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Résolution 2286 (2019)
Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique en Europe
1. Dans toute l’Europe, malgré les
progrès importants réalisés ces dix dernières années, la pollution atmosphérique
représente toujours le plus grand risque environnemental pour notre
santé, provoquant des maladies et réduisant la durée de vie. Selon
les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution
de l’air extérieur tue environ 4,2 millions de personnes dans le
monde chaque année. En Europe, la pollution atmosphérique est responsable
d’au moins 753 000 décès par an. Les études récentes montrent cependant
que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé, la pollution
atmosphérique faisant plus de victimes que le tabagisme. D’après
l’OMS, le fardeau pour l’économie mondiale des décès prématurés
dus à la pollution de l’air extérieur se chiffre à 5 700 milliards USD
de pertes en termes de prospérité, ou représente jusqu’à 4,4 % du
produit intérieur brut (PIB) mondial.
2. La pollution atmosphérique nuit aussi à la santé en provoquant
des pathologies telles que des maladies respiratoires (en particulier
l’asthme), des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux et
des cancers du poumon. Il existe également un lien étroit avec le
diabète, l’obésité et la démence. Au début de la vie, la pollution
atmosphérique est associée à un faible poids à la naissance, à des
altérations du système immunitaire, à la réduction de la capacité
pulmonaire, à des retards dans le développement neurocognitif et
à la réduction du niveau de l'intelligence. Des études récentes
ont également établi un lien entre pollution de l’air et troubles
mentaux chez l’enfant. Parmi les nombreux polluants, les plus nocifs
pour la santé humaine sont les particules fines, le dioxyde d’azote
(NO2) et l’ozone.
3. Étant donné que trois Européens sur quatre vivent en ville,
ils sont fortement exposés à l’air toxique dû à la circulation urbaine,
à la production d’énergie, aux industries et au chauffage domestique
– qui nécessitent pour la plupart la combustion de combustibles
fossiles, notamment le diesel – mais aussi à l’incinération de déchets.
En milieu rural, le secteur agricole contribue de manière significative
à la pollution de l’air par l’usage intensif de traitements phytosanitaires.
Nul ne peut échapper à la pollution de l’air et, puisque celle-ci
traverse les frontières très facilement, des politiques et des actions
concertées dans toute l’Europe sont nécessaires.
4. L’Assemblée parlementaire considère que respirer un air propre
est un droit humain fondamental: où que nous vivions, nous avons
besoin d’un air respirable qui ne raccourcisse pas notre espérance
de vie et qui ne nuise pas à notre santé. Les pouvoirs publics ont
une responsabilité directe dans la mise en place effective de politiques
réglementaires de lutte contre la pollution de l’air. L’Assemblée
note que les normes contraignantes actuelles de l’Union européenne
sur l’exposition aux polluants atmosphériques constituent un point
de repère utile pour ses États membres, et que ces normes devraient
être pleinement alignées sur les lignes directrices plus strictes
de l’OMS sur la qualité de l’air, et mieux appliquées. Les pays
hors de l’Union européenne devraient suivre les lignes directrices
de l’OMS et les intégrer dans les lois nationales afin de mieux
protéger la santé publique.
5. L’Assemblée estime qu’une action multilatérale visant à réduire
la pollution de l’air extérieur non seulement permettrait de sauver
des vies, de prévenir les maladies et d’améliorer les budgets de
santé publique, mais permettrait aussi aux États membres de contribuer
à la réalisation des Objectifs du Programme de développement durable
des Nations Unies à l’horizon 2030, en particulier l’objectif 3
(bonne santé et bien-être pour tous), l’objectif 7 (énergie propre),
la cible 11.6 (qualité de l’air et gestion des déchets en ville),
la cible 11.2 (accès à des transports viables) et l’objectif 13
(changements climatiques). Toutes les générations, présentes et
futures, ont le droit de jouir d’un environnement de vie sain.
6. L’Assemblée apprécie et soutient le plan d’action de l’OMS
adopté en 2018 – le Programme d’action de Genève pour lutter contre
la pollution de l’air – qui vise à mobiliser les parties prenantes
au niveau mondial, national et local pour réduire de deux tiers
le nombre de décès dus à la pollution atmosphérique d’ici à 2030. L’Assemblée
salue également l’action de l’OMS visant l’intégration de nouveaux
éléments qui démontrent la toxicité de la pollution atmosphérique,
sous la forme d’orientations politiques à l’intention des États
membres. Pour ce faire, l’OMS se fonde sur ses Lignes directrices
relatives à la qualité de l’air qui sont actuellement réévaluées,
en particulier concernant les particules fines, l’ozone, le NO2,
le SO2, le monoxyde de carbone et le benzène,
ainsi que certains métaux lourds.
