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Rapport | Doc. 14824 | 06 février 2019

Le stress au travail

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Stefaan VERCAMER, Belgique, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14090, Renvoi N˚ 4229 du 10 octobre 2016. 2019 - Commission permanente de mars

Résumé

Environ la moitié des travailleurs européens considèrent que le stress est fréquent sur leur lieu de travail. Ceci est largement dû aux transformations radicales dans l’organisation et les relations du travail, ainsi qu’à un déséquilibre entre les demandes perçues et les ressources ou capacités perçues des individus. Tandis que le stress peut nuire au bien-être et à la santé des travailleurs, il peut également menacer la sûreté publique dans les cas les plus graves et porter atteinte aux organisations, aux économies nationales et à la société dans son ensemble: c’est notre défi collectif.

Le rapport note que les pays européens intègrent aujourd’hui la gestion du stress dans leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en portant une attention croissante mais encore insuffisante aux risques psychosociaux. Il plaide pour que la prévention, la gestion et la réduction du stress soient prises en compte à différents niveaux de gouvernance, ainsi que dans le secteur privé.

De plus, les pays devraient élargir la liste nationale des maladies professionnelles de façon à y inclure explicitement les troubles provoqués par le stress, y compris le burnout professionnel. Ils devraient mieux protéger les catégories de travailleurs les plus vulnérables, étudier les répercussions de l’intelligence artificielle sur les droits des travailleurs, la déontologie et l’organisation du travail, et encourager les employeurs à adopter une organisation du travail qui réduise le stress afin de garantir un équilibre sain entre la vie professionnelle et la vie privée.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4 décembre
2018.

(open)
1. Le monde du travail est submergé par le stress. Face aux transformations radicales dans l’organisation et les relations du travail, les travailleurs subissent une immense pression pour répondre aux exigences croissantes de la vie professionnelle. Lorsque cette pression est renforcée par un déséquilibre entre les demandes perçues et les ressources et capacités perçues des individus, elle peut nuire à leur bien-être et à leur santé, tant physique que psychologique, mais aussi menacer la sûreté publique dans les cas les plus graves. Cette réalité inquiétante porte atteinte aux travailleurs, aux organisations, aux économies nationales et à la société dans son ensemble. Le stress au travail est de notre responsabilité collective – et notre défi à tous.
2. Les pays européens reconnaissent le stress professionnel comme un grave problème de santé publique et intègrent aujourd’hui la gestion du stress dans leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en portant une attention croissante mais encore insuffisante aux risques psychosociaux. Or, le poids du stress au travail en Europe et de par le monde dépasse les risques purement médicaux: sachant que la moitié environ des travailleurs européens considèrent que le stress est fréquent sur leur lieu de travail, la prévention, la gestion et la réduction du stress doivent être prises en compte à différents niveaux de gouvernance et dans le secteur privé.
3. L’Assemblée parlementaire estime que toutes les institutions européennes devraient faire l’objet d’un «test sur le stress», afin de répertorier les mesures mises en œuvre pour assurer la prévention et la gestion du stress au travail, et d’identifier les domaines qui nécessitent des interventions supplémentaires.
4. L’Assemblée note que la plupart des textes de référence nationaux et européens évoquent implicitement le stress au travail dans le cadre des besoins en matière de santé mentale, mais ne reconnaissent pas explicitement les troubles de la santé mentale liés au stress comme une maladie professionnelle, ce qui reflète les orientations actuelles de l’Organisation internationale du travail (OIT). Par ailleurs, des études réalisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent qu’une grande confusion persiste sur le plan réglementaire entre la pression normale et le stress au travail; cette confusion n'est parfois qu'un prétexte pour excuser de mauvaises pratiques de gestion.
5. L’Assemblée déplore également la confusion largement répandue concernant la notion de burnout professionnel (état d’épuisement physique et émotionnel extrême) et sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle. Dans sa liste de maladies professionnelles de 2010, l’OIT cite l’«état de stress post-traumatique» et d’«autres troubles mentaux ou du comportement non mentionnés», alors que la recommandation de la Commission européenne concernant la liste européenne des maladies professionnelles ne mentionne aucun trouble provoqué par le stress. Le syndrome du burnout est pourtant de plus en plus reconnu à l’échelle nationale en Europe comme un grave problème de santé au travail.
6. L’Assemblée salue les initiatives nationales, entrepreneuriales et européennes visant à concilier le travail et la vie privée, et à assurer l’exercice effectif du droit à l’égalité des chances au travail, conformément aux exigences de la Charte sociale européenne (STE nos 35 et 163). Elle estime que les États membres devraient mieux prendre en compte la dimension de genre dans leurs instruments politiques, compte tenu des éléments qui mettent en évidence que les femmes et les hommes réagissent au stress au travail et le gèrent de différentes manières, et que les femmes au travail sont les plus touchées, en particulier lorsqu’elles portent le double fardeau du travail et des responsabilités familiales.
7. Considérant que la nature même du travail devrait changer radicalement au cours de la prochaine décennie, à mesure que les robots et les systèmes d’intelligence artificielle viendront remplacer les êtres humains dans de nombreux emplois et créeront de nouveaux modes de travail en équipe associant l’homme et la machine, l’Assemblée estime que cette source de stress permanent par rapport à l’insécurité de l’emploi devrait obliger les parties prenantes à revoir l’organisation du travail et la répartition des tâches et des charges de travail, de façon à réduire le stress et à favoriser le travail à temps partagé.
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à réaliser une étude approfondie des mesures nationales existantes sur le plan juridique ou politique en matière de prévention, de gestion et de réduction du stress professionnel, en gardant à l’esprit la dimension de genre;
8.2. à recenser les lacunes législatives et réglementaires de leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en vue d’assurer une meilleure couverture des risques psychosociaux, en particulier dans les secteurs d’activité fortement exposés (tels que les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les enseignants et les prestataires de service);
8.3. à élargir la liste nationale des maladies professionnelles de façon à y inclure explicitement les troubles provoqués par le stress, y compris le burnout professionnel;
8.4. à instaurer des obligations pour que tous les employeurs:
8.4.1. adoptent une approche globale de l’évaluation, de la gestion et de la prévention du stress dans une optique organisationnelle et individuelle;
8.4.2. mettent en œuvre des protocoles spécifiques contre les brimades, le harcèlement, la discrimination fondée sur le genre et tout autre comportement déplacé au travail;
8.4.3. assurent une protection adéquate contre le stress au travail pour les catégories de travailleurs les plus vulnérables (jeunes, immigrés, femmes enceintes et personnes âgées);
8.5. à étudier les répercussions de la robotisation et de l’intelligence artificielle sur les droits des travailleurs, la déontologie et l’organisation du travail, en vue de préserver le travail humain et de garantir un équilibre sain entre la vie professionnelle et la vie privée;
8.6. à encourager les employeurs à adopter une organisation du travail qui réduise le stress, avec des semaines raccourcies à quatre jours (comptant 28 à 32 heures de travail hebdomadaire), des horaires modulables, davantage d’autonomie, des possibilités de télétravail et des systèmes de travail partagé, notamment pour les parents et les aidants qui travaillent;
8.7. le cas échéant, à envisager de lancer des campagnes de sensibilisation nationales ou sectorielles sur le stress au travail et les ressources d’information ou les outils de soutien et de formation accessibles au public ou en ligne.

