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Résolution 2274 (2019)
Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel
1. La violence fondée sur le genre
affecte la vie des femmes dans tous les domaines. Le monde de la politique
ne fait pas exception. Portées par la vague du mouvement #MeToo,
de nombreuses femmes politiques ont commencé à parler ouvertement.
Leurs témoignages et expériences individuelles ne sont pas des cas
isolés, mais reflètent une réalité: la violence à l’égard des femmes
fondée sur le genre est un phénomène répandu et systématique en
politique dans le monde entier, comme l’atteste le rapport de 2018 «Violence
contre les femmes en politique» rédigé par la Rapporteure spéciale
des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes
et ses conséquences.
2. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par les
conclusions de l’étude régionale «Sexisme, harcèlement et violence
à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe» qu’elle a menée conjointement
avec l’Union interparlementaire (UIP) en 2018. Fondée sur des entretiens
individuels et confidentiels avec des femmes parlementaires et des
membres du personnel des parlements nationaux, cette étude révèle
des niveaux alarmants de sexisme, de harcèlement sexuel et de violence
fondée sur le genre dans les parlements nationaux, une sous-déclaration
généralisée de ces incidents et l’absence de mécanismes adéquats
permettant de signaler la violence, de protéger les victimes et
de sanctionner les auteurs.
3. L’Assemblée parlementaire réitère sa ferme condamnation de
toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des
femmes, laquelle constitue une violation des droits humains et un
obstacle majeur à la réalisation de l’égalité de genre. Elle confirme
son soutien indéfectible à la Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210, «Convention
d’Istanbul»), dans la mesure où c’est l’instrument juridique international
contraignant le plus complet dans ce domaine.
4. Le sexisme et la violence qui visent les femmes en politique
affectent les fondements mêmes de la démocratie: ils portent atteinte
au droit des femmes de participer pleinement et sur un pied d’égalité
à la vie politique et de s’exprimer, limitent leur droit de voter
et de se présenter aux élections, et, en définitive, minent la représentativité
et la légitimité des institutions élues. Le sexisme et la violence
qui visent les femmes au parlement empêchent celles-ci d’accéder
à des postes de direction et compromettent leur capacité à s’acquitter
de leur mandat électif.
5. Malgré son impact sur les victimes, le respect des droits
fondamentaux et le bon fonctionnement de la démocratie, la violence
envers les femmes en politique en tant que phénomène spécifique
a jusqu’à présent peu retenu l’attention. Du point de vue sociétal,
le sexisme et le harcèlement sexuel sont souvent considérés comme
le prix que les femmes doivent payer pour pouvoir faire de la politique.
Le sexisme et le harcèlement sexuel sont tellement banalisés et
enracinés que bon nombre de femmes politiques n’ont même pas conscience
d’être victimes d’une forme de violence fondée sur le genre. D’autres
choisissent de ne pas signaler les actes de sexisme et de harcèlement
sexuel de peur de fragiliser leur statut politique ou de nuire aux
intérêts de leur parti. Dans l’ensemble, une culture d’impunité
pour le sexisme prévaut parmi les parlementaires.
6. Pour remédier à cette situation, il est essentiel de sensibiliser
l’opinion publique au sexisme et à la violence dont les femmes sont
l’objet en politique et de faire évoluer les mentalités. Dans ce
contexte, l’Assemblée rappelle l’initiative #PasDansMonParlement
– lancée par sa Présidente, Liliane Maury Pasquier, à la suite de
l’étude régionale menée conjointement avec l’UIP – et lui apporte
son plein appui.
7. Dans le même temps, pour transformer cette prise de conscience
en changements tangibles, l’Assemblée estime qu’un certain nombre
d’acteurs de la vie politique devraient renforcer leurs politiques, législation
et autres mesures visant à mettre fin au sexisme et à la violence
envers les femmes en politique, et que les efforts en matière de
collecte de données, de suivi et de recherche dans ce domaine devraient
être renforcés à la fois aux niveaux national et international.
8. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les
parlements des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe
et les parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de
partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
8.1. à rédiger ou réviser les codes
de conduite pour leurs membres en vue d’établir l’interdiction explicite
de tout discours sexiste, de tout acte sexiste et de tout harcèlement
sexuel, et d’introduire des sanctions en cas de manquement à cette
obligation;
8.2. à moins que ce ne soit déjà le cas, à envisager de revoir
les règles qui assurent l’immunité aux membres du parlement en cas
de poursuites pour harcèlement sexuel ou violences à l’égard des femmes;
8.3. à mettre en place des mécanismes de traitement des plaintes
de nature à prévenir et sanctionner le harcèlement sexuel, la violence
sexuelle et les comportements sexuels abusifs en garantissant:
8.3.1. leur applicabilité aux membres du parlement et au personnel
parlementaire;
8.3.2. la possibilité pour les victimes de signaler tout incident
de manière totalement sûre et confidentielle, et de voir leur affaire
examinée de façon équitable aussi rapidement que possible;
8.3.3. la pleine indépendance du mécanisme de plaintes, sans
allégeance à une partie;
8.3.4. la possibilité que soient prises, dans le cadre de ces
mécanismes de traitement des plaintes, des décisions infligeant
des sanctions efficaces, proportionnées à la gravité des faits;
8.3.5. la diffusion régulière, par les moyens appropriés, à l’ensemble
des membres du parlement et du personnel parlementaire, d’informations
sur le mandat de ces mécanismes de traitement des plaintes, leur
compétence et les modalités de leur saisie;
8.3.6. la publication à intervalles réguliers de statistiques
sur les activités de ces mécanismes selon des modalités garantissant
la confidentialité et précisant le nombre d’affaires soumises, celui
des affaires pendantes, celui des affaires tranchées et l’issue
de ces dernières;
8.4. à introduire un mécanisme permettant de fournir une assistance
à titre confidentiel aux victimes de sexisme, de harcèlement sexuel,
de violence sexuelle ou de comportement sexuel abusif, et à le faire connaître;
8.5. à soutenir l’initiative #PasDansMonParlement et à la reproduire
au niveau national;
8.6. à mener périodiquement des enquêtes et des débats publics
pour sensibiliser à la question des violences faites aux femmes,
y compris en politique;
8.7. à organiser des formations sur la question du sexisme
et des violences faites aux femmes à l’intention des parlementaires
et du personnel parlementaire;
8.8. à diffuser l’étude régionale «Sexisme, harcèlement et
violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe», publiée en 2018 par l’UIP et l’Assemblée
parlementaire, auprès des parlementaires et du personnel parlementaire
par les moyens appropriés, et à envisager de la traduire et de réaliser
une étude du même type au niveau national;
8.9. à veiller à ce que les parlementaires, femmes et hommes,
participent aux efforts de prévention et de lutte contre le sexisme
et la violence à l’égard des femmes en politique et du personnel parlementaire
féminin.
9. En outre, l’Assemblée invite les parlements des États parties
à la Convention d’Istanbul à fournir au Groupe d’experts sur la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(GREVIO) des informations sur la violence dont les femmes sont l’objet
en politique, y compris dans les partis politiques, au parlement
et dans le cadre du processus électoral, à la lumière des obligations
générales en matière de prévention de la violence à l’égard des
femmes établies à l’article 12 de la Convention d’Istanbul.
10. L’Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil
de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur
ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. à fournir au Comité des Nations
Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
des informations sur la violence à l’égard des femmes en politique,
y compris dans les partis politiques, au parlement et dans le contexte
des élections;
10.2. à soutenir les recherches sur les liens entre le sexisme,
la violence à l’égard des femmes en politique et la représentation
politique des femmes;
10.3. à soutenir les activités, projets et observatoires visant
à recueillir des données sur le sexisme et la violence à l’égard
des femmes en politique, y compris au parlement et dans le cadre
des processus électoraux;
10.4. à envisager d’introduire une législation spécifique sur
le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique.
11. L’Assemblée appelle les partis politiques à l’échelle nationale
ainsi que ses groupes politiques à s’engager à rejeter toutes les
formes de violence à l’égard des femmes en politique, à inscrire
cet engagement dans leurs codes de conduite/statuts et à mettre
en place des procédures disciplinaires efficaces contre les membres
contrevenant à cet engagement.
12. En ce qui concerne son propre travail et son fonctionnement,
l’Assemblée rappelle l’applicabilité à ses membres de l’Arrêté no 1292
du 3 septembre 2010 relatif à la protection de la dignité de la
personne au Conseil de l’Europe, et l’importance que revêt pour
eux le Code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire,
qui les place sous l’obligation de «respecte[r] les valeurs du Conseil
de l’Europe et les principes généraux de conduite de l’Assemblée,
et [de] n’entrepren[dre] aucune action susceptible de porter atteinte
à la réputation et à l’intégrité de l’Assemblée ou de ses membres».
13. En se fondant sur cette considération, l’Assemblée:
13.1. demande au Secrétaire Général
de l’Assemblée parlementaire:
13.1.1. de porter régulièrement
à l’attention des membres de l’Assemblée les règles du Conseil de
l’Europe en matière de protection de la dignité qui leur sont applicables,
à la fois par écrit et par l’organisation de formations;
13.1.2. d'assurer une formation complémentaire sur le sexisme
et la violence envers les femmes pour les membres de l'Assemblée
parlementaire, selon l'exemple du Parlement européen;
13.2. appelle sa commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles à modifier le Code de conduite des membres
de l’Assemblée:
13.2.1. pour y introduire l’interdiction
explicite du sexisme, du harcèlement sexuel, de la violence sexuelle
et de comportements sexuels abusifs, ainsi que l’obligation de tenir
compte des règles du Conseil de l’Europe en matière de protection
de la dignité, de coopérer avec les mécanismes correspondants et
de tenir compte des décisions susceptibles de découler d’une procédure
pour harcèlement;
13.2.2. pour faire en sorte que les recommandations de la Commission
contre le harcèlement et/ou les décisions du Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe résultant de l’application de l’Arrêté no 1292
puissent être suivies par l’Assemblée dans le cadre de son Code
de conduite;
13.3. demande au Bureau de l’Assemblée de veiller à ce que,
dans le contexte de l’observation d’élections par l’Assemblée, la
question des violences faites aux femmes, notamment le sexisme et
le harcèlement sexuel, soit systématiquement prise en compte et
incluse dans les révisions futures des Lignes directrices pour l’observation
des élections par l’Assemblée parlementaire.
14. L’Assemblée prend note de la révision prévue de l’Arrêté no 1292
afin de renforcer son efficacité et rappelle la nécessité d’une
application cohérente de cet arrêté et du Code de conduite des membres
de l’Assemblée.