1. Introduction:
Pour un développement urbain durable – un espace de vie sain propice
à une société inclusive
1. En Europe comme ailleurs, l’urbanisation
est une tendance évidente, avec des mouvements de population marqués
vers les métropoles et les zones urbaines très attractives, comme
les villes universitaires
. Comment
expliquer l’attractivité des villes? Il est vrai que, bien souvent,
c’est dans les zones urbaines densément peuplées que se trouvent
les meilleures possibilités économiques, sociales et culturelles,
ce qui explique l’afflux des jeunes et des migrants en particulier
.
Or dans les villes, cet afflux exerce une forte pression sur les
emplois disponibles et sur le marché du logement – avec des risques
élevés de bouleversements sociaux et de ségrégation sociale.
2. D’un point de vue environnemental, l’urbanisation a ses bons
et ses mauvais côtés. Si les villes sont synonymes de plus de pollution,
d’artificialisation du sol et de charges accrues sur l’environnement,
les zones urbaines où la densité du bâti est forte offrent aussi
de nombreuses possibilités de rationaliser l’utilisation des ressources
et donc de répondre durablement au changement
climatique et aux enjeux démographiques
.
3. Vous vous demandez peut-être pourquoi l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, qui défend les droits humains, la démocratie
et l’État de droit, s’intéresse au développement urbain. Pour ma
part, je suis convaincue qu’une société démocratique résiliente
où les droits humains de tous sont respectés a besoin d’institutions
transparentes et efficaces et ne peut prospérer que dans un environnement
sain. En participant aux processus d’aménagement de leurs villes
et communes, les citoyens exercent un droit civil. Les conditions préalables
à leur participation sont une bonne qualité de vie, des espaces
publics où ils peuvent se rencontrer et une bonne mixité sociale.
Si nous voulons relever efficacement l’un des plus grands défis
de notre époque – le changement climatique –, nous avons impérativement
besoin d’une société civile saine et à cet égard, l’Assemblée peut
jouer un rôle important en promouvant les politiques pertinentes,
en coopération avec d’autres partenaires comme le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et la Conférence des
organisations internationales non gouvernementales.
4. Il convient de rappeler que le Congrès a énoncé les principes
fondamentaux de la gouvernance locale dans la Charte européenne
de l’autonomie locale (STE no 122) –
principes qui doivent être appliqués de façon cohérente dans le
développement urbain – et qu’il travaille en étroite collaboration
avec les collectivités locales et régionales dans toute l’Europe
pour les mettre en œuvre. La Charte, que tous les États membres
du Conseil de l’Europe ont ratifiée, souligne l’importance d’une
définition claire des pouvoirs des collectivités locales, de la
dotation en ressources financières suffisantes, du renforcement
des capacités et de procédures de consultation efficaces. L’Assemblée
promeut la Charte par le biais de son action parlementaire et de
ses activités de suivi. Dans ses
Résolutions 2242 (2018) sur le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès
des processus de décentralisation et
1964 (2013) sur la bonne gouvernance des grandes métropoles, elle
souligne respectivement le rôle des parlements comme garants d’une
décentralisation réussie et l’importance de la promotion de la participation
des citoyens au niveau local.
5. Le présent rapport explore les meilleurs exemples d’urbanisme
en Europe – des villes qui se montrent proactives et réussissent
à créer des quartiers durables sur les plans économique, social
et environnemental. Les facteurs suivants ont été pris en compte:
développement équilibré des quartiers denses, nouvelles manières
de penser la mobilité durable, concepts d’aménagement orientés vers
un habitat urbain de qualité et accessible, espaces publics bien
pensés, participation de la collectivité et connexion entre la ville
et la région où elle est implantée. Le rapport formule des recommandations
sur la manière dont les gouvernements nationaux peuvent faciliter
de telles initiatives aux niveaux régional et local.
6. En juillet 2018, M. Joachim Schultz-Granberg, expert externe,
a été chargé d’examiner ces questions. Les résultats de ses recherches
ont été présentés à la commission des questions sociales, de la
santé et du développement durable lors sa réunion du 18 septembre
2018 à Lisbonne et ont servi de base au présent document. En octobre
2018, j’ai effectué une visite d’information à Zurich qui m’a permis
d’étudier des pratiques et approches suisses novatrices en matière
de développement urbain.
2. Le développement urbain durable dans
le contexte mondial
7. Avant toute chose, je voudrais
souligner tout particulièrement les objectifs de développement durable des
Nations Unies, notamment parce que le groupe de haut niveau sur
les Objectifs de développement durable (ODD) a déclaré que «la bataille
pour le développement durable sera gagnée ou perdue dans les villes». L’objectif
spécifique en question est l’ODD 11 – Faire en sorte que les villes
et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients
et durables. À la Conférence Habitat III de Quito (Pérou) en 2016,
les Nations Unies ont adopté le Nouveau programme pour les Villes,
une feuille de route mondiale pour le développement urbain durable
qui devrait aussi guider nos efforts en Europe: penser globalement
et agir localement.
8. De plus, je considère le logement stable comme un facteur
essentiel pour le développement positif de l’enfant et les relations
familiales, alors qu’un logement qui ne répond pas aux normes a
des effets négatifs sur la santé de tous les individus. Le fait
que 828 millions de personnes dans le monde vivent dans des logements insalubres
est alarmant
. Voilà pourquoi une partie substantielle
du rapport traitera de la question du logement.