B. Exposé des motifs, par M. Stefaan Vercamer, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Depuis des années, il est reconnu que le stress au travail 
			(2) 
			Le
stress au travail est un état qui provient de la conception et de
l’organisation du travail, des relations de travail et des discordances
entre les ressources, les capacités, les besoins, les demandes et
les attentes de travailleurs individuels ou de groupes contre une
entreprise ou un organisme. Cet état s’accompagne de plaintes ou
de dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux (Accord-cadre
sur le stress au travail, 2004). est un grave problème de santé publique. En 2003 déjà, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publiait un rapport détaillé présentant aux professionnels de la santé au travail en Europe des lignes directrices pour l'évaluation et la prévention du stress en milieu professionnel 
			(3) 
			OMS, Work Organisation
& Stress: systematic problem approaches for employers, managers
and trade union representatives, Genève, 2003, <a href='http://www.who.int/occupational_health/topics/stressatwp/en/'>www.who.int/occupational_health/topics/stressatwp/en/</a>.. D’après l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (UE-OSHA), les risques psychosociaux et le stress lié au travail comptent parmi les problèmes les plus complexes en matière de sécurité et de santé au travail, car ils ont une forte incidence sur la santé des personnes, sur les organisations et sur les économies nationales: environ la moitié des travailleurs européens considèrent que le stress est fréquent sur leur lieu de travail, et le stress semble être à l’origine de la moitié environ des journées de travail perdues.
2. Si le phénomène du stress est souvent stigmatisé ou mal compris, les professionnels considèrent aujourd’hui qu'à l'instar des risques psychosociaux, il peut être géré comme tout autre risque pour la sécurité et la santé au travail, en particulier s’il est pleinement reconnu comme un problème organisationnel et non comme une faute individuelle. Par conséquent, les réponses apportées au problème et les actions préventives nécessitent l’engagement des États, des entreprises et des salariés.
3. Comme le suggère la proposition de résolution (Doc. 14090) déposée par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, le présent rapport a pour objet de sensibiliser les parlements et les gouvernements européens au stress lié au travail en tant que problème majeur de santé publique, d’étudier les causes, les défis à relever et les réponses possibles, et de recenser les domaines qui nécessitent une action législative ou politique propre à améliorer les conditions de travail psychosociales et le bien-être au travail en Europe, dans les secteurs public et privé. Pour recueillir des conseils d’experts et des recommandations, un échange de vues a été organisé avec les représentants de l’UE-OSHA et du Centre for Sustainable Working Life de l’université Birkbeck de Londres (Royaume-Uni) le 18 septembre 2018.

