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Résolution 2286 (2019)

Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 24 mai 2019 (voir Doc. 14888, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Serhii Kiral).

1. Dans toute l’Europe, malgré les progrès importants réalisés ces dix dernières années, la pollution atmosphérique représente toujours le plus grand risque environnemental pour notre santé, provoquant des maladies et réduisant la durée de vie. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l’air extérieur tue environ 4,2 millions de personnes dans le monde chaque année. En Europe, la pollution atmosphérique est responsable d’au moins 753 000 décès par an. Les études récentes montrent cependant que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé, la pollution atmosphérique faisant plus de victimes que le tabagisme. D’après l’OMS, le fardeau pour l’économie mondiale des décès prématurés dus à la pollution de l’air extérieur se chiffre à 5 700 milliards USD de pertes en termes de prospérité, ou représente jusqu’à 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) mondial.
2. La pollution atmosphérique nuit aussi à la santé en provoquant des pathologies telles que des maladies respiratoires (en particulier l’asthme), des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux et des cancers du poumon. Il existe également un lien étroit avec le diabète, l’obésité et la démence. Au début de la vie, la pollution atmosphérique est associée à un faible poids à la naissance, à des altérations du système immunitaire, à la réduction de la capacité pulmonaire, à des retards dans le développement neurocognitif et à la réduction du niveau de l'intelligence. Des études récentes ont également établi un lien entre pollution de l’air et troubles mentaux chez l’enfant. Parmi les nombreux polluants, les plus nocifs pour la santé humaine sont les particules fines, le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone.
3. Étant donné que trois Européens sur quatre vivent en ville, ils sont fortement exposés à l’air toxique dû à la circulation urbaine, à la production d’énergie, aux industries et au chauffage domestique – qui nécessitent pour la plupart la combustion de combustibles fossiles, notamment le diesel – mais aussi à l’incinération de déchets. En milieu rural, le secteur agricole contribue de manière significative à la pollution de l’air par l’usage intensif de traitements phytosanitaires. Nul ne peut échapper à la pollution de l’air et, puisque celle-ci traverse les frontières très facilement, des politiques et des actions concertées dans toute l’Europe sont nécessaires.
4. L’Assemblée parlementaire considère que respirer un air propre est un droit humain fondamental: où que nous vivions, nous avons besoin d’un air respirable qui ne raccourcisse pas notre espérance de vie et qui ne nuise pas à notre santé. Les pouvoirs publics ont une responsabilité directe dans la mise en place effective de politiques réglementaires de lutte contre la pollution de l’air. L’Assemblée note que les normes contraignantes actuelles de l’Union européenne sur l’exposition aux polluants atmosphériques constituent un point de repère utile pour ses États membres, et que ces normes devraient être pleinement alignées sur les lignes directrices plus strictes de l’OMS sur la qualité de l’air, et mieux appliquées. Les pays hors de l’Union européenne devraient suivre les lignes directrices de l’OMS et les intégrer dans les lois nationales afin de mieux protéger la santé publique.
5. L’Assemblée estime qu’une action multilatérale visant à réduire la pollution de l’air extérieur non seulement permettrait de sauver des vies, de prévenir les maladies et d’améliorer les budgets de santé publique, mais permettrait aussi aux États membres de contribuer à la réalisation des Objectifs du Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, en particulier l’objectif 3 (bonne santé et bien-être pour tous), l’objectif 7 (énergie propre), la cible 11.6 (qualité de l’air et gestion des déchets en ville), la cible 11.2 (accès à des transports viables) et l’objectif 13 (changements climatiques). Toutes les générations, présentes et futures, ont le droit de jouir d’un environnement de vie sain.
6. L’Assemblée apprécie et soutient le plan d’action de l’OMS adopté en 2018 – le Programme d’action de Genève pour lutter contre la pollution de l’air – qui vise à mobiliser les parties prenantes au niveau mondial, national et local pour réduire de deux tiers le nombre de décès dus à la pollution atmosphérique d’ici à 2030. L’Assemblée salue également l’action de l’OMS visant l’intégration de nouveaux éléments qui démontrent la toxicité de la pollution atmosphérique, sous la forme d’orientations politiques à l’intention des États membres. Pour ce faire, l’OMS se fonde sur ses Lignes directrices relatives à la qualité de l’air qui sont actuellement réévaluées, en particulier concernant les particules fines, l’ozone, le NO2, le SO2, le monoxyde de carbone et le benzène, ainsi que certains métaux lourds.