3. Les
villes européennes – préserver notre héritage partagé et répondre
aux défis à venir
9. Il faut comprendre la ville
dans son contexte géographique plus large – la ville se développe
dans un espace régional, national et européen. En ce qui concerne
les espaces de vie sains, l’Europe jouit d’un patrimoine commun
d’un grand intérêt. La ville européenne traditionnelle, avec ses
places de marché et son mélange de zones résidentielles et commerciales,
favorise l’interaction sociale et offre à ses citoyens une bonne
qualité de vie. La proximité est l’un de ses atouts majeurs. Ces
centres urbains ont été préservés et rénovés pendant des siècles.
Notre tâche aujourd’hui est de trouver des réponses innovantes à
la pression de l’afflux de population et aux défis environnementaux.
10. En 2007, les États membres de l’Union européenne ont adopté
la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable
, dans laquelle ils s’accordent sur
une compréhension commune des principes relatifs à une nouvelle
politique de développement urbain en Europe. La stratégie consistant
à créer des quartiers urbains mixtes regroupant habitations, activités
professionnelles et loisirs, également recommandée dans cette Charte,
va à l’encontre du droit unilatéral de propriété et de l’affirmation
absolue des intérêts individuels. Le développement de l’espace urbain,
pour qu’il soit équilibré, passera obligatoirement par la concertation entre
les décideurs politiques, les gestionnaires, les entreprises, la
société civile et les citoyens. La prévention de l’exclusion et
de l’isolement de certains quartiers est aussi une priorité – un
message que je soutiens sans réserve.
11. Plus récemment, la déclaration de Davos adoptée en 2018 et
intitulée «Vers une culture du bâti de qualité pour l’Europe
» reconnaît le besoin urgent d’améliorer
l’environnement bâti en Europe et reconnaît les défis actuels comme
l’accélération de l’urbanisation, le recul des zones rurales, la
pénurie de ressources et une utilisation irresponsable du sol.
4. Le
rôle des villes dans les processus démocratiques
12. Qu’est-ce qui incite les habitants
à se sentir responsables de leur cadre de vie et qu’est-ce qui les pousse
à participer activement à la vie de la collectivité? Je suis intimement
convaincue que l’une des conditions fondamentales est un espace
de vie sain et la possibilité de s’impliquer dans son aménagement. Les
gens apprécient les bâtiments qui ont un potentiel historique et
les espaces publics qui favorisent l’interaction sociale. Des processus
participatifs au niveau local sont indispensables pour impliquer
les citoyens dans l’aménagement de leur ville tout en étant un moyen
efficace de leur faire vivre en direct la démocratie participative.
Pour vivre pleinement leur ville, les habitants doivent être des
citoyens actifs et informés. Le manque d’espaces publics adaptés
et d’occasions de participer socialement et de s’engager de façon citoyenne
voit rapidement émerger des foyers de tension sociale marqués par
le manque de perspectives d’emploi et la délinquance.
13. Toutefois, pour contrer ces foyers de tension et promouvoir
la participation active et l’exercice d’une démocratie locale moderne,
il serait souhaitable de mettre en place des conseils élus aux différents
niveaux de la prise de décision urbaine. Face à la crise de la représentation
politique que traversent de nombreux pays, le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux est fermement convaincu que la désaffection
croissante du politique doit être combattue au niveau local, comme
le prévoit la Charte urbaine II
. Les villes doivent travailler ensemble
pour instaurer une démocratie locale ambitieuse. Les technologies
de l’information et de la communication doivent être utilisées pour
lutter contre la désaffection à l’égard du processus démocratique.
14. En Allemagne, un programme national spécial d’aide aux collectivités
territoriales vise à promouvoir la participation civique. L’objectif
du «Pacte d’investissement pour l’intégration sociale dans le quartier
» est de rendre la
vie urbaine attrayante et dynamique, et de promouvoir l’intégration
sociale de tous les citoyens, notamment en investissant dans des
infrastructures d’éducation publiques, des lieux de rencontre, des
centres communautaires, des centres commerciaux, des installations
sportives, des terrains de jeux et des parcs publics.
15. Nommer des responsables de la gestion de l’intégration (Integrationsmanagement) dans certains quartiers
sensibles y est aussi devenu monnaie courante. Là où je vis, à Münster,
le quartier proche de la gare centrale est un bon exemple d’une
gestion de l’intégration qui aide à concilier des intérêts contradictoires
et qui contribue à une plus grande sécurité et à une meilleure qualité
de vie.
16. En Islande,
Betri Reykjavík (Meilleur
Reykjavík) est un réseau social participatif en ligne qui permet
aux citoyens de s’exprimer, de débattre et de classer par ordre
de priorité les idées avancées pour améliorer leur ville grâce à
un dialogue ouvert entre les habitants et le conseil municipal.
Betri Reykjavík permet également aux
électeurs de peser directement sur la prise de décision
.
17. Si nous voulons faire en sorte que les politiques de développement
urbain répondent aux besoins de tout le monde, y compris les enfants,
les femmes, les personnes âgées, les pauvres, les personnes handicapées,
les migrants et les réfugiés, nous devons mettre en place des processus
de consultation inclusive. Les élections locales devraient aussi
prévoir des procédures efficaces pour refléter la diversité des intérêts
et des préoccupations de la population en matière de développement
urbain. Compte tenu du principe de subsidiarité, la municipalité
est tout à la fois décideur politique, fournisseur de services,
employeur et gardien des espaces publics et de la participation
publique. Les maires jouent un rôle important dans l’élaboration
des politiques de développement urbain participatif au niveau supérieur
.
18. Le partage de bonnes pratiques est, en outre, essentiel aux
niveaux européen et international. Au sein du Conseil de l’Europe,
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, le Comité
européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) et le Centre
d’expertise pour la bonne gouvernance fournissent des outils de
travail et des plateformes de coopération qui sont utiles. Le programme
des Cités interculturelles aide les villes à revoir leurs politiques
dans une perspective interculturelle et à élaborer des stratégies interculturelles
globales. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB)
soutient ses pays membres et leurs autorités locales par le biais
de financements, d’assistance technique et de partenariats pour une
croissance durable et inclusive, l’action climatique et l’intégration
des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants
.
