui était le cas en janvier 2011. Le refus constant des
autorités russes de restituer l’épave et les autres éléments de
preuve constitue un abus des droits et a alimenté en Pologne l’idée
que la Russie avait quelque chose à cacher.
9. L’Assemblée appelle par conséquent les Gouvernements de la
Fédération de Russie et de la République de Pologne à mener une
médiation internationale sur les moyens de mettre en œuvre les conclusions
du paragraphe 10.1, et à faire rapport à l’Assemblée sur les résultats
obtenus dans un délai de douze mois à compter de l’adoption de la
présente résolution.
10. Comme l’enquête technique de sécurité aérienne de la Commission
interétatique russe de l’aviation est terminée, et que son rapport
final a été publié en 2011, l’Assemblée appelle en outre la Fédération
de Russie:
10.1. à remettre l’épave
de l’avion polonais Tu-154M aux autorités polonaises compétentes
sans plus tarder, en étroite coopération avec les experts polonais
et de manière à éviter toute dégradation supplémentaire des éventuels
éléments de preuve;
10.2. dans l’intervalle, à protéger de façon adéquate l’épave
selon un procédé convenu avec les experts polonais;
10.3. à s’abstenir de mener sur le site du crash d’autres activités
susceptibles d’être considérées comme une profanation des lieux,
qui ont une très grande importance émotionnelle pour de nombreux Polonais.
11. L’Assemblée appelle par ailleurs les forces de l’ordre des
deux États à pleinement coopérer dans l’établissement de l’éventuelle
responsabilité pénale relative au crash, notamment en mettant rapidement
à disposition tout élément de preuve à la demande de l’autre État.
12. Enfin, l’Assemblée rappelle solennellement que ce vol fatidique
avait pour but de transporter les plus hauts représentants de l’État
polonais à une cérémonie de commémoration à Katyn, sur le site du
massacre de milliers de patriotes polonais par la police secrète
de Staline au printemps 1940. Alors que l’Union soviétique a longtemps
refusé d’admettre sa responsabilité dans ce crime, elle a finalement
reconnu les faits en 1990. Le processus de réconciliation entre
Polonais et Russes, qui doit se poursuivre sur la base de la vérité des
faits historiques, ne devrait pas être menacé par un comportement
abusif ou provocateur au sujet des tragiques événements survenus
à Smolensk.