2. Le stress au travail: définitions, causes, conséquences et approches

4. Déjà dans les années 1980, l’Organisation internationale du Travail (OIT) définissait le terme «stress» comme étant «la réaction physique et émotionnelle préjudiciable qui provient d’un déséquilibre entre les demandes perçues et les ressources et capacités perçues des individus pour faire face à ces demandes» 
			(4) 
			Organisation
internationale du travail (OIT), Psychological factors at work:
recognition and control, Genève, 1986.. Plus récemment, en 2016, la manifestation annuelle de l’OIT «Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail» portait sur le thème «Le stress au travail: un défi collectif». Il est donc manifeste que cette question est perçue comme un défi pour les gouvernements, les salariés et les syndicats depuis de nombreuses années.

2.1. Les causes du stress au travail

5. Il va sans dire que les causes et les facteurs du stress qui s’exerce sur les travailleurs dépendent de l’environnement professionnel, des tâches à accomplir, des organisations et des pratiques culturelles. Le contexte économique général aussi joue assurément un rôle, notamment la crise qui a commencé en 2008, et la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans tous les secteurs de l’économie 
			(5) 
			Agence européenne pour
la sécurité et la santé au travail (UE-OSHA), document de travail
sur «Monitoring Technology: the 21st century’s pursuit of well-being?», <a href='http://osha.europa.eu/'>http://osha.europa.eu</a>..
6. L’UE-OSHA cite parmi les facteurs de stress les plus courants sur le lieu de travail: 1) le contenu du travail (tâches ennuyeuses, activités non stimulantes, etc.); 2) la quantité de travail et la vitesse d’exécution; 3) les horaires de travail (longues journées, pauses limitées, horaires non flexibles, périodes de travail imprévisibles, etc.); 4) la participation (non-participation à la prise de décision, pas de contrôle sur les modalités d’exécution des tâches); 5) les conditions matérielles de l’environnement de travail (faible luminosité, bruit); 6) la culture organisationnelle (soutien médiocre, répartition du travail peu claire, etc.) et la gestion médiocre du changement organisationnel (d’où l’insécurité de l’emploi); 7) les conflits, le manque de soutien et la mauvaise communication entre collègues et managers, voire des phénomènes plus graves comme le harcèlement psychologique ou sexuel; 8) l’absence d’évolution de carrière (pas de plan de carrière, stabilité ou mobilité fonctionnelle); et 9) les difficultés à concilier le travail et la vie privée («équilibre travail-vie privée») 
			(6) 
			Observatoire
européen des risques (OER), European Survey of New and Emerging
Risks: Managing Safety and Health at Work, 2010. UE-OSHA, <a href='https://osha.europa.eu/en/about-eu-osha/what-we-do/european-risk-observatory'>https://osha.europa.eu/en/about-eu-osha/what-we-do/european-risk-observatory</a>..Les données les plus récentes de l’Agence à propos de l’Europe montrent effectivement que les travailleurs doivent régulièrement faire face à des demandes excessives: selon les chiffres communiqués, 34 % travaillent à cadence élevée pendant les trois quarts du temps ou plus, et 37 % doivent respecter des dates butoirs serrées. De plus, 31 % des travailleurs signalent qu’ils sont dans une situation perturbante sur le plan émotionnel (plus d’un quart du temps au travail) 
			(7) 
			UE-OSHA, fichier thématique
sur «Les risques psychosociaux et le stress au travail», <a href='https://osha.europa.eu/en/themes/psychosocial-risks-and-stress'>https://osha.europa.eu/en/themes/psychosocial-risks-and-stress</a>..
7. Cette liste de facteurs et de données montre que la notion de stress au travail va au-delà de l’idée que l’on peut se faire des travailleurs surpassant leurs limites physiques, étant dans l’incapacité d’accomplir leurs tâches par manque de compétences ou de ressources, ou étant surchargés de travail. On observe ces dernières années une reconnaissance croissante du stress au travail dû à des conflits entre les personnes et motivés par la dimension relationnelle: l’accent est donc mis davantage sur les aspects subjectifs et psychologiques du stress.
8. À l’origine, deux approches permettaient d’expliquer le développement du stress sur le lieu de travail. Tout d’abord, les études sur le stress dû au travail étaient centrées sur les conséquences physiques majeures du déséquilibre entre une charge excessive et l’autonomie des travailleurs dans la prise de décision. La seconde école était axée autour de l’idée que le stress provient de la frustration de ne pas être suffisamment récompensé pour ses efforts au vu de ce que l’on attend en termes de salaire, d’estime et de sécurité de l’emploi 
			(8) 
			Eurofound et UE-OSHA,
Les risques psychosociaux en Europe: Prévalence et stratégies en
matière de prévention, p. 14, 2014.. Il semble que l’approche la plus récente se préoccupe davantage des valeurs de justice et d’équité, les causes du stress étant comprises comme liées à des tâches illégitimes, à une répartition injuste du travail ou à d’autres traitements discriminatoires ou déraisonnables, partant du principe que les rôles exercés par les personnes dans leur travail s’adressent essentiellement à leur identité 