7. L’Assemblée déplore le fait que les conséquences d’une exposition
excessive chronique à la pollution atmosphérique soient les pires
pour les catégories de population les plus vulnérables (enfants,
femmes enceintes, personnes à la santé précaire et certaines catégories
de travailleurs). Elle est préoccupée en outre par le fait que,
dans toute l’Europe, les inégalités sociales – à l’intérieur des
pays et entre eux – tendent à pénaliser les segments les plus pauvres
de la population face aux maladies et à la mortalité causées par
la pollution atmosphérique. Les niveaux d’exposition sont les plus
élevés en Europe de l’Est et du Sud-Est, régions qui connaissent
des taux de pauvreté et de chômage importants, et à l’intérieur
des pays dans les zones urbaines les plus défavorisées sur le plan
social.
8. L’Assemblée demande instamment aux États membres de faire
de la lutte contre la pollution de l’air une priorité politique,
car il est impératif de protéger la santé publique. Elle leur recommande:
8.1. d’accroître leur coopération
avec l’Agence européenne pour l’environnement en participant pleinement
– comme membres ou comme pays coopérants – à la collecte de données
destinées au Réseau européen d’information et d’observation sur
l’environnement (European Environment Information and Observation
Network – Eionet), en particulier pour le suivi des niveaux de pollution atmosphérique
en temps réel;
8.2. de veiller à ce que les capacités nationales soient suffisantes
pour contrôler la qualité de l’air et pour informer le public en
temps réel des niveaux de pollution atmosphérique par rapport aux
normes de qualité de l’air de l’OMS;
8.3. de mettre en place de nouveaux mécanismes de mesure des
particules ultrafines (d’un diamètre inférieur à 0,1 micron, encore
appelées PM0.1 ou moins) dans l’atmosphère;
8.4. de veiller à ce que des dispositions juridiques soient
mises en place au niveau national pour permettre aux collectivités
locales d’adopter des écotaxes et d’autres mesures utiles (notamment
des restrictions de la circulation, la piétonnisation de certaines
zones, la planification d’un urbanisme durable, l’interdiction de
brûler de la biomasse, des unités d'alerte à la pollution atmosphérique
munies de capacités de suivi et d'application de la loi) visant
à améliorer la qualité de l’air à l’échelle locale;
8.5. de créer des zones d’air propre autour des établissements
scolaires et d’autres établissements qui accueillent des enfants
à plein temps, et de garantir un périmètre de sécurité adéquat autour
des zones agricoles où sont utilisés des produits phytosanitaires
de manière intensive;
8.6. d’étudier la possibilité de mesures spéciales pour limiter
la circulation des véhicules diesel et contraindre leurs propriétaires
à équiper ces véhicules de filtres à particules, le cas échéant;
8.7. compte tenu de nouveaux éléments d’information, d’inverser
la tendance de leurs politiques qui privilégient ou tolèrent le
diesel et qui ont été un échec du point de vue climatique et une
catastrophe en termes de santé publique, en particulier sous l’angle
de la pollution atmosphérique;
8.8. de mettre en place des mécanismes d’alerte qui déclenchent
systématiquement des mesures de contrôle et de réduction de la pollution
de l’air à l’échelle locale chaque fois que les niveaux de pollution dépassent
les valeurs de référence de l’OMS;
8.9. lorsque les stratégies nationales de lutte contre la pollution
encouragent une utilisation accrue des véhicules électriques:
8.9.1. de stimuler le recours à des sources d’énergie durables
et renouvelables pour la production d’une électricité «propre»;
8.9.2. de garantir la traçabilité des matériaux et des procédés
de fabrication des batteries, de sorte qu’aucun maillon de la chaîne
de production n’implique le travail d’enfants dans les pays tiers
concernés;
8.10. d’accroître l’investissement dans les technologies et
les combustibles propres pour l’industrie (surtout pour les secteurs
des transports et de l’énergie), l’agriculture et les ménages (notamment
pour le chauffage domestique), et de promouvoir des transports publics
propres et les déplacements à vélo.
9. L’Assemblée appelle spécifiquement les parlements nationaux
à demander des comptes aux gouvernements sur les politiques nationales
de lutte contre la pollution de l’air, l’application des exigences relatives
à la qualité de l’air et l’adhésion aux instruments juridiques internationaux
pertinents, en particulier:
9.1. la
Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe
(CEE-ONU) et ses protocoles, en particulier le Protocole de Göteborg
(modifié en 2012);
9.2. la Convention de Stockholm sur les polluants organiques
persistants, du Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE), qui contraint les parties à mettre un terme à l’émission
de dioxines;
9.3. la Convention de Minamata sur le mercure des Nations Unies.
10. Enfin, l’Assemblée demande instamment à la Commission européenne
de profiter de la révision en cours de ses directives sur la qualité
de l’air pour relever les normes de l’Union européenne en la matière
afin d’aligner les seuils de référence de l’Union européenne avec
les normes de l’OMS dès que le processus de réévaluation de l’OMS
sera achevé. De même, l’Assemblée appelle le Parlement européen
à suivre de près le processus de révision des normes et directives
de l’Union européenne sur la qualité de l’air. L’Assemblée invite également,
le cas échéant, la Commission européenne à utiliser les instruments
de préadhésion pour soutenir les efforts visant à améliorer la qualité
de l’air dans les pays voisins.