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Résolution 2257 (2019)

Discrimination dans l’accès à l’emploi

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2019 (6e séance) (voir Doc. 14666, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Damien Thiéry). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2019 (6e séance).

1. Le droit au travail est un droit fondamental, garanti par de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits fondamentaux, y compris la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163). L’accès au marché de l’emploi peut par ailleurs être un facteur d’intégration et de cohésion sociale très puissant.
2. L’Assemblée parlementaire note avec préoccupation que, dans bon nombre de pays européens, l’évolution du marché du travail tout comme la précarisation croissante de l’emploi rendent de plus en plus difficile pour les individus d’accéder durablement à un emploi. De ce fait, de nombreuses personnes se retrouvent de plus en plus souvent en situation de recherche d’emploi, cela pendant des périodes de plus en plus longues.
3. L’Assemblée constate avec inquiétude que, pour certains, ces problèmes sont aggravés par des discriminations fondées sur des motifs tels que le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, l’origine nationale, ethnique ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale ou ethnique, la couleur, la langue, le patronyme, la religion, les opinions politiques, les activités syndicales, la grossesse, le handicap, l’état de santé ou l’apparence physique, ou toute autre situation réelle ou supposée.
4. Les discriminations peuvent avoir des conséquences dramatiques et impacter de manière irréversible la trajectoire professionnelle des victimes, poussant ces dernières à renoncer à une profession en lien avec leurs qualifications, voire à quitter leur pays pour chercher un meilleur emploi à l’étranger. Pour les États, cela représente un gaspillage de ressources humaines mais aussi un fléau économique et met en exergue l’urgence d’agir pour renforcer la lutte contre la discrimination dans l’accès à l’emploi.
5. L’Assemblée a déjà eu l’occasion de formuler des recommandations à l’intention des États membres du Conseil de l’Europe visant à remédier aux inégalités structurelles frappant certains groupes au sein de nos sociétés qui ont moins facilement accès à l’emploi que d’autres ou qui sont davantage touchés par la discrimination dans ce domaine. Plusieurs résolutions récentes abordent ces questions, comme la Résolution 2235 (2018) sur l’autonomisation des femmes dans l’économie, la Résolution 2153 (2017) «Promouvoir l'inclusion des Roms et des Gens du voyage», la Résolution 2039 (2015) «Égalité et insertion des personnes handicapées», la Résolution 1958 (2013) sur la lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail, la Résolution 2014 (2014) «Élever le statut de l'enseignement et de la formation professionnels», et la Résolution 1993 (2014) sur un travail décent pour tous.
6. Pour lutter efficacement contre les discriminations dans l’accès à l’emploi, les États doivent prendre, d’une part, des mesures générales afin de promouvoir l’accès à l’emploi des groupes défavorisés dans ce domaine, et, d’autre part, des mesures visant à inciter les employeurs, tant publics que privés, à éliminer toute forme de discrimination de leurs processus de recrutement. Ces mesures doivent également tenir compte du rôle grandissant joué par l’intelligence artificielle, fondée sur des algorithmes, dans les procédures de présélection de candidats utilisées au sein des grandes et moyennes entreprises, et de la fonction publique.
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
7.1. afin d’identifier les mesures les plus urgentes, à procéder à la collecte régulière de données relatives à l’accès à l’emploi, ventilées selon un éventail de motifs de discrimination le plus large possible, et au moins selon tous les motifs de discrimination reconnus au niveau national;
7.2. à veiller à ce que la loi antidiscrimination soit complète, couvrant tout motif de discrimination, et qu’elle prévoie des voies de recours accessibles et efficaces pour les personnes victimes de discrimination dans l’accès à l’emploi;
7.3. à adopter une politique intégrée ayant pour but de promouvoir l'accès à l'emploi des groupes défavorisés dans ce domaine, et, dans ce contexte:
7.3.1. à promouvoir l'accès à l'éducation et à la formation des personnes appartenant à des groupes défavorisés dans le domaine de l’emploi;
7.3.2. à prendre des mesures efficaces afin de faciliter le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée;
7.3.3. à favoriser l'apprentissage de la langue officielle ou des langues officielles du pays ou de la région de résidence;
7.3.4. compte tenu du fait que les employeurs ont les mêmes préjugés que la population en général, à combattre ces préjugés et à lutter contre les stéréotypes ayant cours au sein de la population;
7.4. à prendre des mesures visant à inciter activement les employeurs à identifier et à mettre fin à toute pratique discriminatoire dans leurs procédures de recrutement, et, à cette fin:
7.4.1. à rendre obligatoire pour les grandes et moyennes entreprises l’utilisation de CV anonymes, et à encourager celles-ci à utiliser des formulaires de candidature standardisés et à développer tout algorithme utilisé dans ces processus, de manière à éliminer tout risque de discrimination;
7.4.2. à promouvoir les formations facultatives de sensibilisation aux préjugés inconscients et la mise en place d’entretiens standardisés;
7.4.3. à promouvoir la mise en place par les entreprises publiques et privées d’audits sur la diversité en leur sein;
7.4.4. à soutenir différentes méthodes d’action pouvant avoir un impact positif indirect sur l’accès à l’emploi pour les personnes défavorisées dans ce domaine, comme les subventions à l’emploi, le déploiement d’intermédiaires de l’emploi ou les labels de diversité, tout en évaluant régulièrement l’efficacité de ces mesures;
7.4.5. à mettre en place une obligation légale pour les employeurs du secteur public de promouvoir la diversité;
7.4.6. à soutenir les initiatives volontaires des entreprises publiques et privées visant à promouvoir la diversité en leur sein, et à véhiculer des messages positifs sur la diversité au sein de la société, en privilégiant en particulier les initiatives qui intègrent des rapports réguliers sur les résultats obtenus.
7.5. en ce qui concerne les États membres du Conseil de l’Europe, à ratifier la Charte sociale européenne (révisée) ainsi que le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158), s’ils ne l’ont pas déjà fait.