			(9) 
			Semmer, Norbert K. et al., «Illegitimate Tasks as a
Source of Work Stress», Work and Stress 29.1, 2015: p. 32-56. PMC
Web, 17 juillet 2017..
9. Si l’on regarde l’évolution du contexte économique, il apparaît plus que jamais pertinent de s’intéresser au stress lié au travail, à l’heure où les technologies de l’information et de la communication sont omniprésentes dans tous les secteurs de l’économie et ont une incidence majeure, tant positive que négative, sur les lieux et les processus de travail. Leur incidence est positive, car ces technologies donnent davantage d’autonomie et de flexibilité, tout en permettant aussi l’émergence de nouvelles formes d’organisation du travail, notamment le travail à distance, qui permet de mieux concilier travail et vie privée et de passer moins de temps au bureau (et donc d’économiser de l’énergie qui, sinon, serait utilisée pour le trajet travail-domicile) 
			(10) 
			«Health Technology
in the Workplace: Leveraging technology to protect and improve worker
health», <a href='http://healthyworkplaces.berkeley.edu/wellness/health-technology-in-the-workplace-leveraging-technology-to-protect-and-improve-worker-health/'>http://healthyworkplaces.berkeley.edu/wellness/health-technology-in-the-workplace-leveraging-technology-to-protect-and-improve-worker-health/</a>..
10. Toutefois, les technologies de l’information et de la communication ont souvent pour effet d’accélérer la cadence des processus et des tâches, car elles optimisent les flux de travaux et rendent le travail plus exigeant et plus long à réaliser. Ces nouvelles technologies peuvent aussi conduire à l’isolement et représentent un facteur de stress physiologique pour ceux qui ne communiquent pas quotidiennement en face à face ou avec une équipe sur site; elles peuvent aussi être à l’origine de burnouts en raison de la connexion permanente avec le travail (les salariés sont constamment joignables par e-mail, téléphone portable ou bureau virtuel, même en dehors des heures de bureau, et des ordres sont transmis pendant les périodes de repos ou à des moments imprévisibles) 
			(11) 
			Ibid.. Les travailleurs ont le droit de déconnecter du travail en dehors des heures de travail.
11. Le recours croissant aux technologies de monitoring par le biais de la vidéo, de l’audio et même du suivi des mouvements, de l’emplacement et des signaux corporels comme le rythme cardiaque ou la pression sanguine peut induire du stress chez les travailleurs, qui sont soumis à une surveillance permanente, à un contrôle de leurs faits et gestes ou à une évaluation de leur performance. Toutefois, ces outils de suivi pourraient aussi servir à repérer les ennuis de santé au travail et à tirer le signal d’alarme lorsqu’un salarié est soumis à une charge de travail excessive (des entreprises pourraient par exemple déceler divers symptômes physiques par le biais de dispositifs portables ou de smartphones) 
			(12) 
			Eurofound
et Bureau international du Travail, Working anytime, anywhere: The
effects on the world of work, Office des publications de l’Union
européenne, Luxembourg, et Bureau international du Travail, Genève
2017, p. 28, 33, 37..
12. Par ailleurs, parmi les éléments contextuels qui influent sur la santé psychologique des travailleurs, beaucoup citent également la crise économique majeure qui a frappé l’Europe ces dix dernières années. La récession a gravement assombri les perspectives d’emploi et accru l’insécurité de l’emploi, freiné l’évolution des salaires et restructuré la répartition du travail, imposant davantage de responsabilités sur ceux qui ont conservé leur emploi et, pour toutes ces raisons, fragilisé de nombreux salariés jusqu’à les rendre malades 
			(13) 
			Paul Schnabel, Protecting
and including vulnerable people in times of economic crisis – Netherlands
Institute for Social Research/SCP, La Haye, Pays-Bas.. En outre, la nature même du travail devrait changer radicalement, car les robots et les systèmes d’intelligence artificielle menacent de remplacer les êtres humains dans de nombreux emplois et de créer de nouveaux modes de travail en équipe associant l’homme et la machine 
			(14) 
			Žiga Turk, «The future
of work: robots cooking free lunches?», Wilfried Martens, Centre
for European Studies, 2018..
13. Enfin, il importe de ne pas négliger non plus la dimension de genre: les preuves mettent en évidence que les femmes et les hommes réagissent au stress au travail et le gèrent de manières différentes. La plupart des études relèvent que les femmes au travail sont les plus touchées, en particulier lorsqu’elles portent le double fardeau du travail et des responsabilités familiales. De plus, elles sont davantage exposées au risque de harcèlement sexuel au travail et de discrimination fondée sur le genre avec des salaires inférieurs, des exigences professionnelles supérieures 
			(15) 
			OIT, «Workplace stress:
a collective challenge”, 2016. ainsi que le travail à temps partiel subi 
			(16) 
			D’après
la Commission européenne, 31,5 % des femmes actives travaillent
à temps partiel contre 8,2 % des hommes actifs dans l’Union européenne,
une situation largement due à la situation des familles avec enfants., et nécessitent une protection spéciale pendant la grossesse.