19. Les réseaux internationaux offrent encore d’autres possibilités.
La Coalition internationale des villes inclusives et durables (ICCAR)
est une initiative lancée par l’Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en mars 2004
. Le Human Rights Cities Network
(Réseau des villes pour les droits humains), soutenu par l’Institut
Raoul Wallenberg, a lancé sa plateforme en ligne pour marquer le 70ème anniversaire
de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La plateforme
crée une communauté interactive de praticiens des droits humains
dans les villes et promeut le développement des droits humains en
Europe et au-delà. Les principaux acteurs sont les villes membres
invitées et les membres associés, qui partagent de nouvelles idées
et reprennent les concepts dans leurs villes
.
5. Une
approche du développement urbain fondée sur les droits humains
20. Je suis convaincue que le développement
urbain doit miser sur le bien-être des personnes et accorder une
attention particulière aux groupes vulnérables. Les droits humains
et le développement durable sont intrinsèquement liés et doivent
aller de pair au moment de la conception et de la mise en œuvre
des politiques de développement urbain.
21. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) définit
l’approche fondée sur les droits humains comme un cadre conceptuel
pour le processus de développement humain qui repose sur les normes internationales
en matière de droits humains et vise à promouvoir et à protéger
les droits humains. Elle s’efforce d’analyser les inégalités sous-jacentes
des problèmes de développement et de remédier aux pratiques discriminatoires
et à la répartition inéquitable des pouvoirs qui entrave le progrès
en matière de développement
.
22. Adoptée en 2011, la «Déclaration de Gwangju sur la ville des
droits humains» définit une ville des droits humains comme «une
communauté locale et un processus sociopolitique dans un contexte
local où les droits humains jouent un rôle central en tant que valeurs
fondamentales et principes directeurs». Une ville des droits humains
place l’individu au centre. Concrètement, cela revient à permettre
à tous de se faire entendre dans la prise de décision en matière
de développement urbain. Identifier ceux qui sont laissés de côté
et ceux qui ne sont pas entendus fait partie intégrante d’une ville
des droits humains
.
23. En 2017, la ville de York a été déclarée première ville des
droits humains au Royaume-Uni. York a mené des enquêtes auprès des
habitants pour savoir quelles étaient leurs priorités en matière
de droits humains, avant de produire un rapport sur les moyens d’améliorer
la jouissance du droit à l’égalité, à l’éducation, à un niveau de
vie décent, au logement, à la santé et aux services sociaux. Le
rapport suit les progrès accomplis, encourage le débat et incite
à agir. La ville en est maintenant à son deuxième rapport; l’analyse
montre en quoi la jouissance des droits est affectée, en bien et
en mal, et pourquoi
.
24. En Suède, le Conseil municipal de Lund a décidé de respecter
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
dans toutes ses décisions et il a mis en place des procédures pour
prendre en compte les points de vue des enfants dans le cadre de
la planification des routes, des bâtiments, des parcs, de l’approvisionnement
en eau, de l’assainissement, de la gestion des déchets, de la culture,
des soins aux personnes âgées et aux handicapés, du développement
des entreprises et des investissements
.
6. Le
modèle de développement urbain durable – finalité et vision
25. Le développement urbain a besoin
d’une vision et d’une planification stratégique. Premièrement, les collectivités
locales doivent faire une description de leur modèle de développement
de la ville, car aucun objectif ne pourra être atteint si la finalité
n’est pas clairement définie. Le développement durable et une approche
fondée sur les droits humains doivent être au cœur de ce modèle.
26. La ville de Vienne, par exemple, a adopté en 2014 le Cadre
stratégique Smart City Vienne comme modèle de développement urbain
jusqu’en 2050. Le cadre stratégique fixe des priorités globales,
qui bien sûr se chevauchent dans certains domaines. Ces priorités
sont la qualité de vie (inclusion sociale, participation, santé
et environnement), les ressources (énergie, mobilité, infrastructures
et bâtiments) et l’innovation (éducation, entreprises, recherche
et technologie)
.
27. Il est en outre important de tenir compte de la situation
régionale. À Münster, où environ 40 % des 300 000 habitants se déplacent
à vélo tous les jours, les problèmes ne sont pas les mêmes que dans
une métropole comme Londres. Le modèle de développement urbain doit
être précis sans être figé, c’est important, afin de pouvoir l’adapter
à tout moment. Le développement urbain nécessite toujours une réflexion
à long terme, car les structures spatiales restent, quand les tendances
sociétales évoluent.
28. Sur la base de chaque modèle et de ses composantes, il s’agit
ensuite d’élaborer des plans de développement spécifiques pour chaque
quartier. Ces plans devraient inclure, par exemple, la densité d’occupation,
l’utilisation du sol, les correspondances de transport et les besoins
de développement urbain en termes d’espaces et d’installations publics.
7. Les
nouvelles approches de la mobilité
29. Les voyages et la mobilité
occupent une place de plus en plus importante dans la société actuelle d’échanges
intenses. Avoir une approche durable de la mobilité dans les zones
urbaines et leur périphérie est en soi un impératif. En effet, dans
ce domaine, il est tout à fait possible de mieux organiser la vie
des habitants tout en contribuant de façon significative à la protection
de l’environnement. À ce stade, je voudrais rappeler que les zones
périphériques rurales doivent, bien évidemment, être intégrées dans
les plans de transport et d’aménagement du territoire.
