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Résolution 2274 (2019)

Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 9 avril 2019 (13e séance) (voir Doc. 14843, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir). Texte adopté par l’Assemblée le 9 avril 2019 (13e séance).Voir également la Recommandation 2152 (2019).

1. La violence fondée sur le genre affecte la vie des femmes dans tous les domaines. Le monde de la politique ne fait pas exception. Portées par la vague du mouvement #MeToo, de nombreuses femmes politiques ont commencé à parler ouvertement. Leurs témoignages et expériences individuelles ne sont pas des cas isolés, mais reflètent une réalité: la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre est un phénomène répandu et systématique en politique dans le monde entier, comme l’atteste le rapport de 2018 «Violence contre les femmes en politique» rédigé par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.
2. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par les conclusions de l’étude régionale «Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe» qu’elle a menée conjointement avec l’Union interparlementaire (UIP) en 2018. Fondée sur des entretiens individuels et confidentiels avec des femmes parlementaires et des membres du personnel des parlements nationaux, cette étude révèle des niveaux alarmants de sexisme, de harcèlement sexuel et de violence fondée sur le genre dans les parlements nationaux, une sous-déclaration généralisée de ces incidents et l’absence de mécanismes adéquats permettant de signaler la violence, de protéger les victimes et de sanctionner les auteurs.
3. L’Assemblée parlementaire réitère sa ferme condamnation de toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, laquelle constitue une violation des droits humains et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité de genre. Elle confirme son soutien indéfectible à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), dans la mesure où c’est l’instrument juridique international contraignant le plus complet dans ce domaine.
4. Le sexisme et la violence qui visent les femmes en politique affectent les fondements mêmes de la démocratie: ils portent atteinte au droit des femmes de participer pleinement et sur un pied d’égalité à la vie politique et de s’exprimer, limitent leur droit de voter et de se présenter aux élections, et, en définitive, minent la représentativité et la légitimité des institutions élues. Le sexisme et la violence qui visent les femmes au parlement empêchent celles-ci d’accéder à des postes de direction et compromettent leur capacité à s’acquitter de leur mandat électif.
5. Malgré son impact sur les victimes, le respect des droits fondamentaux et le bon fonctionnement de la démocratie, la violence envers les femmes en politique en tant que phénomène spécifique a jusqu’à présent peu retenu l’attention. Du point de vue sociétal, le sexisme et le harcèlement sexuel sont souvent considérés comme le prix que les femmes doivent payer pour pouvoir faire de la politique. Le sexisme et le harcèlement sexuel sont tellement banalisés et enracinés que bon nombre de femmes politiques n’ont même pas conscience d’être victimes d’une forme de violence fondée sur le genre. D’autres choisissent de ne pas signaler les actes de sexisme et de harcèlement sexuel de peur de fragiliser leur statut politique ou de nuire aux intérêts de leur parti. Dans l’ensemble, une culture d’impunité pour le sexisme prévaut parmi les parlementaires.
6. Pour remédier à cette situation, il est essentiel de sensibiliser l’opinion publique au sexisme et à la violence dont les femmes sont l’objet en politique et de faire évoluer les mentalités. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle l’initiative #PasDansMonParlement – lancée par sa Présidente, Liliane Maury Pasquier, à la suite de l’étude régionale menée conjointement avec l’UIP – et lui apporte son plein appui.
7. Dans le même temps, pour transformer cette prise de conscience en changements tangibles, l’Assemblée estime qu’un certain nombre d’acteurs de la vie politique devraient renforcer leurs politiques, législation et autres mesures visant à mettre fin au sexisme et à la violence envers les femmes en politique, et que les efforts en matière de collecte de données, de suivi et de recherche dans ce domaine devraient être renforcés à la fois aux niveaux national et international.
8. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les parlements des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
8.1. à rédiger ou réviser les codes de conduite pour leurs membres en vue d’établir l’interdiction explicite de tout discours sexiste, de tout acte sexiste et de tout harcèlement sexuel, et d’introduire des sanctions en cas de manquement à cette obligation;
8.2. à moins que ce ne soit déjà le cas, à envisager de revoir les règles qui assurent l’immunité aux membres du parlement en cas de poursuites pour harcèlement sexuel ou violences à l’égard des femmes;
8.3. à mettre en place des mécanismes de traitement des plaintes de nature à prévenir et sanctionner le harcèlement sexuel, la violence sexuelle et les comportements sexuels abusifs en garantissant:
8.3.1. leur applicabilité aux membres du parlement et au personnel parlementaire;
8.3.2. la possibilité pour les victimes de signaler tout incident de manière totalement sûre et confidentielle, et de voir leur affaire examinée de façon équitable aussi rapidement que possible;
8.3.3. la pleine indépendance du mécanisme de plaintes, sans allégeance à une partie;
8.3.4. la possibilité que soient prises, dans le cadre de ces mécanismes de traitement des plaintes, des décisions infligeant des sanctions efficaces, proportionnées à la gravité des faits;
8.3.5. la diffusion régulière, par les moyens appropriés, à l’ensemble des membres du parlement et du personnel parlementaire, d’informations sur le mandat de ces mécanismes de traitement des plaintes, leur compétence et les modalités de leur saisie;
8.3.6. la publication à intervalles réguliers de statistiques sur les activités de ces mécanismes selon des modalités garantissant la confidentialité et précisant le nombre d’affaires soumises, celui des affaires pendantes, celui des affaires tranchées et l’issue de ces dernières;
8.4. à introduire un mécanisme permettant de fournir une assistance à titre confidentiel aux victimes de sexisme, de harcèlement sexuel, de violence sexuelle ou de comportement sexuel abusif, et à le faire connaître;
8.5. à soutenir l’initiative #PasDansMonParlement et à la reproduire au niveau national;
8.6. à mener périodiquement des enquêtes et des débats publics pour sensibiliser à la question des violences faites aux femmes, y compris en politique;
8.7. à organiser des formations sur la question du sexisme et des violences faites aux femmes à l’intention des parlementaires et du personnel parlementaire;
8.8. à diffuser l’étude régionale «Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe», publiée en 2018 par l’UIP et l’Assemblée parlementaire, auprès des parlementaires et du personnel parlementaire par les moyens appropriés, et à envisager de la traduire et de réaliser une étude du même type au niveau national;
8.9. à veiller à ce que les parlementaires, femmes et hommes, participent aux efforts de prévention et de lutte contre le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique et du personnel parlementaire féminin.
9. En outre, l’Assemblée invite les parlements des États parties à la Convention d’Istanbul à fournir au Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) des informations sur la violence dont les femmes sont l’objet en politique, y compris dans les partis politiques, au parlement et dans le cadre du processus électoral, à la lumière des obligations générales en matière de prévention de la violence à l’égard des femmes établies à l’article 12 de la Convention d’Istanbul.
10. L’Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. à fournir au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des informations sur la violence à l’égard des femmes en politique, y compris dans les partis politiques, au parlement et dans le contexte des élections;
10.2. à soutenir les recherches sur les liens entre le sexisme, la violence à l’égard des femmes en politique et la représentation politique des femmes;
10.3. à soutenir les activités, projets et observatoires visant à recueillir des données sur le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique, y compris au parlement et dans le cadre des processus électoraux;
10.4. à envisager d’introduire une législation spécifique sur le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique.
11. L’Assemblée appelle les partis politiques à l’échelle nationale ainsi que ses groupes politiques à s’engager à rejeter toutes les formes de violence à l’égard des femmes en politique, à inscrire cet engagement dans leurs codes de conduite/statuts et à mettre en place des procédures disciplinaires efficaces contre les membres contrevenant à cet engagement.
12. En ce qui concerne son propre travail et son fonctionnement, l’Assemblée rappelle l’applicabilité à ses membres de l’Arrêté no 1292 du 3 septembre 2010 relatif à la protection de la dignité de la personne au Conseil de l’Europe, et l’importance que revêt pour eux le Code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire, qui les place sous l’obligation de «respecte[r] les valeurs du Conseil de l’Europe et les principes généraux de conduite de l’Assemblée, et [de] n’entrepren[dre] aucune action susceptible de porter atteinte à la réputation et à l’intégrité de l’Assemblée ou de ses membres».
13. En se fondant sur cette considération, l’Assemblée:
13.1. demande au Secrétaire Général de l’Assemblée parlementaire:
13.1.1. de porter régulièrement à l’attention des membres de l’Assemblée les règles du Conseil de l’Europe en matière de protection de la dignité qui leur sont applicables, à la fois par écrit et par l’organisation de formations;
13.1.2. d'assurer une formation complémentaire sur le sexisme et la violence envers les femmes pour les membres de l'Assemblée parlementaire, selon l'exemple du Parlement européen;
13.2. appelle sa commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à modifier le Code de conduite des membres de l’Assemblée:
13.2.1. pour y introduire l’interdiction explicite du sexisme, du harcèlement sexuel, de la violence sexuelle et de comportements sexuels abusifs, ainsi que l’obligation de tenir compte des règles du Conseil de l’Europe en matière de protection de la dignité, de coopérer avec les mécanismes correspondants et de tenir compte des décisions susceptibles de découler d’une procédure pour harcèlement;
13.2.2. pour faire en sorte que les recommandations de la Commission contre le harcèlement et/ou les décisions du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe résultant de l’application de l’Arrêté no 1292 puissent être suivies par l’Assemblée dans le cadre de son Code de conduite;
13.3. demande au Bureau de l’Assemblée de veiller à ce que, dans le contexte de l’observation d’élections par l’Assemblée, la question des violences faites aux femmes, notamment le sexisme et le harcèlement sexuel, soit systématiquement prise en compte et incluse dans les révisions futures des Lignes directrices pour l’observation des élections par l’Assemblée parlementaire.
14. L’Assemblée prend note de la révision prévue de l’Arrêté no 1292 afin de renforcer son efficacité et rappelle la nécessité d’une application cohérente de cet arrêté et du Code de conduite des membres de l’Assemblée.