2.2. Conséquences du stress au travail

14. Il est largement admis aujourd’hui que les conditions de travail et les facteurs contextuels susmentionnés peuvent avoir des effets préjudiciables sur les plans psychologique, physique et social, parmi lesquels le stress lié au travail, le burnout, la dépression et même le suicide. Je rappellerai que les travaux scientifiques de ces 20 dernières années ont clairement mis en évidence une corrélation entre le stress et l’apparition de certains symptômes physiques et psychologiques, qui débouchent sur des complications graves comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, des problèmes musculosquelettiques, la dépression et les troubles bipolaires 
			(17) 
			Daniel
C. Ganster, université d'État du Colorado, Christopher C. Rosen,
université de l'Arkansas, «Work Stress and Employee Health», Journal of Management, vol. 39,
no 5, p. 1085-1122, première date de
publication: 19 février 2013..
15. L’OIT note que des niveaux élevés de stress peuvent également entraîner des habitudes nocives pour la santé, telles que l’alcoolisme et la toxicomanie, l’augmentation du tabagisme, une alimentation inadéquate, une activité physique insuffisante et des troubles du sommeil. Tous ces facteurs peuvent à leur tour aggraver l’état général des individus, leur engagement et leur performance, et se répercuter sur leur rôle et leur bien-être dans leur vie privée et leur vie professionnelle 
			(18) 
			OIT,
«Workplace stress: a collective challenge», Journée mondiale de
la sécurité et de la santé au travail, 26 avril 2016..
16. Si l’on ne tient compte que des effets de la dépression due à des risques physiologiques liés aux conditions de travail, le stress au travail pourrait coûter € 617 milliards par an dans l’Union européenne, qui se répartissent comme suit: absentéisme (€ 272 milliards), baisse de la productivité (€ 242 milliards), services de santé (€ 63 milliards) et paiement des prestations d’invalidité (€ 39 milliards) 
			(19) 
			UE-OSHA, Calculating the cost of work-related stress
and psychosocial risks, Office des publications de l’Union européenne,
Luxembourg, 2014, p. 7.. Cela étant, le tribut à payer au stress au travail en Europe et dans le monde ne se limite pas aux risques médicaux. Non seulement le bien-être et l’intégrité psychologique de l’individu sont impactés, mais le stress au travail augmente aussi les coûts de l’activité économique, freinant ainsi la compétitivité et réduisant les bénéfices. L’ensemble de la société en subit donc les répercussions: le stress au travail constitue un immense défi collectif.

3. Le stress au travail: réponses législatives et politiques

17. Les organisations internationales et les institutions européennes, les entreprises et les pays ont publié toute une série de normes et de lignes directrices qui s’appliquent au stress lié au travail; ces instruments varient dans leur contenu et leur valeur juridique (contraignants ou non) et dans leur façon plus ou moins explicite de faire référence au stress au travail.