30. Les nouvelles approches de la mobilité, avec des véhicules
automatisés et connectés, seront déterminantes pour la sécurité
routière ainsi que pour l’efficience et la compatibilité environnementale
du trafic routier. Les systèmes de transport public de nombreuses
villes bénéficient déjà d’applications mobiles qui simplifient la
vie des passagers, par exemple. L’utilisation de ces outils pour
informer en temps réel sur les retards leur permet de changer d’itinéraire
sur-le-champ, réduisant ainsi les risques d’embouteillage. Les nouvelles
possibilités numériques et les véhicules sans chauffeurs seront
essentiels pour relier et intégrer tous les quartiers urbains et
les zones périphériques rurales. Toutefois, pour que le développement
durable soit réel, la mobilité ne doit pas faire la part belle à
la voiture particulière. L’artificialisation des sols – routes, bâtiments
et infrastructures – doit être limitée dans l’intérêt de la durabilité.
L’approche d’un développement urbain durable, outre qu’elle doit
être favorable aux piétons, doit donc clairement privilégier des
approches intégrées de la mobilité et miser sur l’autopartage, les
transports publics locaux et le vélo.
31. Il est très important aussi de tenir compte du trafic commercial
et de la logistique commerciale dans le cadre du processus de planification,
car le transport de marchandises représente environ un tiers du
volume du trafic routier. Le nombre de trajets effectués par des
services de messagerie et de colis – dus en partie aux achats en
ligne – est en forte progression dans les villes. La planification
du développement urbain a besoin de nouvelles stratégies.
8. Les
quartiers mixtes – une qualité de vie élevée pour tous
32. Le concept de quartiers mixtes
vise à améliorer l’accès aux lieux de travail, aux services, aux
sites culturels et aux installations sportives. Il permet de réduire
l’utilisation des transports et donc la pollution, favorise la cohésion
communautaire, contribue à la qualité de vie et permet le développement
de sociétés dynamiques.
33. Dans les quartiers hybrides, la qualité de vie est excellente
si le brassage social s’accompagne d’une utilisation mixte de l’espace
urbain, où les gens vivent près de leurs lieux de travail, dans
un espace émaillé d’équipements culturels et d’espaces verts, tous
situés à distance de marche les uns des autres. Les établissements
d’enseignement, du niveau scolaire à l’enseignement supérieur et
l’accès aux possibilités d’apprentissage tout au long de la vie
doivent, bien entendu, être inclus. Les structures d’accueil des
enfants devraient être situées, si possible, dans des lieux facilement
accessibles avec, le cas échéant, des lieux de rencontre intergénérationnels
pour la formation et les activités de loisirs, qui rassemblent enfants
et personnes âgées. Cette vitalité participe à la durabilité économique,
sociale et environnementale.
34. On assiste aussi clairement à un rejet des villes dortoirs,
où on rentre chez soi uniquement pour dormir et où il n’y a pas
vraiment de vie communautaire. Là où elles sont nécessaires – dans
les zones de tension sur le marché du logement – les nouvelles banlieues
périphériques doivent être intégrées judicieusement dans l’existant
et le plan d’aménagement doit prévoir de mélanger des couches sociales
et les utilisations du sol.
9. Le
développement spatial sain – atténuer le changement climatique
35. Si l’aménagement intercalaire
est une nécessité, il ne doit pas se faire au détriment de la qualité
de vie. Des espaces publics sûrs, inclusifs et attrayants, en particulier
dans les zones urbaines densément peuplées, sont essentiels. Des
espaces verts de qualité sont les éléments essentiels du développement
urbain durable, car ils améliorent la qualité de vie et de l’air,
contribuent à atténuer le changement climatique et à promouvoir la
biodiversité. L’Europe devant s’attendre à des étés plus chauds
et secs, nous avons besoin de stratégies d’adaptation au changement
climatique, en particulier dans les villes, où les espaces verts
sont rares.
36. En France, l’étude réalisée en 2016 par l’Agence de la santé
publique a conclu que la pollution tue 48 000 personnes par an,
ce qui fait de la pollution un problème majeur de santé publique,
après le tabac et l’alcool
, et démontre l’urgence du problème.
Afin de garantir un «air respirable», des efforts particuliers devraient
être faits pour encourager le développement d’espaces verts, qui
atténuent la chaleur, et pour soutenir l’optimisation de l’approvisionnement
en eau. Il faudra améliorer la végétation et promouvoir des transports
durables.
37. Dans les zones urbaines fortement peuplées, nous devrions
également privilégier la végétalisation des surfaces verticales
et horizontales, comme les façades et les toits. Malgré le manque
d’espace – ou justement à cause du manque d’espace –, le potentiel
de ces formes innovantes d’écologisation est particulièrement intéressant.
38. Selon le dernier rapport sur les indicateurs relatifs aux
objectifs de développement durable des Nations Unies, la part des
espaces de loisirs est de 13,9 % dans les villes allemandes (ODD
11 – Faire en sorte que les villes et les établissements humains
soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables)
. Dans les décennies à venir, grâce au déclin
des véhicules privés à moteur, on peut s’attendre à un recul des
sols artificialisés qui résultent de l’expansion du bâti et des
infrastructures. Il n’est pas irréaliste de penser que la proportion
des espaces de loisirs augmentera fortement dans les villes – elle
pourrait bien atteindre 20 % d’ici 2050. C’est un domaine où il
est possible de fixer des objectifs et de planifier un développement
urbain durable. Ne ratons pas l’occasion d’encourager le reboisement
urbain systématique.