7. L’Assemblée déplore le fait que les conséquences d’une exposition excessive chronique à la pollution atmosphérique soient les pires pour les catégories de population les plus vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes à la santé précaire et certaines catégories de travailleurs). Elle est préoccupée en outre par le fait que, dans toute l’Europe, les inégalités sociales – à l’intérieur des pays et entre eux – tendent à pénaliser les segments les plus pauvres de la population face aux maladies et à la mortalité causées par la pollution atmosphérique. Les niveaux d’exposition sont les plus élevés en Europe de l’Est et du Sud-Est, régions qui connaissent des taux de pauvreté et de chômage importants, et à l’intérieur des pays dans les zones urbaines les plus défavorisées sur le plan social.
8. L’Assemblée demande instamment aux États membres de faire de la lutte contre la pollution de l’air une priorité politique, car il est impératif de protéger la santé publique. Elle leur recommande:
8.1. d’accroître leur coopération avec l’Agence européenne pour l’environnement en participant pleinement – comme membres ou comme pays coopérants – à la collecte de données destinées au Réseau européen d’information et d’observation sur l’environnement (European Environment Information and Observation Network – Eionet), en particulier pour le suivi des niveaux de pollution atmosphérique en temps réel;
8.2. de veiller à ce que les capacités nationales soient suffisantes pour contrôler la qualité de l’air et pour informer le public en temps réel des niveaux de pollution atmosphérique par rapport aux normes de qualité de l’air de l’OMS;
8.3. de mettre en place de nouveaux mécanismes de mesure des particules ultrafines (d’un diamètre inférieur à 0,1 micron, encore appelées PM0.1 ou moins) dans l’atmosphère;
8.4. de veiller à ce que des dispositions juridiques soient mises en place au niveau national pour permettre aux collectivités locales d’adopter des écotaxes et d’autres mesures utiles (notamment des restrictions de la circulation, la piétonnisation de certaines zones, la planification d’un urbanisme durable, l’interdiction de brûler de la biomasse, des unités d'alerte à la pollution atmosphérique munies de capacités de suivi et d'application de la loi) visant à améliorer la qualité de l’air à l’échelle locale;
8.5. de créer des zones d’air propre autour des établissements scolaires et d’autres établissements qui accueillent des enfants à plein temps, et de garantir un périmètre de sécurité adéquat autour des zones agricoles où sont utilisés des produits phytosanitaires de manière intensive;
8.6. d’étudier la possibilité de mesures spéciales pour limiter la circulation des véhicules diesel et contraindre leurs propriétaires à équiper ces véhicules de filtres à particules, le cas échéant;
8.7. compte tenu de nouveaux éléments d’information, d’inverser la tendance de leurs politiques qui privilégient ou tolèrent le diesel et qui ont été un échec du point de vue climatique et une catastrophe en termes de santé publique, en particulier sous l’angle de la pollution atmosphérique;
8.8. de mettre en place des mécanismes d’alerte qui déclenchent systématiquement des mesures de contrôle et de réduction de la pollution de l’air à l’échelle locale chaque fois que les niveaux de pollution dépassent les valeurs de référence de l’OMS;
8.9. lorsque les stratégies nationales de lutte contre la pollution encouragent une utilisation accrue des véhicules électriques:
8.9.1. de stimuler le recours à des sources d’énergie durables et renouvelables pour la production d’une électricité «propre»;
8.9.2. de garantir la traçabilité des matériaux et des procédés de fabrication des batteries, de sorte qu’aucun maillon de la chaîne de production n’implique le travail d’enfants dans les pays tiers concernés;
8.10. d’accroître l’investissement dans les technologies et les combustibles propres pour l’industrie (surtout pour les secteurs des transports et de l’énergie), l’agriculture et les ménages (notamment pour le chauffage domestique), et de promouvoir des transports publics propres et les déplacements à vélo.
9. L’Assemblée appelle spécifiquement les parlements nationaux à demander des comptes aux gouvernements sur les politiques nationales de lutte contre la pollution de l’air, l’application des exigences relatives à la qualité de l’air et l’adhésion aux instruments juridiques internationaux pertinents, en particulier:
9.1. la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) et ses protocoles, en particulier le Protocole de Göteborg (modifié en 2012);
9.2. la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), qui contraint les parties à mettre un terme à l’émission de dioxines;
9.3. la Convention de Minamata sur le mercure des Nations Unies.
10. Enfin, l’Assemblée demande instamment à la Commission européenne de profiter de la révision en cours de ses directives sur la qualité de l’air pour relever les normes de l’Union européenne en la matière afin d’aligner les seuils de référence de l’Union européenne avec les normes de l’OMS dès que le processus de réévaluation de l’OMS sera achevé. De même, l’Assemblée appelle le Parlement européen à suivre de près le processus de révision des normes et directives de l’Union européenne sur la qualité de l’air. L’Assemblée invite également, le cas échéant, la Commission européenne à utiliser les instruments de préadhésion pour soutenir les efforts visant à améliorer la qualité de l’air dans les pays voisins.