3.1. Outils mondiaux et européens

18. À l’OIT, le principal instrument est la Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs de 1981 (no 155), suivie de sa Recommandation (no 164). Ces instruments constituent des normes de réglementation contraignantes qui font référence à la santé mentale et qui, par l’utilisation de ce terme, englobent la prévention du stress au travail. La Convention de l’OIT sur les services de santé au travail de 1985 (no 161) et sa Recommandation complémentaire (no 171) concernent les services de santé au travail en tant que services multidisciplinaires qui devraient traiter des questions de santé mentale et physique, ce qui, là encore, englobe le stress au travail.
19. De même, les directives de l’Union européenne sur la santé et la sécurité des travailleurs ne traitent pas expressément du stress au travail, et font généralement allusion à la santé mentale. Le schéma adopté dans les règlements de l’Union européenne apparaît par exemple dans la directive-cadre sur la sécurité et la santé au travail (89/391/CEE), qui ne contient aucune référence directe au stress au travail, mais reconnaît les besoins touchant à la santé mentale. Cette façon de procéder a été reprise dans la plupart des pays de l’Union européenne. Par conséquent, au niveau national, les pays européens ne reconnaissent pas tous les troubles de la santé mentale liés au stress comme une maladie professionnelle, ce qui reflète les catégories citées dans la liste des maladies professionnelles de l’OIT (révisée en 2010). L’Italie, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie et la Hongrie font partie des pays qui ont inscrit les maladies mentales dans leur répertoire officiel des maladies professionnelles 
			(20) 
			Parlement
européen, Direction générale des politiques internes, Employment
policy, occupational health concerns: stress-related and psychological
problems associated with work, Bruxelles, 2010..
20. Au sein du système conventionnel du Conseil de l’Europe, la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) énonce, en son article 3, le droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail. Le premier alinéa de cet article demande aux États membres de mettre en œuvre des politiques pour prévenir les accidents et améliorer la santé au travail. Les alinéas suivants énoncent l’obligation d’édicter des règlements de sécurité et d’hygiène, qui doivent être appliqués par les États en association avec les services de santé au travail, pour tous les travailleurs et avec des objectifs de prévention et de conseil. Dans sa formulation, la Charte sociale européenne (révisée) ne fait pas expressément référence à des mesures liées au stress au travail.
21. Cela étant, dans une déclaration interprétative de l’article 3 en 2003 déjà, le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) tenait compte «du stress, des agressions et de la violence dans le travail lorsqu’il sera amené à examiner les risques couverts par la réglementation en matière de santé et de sécurité au travail» et envisageait «les mesures prises par les pouvoirs publics pour protéger les travailleurs contre le stress, les agressions et la violence propres aux tâches effectuées dans les rapports atypiques de travail, lorsqu’il sera amené à examiner le champ d’application personnel de la réglementation en matière de santé et de sécurité au travail». Le mécanisme de suivi lié au système conventionnel de la Charte a ensuite émis des avis contre certains pays (la Bulgarie et l’Italie, par exemple) pour non-conformité avec les normes européennes, au vu de l’absence ou de l’insuffisance des politiques concernant le stress sur le lieu de travail.
22. De plus, des accords conclus au niveau de l’Union européenne ont introduit des formes subsidiaires de promotion des politiques contre le stress lié au travail sur la base de l’adhésion volontaire de représentants des syndicats et des entreprises. L’Accord-cadre sur le stress au travail par exemple, entrepris par des partenaires sociaux européens transsectoriels 
			(21) 
			Cet
accord a été conclu par la Confédération européenne des syndicats,
l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe,
l’Association européenne de l’artisanat et des petites et moyennes
entreprises ainsi que le Centre européen des entreprises à participation
publique et des entreprises d’intérêt économique général., a été conclu en 2004. Les Parties se sont engagées à le mettre en œuvre en appliquant des procédures et des pratiques dans différents pays. Cet instrument définit une référence normative par laquelle les parties acceptent d’appliquer des politiques visant à prévenir, à suivre et à traiter le stress au travail, chaque pays restant libre d’intégrer ces mesures sous la forme d’accords nationaux, sectoriels ou collectifs, d’autres activités ou programmes tripartites, ainsi que par la législation. Toutefois, le dernier rapport de 2011 note que beaucoup reste à faire avant que les objectifs généraux ne soient atteints 
			(22) 
			Commission
européenne, Document de travail des services de la Commission, Report
on the implementation of the European social partners’ Framework
Agreement on Work-related Stress, Bruxelles, 2011..
23. Au niveau européen, l’UE-OSHA a lancé une grande campagne en 2014-2015 intitulée «Mieux prévenir pour mieux travailler», afin de sensibiliser au problème croissant du stress lié au travail et des risques psychosociaux. Cette campagne ciblait spécifiquement les entreprises pour accroître leurs connaissances pratiques en matière de reconnaissance et de prévention des risques psychosociaux. Bien que le stress au travail résulte d’une combinaison de pressions externes et de la capacité d’une personne de gérer le stress, l’UE-OSHA a très clairement insisté – et continue de faire – sur la responsabilité collective des organisations et des responsables de prévenir le stress à sa source (au travail), de gérer les risques et d’y remédier. La campagne a également révélé que les petites entreprises font face à des problèmes particuliers en matière de gestion du stress au travail en raison d’approches réactives, d’une tendance excessive à faire peser la responsabilité sur l’individu et d’une sous-estimation des risques de santé.
24. Le modèle de l’OMS d’un environnement de travail sain met particulièrement l’accent sur les risques physiques et psychosociaux liés au travail, tout en préconisant des comportements sains au moyen d’environnements positifs, de bonnes pratiques entrepreneuriales et de programmes de bien-être au travail. L’engagement des responsables et l’engagement des travailleurs en faveur de la déontologie sont considérés comme essentiels dans ce processus dynamique et continu. Des études de l’OMS ont mis en relief l’extrême confusion qui persiste entre la pression ou le défi perçu et le stress au travail; cette confusion n’est parfois qu’un prétexte pour excuser de mauvaises pratiques de gestion.
25. Une autre source de confusion à différents niveaux concerne la notion de burnout professionnel (état d’épuisement physique et émotionnel extrême) et sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle. Dans sa liste des maladies professionnelles, révisée en 2010 
			(23) 
			Annexe de la Recommandation
no 194 concernant la liste des maladies
professionnelles et l'enregistrement et la déclaration des accidents
du travail et des maladies professionnelles, initialement adoptée
en 2002., qui sert de modèle pour tous les pays, l’OIT cite l’«état de stress post-traumatique» et d’«autres troubles mentaux ou du comportement non mentionnés». La Recommandation de la Commission européenne concernant la liste européenne des maladies professionnelles (2003/670/CE) ne répertorie aucun trouble provoqué par le stress. Le syndrome du burnout est pourtant de plus en plus reconnu à l’échelle nationale en Europe comme un grave problème de santé au travail.