10. L’efficacité
énergétique dans l’environnement bâti
39. Notre environnement bâti peut
et doit contribuer dans une large mesure à la réalisation des objectifs climatiques
de l’Accord de Paris de 2015. À l’occasion de ma mission à Zurich,
j’ai découvert la vision suisse de la «Société à 2000 watts», dont
l’objectif est de réduire la consommation d’énergie primaire à 2
000 watts par personne et à une tonne d’émissions de CO2 maximum
par personne et par an à l’horizon 2050-2100. D’où l’idée du certificat
«Site 2000 watts
», qui permet pour la première fois
d’évaluer les développements de grands sites en termes de qualité,
de densité, d’utilisation mixte et de mobilité. La consommation
totale d’énergie d’un site certifié est optimisée par rapport aux
objectifs de la Société à 2000 watts. À Winterthour, j’ai ainsi
pu visiter le chantier de la Lokstadt qui a demandé le certificat
de «Site 2000 watts».
40. Cette approche de la durabilité est globale et vise le long
terme. L’idée de base est un processus continu d’évaluation de la
durabilité d’un site en termes de développement énergétique, de
planification, de mise en œuvre et d’exploitation. Je soutiens fermement
cette approche et j’encourage les autres États membres du Conseil
de l’Europe à s’inspirer de l’exemple suisse.
41. En outre, notre vision actuelle de la ville durable ne prête
guère attention aux écosystèmes extra-muros. La question de savoir
comment les villes vont réduire la charge qui pèse sur les écosystèmes
extra-urbains qui les approvisionnent en ressources n’est pas systématiquement
abordée. Combien faut-il de camions pour approvisionner chaque jour
des villes comme Londres ou Paris? Quel pourcentage de la consommation énergétique
le transport de marchandises vers les centres urbains représente-t-il?
Ces questions soulèvent à leur tour de graves questions sur les
mécanismes de compensation possibles en faveur de ces zones de production
agricole et d’élevage que nous avons tendance à négliger.
11. Des
logements abordables, de qualité et inclusifs – un facteur essentiel
pour construire des communautés cohésives
11.1. Une
utilisation des sols socialement responsable
42. Un peu partout, l’afflux massif
de personnes dans des villes très attrayantes a entraîné une forte augmentation
de la demande de logements et une flambée des prix de l’immobilier.
Déplacements, zones résidentielles homogènes et tensions sociales
résultent de la pénurie de logements et de la hausse des prix immobiliers.
Pour que la cohésion sociale soit possible grâce au brassage social,
il faut créer et entretenir des logements à loyers abordables dans
les villes – non seulement des logements sociaux classiques pour
les personnes aux revenus les plus bas, mais aussi, et de plus en
plus, des logements pour celles qui se trouvent dans les tranches
de rémunération moyennes, et en particulier pour les jeunes qui
veulent fonder une famille. Favoriser l’accès à la propriété immobilière
contribue à une mixité sociale positive, sans compter que l’achat d’un
logement est un investissement en prévision du troisième âge et
contribue à la budgétisation durable. En Europe, le ratio propriétaires/locataires
varie fortement d’un pays à l’autre. Une aide à l’achat d’un logement abordable
devrait également être proposée, en tenant compte du contexte régional.
43. Si les associations de logements municipaux et les coopératives
d’habitants peuvent contribuer à proposer des logements à des prix
abordables, il ne faut pas sous-estimer le rôle important joué par
les promoteurs privés dans l’extension du parc immobilier, car ils
sont souvent plus habiles pour développer le marché de la construction.
L’accent devrait également porter sur les projets de logement à
petite échelle mis en œuvre par des propriétaires privés, car ils
contribuent à la diversité des constructions urbaines. Des solutions
intelligentes d’habitat communautaires peuvent également être encouragées
pour différents groupes cibles, avec une utilisation commune de
services et/ou pour espaces intergénérationnels afin d’aider les personnes
âgées et de proposer des logements plus abordables pour les jeunes.
44. Autre raison de la flambée des prix de l’immobilier – l’augmentation
de la spéculation foncière, quand des terrains sont achetés mais
jamais bâtis ou sont vendus et revendus à répétition. Elle rend
impossible la construction des nouveaux logements dont les villes
ont besoin et entraîne un gonflement artificiel des prix du foncier.
Les gouvernements ont divers moyens à leur disposition pour lutter
contre ce phénomène. S’ils décident de faire du logement abordable
une question d’intérêt public au motif qu’il contribue au développement
durable, les terrains peuvent être vendus moins chers pour développer
le logement. Les terrains appartenant aux autorités publiques nationales,
régionales ou locales devraient être utilisés pour construire des
logements abordables. En Allemagne, par exemple, la directive sur
la baisse des prix (Verbilligungsrichtlinie)
adoptée par l’Agence fédérale pour la gestion des biens immobiliers
(Bundesanstalt für Immobilienaufgaben)
prévoit la possibilité de vendre aux autorités locales des terrains
appartenant à l’État à un prix réduit, à condition que celles-ci
y construisent des logements sociaux. Le but n’est pas d’exclure
les investisseurs privés, puisque les investisseurs privés qui achètent
un terrain à la collectivité locale et s’engagent à construire un
certain pourcentage de logements sociaux bénéficient aussi de ce
prix réduit.
45. D’autres options sont possibles, comme une taxe plus élevée
sur les terrains constructibles non bâtis ou l’obligation pour les
propriétaires fonciers de déposer une déclaration préalable de travaux
pour construire certains types de logements sur leur terrain.
46. Les villes européennes où l’afflux massif de nouveaux habitants
ne fait que commencer feraient bien de prendre des mesures pour
conserver les terrains et immeubles d’habitation situés dans les
centres villes, au lieu de les vendre pour en tirer un profit à
court terme. De nombreuses villes allemandes ont malheureusement commis
cette erreur et l’évolution des prix a rendu pratiquement impossible
le rachat des biens vendus.
