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Résolution 2267 (2019)

Le stress au travail

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 1er mars 2019 (voir Doc. 14824, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Stefaan Vercamer).

1. Le monde du travail est submergé par le stress. Face aux transformations radicales dans l’organisation du travail et les relations au sein de celui-ci, les travailleurs subissent une immense pression pour répondre aux exigences croissantes de la vie professionnelle. Lorsque cette pression est renforcée par un déséquilibre entre les demandes perçues et les ressources et capacités perçues des individus, elle peut nuire à leur bien-être et à leur santé, tant physique que psychologique, mais aussi menacer la sûreté publique dans les cas les plus graves. Cette réalité inquiétante porte atteinte aux travailleurs, aux organisations, aux économies nationales et à la société dans son ensemble. Le stress au travail est de notre responsabilité collective – et notre défi à tous.
2. Les pays européens reconnaissent le stress professionnel comme un grave problème de santé publique et intègrent la gestion du stress dans leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en portant une attention croissante mais encore insuffisante aux risques psychosociaux. Or, le poids du stress au travail en Europe et dans le reste du monde dépasse les risques purement médicaux: sachant que la moitié environ des travailleurs européens considèrent que le stress est fréquent sur leur lieu de travail, la prévention, la gestion et la réduction du stress doivent être prises en compte à différents niveaux de la gouvernance publique et dans le secteur privé.
3. L’Assemblée parlementaire estime que toutes les institutions européennes devraient faire l’objet d’un «test sur le stress» afin de répertorier les mesures mises en œuvre pour assurer la prévention et la gestion du stress au travail, et d’identifier les domaines qui nécessitent des interventions supplémentaires.
4. L’Assemblée note que la plupart des textes de référence nationaux et européens évoquent implicitement le stress au travail dans le cadre des besoins en matière de santé mentale, mais ne reconnaissent pas explicitement les troubles de la santé mentale liés au stress comme une maladie professionnelle, ce qui reflète les orientations actuelles de l’Organisation internationale du travail (OIT). Par ailleurs, des études réalisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent qu’une grande confusion persiste sur le plan réglementaire entre la pression normale et le stress au travail; cette confusion n'est parfois qu'un prétexte pour excuser de mauvaises pratiques de gestion.
5. L’Assemblée déplore également la confusion largement répandue concernant la notion de burn-out professionnel (état d’épuisement physique et émotionnel extrême) et la reconnaissance de celui-ci en tant que maladie professionnelle. Dans sa liste de maladies professionnelles de 2010, l’OIT cite l’«état de stress post-traumatique» et d’«autres troubles mentaux ou du comportement non mentionnés», alors que la Recommandation de la Commission européenne concernant la liste européenne des maladies professionnelles ne mentionne aucun trouble provoqué par le stress. Le syndrome du burn-out est pourtant de plus en plus reconnu en Europe à l’échelle nationale comme un grave problème de santé au travail.
6. L’Assemblée salue les initiatives nationales, entrepreneuriales et européennes visant à concilier le travail et la vie privée, et à assurer l’exercice effectif du droit à l’égalité des chances au travail, conformément aux exigences de la Charte sociale européenne (STE nos 35 et 163). Elle estime que les États membres devraient mieux prendre en compte la dimension de genre dans leurs instruments politiques, compte tenu des éléments qui mettent en évidence le fait que les femmes et les hommes réagissent au stress au travail et le gèrent de manière différente, et que les femmes au travail sont les plus touchées, en particulier lorsqu’elles portent le double fardeau du travail et des responsabilités familiales.
7. Considérant que la nature même du travail devrait changer radicalement au cours de la prochaine décennie, à mesure que les robots et les systèmes d’intelligence artificielle viendront remplacer les êtres humains dans de nombreux emplois et créeront de nouveaux modes de travail en équipe associant l’homme et la machine, l’Assemblée estime que cette source de stress permanent par rapport à l’insécurité de l’emploi devrait obliger les parties prenantes à revoir l’organisation du travail et la répartition des tâches et des charges de travail de façon à réduire le stress et à favoriser le travail à temps partagé.
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à réaliser une étude approfondie des mesures nationales existantes sur les plans juridique et politique en matière de prévention, de gestion et de réduction du stress professionnel, en gardant à l’esprit la dimension de genre;
8.2. à recenser les lacunes législatives et réglementaires de leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en vue d’assurer une meilleure couverture des risques psychosociaux, en particulier dans les secteurs d’activité fortement exposés (tels que les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les enseignants et les prestataires de services);
8.3. à élargir la liste nationale des maladies professionnelles, de façon à y inclure explicitement les troubles provoqués par le stress, y compris le burn-out professionnel;
8.4. à instaurer des obligations pour que tous les employeurs:
8.4.1. adoptent une approche globale de l’évaluation, de la gestion et de la prévention du stress dans une optique organisationnelle et individuelle;
8.4.2. mettent en œuvre des protocoles spécifiques contre les brimades, le harcèlement, la discrimination fondée sur le genre et tout autre comportement déplacé au travail;
8.4.3. assurent une protection adéquate contre le stress au travail pour les catégories de travailleurs les plus vulnérables (jeunes, immigrés, femmes enceintes et personnes âgées);
8.5. à étudier les répercussions de la robotisation et de l’intelligence artificielle sur les droits des travailleurs, la déontologie et l’organisation du travail, en vue de préserver le travail humain et de garantir un équilibre sain entre la vie professionnelle et la vie privée;
8.6. à encourager les employeurs à adopter une organisation du travail qui réduise le stress, avec des semaines raccourcies à quatre jours (comptant 28 à 32 heures de travail hebdomadaire), des horaires modulables, davantage d’autonomie, des possibilités de télétravail et des systèmes de travail partagé, notamment pour les parents et les aidants qui travaillent;
8.7. le cas échéant, à envisager de lancer des campagnes de sensibilisation nationales ou sectorielles sur le stress au travail et sur les ressources d’information ou les outils de soutien et de formation accessibles au public ou en ligne.