3.2. Initiatives nationales et bonnes pratiques

26. Dans la plupart des pays européens, les autorités nationales ont mis en place leurs propres politiques, qui prennent la forme de lois, de lignes directrices ou de programmes gouvernementaux, pour traiter la question du stress au travail et, en particulier, des risques psychologiques liés au travail. Selon des enquêtes réalisées par l’UE-OSHA, environ un tiers de tous les établissements de l’Union européenne des 28 disposent de procédures visant à traiter les risques psychosociaux provoqués par le stress; dans les «pays vertueux», tels que le Royaume-Uni, la Roumanie, le Danemark, la Suède et l’Italie, cette proportion peut atteindre au moins 50 %, contre moins de 15 % pour les mauvais élèves (la République tchèque, l’Estonie, la Croatie, la Pologne, le Luxembourg, la Grèce et la République slovaque). Les directives de l’Union européenne relatives au stress professionnel n’énonçant pas de consignes «impératives» (comme l’explique la section ci-dessus), les autorités nationales ont toute latitude d’agir ou de rester passives, face aux nouveaux éléments qui mettent en évidence l’augmentation du stress au travail.
27. Les initiatives et les stratégies nationales les plus récentes en matière de gestion du stress au travail couvrent mieux les risques psychosociaux et prévoient davantage d’études sur ces risques. Dans certains pays, les services d’inspection du travail ont émis des consignes spécifiques pour que les inspecteurs qui visitent les espaces de travail évaluent correctement les mesures de gestion du stress psychosocial mises en place par les employeurs. Diverses autorités nationales, partenaires sociaux et associations professionnelles ont également publié des protocoles pour la prévention et la gestion du stress au travail et présenté certains outils d’intervention. Toutefois, comme le fait observer l’OIT, la collecte insuffisante de données nationales sur l’étendue réelle du problème pourrait orienter les politiques publiques vers une mauvaise direction ou entraîner leur fragmentation.
28. Les pays nordiques ont joué un rôle précurseur dans la reconnaissance des risques psychosociaux au travail, grâce à une législation pertinente, comme les lois danoises et norvégiennes sur l’environnement de travail adoptées en 1977 et leurs révisions ultérieures, ainsi que la loi islandaise de 1980 sur l’environnement de travail, révisée en 2003 et en 2004. Cette dernière a obligé les employeurs à prendre systématiquement des mesures préventives, à évaluer les risques psychosociaux et à mettre en œuvre des dispositions contre les brimades et tout autre comportement déplacé. D’autres pays, tels que l’Autriche, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie et la République slovaque, disposent de lois sur la sécurité et la santé au travail, qui demandent aux employeurs de mesurer les risques psychosociaux en évaluant le stress professionnel 
			(24) 
			Eurofound et UE-OSHA, Les risques psychosociaux en Europe: Prévalence
et stratégies en matière de prévention, Office des publications
de l’Union européenne, Luxembourg, 2014..
29. Pour mieux faire connaître les aspects psychosociaux du stress au travail, certains pays ont lancé des campagnes d’information nationales (par exemple, le Danemark à la fin des années 1990 et au début des années 2000) et des programmes de formation particuliers pour les inspecteurs du travail (comme la Suède dès 2001-2003). D’autres ont élaboré des outils spécifiques destinés à détecter les facteurs de stress dans l’environnement de travail (par exemple, SIGMA en Allemagne), des normes de gestion du stress au travail et un «code de bonne conduite» approuvé (par exemple, celui adopté au Royaume-Uni par l’organisme de la sécurité et de la santé 
			(25) 
			L’organisme britannique
de la sécurité et de la santé au travail (HSE) a également publié
un catalogue gratuit sur les formations et les documents de référence
disponibles pour les entreprises à la recherche de conseils pour
appliquer les normes d’emploi, et d’appui pour détecter et prévenir
les risques de stress.) ou des politiques sectorielles de gestion du stress (par exemple, la police fédérale belge). Pour lutter contre l’intimidation et le harcèlement, le Danemark a mis en place une permanence téléphonique pour fournir des conseils aux salariés qui subissent des abus; les évaluations récentes des résultats de ce programme semblent indiquer que c’est une réussite.
30. Conformément aux exigences de la Charte sociale européenne, tous les pays européens ont des dispositions juridiques efficaces pour protéger les travailleuses pendant la grossesse ou après l'accouchement et veiller à l'égalité des chances en matière d'emploi. Certains pays (notamment l'Autriche, l'Estonie, la Géorgie, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, la Roumanie et la République tchèque) disposent également d'une législation visant à protéger les femmes enceintes de la fatigue psychique et de la tension au travail. Toutefois, les législations nationales restent très disparates en matière de congé maternité/paternité, de rémunération correspondante et d'adaptations flexibles du temps de travail, et elles ne peuvent guère être considérées comme promouvant un bon équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Des essais menés récemment en entreprise mettent en évidence que les employés sont moins stressés, plus efficaces et plus productifs, et qu'ils parviennent mieux à concilier leur vie privée et leur vie professionnelle avec une semaine raccourcie à quatre jours (soit 28 à 32 heures de travail hebdomadaires), des horaires flexibles et des possibilités de télétravail 
			(26) 
			The
Guardian, «“No downside”: New Zealand firm adopts four-day
week after successful trial» et «“Miserable staff don’t make money”:
the firms that have switched to a four-day week», articles respectivement
publiés le 2 octobre 2018 et le 5 novembre 2018; The Independent, «Employers in Sweden
introduce six-hour work day», publié le 1er octobre 2016..
31. En ce qui concerne le syndrome du burnout, une étude réalisée en 2017 dans 23 pays européens a montré que neuf pays (le Danemark, l'Estonie, la France, la Hongrie, la Lettonie, les Pays-Bas, le Portugal, la République slovaque et la Suède) le reconnaissent comme une maladie professionnelle et certains d'entre eux (le Danemark, la France, la Lettonie, le Portugal et la Suède) ont offert des dédommagements dans des affaires de burnout. L'étude relève que certains travailleurs – les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les enseignants et les prestataires de services – sont particulièrement exposés 
			(27) 
			Industrial
Health, «Burnout syndrome as an occupational disease in the European
Union: an exploratory study», article publié en novembre 2017.. Toutefois, il manque toujours une compréhension plus globale du phénomène de burnout; à l’avenir, l'OMS pourrait davantage informer les responsables politiques sur le burnout en tant que maladie professionnelle, ce qui permettrait d'intensifier la prévention.