11.2. La
construction de logements sociaux
47. S’agissant du logement social,
l’objectif est de construire des logements destinés aux personnes
à faibles revenus grâce à des aides publiques. Dans ce cadre, les
autorités nationales et régionales peuvent subventionner la construction
de logements sociaux et créer des incitations fiscales. À charge
ensuite pour les municipalités, bien évidemment, de fixer et de
respecter un quota de logement social, en tenant compte du contexte
local. Münster impose actuellement un quota de 30 % de logements
sociaux aux grands projets immobiliers.
48. Or la concentration de logements sociaux dans les zones périphériques
– dans les banlieues en France ou les council
estates au Royaume-Uni, par exemple – favorise les poudrières
sociales. L’objectif devrait donc être de répartir les logements
sociaux sur les territoires des villes puisque la clé de la réussite
– il est utile de le rappeler –, c’est une bonne mixité sociale.
Il faut veiller à ce qu’aucun quartier urbain ne soit isolé, à ne
pas en faire des «culs-de-sac» urbains où le développement et la
mobilité sociale sont inexistants et les transports insuffisants.
À cet égard, il importe aussi de rappeler les problèmes associés
à des environnements sociaux homogènes dans les écoles publiques
de banlieue et leurs conséquences sur la cohésion sociale.
49. Dans le domaine du logement social, le problème des attributions
inadaptées est récurrent. En Autriche comme en Allemagne, les revenus
des futurs locataires ne sont vérifiés qu’au moment de l’attribution
d’un logement social – pour s’assurer qu’ils ne dépassent pas le
plafond des ressources autorisé –, après quoi ils peuvent rester
à vie dans leur logement. Vu la pénurie de logements sociaux, il
en résulte que des personnes qui ont un bon revenu restent dans
des logements sociaux à loyer modique, alors qu’aucun logement n’est disponible
pour ceux qui en ont vraiment besoin. Le problème pourrait être
réglé en appliquant un surloyer, par exemple, ce qui aurait au moins
le mérite de générer des revenus supplémentaires pour construire
de nouveaux logements sociaux.
50. Rappelons également que le parc social est tout particulièrement
menacé par les programmes de remplacement des logements sociaux
anciens par des constructions neuves – les loyers sont si élevés
dans le neuf que les locataires à faibles revenus ne peuvent les
louer sans aides massives.
51. En Europe, Vienne est l’exemple le plus marquant d’un soutien
exceptionnel au logement abordable. L’agglomération d’1,89 million
d’habitants compte plus de 420 000 logements appartenant à des collectivités municipales
et à des associations de logement à but non lucratif. Il faut dire
que ce pourcentage élevé de logements aidés a des origines historiques
et qu’il serait presque impossible de le reproduire ailleurs. Les loyers
des logements locatifs disponibles sur le marché libre sont par
contre très élevés. En outre, l’accès au parc social est réservé
aux seuls Autrichiens et, depuis 2008, aux autres citoyens de l’Union
européenne, à condition qu’ils résident à Vienne depuis au moins
deux ans. Tous les nouveaux arrivants et les migrants sont ainsi
exclus de l’habitat social, du moins pendant un certain temps.
11.3. Les
coopératives, un moyen de promouvoir la stabilité des prix et la
responsabilité commune en matière de logement
52. En Autriche, comme en Allemagne
et en Suisse, les coopératives sont un moyen qui a fait ses preuves pour
créer des logements à des prix stables et lutter contre la spéculation
immobilière. Ce sont souvent des organismes à but non lucratif qui
ont l’obligation de réinvestir la majeure partie de leurs bénéfices,
aussi petit soit-il. Elles bénéficient d’exonérations fiscales,
mais sont aussi soumises à des obligations juridiques spéciales.
En Allemagne, les associations de logement sans but lucratif ont
été supprimées en 1990, mais les coopératives de logement bénéficient
toujours d’une exonération fiscale
.
53. Les coopératives de logement se distinguent des autres sociétés
coopératives en ce que leurs membres ne détiennent pas une partie
des actifs, mais des parts sociales dans la coopérative propriétaire
du bien immobilier.
Il peut s’agir de plusieurs bâtiments
voire, dans le cas des grandes coopératives, d’un portefeuille immobilier
réparti sur plusieurs sites. Les associés coopérateurs ne peuvent
pas vendre des parties d’un immeuble, comme un appartement, mais
seulement leurs parts dans la coopérative. Les membres occupants doivent,
en plus d’acquérir des parts sociales dans la coopérative, payer
une redevance pour le logement qu’ils occupent.
54. L’
Allgemeine Baugenossenschaft
Zürich, que j’ai pu visiter lors de ma mission d’information
en Suisse, est un bon exemple. ABZ est une coopérative de logement
d’intérêt public fondée en 1916 qui possède 4 500 logements dans
l’agglomération zurichoise. Il est écrit dans le cahier des charges
que «ABZ construit et agit de manière socialement, économiquement
et écologiquement durable. Notre préoccupation première est l’humain,
pas le profit. Nous nous engageons à baser les loyers sur les coûts
et à soustraire les terrains constructibles au système spéculatif.
Nous défendons les idées coopératives tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’ABZ.
En tant qu’associés coopérateurs, nos membres prennent part aux
décisions portant sur des questions fondamentales et soutiennent
ainsi collectivement la coopérative
».
55. L’avantage des coopératives réside non seulement dans leur
effet sur la stabilité des prix, mais aussi, et surtout, dans la
dynamique participative et la responsabilité commune qui sont leurs
signes distinctifs.
11.4. De
nouvelles coopératives qui promeuvent la mixité sociale et l’utilisation
mixte du sol
56. À côté des grandes coopératives
traditionnelles, propriétaires d’importants parcs immobiliers qui,
bien souvent, n’accordent aux résidents que des droits de participation
limités, on observe aujourd’hui une évolution, en particulier dans
les métropoles et les villes universitaires où la pression du logement
est forte, vers des coopératives innovantes qui s’inscrivent dans
une démarche radicalement nouvelle, où les objectifs de mixité sociale
et d’utilisation mixte du sol tiennent une place importante.
57. Mehr als wohnen (Plus
que des logements), le projet d’habitat coopératif du Hunziker Areal
à Zurich, est un exemple de développement coopératif innovant, plusieurs
fois primé. Le but du projet d’une superficie de 41 000 m² et comprenant
450 logements était de créer tout un quartier dynamique et non pas
simplement un grand ensemble (Siedlung).
Les résidents ont emménagé en 2016 et la population est en effet
très diversifiée, avec de nombreux logements pour des familles,
mais aussi pour des étudiants, des jeunes couples, des célibataires
et des personnes âgées. Les 20 % de logements sociaux sont disséminés
sur le site pour éviter la ghettoïsation. Des personnes handicapées
y sont également logées, ainsi que des mineurs orphelins. On y trouve
aussi deux restaurants, un complexe hôtelier, un café, des boutiques,
des ateliers et des bureaux, un club de musique, une galerie d’art,
une école maternelle, et bien d’autres choses encore.
58. Créer moins d’espace habitable par personne et de plus grands
espaces communs fait partie de la nouvelle approche. Ces nouveaux
projets coopératifs à petite échelle reposent dès le départ sur
la forte implication des futurs résidents. En règle générale, un
groupe est constitué, qui examine les attentes des résidents avec
les architectes et les concepteurs; l’espace de vie est ensuite
aménagé en conséquence. Les économies peuvent être substantielles
notamment si, par exemple, le fait de renoncer à avoir sa propre
voiture permet de créer quelques places de parking pour un service
d’autopartage ou pour des voitures en copropriété, au lieu d’un
garage souterrain plus grand et plus coûteux.
59. Toujours à Zurich, la coopérative de logements Kalkbreite
est elle aussi exemplaire: le niveau de cogestion et la part des
espaces de vie communautaire y sont élevés. C’est manifeste dans
les «logements communautaires», un type de logement expérimental
très intéressant que j’ai eu la chance de visiter. Dans ces logements,
20 personnes partagent une grande cuisine et un salon; chacun a
sa chambre à coucher et sa salle de bain et les familles disposent
de deux pièces privées proches des espaces communs. Dans les grands complexes,
plusieurs logements communautaires se partagent aussi des terrasses
sur les toits et des garages à vélos; on peut également y trouver
un service de restauration, des salles de sport communes et même
un café. La mixité réunit des retraités, des étudiants, des célibataires
et des couples dans ces logements communautaires.
60. En plus de favoriser un sentiment de communauté, cette approche
permet de réduire l’espace nécessaire à l’habitat individuel et
donc d’utiliser les ressources plus efficacement et à un coût moindre.
Les avis sont néanmoins partagés quant aux limites de la participation
et de l’utilisation des espaces communs. Ce niveau élevé de consultation
ne satisfait pas tout le monde – notamment lors des décisions sur
l’éventail des activités sportives proposées par la coopérative
–, pas plus que le fort pourcentage d’espace de vie dédié aux équipements
collectifs.
61. Il convient néanmoins de souligner que l’attrait de la vie
urbaine découle précisément de cette diversité des solutions et
qu’une administration municipale devrait s’efforcer de soutenir
un large éventail d’initiatives qui créent des logements abordables
et favorisent le brassage. Qu’il s’agisse de logements fournis par
une coopérative, une société municipale de logement ou des investisseurs
privés, qu’il s’agisse de logements sociaux, de logements pour les
classes moyennes ou de logements habités par leurs propriétaires,
la bonne combinaison est la clé d’une ville saine.
12. Établir
des liens entre la communauté scientifique et les municipalités
62. Les gouvernements nationaux
et régionaux devraient soutenir les programmes de recherche dans
le domaine du développement urbain durable. Ils devraient collaborer
avec les instituts de recherche et les partenaires locaux dans les
communes pour imaginer de nouvelles idées favorisant le développement
urbain durable, lesquelles devraient ensuite être pilotées dans
les zones urbaines. Les théories doivent être mises à l’épreuve
de la réalité urbaine au quotidien.
63. Dans ce contexte, je voudrais évoquer FONA, le programme de
recherche du gouvernement fédéral allemand pour le développement
durable. La plateforme d’innovation
Zukunftsstadt (Ville du futur) a été créée
en 2016, dans le cadre de ce programme, pour faire le lien entre
la communauté scientifique et les municipalités, afin de contribuer
au développement durable de nos villes.
13. Initiatives
urbaines pour l’inclusion sociale
64. Les initiatives ciblées financées
par les collectivités locales ont souvent un vaste rayonnement et
des effets durables. Qu’il s’agisse de lutter contre la discrimination,
de promouvoir le dialogue interculturel ou d’encourager la participation
active, les villes d’Europe développent des activités pour construire
des communautés inclusives et pacifiques.
65. De plus en plus, les villes prennent des mesures pour que
les femmes se sentent plus en sécurité lors de leurs déplacements
en ville et les femmes sont plus que jamais consultées sur les questions
de planification du nouveau développement urbain. En 2016, la mairie
de Barcelone a lancé une campagne de communication «Barcelone contre
la violence sexiste» pour sensibiliser les citoyens à la violence
sexiste subie par les femmes dans leur vie personnelle, professionnelle
et sociale
.