4. Un environnement de travail sain – notre responsabilité collective

32. Comme nous l'avons vu précédemment, le stress au travail est un phénomène très complexe et généralisé, qui se répercute non seulement sur la santé et sur le bien-être des personnes qui travaillent, mais aussi sur les institutions, les économies et l'ensemble de la société. Aucun d'entre nous ne souhaiterait prendre le risque d'embarquer dans un avion avec un pilote épuisé dans le cockpit, d'être pris en charge par un médecin hyperstressé, ou de s'effondrer un jour sous l'effet d'un stress chronique. Pourtant, cela peut arriver et arrive à presque un Européen sur deux et nous côtoyons en permanence des gens victimes de stress.
33. Bien que le stress reste trop souvent mal compris et stigmatisé, la recherche a établi qu'il peut être géré – comme tout autre risque pesant sur la sécurité et la santé au travail – dès lors qu'il est reconnu et traité comme une question organisationnelle et non comme une faute individuelle. Les précieuses indications fournies par les organisations internationales et la communauté des chercheurs doivent être transposées dans des cadres de référence nationaux, notamment s'agissant des risques psychosociaux, et relayées au niveau de chacune des institutions, en mettant l'accent sur la détection et la prévention des risques. Cet effort collectif nécessite l'engagement des administrations, des entreprises et des employés.
34. En tant que rapporteur, j'appelle tous les pays européens à reconnaître plus explicitement les troubles de la santé provoqués par le stress (y compris le burnout) comme des maladies professionnelles, afin que nos institutions endossent la pleine responsabilité des mesures à prendre. Je pense également que les responsables politiques devraient intégrer de façon plus adéquate les préoccupations liées au genre dans les politiques et les outils de réglementation, veiller à améliorer la protection des groupes de population vulnérables, et se tourner vers l'avenir, en préparant un monde de travail dans lequel les êtres humains auront des défis à relever, mais, espérons-le, ne seront pas marginalisés par des robots ou des systèmes d'intelligence artificielle.