66. Réussir l’intégration des migrants et des réfugiés est une
priorité pour beaucoup de municipalités européennes. À Vienne, le
Jugendcollege (Collège de la jeunesse)
est un programme gratuit d’éducation, de formation et de tutorat
pour les jeunes migrants de 15 à 21 ans. Dans le cadre de «Start
Wien», l’initiative d’intégration plus globale de la ville, l’objectif
du Collège de la jeunesse est d’aider les jeunes migrants à mener une
vie indépendante le plus rapidement possible en les préparant à
suivre des études ou une formation professionnelle, ou à trouver
un emploi
.
67. Le conseil municipal de Dublin vise à soutenir diverses communautés
dans leurs activités et projets en encourageant leur participation
et leur implication dans la ville grâce à un programme annuel de
subventions destiné à financer des projets de proximité. Ce programme
permet à divers groupes – communautés ou bénévoles – de déposer
une demande de subvention pour financer des activités aux retombées
bénéfiques à l’échelle locale. Les agents du conseil municipal de
Dublin travaillant au développement de la collectivité sont chargés
de prendre contact avec des membres de la communauté, de les informer,
de les assister et de les aider à créer des réseaux sociaux solides.
Ils s’emploient à donner à chacun la possibilité de participer à
la vie de la commune et de se faire entendre
.
14. Recommandations
– renforcer le rôle des autorités locales dans le processus de planification
68. Le développement urbain durable
demande une vision et une planification stratégique. Il est essentiel que
le bien-être de la société soit placé au cœur du développement urbain
et que les pouvoirs publics retrouvent et utilisent leur capacité
de façonner le mode de vie de nos villes. Le secteur public doit
jouer un rôle de premier plan dans la planification urbaine et,
en tant qu’autorité de planification efficace, il doit être en accord
avec les investisseurs privés. Dans certaines circonstances, le
secteur public doit également assumer le rôle d'investisseur et
de propriétaire foncier, afin de contrecarrer les évolutions indésirables
résultant de la spéculation excessive et de la déréglementation.
69. Les autorités nationales devraient établir des cadres juridiques
et institutionnels qui soutiennent et encouragent un développement
urbain fondé sur la cohésion sociale et les droits humains. Les
administrations municipales ont un rôle majeur à jouer dans la mise
en œuvre du modèle de développement urbain. Les acteurs concernés
doivent être formés et encouragés à choisir et à suivre la voie
de la durabilité et à soutenir des projets durables sur les plans
économique, environnemental et social. Elles doivent impérativement
et systématiquement soutenir les idées novatrices.
70. Des consultations et des mécanismes de prise de décision efficaces
associant les principaux acteurs doivent étayer le développement
urbain à chaque stade, de sa conception à son suivi et à son évaluation. L’inclusion
des groupes vulnérables dans les processus pertinents est essentielle
pour garantir que les besoins de chacun sont satisfaits de manière
appropriée, afin de réduire le risque d’exclusion sociale et d’apaiser
les tensions.
71. Dans les zones très recherchées, les villes doivent comprendre
qu’elles peuvent imposer des exigences claires avant de vendre des
terrains ou de procéder à leur zonage en vue de leur aménagement,
dans le but de soutenir la construction d’une communauté inclusive.
Alors que la pression grandit sur les marchés du logement, d’autres
solutions que celles consistant à vendre des terrains municipaux
au plus offrant commencent à voir le jour. Dans ces systèmes alternatifs,
les terrains ne sont pas vendus au promoteur qui offre le prix le
plus élevé, mais à celui dont le plan directeur offre les approches
les plus durables qui favorisent le développement continu du quartier.
Cette approche est connue sous le nom de Konzeptvergabe (attribution de
terrains publics en fonction de la qualité du concept).
72. Des procédures de consultation sur l’aménagement du territoire
avant la vente des terrains ou l’attribution des marchés sont très
importantes. La participation de la population en amont de la vente
est cruciale pour que les villes se développent conformément aux
attentes de leurs habitants et que les projets de construction soient
bien accueillis par la population. Par principe, des tables rondes
devraient réunir des élus, des administrateurs, des représentants
des entreprises, des investisseurs, des représentants de la société civile
et des citoyens.
73. Les contrats de développement urbain (comme en Autriche, en
Allemagne et en Suisse) devraient être utilisés comme moyen supplémentaire
– en plus du plan local d’urbanisme – pour réaliser les objectifs
de la collectivité locale. Cet instrument a un fort potentiel pour
promouvoir le développement urbain durable. Dans ce contexte, il
est primordial de préciser les priorités et les conditions préalables,
car elles permettent aux autorités locales de poursuivre des objectifs,
comme le développement d’une culture de l’environnement bâti de
qualité (Baukultur) ou les
économies d’énergie. Comme décrit plus haut, les villes peuvent
promouvoir l’objectif d’une bonne mixité sociale en exigeant qu’un
certain pourcentage des nouvelles constructions soit dédié au logement
social.
74. Des incitations devraient en outre venir encourager les promoteurs
à créer davantage d’espaces publics ou d’espaces verts pour compenser
l’augmentation de la densité de population. L’ajout d’un étage pourrait ainsi
être autorisé à condition de créer une station de métro dans le
sous-sol de l’immeuble.
75. En résumé, la durabilité, une qualité de vie élevée et une
bonne mixité sociale devraient être les principes directeurs de
toute procédure de planification urbaine. Une planification urbaine
inclusive et participative est indispensable dans toute société
démocratique et à ce titre, elle devrait être soutenue et encouragée
dans les États membres du Conseil de l’Europe.